Monographie de l'église Notre-Dame, cathédrale d'Amiens. Tome 2 / par Georges Durand,... (2023)

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Titre : Monographie de l'église Notre-Dame, cathédrale d'Amiens. Tome 2 / par Georges Durand,...

Auteur : Durand, Georges (1855-1942). Auteur du texte

Éditeur : impr. Yvert et Tellier (Amiens)

Éditeur : A. Picard et fils (Paris)

Date d'édition : 1901-1903

Sujet : Amiens (France)

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30384770m

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 4 vol. dont 2 d'atlas : ill., pl. gravées ; gr. in-4

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Picardie

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6322843m

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2012-166979

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 04/04/2013

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MÉMOIRES

DE LA

SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE

MONOGRAPHIE

DE L'ÉGLISE

NOTRE-DAME CATHÉDRALE

D'AMIENS

Par GEORGES DURAND, Archiviste de la Somme, Président de la Société des Antiquaires de Picardie

TOME II. — MOBILIER ET ACCESSOIRES.

AMIENS IMPRIMERIE YVERT ET TELLIER 37, Rue des Jacobins.

PARIS LIBRAIRIE A. PICARD ET FILS 82, Rue Bonaparte.

M D CCCC III

Volet de tableau, peinture sur bois du xv, siècle. — Voir p. 502.

1

NCOMPARABLE par son architecture, la cathédrale d'Amiens n'est pas moins intéressante par les nombreux accessoires de toutes les époques et de

tous les styles — plusieurs sont de premier ordre — qu'elle renferme encore, malgré tant de destructions infiniment regrettables. Elle est assurément à ce point de vue une des plus riches, sinon la plus riche de la France entière.

Ces accessoires, qui font de la cathédrale d'Amiens un véritable musée, formeront la matière de ce deuxième volume. On y joindra les quelques renseignements qui ont pu être retrouvés sur ceux qui n'existent plus. Ces renseignements, bien entendu, n'ont que la valeur des documents d'où ils proviennent, documents souvent de seconde main, et qui ne sont pas toujours très clairs.

La division par catégories d'objets offrant des difficultés insurmontables, il a paru préférable de suivre en général l'ordre topographique, en commençant par le chœur et le sanctuaire. Pourtant deux morceaux très considérables, les clôtures et les stalles, ont semblé mériter chacun un chapitre spécial. Le mobilier de chaque chapelle sera ensuite décrit de la même manière, puis celui de la nef, du transept et des bas-côtés, travée par travée. Sous le titre Accessoires divers, on placera les vitraux d'une part, les cloches et les horloges de l'autre, les premiers, parce que, malgré le peu qu'il en subsiste, ils forment pourtant un ensemble difficile

à scinder, les autres parce qu'elles n'ont pas de place bien fixe qu'elles peuvent en changer et qu'il est difficile de les considérer isolément. Enfin, sous forme d'appendices, il sera parlé des dépendances, du trésor et de quelques autres objets qui auraient difficilement trouvé leur place dans le corps du volume.

Dans chaque division les renseignements sur l'état ancien seront donnés avant l'état actuel, et la description de chaque objet sera précédée des faits historiques qui le concernent.

Mais avant d'entrer dans le détail, certaines catégories d'objets ont besoin de quelques observations générales.

Les tombeaux encore nombreux que nous pouvons admirer dans la cathédrale d'Amiens et les inscriptions funéraires qui y subsistent, ne sont qu'une minime

partie de ce qu'elle renfermait jadis en ce genre. Les chanoines du XVIIIe siècle et la Révolution en ont détruit beaucoup, et non des moins remarquables.

Nous avons trouvé quelques renseignements sur ceux qui n'existent plus dans différents documents, et notamment dans quatre anciens recueils d'épitaphes. Le plus ancien et le plus exact, celui dont les autres paraissent dérivés, est à la bibliothèque de l'Arsenal (n° 4653). Il provient de Nicolas de Villers de Rousseville.

Un autre est à la Bibliothèque Nationale (ms. fr. 8228); c'est le plus incorrect de tous.

Un troisième appartient à la société des Antiquaires de Picardie (T, 1-10). Il est intéressant parce qu'il est accompagné de dessins, fort grossiers à la vérité, mais qui aident à se faire une idée de la disposition et de l'importance des monuments. Les blasons y sont aussi dessinés et peints.

Le quatrième est aux archives du département de la Somme et paraît provenir du chanoine Villeman.

Ces épitaphiers contiennent évidemment maintes fautes de lecture : les textes latins renferment de nombreux barbarismes, il y a beaucoup de vers faux; les armoiries sont très souvent mal blasonnées. Nous avons transcrit le tout comme nous l'avons trouvé, sans assumer aucune responsabilité.

Comme ces quatre documents seront très souvent cités, pour plus de simplicité, nous désignerons chacun d'eux par une lettre : le ms. Arsenal 4653, par la lettre A; le ms. Bibl. Nat. fr. 8228, par la lettre B; le ms. des Antiquaires de Picardie, par la lettre C, et le ms. des Archives de la Somme, par la lettre D.

Malgré le chiffre respectable de tombeaux et d'inscriptions que nous avons relevés, nous savons qu'il doit nous en manquer, du moins parmi ceux qui n'existent plus. Il y en a certainement un grand nombre dont nous n'avons pu retrouver la trace, sans compter toutes les sépultures pour lesquelles il n'a jamais existé ni monuments ni inscriptions. Dès le XIIIe siècle, en effet, un très grand nombre de personnes, chanoines, chapelains, laïques même des deux sexes, ont été inhumées dans la cathédrale. Il semble que la qualité de bienfaiteur de l'église ait dû suffire pour jouir de cette faveur. Un article d'une transaction entre l'évêque et le chapitre de 1327, v. s., le laisse entendre assez clairement, en décidant que, dans la cathédrale, les fosses pour les chanoines, chapelains ou vicaires, se feront sans l'autorisation de l'évêque ni de l'official, tandis que, pour les laïques des deux sexes, il faudra le consentement simultané de l'évêque ou de son officiai et du chapitre (1).

Une autre transaction passée deux cents ans plus tard entre le chapitre et le cardinal Hémard, reconnaît au chapitre le droit de faire enterrer dans la cathédrale, sans l'assentiment de l'évêque, les chanoines, chapelains et vicaires, ainsi que les bienfaiteurs de l'église, clercs ou laïcs (2). Les fouilles nécessitées par les travaux faits à la cathédrale mettent d'ailleurs souvent au jour des sépultures inconnues et dont rien ne révèle extérieurement l'existence.

(1) 3 janvier 1327, v. s. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G 380. — « Et in recenti contigerit quod, pro inhumatione corporis defuncte domine uxoris quondam et ultimo domini Bohordi Kieret, militis, que in ecclesia Ambianensi, suam, ut dicebatur, elegerat sepulturam, nonnulli operarii fabrice et capituli ac alii infra dictam ecclesiam, videlicet in capella Sancti Thome, in uno vel

pluribus locis incepissent fodere et foveam seu foveas facere habiles ad corpus seu corpora inhumanda », etc.

7 janvier 1352, v. s. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G 384.

(2) 4 janvier 1538, v. s. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G 390.

Il semble qu'à l'origine c'était le varlet de l'œuvre qui creusait les fosses pour les inhumations dans l'intérieur de la cathédrale (i), mais que, plus tard, et notamment au XVIIIe siècle, le couvreur fut chargé de ce soin (2).

Nous nous rappelons (3) que, de 1894 à 1897, le dallage de la nef, du transept et des bas-côtés a été entièrement refait. Un grand nombre de carreaux composant ce dallage portaient des inscriptions funéraires. La plupart de celles-ci ont été rétablies dans le nouveau, mais comme le relevé que j'en ai fait date du temps où l'ancien dallage existait encore, j'ai cru préférable de les grouper toutes ensemble aux appendices, au lieu de les intercaler dans la description du mobilier de la net.

Elles s'y seraient d'ailleurs trouvées un peu perdues, car elles sont généralement fort courtes.

Il n'est pas possible d'aborder la description du mobilier de la cathédrale d'Amiens sans dire un mot d'une institution qui a enrichi cet édifice d'une énorme quantité d'objets d'art, dont la plus grande partie a disparu à la vérité, mais dont il subsiste encore de nombreux spécimens plus ou moins entiers. Il n'entre pas dans les limites de cet ouvrage d'entreprendre une étude détaillée de la célèbre confrérie du Puy d'Amiens, d'analyser ses statuts, de suivre son développement littéraire, les rapports qu'elle peut avoir avec les institutions du même genre (4).

Qu'il nous suffise de rappeler brièvement ce qu'elle était et de donner un court aperçu historique et artistique des œuvres dont elle a enrichi notre cathédrale.

De toutes les associations analogues, la confrérie du Puy d'Amiens est peut-être celle sur laquelle on possède le plus de documents (5). Ces documents regardent surtout les usages, les biens de la confrérie et les pièces littéraires inspirées par elle.

Ils sont à peu près muets, ce qui nous intéresserait bien davantage, sur les œuvres d'art dont les confrères avaient enrichi la cathédrale et surtout sur leurs auteurs (6).

La confrérie du Puy Notre-Dame d'Amiens — et non de Notre-Danle du Puy, comme on le dit trop souvent — aurait été créée en 1388 (7) par les rhétoriciens de cette ville, en imitation sans doute des confréries du même genre qui existaient depuis beaucoup plus longtemps dans les villes flamandes (8). D'après ses statuts

(1) 3 janvier 1375, v. s. « Super captione et incarceratione Raynaudi Bete, famuli fabrice, qui faciebat in ecclesia fossam quondam magistri Gaufridi Fullonis, canonici Ambianensis, factis per gentes ipsius domini episcopi ». Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G 653.

Cartul. VI, fol. 20, yO,

(2) Arch. de la Somme, Recueil de Robert Boulye.

(3) Voy. ci-dessus, t. I, p. 464.

(4) On peut consulter à ce sujet BREUIL, La Confrérie de N.-D. du Puy d'Ain., dans Mèm. de la Soc. des Allt, de Pic., in-8°, t. XIII, pp. 487 à 680. — RIGOLLOT ET BREUIL, Les Œuvres d'art de la Confr. de N.-D. du Puy d'Ain., même recueil, t. XV, pp. 391 à 482. Mémoires très complets, mais qui auront un jour besoin d'être rajeunis. — Voy. aussi DE COURT, Mémoires, 1. III, ch. 1.

(5) Ils abondent en effet, soit aux Archives de la

Somme, soit à la Bibliothèque Nationale, collection Dom Grenier, soit dans plusieurs collections particulières, mais dont certaines sont d'un accès assez peu commode.

(6) A ce point de vue, A. Dubois a exhumé des archives notariales d'Amiens quelques renseignements fort intéressants pour la fin du XVIe siècle et le commencement du XVIIe,

M Statuts de ladite confrérie de 14^1.

(8) Cf. LÉON LEFEBVRE, Le Puy Notre-Dame de Lille, dans Bull, de la Commiss. lzistor, du dcp. du Nord, 1901.

- Il faut observer qu'au commencement du xve siècle, les registres de la ville d'Amiens mentionnent aussi le Puy des Sos, le Puy des Arbalétriers. Arch. de la ville d'Am., Comptes de 1409-10, 1413-14, CC 14, fol. 73 et 74 vo; CC 15, fol. 69 et 73 v°.

#

renouvelés en 1451 (1), elle célébrait sa fête principale le jour de la Purification de la Sainte-Vierge, vulgairement appelée la Chandeleur (2 février) (2). Ce jour là, on élisait un maître pour un an. Passant sous silence les divers exercices religieux, littéraires ou autres auxquels la confrérie devait se livrer, disons seulement que le maître élu le jour de la Purification, était obligé de faire faire un tableau destiné à être mis dans la cathédrale d'Amiens, au lieu spécialement désigné à cet effets à la place de celui de son prédécesseur, qui était enlevé. Ce tableau, où était inscrit un refrain choisi par le maître à la louange de la Vierge Marie, demeurait à cet endroit jusqu'à Noël de l'année suivante, qu'il était remplacé par celui du maître alors en charge, et ainsi de suite.

Le tableau principal de chaque maître était accompagné généralement de tablettes sur lesquelles le chant royal et les autres poésies étaient inscrits et où étaient peintes les histoires auxquelles le chant royal faisait allusion (3).

En 1493, v. s., par une délibération prise sous la maîtrise d'Adrien de Hénencourt, alors prévôt du chapitre (4), il fut arrêté que tous les tableaux demeureraient dans la cathédrale. Le tableau du maître en charge continuerait toujours à être placé le jour de Noël au lieu habituel, mais, l'année révolue, il serait mis, avec le consentement du chapitre et par les soins de son donateur, à une autre place dans la cathédrale, au choix de ce dernier. Il fut en même temps décidé que la messe que l'on disait tous les jeudis pour la confrérie dans l'église Saint-Martin-aux-Waides, le serait dorénavant à l'autel du Pilier Rouge (5) de la cathédrale. La même délibération nous apprend que, depuis longtemps déjà, chaque maître avait coutume de mettre un cierge devant son tableau, sur un candélabre placé à cet effet. Il est décidé que ces cierges seront allumés aux vêpres de toutes les fêtes de cum eo, c'est-à-dire, croit-on, celles où l'évêque officiait en personne, et à la messe de minuit du jour de Noël.

Ajoutons que chaque tableau était généralement muni d'une paire de volets, aussi couverts de peintures.

A l'origine, les fêtes religieuses de la confrérie se faisaient généralement dans la paroisse du maître en charge ou dans une église de son choix. En i5oi, v. s., le chapitre lui permit de célébrer son service habituel à l'autel du Pilier Rouge de la cathédrale, qui devint dès lors l'autel de la confrérie. Les principales fêtes avaient lieu dans la nef de la même église (6).

(1) Publ. par Breuil, dans Mém. de la Soc. des Ant.

de Pic., in-8°, t. XIII, pp. 491 et 609.

(2) 11 est bon de remarquer que, soit que l'on suive le style royal qui renouvelait la date à Pâques, soit que l'on suive le style particulier de la ville d'Amiens, qui la renouvelait le 25 mars, le 2 février se trouve avant l'une et l'autre de ces deux dates. Comme le maître de la confrérie était élu chaque année le jour de la fête principale, le millésime qui accompagne son nom dans les listes jusqu'en 1570 est toujours au vieux style. Fidèle à notre principe c'est aussi ce style que nous suivrons, mais en ayant soin de l'indiquer par la mention v. s.

Nous avons déjà vu (t. I, p. 514) que cette observation avait son intérêt. Nous aurons encore l'occasion de le constater. — De 1476 à 1483, v. s., la fête et le renouvellement du maître eut lieu le 8 septembre, fête de la

Nativité de la Sainte-Vierge. La Purification fut reprise le 2 février 1483, v. s. Arch. de la Somme (Confr.

du Puy N.-D.), E 928, fol. 1 v°.

(3) En 1544, un grand nombre de ces tablettes furent volées. Monitoire du 25 août 1544. Arch. de la Somme (Confr. du Puy N.-D.), E 987.

(4) Délibér. du 9 janvier 1493, v. s. Bibl. Nat., mss.

Picardie ; publ. par Breuil dans Mém. de la Soc. des Ant.

de Pic., in-8°, t. XIII, p. 613.

(5) Chapelle XVI.

(6) Délib. capitul. du 3 févr. 1501, v. s. — L'année précédente (20 décembre 1500), l'évêque Pierre Versé avait accordé « corps commun, arche et sceau » à la confrérie. Acte publ. par Breuil et Rigollot dans Mém.

de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. XIII, p. 623. Elle devint par la suite assez riche.

Le plus ancien tableau sur lequel nous soyons renseigné est celui qui fut offert par Simon Pertrisel, maître en 1452. Il n'existe plus.

Au mois de juin 1517, le roi François Ier vint à Amiens avec la reine et la duchesse d'Angoulême, sa mère. On leur fit une réception magnifique. Devant les officiers municipaux d'Amiens, Louise de Savoie exprima le souhait de posséder un souvenir des tableaux du Puy qu'elle avait admirés dans la cathédrale, ainsi que des ballades et chants royaux qui les accompagnaient. Désirant lui être agréable, les maire et échevins passèrent marché avec Jacques Platel, peintre (1), pour prendre les croquis des tableaux. Jean des Béguines, prêtre (2), fut chargé de transcrire « en bonne lettre de forme » les ballades et chants royaux, et Guy le Flameng, enlumineur, d'en peindre les lettres capitales. Ne trouvant pas dans Amiens d'artiste assez habile pour mettre en couleurs les dessins de Jacques Platel, Pierre Louvel, échevin, qui allait à Paris pour une affaire de la ville, prit le livre avec lui et traita à cet effet avec Jean Pinchore (3), enlumineur. Le volume fut relié en velours pers par Pierre Faucheux, relieur à Paris. Le tout coûta 384 livres. L'ouvrage terminé fut porté à Amboise par deux échevins, qui le présentèrent à la princesse (4).

Il existe encore, et se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale (5). C'est un magnifique volume en parchemin (6). Au verso de chaque feuillet est une grande miniature, et au recto qui lui fait vis-à-vis, le chant royal correspondant.

La première miniature servant de frontispice représente les deux échevins offrant le livre à la duchesse. Suivent les copies de quarante-sept tableaux (7). Il ne faut pas prendre le mot copie dans son sens strict, tel que nous l'entendrions aujourd'hui.

Ce n'était pas dans les habitudes du temps; il eût été d'ailleurs bien difficile de faire rentrer dans un si petit espace des tableaux qui avaient en général 1 m50 de haut et qui étaient généralement surchargés de détails. Jacques Platel a donc pris le parti, non pas de réduire les tableaux à l'échelle des miniatures, mais de les simplifier, tout en conservant leur donnée générale (8). Breuil et Rigollot (9) ont été un peu sévères pour ces miniatures, en disant qu'elles ont été exécutées « avec un talent assez médiocre ». Elles sont meilleures qu'ils semblent le laisser entendre.

Il y a notamment quelques portraits de donateurs qui, s'ils n'ont pas toutes les

(1) Jacques Platel est cité dans les reg, de la ville d'Amiens depuis 1494-95. Arch. de la ville d'Am., Compte de 1494-95, CC 73, fol. 135 v°. Il vivait encore en 1521.

(2) Celui qui, plus tard, écrira l'épitaphe d'Adrien de Hénencourt.

(3) Sous François Ier, le beau temps de la miniature était passé; il devait n'y avoir plus guère à Paris que des praticiens chargés de recouvrir de couleurs et d'or les gravures sur bois qui ornaient les ouvrages imprimés, et encore cette mode commençait-elle à passer. En 1520 l'hôtel-Dieu de Paris acheta des terres à Jehan Picore « historieur et bourgeois de Paris ». Est-ce le même que notre Jean Pinchore? Arch. hosp. de Paris, Hôtel-Dieu, 6589. RENOUARD, Docum. sur les impr. libr. ayant exercé à Paris de 1450 à 1600, p. 220. — Sur ce ms., voy.

P. PARIS, Les mss.français de la bibl. du Roi, t. 1, p. 297,

(4) Arch. de la ville d'Am.,CC 95 (Compte de 1517-18), fol. 151.

(5) Mss. fr. 145.

(6) Haut., 558 mill.; larg., 378 mill.

(7) Le plus ancien est de 1458; le plus récent, de 1515*

(8) Jacques Platel, disent Breuil et Rigollot (Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. XV, p. 401), « aura trouvé plus commode de composer comme il l'entendait, les images destinées à accompagner les chants royaux, que de copier avec exactitude les tableaux de la cathédrale p, Ce n'est pas tout à fait exact. Nous possédons un fragment notable d'un des tableaux reproduits dans le manuscrit, celui d'Antoine de Cocquerel, maître du Puy en 1499, v. s. On peut se convaincre, en le comparant à la miniature, que Platel a bien conservé la donnée générale, tout en simplifiant les détails. Les descriptions, si incomplètes qu'elles soient, que nous possédons de plusieurs autres tableaux, donnent généralement la même impression. Il faut dire aussi que l'enlumineur, qui n'avait pas vu les tableaux, a pu avoir par endroits mal compris le dessin de Jacques Platel, et n'a pu, dans tous les cas, reproduire exactement le coloris.

(9) Loc. cit.

garanties de ressemblance, sont cependant d'une exécution très soignée. A défaut des originaux, nous décrirons donc ces miniatures, qui peuvent donner des premiers une idée approximative.

Vers la fin du XVIe siècle, les maîtres du Puy, les plus généreux ou les plus riches sans doute, commencèrent à offrir des clôtures de chapelles (de 1584 à 1615) (1), et plus tard (à partir de 1616), des retables d'autels pour ces mêmes chapelles.

Mais clôtures et retables comportaient toujours le tableau obligatoire, que l'on tâchait généralement de faire rentrer dans leur ornementation.

En 1625, le maître du Puy fut le sculpteur Nicolas Blasset. Au lieu du tableau, il offrit un petit monument en bois sculpté par lui-même. Dès lors les maîtres ne se crurent plus obligés de présenter nécessairement un tableau : beaucoup le remplacèrent par d'autres objets : monuments de sculpture, pièces d'argenterie, vêtements sacerdotaux, etc. On offrit jusqu'à une maison. La dernière offrande connue est celle de Charles Guébuin, en 1686, qui donna trois aubes. C'est d'ailleurs vers cette époque que l'usage de réciter des ballades le jour de la Chandeleur fut aboli (2). Toutefois la confrérie subsista jusqu'à la Révolution, mais elle se bornait à des exercices religieux (3).

Bien longtemps auparavant, les tableaux des maîtres avaient disparu, sous prétexte qu'ils encombraient la cathédrale (4). Dès 167 1, François Moreau, chanoine, maître de la fabrique, nonobstant l'opposition des maîtres de la confrérie, avait fait enlever tous les volets des tableaux, et les avait fait servir à la décoration des chapelles (5).

Mais ce n'était qu'un commencement. Nous nous rappelons (6) qu'en 1723, l'évêque et le chapitre firent disparaître tous les tableaux, en dépit des réclamations et des oppositions judiciaires des confrères et d'autres personnes (7). Les tableaux qui n'avaient pas été détruits dans cette opération précipitée furent les uns envoyés aux églises de campagne dépendant du chapitre, les autres placés dans les chapelles de la nef. Tableaux et volets disparurent lors de la nouvelle décoration de ces chapelles dans la seconde partie du XVIIIe siècle.

Sans parler de quelques monuments de sculpture du XVIIe siècle conservés dans la cathédrale, on connaît environ une vingtaine de ces tableaux encore existants, en tout ou en partie, de différents côtés. L'évêché d'Amiens et le musée de cette ville (8) en possèdent le plus grand nombre. Il y en a aussi quelques autres dans des églises et chez des particuliers.

(1) En 1602, Antoine Pestel, prieur des Jacobins, offrit une chaire à prêcher, mais dans l'ornementation de laquelle on trouva moyen de faire entrer le tableau obligatoire du maitre du Puv.

(' (2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 296.

(3) Il janvier 1791. Lettre de Claude-Denis Bernault, prévôt de la confrérie du Puy, au directoire du district d'Amiens, demandant que la confrérie soit maintenue et qu'on lui laisse la disposition des ornements et vases sacrés qui lui appartenaient. Arch. de la ville d'Am., P 5, 1792,

(4) Il y en avait ordinairement quatre à chaque pilier.

Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 282.

(5) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 46. — Mss. de Pagès, édit.

Douchet, t. V, p. 304. - Il faut croire que le chapitre n'était pas depuis longtemps dans ces idées, car en 1661, c'était lui-même qui s'opposait à ce que les maîtres de la confrérie pussent ôter les susdits volets et qui priait le maître de la fabrique « de leurs faire entendre que sitost qu'ils ont donné quelque chose à l'église, ils n'ont plus de droit d'y toucher, sinon pour les faire nettoyer ».

Ibid.

(6) Voy. ci-dessus, t. I, p. 91.

(7) Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 321) donne avec des termes de blâme tous les détails de cette destruction.

(8) Cinq de ces tableaux, des années 1518, v. s., 1519, v. s., 1520, v. s., 1521, v. s., et 1525 v. s., conservés à l'évêché d'Amiens, étaient entourés de cadres en bois

Indépendamment du style de leur époque, et du talent plus ou moins grand de leur auteur, tous ces tableaux sont généralement disposés d'après un programme à peu près uniforme. Au centre de la composition, la Vierge Marie est représentée soit debout, soit assise, presque toujours avec l'Enfant-Jésus. Elle exécute l'action et elle est entourée des attributs ou des scènes allégoriques auxquels le chant royal fait allusion, et d'autres encore. Dans le bas et sur les côtés, les portraits du donateur et de sa femme, s'il en a une, sont figurés à genoux devant des prie-Dieu à leurs armes. Ils sont accompagnés de leurs parents et amis, et souvent aussi de grands personnages contemporains que le maître voulait honorer : le pape, le roi de France, l'empereur, l'évêque d'Amiens, etc., etc. Près de la figure du donateur est une banderole où son refrain est écrit.

Cette tradition a influé même sur le caractère artistique des tableaux. Tous, même les plus récents (premier quart du XVIIe siècle), ont un cachet archaïque bien remarquable : point de vue placé très haut, paysages finement touchés dans les lointains, etc.

Les plus remarquables de ces tableaux sont certainement les plus anciens, notamment les quatre de 1518, v. s. à 1521, v. s., possédés par l'évêché d'Amiens et qui sont de véritables merveilles (1). Les autres sont pourtant loin d'être sans intérêt et sans valeur, principalement à cause des portraits qui y figurent et qui tendent de plus en plus à prendre dans les tableaux la place prépondérante, alors que les sujets allégoriques sont relégués à l'arrière-plan. Ces portraits sont généralement faits avec grand soin et grande sincérité. Nous possédons des premières années du XVIIe siècle un groupe de tableaux fort intéressants à ce point de vue.

On a été assez heureux pour retrouver le nom de l'auteur de l'un d'eux, Mathieu Prieur : il serait peut-être téméraire de lui attribuer les autres, malgré un air de famille bien évident qu'ils ont entre eux.

Les tableaux du Puy d'Amiens ont une très grande importance au point de vue de l'histoire de l'art. Ils ont en outre l'immense et rare avantage que chacun d'eux est daté d'une façon certaine, car on possède la liste des maîtres du Puy avec leurs refrains depuis 1389 (2), et comme chaque tableau porte le refrain du maître qui l'a donné, il est aisé d'en retrouver la date (3).

Indépendamment des tableaux du Puy, au nombre de plus de deux cents, la

très richement et très délicatement sculptés. La duchesse de Berry étant venue à Amiens en 1825, parut s'intéresser à ces jolis cadres. L'évêque, Mgr de Chabons, s'empressa de les lui offrir. Dédaignant les tableaux, la duchesse ne prit que les cadres. Quelques années plus tard, la société des Antiquaires de Picardie, qui créait un musée, demanda ces tableaux à Mgr de Chabons. Ils ne lui furent pas refusés; mais Mgr Mioland, successeur de Mgr de Chabons, les réclama et les fit restituer à l'évêché par décision ministérielle. La duchesse de Berry avait placé les cadres au château de Rosny. En 1847, sur les instances de la société des Antiquaires de Picardie, elle en offrit trois au musée d'Amiens. En 1865, à la suite de démarches faites par l'abbé Corblet, la même societé racheta du comte de Chambord les deux derniers, qui étaient alors à Venise. Voilà comment il se fait que l'évêché

d'Amiens possède des tableaux dont les cadres sont au musée. Le musée d'Amiens possède d'ailleurs des copies de plusieurs des tableaux. Cf. RIGOLLOT ET BREUIL, les Œuvres d'art de la confrérie de N.-D. du Puy à Ain., dans Mlm, de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. XV, p. 408. — Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. III, 1840, pp. 228 et 278; t. IX, 1867, pp. 9 et 26.

(1) bur ces tableaux, voy. KIGOLLOT, Hist. des arts du dessin, t. II, p. 250. — DARCEL, dans Galette des Beaux Arts, t. VII (1860, t. IV), p. 39, — etc.

(2) Elles sont notamment dans les épitaphiers et gravées sur des tables de marbre placées dans la cathédrale en 14 bc.

(3) Nous avons cru qu'il ne serait pas inutile de donrer la liste de ces maîtres avec leurs refrains. On la trouvera aux appendices.

cathédrale d'Amiens en renfermait un très grand nombre d'autres, sur plusieurs desquels nous possédons quelques renseignements. Tous ces tableaux devaient constituer un ensemble artistique du plus grand intérêt, et, même aux XVIIe et XVIIIe siècles, leur valeur était hautement appréciée des esprits cultivés (i).

Le bienveillant concours de ceux qui avaient bien voulu m'aider dans l'impression du premier volume, ne m'a pas fait défaut pour celui-ci. Qu'ils en reçoivent tous l'expression de ma plus sincère reconnaissance. Je croirais pourtant manquer à la plus stricte justice en ne mentionnant pas tout spécialement M. Robert de Guyencourt dont l'infatigable obligeance et les connaissances étendues sur les familles et les blasons Amiénois m'ont fourni nombre de précieux renseignements.

(i) « Pictis tabulis superbiunt interiora templi ».

MERIAN, Topogr. regia Galliæ, Picardia, p. 14. —

« Ceux qui se connoissent en peinture et qui aiment le

bel art ont de quoi se satisfaire en les considérant ».

Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, pp. 90 et 91. — Voy.

aussi Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), passim.

J"ig.l81.— Statue funéraire du Cardinal J. de la Grange.'

CHAPITRE V

CHOEUR ET SANCTUAIRE

1

DISPOSITION ET AMEUBLEMENT AVANT LE XVIIIe SIÈCLE.

Jubé.

u

N jubé ou « pulpitre » fermait jadis 1 entree du chœur entre les deux gros piliers 17 a et 18 a. On peut se faire une idée approximative de son ordonnance par les descriptions assez détaillées mais non toujours très claires

qu'en ont données Pagès (1) et l'auteur du manuscrit de Machart (2) qui l'ont encore vu en place, et aussi par le plan et l'élévation un peu trop sommaire, malheureusement, qui s'en trouvent dans les dessins de 1727 (fig. 182 et 183) (3).

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 426.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 322 et 374.

(3) Collect. Soyez, - L'élévation dujubé extraite de ces

dessins a été reproduite une première fois en lithographie, dans les Monuments anciens et modernes de la ville d'Amiens, pl. XLIV, et récemment, d'une façon plus exacte dans la Picardie historique et monumentale,

Il était tout en pierre, large de 42 pieds et haut de 25. Élevé de quatre marches de pierre noire au-dessus du sol de la nef, il formait un portique comprenant sept arcs brisés sur sa face principale, et un sur chaque côté en retour.

FIG. 182. — Le Jubé, en 1727.

L'extrados de ces arcs était orné de crochets. Le dessin de 1727 laisse supppser, dans son imperfection, que l'arc du milieu était orné à son intrados, soit d'une

FIG. 183. — Coupe du Jubé (1727).

guirlande de feuillages, soit d'une suite de figurines; les autres étaient redentés. Ils retombaient sur dix colonnes de marbre noir.

Sur ces colonnes s'élevaient de petits pinacles qui séparaient les écoinçons des arcs principaux. Ces écoinçons étaient ornés de sculptures qui sont sommairement indiquées dans le dessin de 1727. Pagès (1) nous apprend que c'étaient « des statues de prophètes et de sibylles sculptées en demi-bosse sur la pierre, accompagnées d'anges et de démons qui tiennent des roulleaux où sont marquées en lettres d'or les paroles des prophètes et des sibylles qui conviennent aux actions de la vie de Jésus-Christ, que l'on voit représentées à la face de ce jubé. Ce qui m'y paraît de plus particulier, c'est que, du côté de cinq de ces sibylles, au lieu de figures d'anges, on y voit des figures de satyres ou plutôt de démons, dont quelques-uns

paraissent avec des corps partie d'hommes velus et partie de chèvres avec des pieds fourchus ».

t. I, p. 24. — Pour l'époque où ils ont été exécutés, ces dessins sont assez précis, et on y reconnaît presque

toujours les différences d'époques et de styles.

(1) Loc. cit.

Le tout formait une galerie large d'environ huit pieds et couverte d'une suite de petites voûtes sur croisées d'ogives peintes et dorées. Cette galerie était fermée vers le chœur par un mur plein orné d'une arcature aveugle et de statues, et percé dans son milieu d'une porte à deux vantaux de fer, à jour, dorés et ornés d'un écu aux armes du chapitre (i).

Au-dessus de cette galerie, on voyait encore, au dire du manuscrit de Machart (2), « plusieurs vierges et anges qui marquent le Jugement dernier, et, au-dessus du portail du chœur par dedans, se voit Jésus-Christ sur son trosne, le tout d'une très grande antiquité ». Pagès (3) dit aussi qu'au-dessus de cette porte, du côté du chœur, se trouvait « une belle statue de pierre dorée haute d'environ quatre pieds, représentant la divine Marie tenant son cher fils Jésus sur ses genoux, dont la sculpture est délicate et bien travaillée. Cette statue est accompagnée d'un côté de celle de saint Jean-Baptiste, et de l'autre, de celle de saint Jean l'Evangéliste ». Mais tout cela n'est pas très clair.

La partie supérieure du jubé était occupée par une tribune, à laquelle on accédait par deux escaliers droits ménagés à droite et à gauche de la porte du chœur, dans l'axe transversal des deux piliers 17 a, 18 a, entre le dossier des stalles et le mur de fond de la galerie inférieure du jubé (4). Sur ses trois faces antérieures, la tribune était bordée d'un appui plein, orné vers l'extérieur d'une arcature en cintre brisé, reposant sur des colonnettes, et encadrant trente sujets (5) sculptés à personnages peints et dorés représentant les « principales actions de nostre Sauveur Jésus-Christ, qui commencent par celle de son entrée triomphante dans Jérusalem et finissent par celle de sa descente dans les lymbes après sa résurrection » (6). Pagès, qui donne ce renseignement, n'entre pas dans le détail des sujets (7). Il observe seulement que le sculpteur y a figuré « Jésus-Christ descendu dans les lymbes et parlant aux pères qui y estoient détenus, après avoir représenté Jésus-Christ ressuscité. Il est à préjuger que le sculpteur n'a pas voulu exposer à la veue de ceux qui regardent la façade du jubé les figures hideuses des démons qu'il a représentés dans les lymbes sur un des retours du jubé, vers lequel il semble que les yeux ne s'arrêtent pas aussi ordinairement que sur la façade ». Pagès fait aussi allusion ailleurs à un de ces sujets, qui aurait représenté Jésus montant au Calvaire, et rencontrant les saintes femmes et la Véronique, et c'est tout.

Les figures qui composaient ces différents sujets étaient hautes d'environ trois pieds.

Le tout était couronné par un riche cordon sculpté, « d'un travail aussi gothique » (8).

La balustrade était terminée à droite et à gauche par un haut pinacle (9).

(1) Mss. de Pagès, loc. cit. — Le ms. de Baron dit « deux vantaux de bois sculpté, à panneaux pleins par le bas et à claire-voie par le haut » (ms. de Baron, édit. Soyez, p. 132), mais Baron, né en 1761, n'avait pu voir le jubé en place.

(2) Loc. cit.

(3) Loc. cit.

(4) Voir le plan de 1727 (pl. XCV).

(5) Le dessin de 1727 porte vingt-neuf niches ou arcades de face, et il y en avait sans doute aussi sur les retours (mss. de Pagès, loc. cit.). Il y avait

peut-être des sujets s'étendant sur deux compartiments.

(6) Mss. de Pagès, loc. cit. — Voy. aussi ms. de Machart, loc. cit.

(7) Ils sont figurés dans le dessin de 1727 d'une façon trop sommaire pour pouvoir en donner une idée.

(8) Mss. de Pagès, édit. Douchet, p. 328.

(9) Pagès dit : « deux colonnes de pierres dorées, torses en lignes spirales, faites en façon de pyramides ».

Le fait est que, d'après le dessin de 1727 (fig. 181 et 182), ces deux pinacles paraissent être tors.

Ni Pagès, ni le P. Daire, ni les autres auteurs qui ont pu voir les titres du chapitre aujourd'hui disparus, ne disent quand ce jubé a été construit. Seul, le manuscrit de Machart prétend « qu'il avoit été édifié en 1490 », et la plupart des auteurs modernes (1) l'ont répété. Je ne sais d'où vient ce renseignement, mais il est certain, qu'un jubé existait bien avant cette époque. L'inventaire du trésor de la cathédrale de 1419 fait mention de quatre grandes courtines pour couvrir les quarante images du jubé et du crucifix (2). Nous avons encore plus de renseignements sur ce jubé dans un accord du 16 avril 1394 entre l'évêque et le chapitre, sur la question de savoir à qui appartenait la juridiction dans l'espace compris sous le jubé, devant la porte du chœur, entre les deux principaux piliers de pierre entre lesquels ce jubé était élevé. L'acte en question nous apprend en outre que quatre degrés y conduisaient, et que, du côté gauche, se trouvait l'autel de l'Anneau de la Sainte-Vierge, et du côté droit celui du Menton Saint-Jacques (3).

Un article du compte des marances de 1352 parle de deux petits fers posés « ad pulpitum chori », pour y placer des cierges (4). Un extrait d'un Ordinaire de la cathédrale de 1337, aujourd'hui disparu, fait aussi mention du jubé (5). Mais il faut encore remonter. Le Liber ordinarius de 1291 y fait aussi fréquemment allusion (6). Il parle même d'un grand crucifix qui le surmontait, du cierge qu'on allumait devant lui à certaines fêtes (7), et de la grande porte du chœur, qui était probablement la porte dont il était percé (8).

(1) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 19. Dans sa seconde partie (ibid., p. 133), le même auteur dit 1460, mais ce doit être une faute de copie ou d'impression. — RIVOIRE, Descr. de l'église calh. d'Am., p. 158. — GILBERT, Descr.

histor. de l'église cath. d'Am., p. 285. — DUSEVEL, Monum. anc. et mod. de la ville d'Am., 44e art. —

SOYEZ, dans Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. XIII, 1880. p. 109; et dans la Picardie histor. et monum., p. 32, — etc.

(2) « Item sunt IIII cortine magne, ad cooperiendum in XL ymagines pulpiti et crucifici ».

(3) il Spiritualis jurisdictio spacii quod est ante introitum dicti chori, subtus pulpitum; cujus spacii latitudo est quantum tenet appertura porte dicti chori, et quantum est spacium inter duo media principalia lapidea pilaria super que dictum pulpitum est edificatum ; longitudo vero dicti spacii protenditur a limine dicte porte usque ad subteriorem et ultimum illorum quatuor graduum qui sunt in ascensu dicti spacii inclusive, ad nos episcopum, decanum et capitulum communiter, et pro indiviso est et spectet et pertineat et per commissarium communem a nobis concorditer deputandum exerceatur. In tota vero parte sinistra dicti spacii de altari Anuli beate Marie Virginis, et in gradibus que sunt ante dictum sinistrum spacium et in capite ipsius spacii, ad nos episcopum et successores predictos in solidum. In autem dextra parte spacii memorati et altare Mentonis beati Jacobi et in gradibus qui sunt ante dictum spacium dextrum, et in capite ipsius spacii, ad nos decanum et capitulum predictos in solidum, ipsa spiritualis et omnimoda juridicio et ejus exercicium liberum est spectet et pertineat pleno jure ». Accord entre l'évêque et le chapitre, du 16 avril 1395. Arch. de la Somme,

Chapit. d'Am., Cartul. VII, fol. 33 et suiv., et G. 653.

(4) « Item, XII d., pro duobus ferns parvis positis ad pulpitum chori, pro candelis ponendis ». Compte des marances de 1352. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.

(5) « In omnibus duplis., ad Evangelium diaconus., textum cum pulvinari capit super sinistrum cornu altaris., tenens textum super manus suas, levando in altum, vadit cum subdiacono prsedicto ascen- surus in pulpitum ». Extr. impr. de 1645 du Liber ordinarius de 1337, fol. 312 et 313. Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G. 899.

(6) « A sacerdote dicitur in choro ad pulpitum, capa serica revestito ». Liber ordinarius ne 1291. Bibl. d'Am., ms. 184, fol. 14. — « Statim legitur ab archidiacono Ambianensi revestito dalmatica deaurata et alba parata in pulpito evangelium Factum est ». IMd" fol. 64. —

« Gradale a duobus pueris in pulpito canitur ». Ibid., fol. 74, — « Epistola et evangelium leguntur in pulpito ». Ibid., fol. 137 v°. — « Benedicuntur in pulpito palme ab episcopo, si sit presens , sive a decano ».

IMd" fol. 133. -- Lors de la célébration du synode, « in fine vero omnium, ascendit in pulpitum episcopus, faciem beati Johannis Baptiste' sacerdotibus et aliis ostensurus ». Ibid., fol. 336 v°.

(7) <? Proceditur cum processione in medio ecclesie ante crucem canendo : 0 Crux Thurificatur a sacerdote ante crucem ». Ibid" fol. 275 v°. — « Accenditur unus cereus ante crucem ad pulpitum, qui ardet usque ad ignitegium post ultimos vesperos (sic)., Illuminatur totum super trabem et ante crucem Ardent très cerei ante crucem duodecim cerei ante crucem septem ante crucem ». Ibid., de luminari accelldelldo, fol. 340 v°.

(8) « Ingrediuntur sacrarium per magnum hostium

D'autre part, lorsque l'on considère attentivement le dessin de 1727 dans ses lignes principales, on se refuse à y voir une œuvre de l'extrême fin du xve siècle.

Rien absolument n'y trahit le gothique flamboyant. Ses lignes sont encore parfaitement simples : cette arcature supérieure si calme, ces grands arcs redentés retombant sur des colonnes isolées, sont parfaitement caractéristiques. Les extrados des grands arcs, ornés directement de crochets, ne rappellent-ils pas l'extérieur des fenêtres des chapelles de la nef? Le monument traduit par le dessin de 1727 paraît donc appartenir au commencement du xive siècle et même au dernier quart du xme : il aurait par conséquent été élevé peu de temps après l'achèvement de la cathédrale; comme, d'une part, il n'est pas vraisemblable qu'il y en ait eu un autre avant lui, et que, de l'autre, il en est fait mention dans le Liber ordinarius de 1291, on peut en conclure que sa construction doit remonter aux années précédant immédiatement (1).

En 1612, les exécuteurs testamentaires de Claude Gelée, en son vivant greffier du chapitre, donnèrent une somme de 900 1. pour la décoration du crucifix et des deux images du jubé, et, le 26 novembre de la même année, les héritiers d'Adrien Vérité, chanoine et chantre de la cathédrale, y ajoutèrent 3oo 1. pour étendre cette décoration à tout le reste de ce monument. Ce travail fut exécuté par Pierre Marconniers et Pierre de Paris, peintres et doreurs, à qui le chapitre accorda un supplément de 20 1.; il fut achevé le 12 avril 1613 (2). Le jubé fut encore doré à nouveau en 1707, aux frais de Nicolas Choquet, bourgeois d'Amiens (3).

Le chanoine Vérité s'était fait peindre, paraît-il, aux deux côtés (4).

Pour éviter qu'on y entre trop facilement, le chapitre ordonna en 1627 d'y faire deux portes (5).

chori ». Ibid., fol. 138. — « Duo presbiteri capellani, facies amictibus involuti, in capis candidis, cum thuribulis incenso fumigantibus, duas Marias représentantes, a magno hostio chori per medium chorum vadunt ad majus altare ». Ibid., fol. 142,

(1) Deux points cependant ne s'accorderaient pas très bien avec cette époque. Pagès prétend que, dans les personnages représentés dans les écoinçons de l'arcature inférieure, indépendamment des prophètes, il y avait des sibylles. Or les sibylles ne paraissent guère usitées dans l'iconographie de la fin du XIIIe siècle (voy. MALE, Quomodo Sibyllas recentiores artifices repræsentavert"nt, p. 17). Mais étaient-ce bien réellement des sibylles? Il faut remarquer, qu'en comptant les deux arcades en retour, il y a juste seize écoinçons. Or on représente généralement seize prophètes qui ont écrit des livres (Baruch, ne compte pas) : quatre grands et douze petits, formant la série des prophètes, tels que nous les avons vus au grand portail (voy. ci-dessus, t. I, p. 342).

N'étaient-ce donc pas plutôt les grands et les petits prophètes qui étaient ici figurés, et ceux que Pagès avait pris pour des sibylles n'étaient-ils pas tout simplement des prophètes ayant la tête couverte du voile que les imagiers du moyen âge donnaient souvent aux personnages de l'ancienne loi? En second lieu, à en croire le ms. de Machart, les deux pinacles qui s'élevaient aux deux extrémités étaient ornés de torsades, ce qui semble plutôt appartenir au gothique flamboyant avancé, et le dessin

de 1727 paraît confirmer cette assertion. Mais n'y aurait-il pas eu un remaniement? ce qui est d'autant plus vraisemblable que toute la partie haute du jubé, que nous n'avons pas encore décrite, date en effet d'une époque beaucoup plus moderne.

(2) « 1612. En cette année, les exécuteurs testamentaires de M. Claude Gelée, en son vivant greffier du chapitre, donnèrent une somme de 900 1. pour la décoration du crucifix et des deux images du jubé, qui furent dorés par les soins de Jacques Cornet, exécuteur testamentaire. Le 20 novembre, les héritiers de feu Me Adrien Vérité, chanoine et chantre de l'église, donnèrent 600 1. pour achever l'enrichement (sic) dudit pulpitre de mesme qu'il avoit esté commencé. Messieurs accordèrent 20 autres 1. à Pierre Marconniers et à Pierre de Paris, peintres doreurs, pour les remplacer des pertes qu'ils disoient avoir faites à l'enrichement du pulpitre de N.-D., outre les lays de Claude Gelée et de M. Adrien de Vérité, chanoine ; et fut achevée le 12 avril 1613 ». Bibl. d'Am., ms. 517, p. 41. — Voy: aussi Pagès et le ms. de Machart, loc. cit. D'après Pagès, la dorure aurait été faite par un nommé Delahaye, doreur, mais le ms. 517 est plus digne de foi.

(3) Bibl. d'Am., mss. 836 (Machart, t. VIII), p. 374; 832 (t. IV, pp. 228 et 320).

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 435.

(5) Décis. capitul. du 17 mai 1627. Bibl. d'Am., ms. 517, p. 41.

Le dessin de 1727 montre au haut du jubé, au milieu de la balustrade, un monument qui paraît beaucoup plus moderne que la partie que nous avons décrite en premier lieu, mais nous n'avons aucune donnée sur l'époque exacte à laquelle il fut exécuté. Doit-il être attribué aux travaux exécutés en 1612 dont nous venons de parler? Son style ne s'y opposerait pas, mais les documents qui en font mention ne sont pas assez explicites pour nous donner toute certitude.

Quoi qu'il en soit, c'est une grande niche (1) en arc surbaissé porté par deux colonnes, et abritant une statue de la Vierge, qui devait être assez moderne (2).

Marie était représentée seule, les mains jointes, sans l'Enfant Jésus, les pieds posés sur un grand croissant, en un mot, c'était une Immaculée Conception. Une gloire rayonnait autour d'elle (3). Cette niche servait de base à un immense crucifix haut de vingt pieds, aux croisillons fleuronnés, et qui était, paraît-il, orné « de glaces de diverses couleurs ». Il était accompagné de figures de la Vierge et de saint Jean.

Tout ce couronnement était d'une époque qui ne paraît pas antérieure au XVIIe siècle, mais il est certain qu'auparavant, et dès l'origine, le jubé était surmonté d'un grand crucifix (4). C'était d'ailleurs la coutume constante.

Sous les arcades extrêmes de l'arcature inférieure, contre les piliers 17 a, 18 a, s'élevaient deux autels (5). Nous dirons le peu que l'on en sait.

AUTEL DE L'ANNEAU NOTRE-DAME OU DE SAINT-FIRMIN (6). — Le premier, appuyé au pilier 17 a, paraît avoir porté à l'origine le nom d'autel de l'Anneau de Notre-Danze.

Du moins est-il ainsi désigné dans des titres du XIVe siècle (7). Ce nom lui venait d'une image d'argent doré de la Vierge Marie, tenant un anneau, et qui est ainsi désignée dans l'inventaire du trésor de la cathédrale de 1347 v. s. : « Item anulum Beatissime Marie. Ejusdem imaginem argenteam deauratam predictum anulum tenentem » (8). Quel était cet anneau, d'où provenait-il? C'est ce que nous ignorons absolument.

La plupart des auteurs modernes (9) donnent à cet autel le nom d'autel

(1) Elle était en pierre et dorée. Mss. de Pagès, édit.

Douchet, p. 434.

(2) Elle aurait été de carton « couronnée de pierreries de peu de valeur à la vérité, quoique très brillantes », et elle était de grandeur naturelle. Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 374.

(3) Une lampe d'argent, dans laquelle un cierge brûlait nuit et jour, était pendue à la voûte devant cette image. Ibid.

(4) Voy. ci-dessus, t. II, p. 4.

(5) Chapelles XVII et XVIII. — Le dessin de 1727 les indique, mais d'une façon très insuffisante.

(6) Chapelle XVII.

(7) 1372, v. s., 26 janv. « Clericis altaris Anuli beate Marie H, Arch. de la Somme, Chapelains d'Am., Arm. I, 1. 26, n° 1. — 1395, 16 avril : ln toto illo spacio quod est in introitu chori dicte Ambianensis ecclesie, subtus pulpitum, et in gradibus illis per quos ascensus habetur

ad spacium et chorum predicta. In tota vero parte sinistra dicti spacii de altari Anuli beate Marie Virginis, et in gradibus qui sunt ante dictum sinistrum spacium. ; in autem dextra parte spacii memorati et altare Mentonis sancti Jacobi et in gradibus qui sunt ante dictum spacium ». Composition entre l'évêque et le chapitre.Arch.de la Somme, Chapit. d'Am., Cartul. VII, fol. 27 v° et 28 v", et G. 653. Voy. ci-dessus, t. II, p. 4, note 3.

(8) Dans l'inventaire du trésor de 1419 cette image est également mentionnée : « Item ymaginem beate Marie Virginis de argento deaurato, cum pede cupreo super quatuor, tenentem anulum in una manu 1),

(9) DE COURT, Mèm. chronol., 1. III, ch. I. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 426. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 322 et 374. — DAIRE, Hist. de la ville d'Ain., t. II, p. 112.

Saint-Firmin. Depuis une époque qu'on ne saurait préciser (i), le chef de saint Firmin avait été en effet séparé du reste de son corps et était conservé dans une coupe d'or placée sur cet autel. Il en est déjà fait mention dans l'inventaire du trésor de la cathédrale de 1347, v. s. (2). On ne sait pas non plus depuis quand il était là, mais cet autel en portait déjà le nom en 1537 (3). Le 9 mai 1589, la relique fut solennellement placée par Geoffroy de la Marthonie, évêque d'Amiens, dans un nouveau reliquaire en forme de buste d'évêque en argent, orné de pierres précieuses, qui venait d'être exécuté par Firmin Bernard, orfèvre (4). Pour faire ce nouveau reliquaire, on avait vendu quelques pierres du reliquaire du chef de saint Jean-Baptiste (5). Il fut doré en 1684 des deniers légués par Pierre de Villers, chanoine (6).

Il y avait aussi près de cet autel une statue de la Vierge, haute d'environ trois pieds, qui était vulgairement désignée sous le nom de Notre-Dame des Bons Barons (7).

AUTEL DU MENTON SAINT-JACQUES. — Le second autel, appuyé au pilier 18 a, portait le nom d'autel du Menton saint Jacques, à cause de la relique du menton de saint Jacques le Majeur qui y était exposée à certains jours. On ne sait ni quand ni comment la cathédrale d'Amiens devint en possession de cette relique.

Elle n'est pas mentionnée dans l'inventaire du trésor de 1347 v. s., tandis qu'elle figure dans celui de 1419, qui énumère également les nombreux reliquaires, joyaux et volumes qui se trouvaient sur cet autel et qui en formaient un véritable petit

(1) Salmon (Histoire de saint Firmin, p. 205) pense qu'elle est assez reculée. Voy. aussi CORBLET, Hagiogr.

du diocèse d'Ani., t. II, p. 167.

(2) « Item, caput beatissimi Firmini martiris, in cupa aurea ». — Invent, de 1419 : « Item capud (sic) beati Firmini Martiris, repositum in theca sive cupa aurea grossa, sed pes est parvus et modicus, et habet in circuitu et desuper hysmata variorum colorum et lapides grossos et parvulos et preciosos ».

(3) 1537, 8 mai et jours suivants : « Ont esté prins à l'autel Saint-Fremyn en icelle église, les courtines y estans ». Enquête dans l'affaire entre l'évêque François de Halluyn et le chapitre. Arch. de la Somme (Chapit.

d'Am.), G. 656.

(4) « Lum reverendissimus dominus in unnsto pater D. Geoffridus, miseratione divina Ambianensis episcopus, ac venerabiles domini canonici et capitulum insignis ecolesiae Ambianensis circunspecta prudentia ac debita meditatione perlustrantes de repositione reliquiarum capitis gloriosissimi divi Firmini martyris, episcopi et patroni Ambianorum, opus quoddam novum argenteum quamplurimis et diversis gemmis ornatum ad divini nominis honorem et gloriam, exaltationem fidei catholicae salutemque fidelium, merito confici curassent per Firminum Bernard, aurifabrum, tandem hodie, ix mensis maii, anno Domini 1589, in exitu matutinarum praefatus reverendissimus dominus, astantibus prasdictis dominis canonicis et capitulo in revestiario dictas ecclesiae

convocatis et congregatis, hujusmodi reliquise solemniter et devote reposuit, me notario subsignante praesente.

S. Gellée. Le chef mitré pèse 10 marcs. Les petits chatons et queues de la mittre et le corps, 12 marcs. Le pied et le fond, 12 marcs, 3 onces ». Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G. 420.

(5) « Expediti et traditi fuerunt domino cancellario eunte Lutetiam lapides pretiosi extracti de reliquari (sic) capitis divi Joannis ut exponantur venditioni, sicut antea fuit conclusum, pro repositione capitis sancti Firmini martyrisa. Décis. capitul. du 14 sept. 1588. Bibl. d'Am., ms. 517, p. 110. — En 1517, les sieurs Le Clerc, chancelier du chapitre, et de Châteaufort, avaient offert, l'un 40 1., l'autre 200, pour refaire le reliquaire du chef de saint Firmin, mais il ne paraît pas que suite ait été donnée à cette offre. Loc. cit.

(6) DE COURT, Mém, chronol., 1. III ch. 1.

(7) « De poser sur le jubé aux Gaude des samedis deux cierges allumés devant l'image de Nostre-Dame appellée des bons Barons ». Règlem. pour le guidon de la cath. du 27 mars 1721. Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., Arm. I, 1. 53, n° 4, et (Évêché d'Am.) G. 641, fol. 106. — Le chanoine Guillaume Aux Cousteaux, dont il va être question, avait fondé ces deux cierges par son testament daté du 20 février 1510, v. s. (Arch. de la Somme, papiers du chan. Villeman). — Voy. aussi mss. de Pages, loc. cit. — Bibl. d'Am., ms. 517, p. 22.

trésor. Aussi rappelait-on souvent la Trésorerie (i). Cet autel est déjà cité sous le vocable du Menton de Saint-Jacques dans un titre de 1395 (2).

Suivant l'inventaire du trésor de 1419, le reliquaire qui contenait la précieuse relique de l'apôtre avait la forme d'un temple, accompagné de quatre clochetons, avec un pinacle au milieu et un cristal. Son pied était de cuivre; le reliquaire était retenu par une chaîne d'argent (3).

Le même inventaire nous apprend qu'on voyait encore sur cet autel : le reliquaire du chef de saint Domice, en argent, orné des travaux des mois et des signes du zodiaque (4); — un autre reliquaire d'argent doré, au pied très large, orné de quatre lions avec quatre écus, et au milieu duquel s'élevait un ange tenant une table d'argent garnie d'un cristal et contenant diverses reliques; — un reliquaire d'argent en forme de pinacle, avec un crucifix entre la Vierge et saint Jean et renfermant des reliques de. saint Éloi; — un reliquaire d'argent en forme de pinacle rond, garni d'un cristal : l'histoire avec légendes de saint Denis, dont il contenait des reliques, y était représentée, et son pied était orné de quatre lions; — une croix d'argent montée sur bois; — un reliquaire de bois recouvert d'argent d'un côté et de cuivre de l'autre, orné de boules de cristal et de pierreries, sur lequel on voyait une Annonciation; — le chef d'une reine d'Angleterre qui en avait fait présent; il était d'argent blanc, avec une couronne d'argent doré, et il était placé sur un siège d'argent doré et sur un pied de bois ayant deux tours à sa partie antérieure : dans l'une était l'image d'un pontife romain tenant un reliquaire en forme d'église dans lequel des reliques étaient renfermées, dans l'autre, une image de sainte Marie-Madeleine aussi d'argent doré et tenant un reliquaire de cristal; — un reliquaire de saint Marcellien, martyr, en forme de pinacle, en argent avec pied de cuivre, au haut duquel était un crucifix; une coupe d'argent doré provenant de saint Pierre de Luxembourg; une paix d'argent émaillé représentant saint Jean; — une tête de femme en argent; — un homme en argent, armé, avec casque et écu, agenouillé, donné par Jean Ouyn, bourgeois de Bruges. — Il y avait enfin trois bréviaires, deux en un volume et un en deux, et un Cantique des Cantiques (5).

Peu après la confection de l'inventaire de 1419, Robert Denise dit de Chailly, ordonna par testament que, « aux despens de ses biens, fust faict et expédié au Menton saint Jacques en ladicte église, un vaissel d'argent, pour servir à mettre le pain à célébrer aux messes qui seroient dictes en icelle » (6). C'était à cet autel du Menton Saint-Jacques que l'on distribuait le pain et le vin pour les messes (7).

(1) DE COURT, Mèm. chronol., 1. III, ch. i. — Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 426. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 322 et 374.

(2) 1395, 16 avril : <? In autem dextra parte spacii memorati et altare Mentonis sancti Jacobi N, Composit.

entre l'évêque et le chapitre. Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., Cartul. VII, fol. 27 v° et 28 VO et G. 653. - V oy, ci-dessus, t. II, p. 4, note 3.

(3) « Et primo unum reliquiare ad modum unius templi cum IIII filiolis, et uno pinaclo in medio et uno cristallo, in quo est mento sancti Jacobi, et est pes ipsius reliquiaris .de cupro, et est ibi una longa cathena argentea ».

Invent, du très, de 1419. — Par « filiolis », il faut

entendre les petits clochetons que nous désignons sous le vocable général de pinacles, et que les Allemands appellent encore « Fialen ». Voy. DEIIIO UND VON BEZOLD Die Kirchliche Baukunst des Abendlalldes, t. II, p. 148.

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 506.

(5) Dans le manuscrit, les derniers articles, à partir du reliquaire de saint Marcellien inclusivement, sont d'une autre écriture, mais qui ne paraît pas postérieure au xv, siècle.

(6) Certificat du chapit. de la cath. d'Am. du 8 janvier 1419, v. s. Arch. de la Somme, chapit. d'Am., Arm. I, 1. 36, n° 1.

(7) 1437, 10 avril. e Quando aliquis capellanus dictas

Le chanoine Guillaume Aux Cousteaux (i), mort le 2 décembre 15 Í 1, et qui, par son testament, fera faire, pour marquer sa sépulture, l'histoire de saint Jacques le Majeur qui sert de clôture à la chapelle XII sur le transept, du même côté que l'autel qui nous occupe, avait, de son vivant (2), fait mettre le menton de saint Jacques dans un nouveau reliquaire (3). L'inventaire du trésor de la cathédrale de 1535 le décrit ainsi : « Une ymage de sainct Jacques le Majeur d'argent, assis en une chaielle épiscopale, reposant sur une térache à pied à six carrés (?), garni de six petits pilliers, dans laquelle térache sont deux angles (4) portant les armoiries de feu Mgr Guillaume Aux Cousteaulx, qui a donné ledit ymage sainct Jacques le Majeur, encassé en cristal garny d'argent, et poise le tout, y comprins garnitures de dedens le pied et soubz ladit terrache, qui est de léton, LV marcz d'argent ». Nous savons de plus par Pagès que l'argent dont ce reliquaire était fait, était doré en plusieurs endroits, et d'un très beau travail, et que l'apôtre y était représenté « vêtu d'un manteau par-dessus ses habits, avec le bourdon à la main, la matère (?) à son costé, et le chapeau de pèlerin sur la teste » (5).

Douze chandeliers de cuivre donnés par Nicolas Lagrené, évêque d'Hébron, suffragant de François de Halluin, évêque d'Amiens, à partir de 1511 (6) étaient posés sur la balustrade du jubé. Ce sont eux, sans doute, qui sont figurés dans le dessin de 1727 (fig. 182). On les allumait à toutes les grandes fêtes durant les matines et les stations dans la nef (7).

Un aigle posé sur une colonne de cuivre, placé du côté de l'orient, et élevé

ecclesiae iret ad locum qui dicitur de Mentone Sancti Jacobi in dicta ecclesia, quassiturus panem et vinum pro celebrando missam, tenetur dicere custodi dicti Mentonis et aliquarum reliquiarum dictae ecclesiae », etc. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 33, n° 7. — Chapelains d'Am., Arm. I, 1. 1, n° 12.

II) La famille Aux Cousteaux était alors une des principales et des plus riches familles bourgeoises d'Amiens.

De 1359 à 1379 < Thibault as Çoutiaux » fut plusieurs fois maieur de bannière des merciers de cette ville, et, sans interruption, échevin de 1385 à 1394. Durant les xve et XVIe siècles, de nombreux membres de cette famille figurèrent très souvent dans l'échevinage. Un seul, Nicolas, fut maieur en 1569. Guillaume Aux Cousteaux fut chan. de la cath. depuis le 2 août 1469. En même temps que lui, il y eut un autre chan. du nom de Jean Aux Cousteaux, du 12 oct. 1469 au 21 août 1493, date de sa mort. Était-ce son frère? La dévotion de Guillaume Aux Cousteaux envers saint Jacques pourrait laisser supposer qu'il aurait été fils de Jacques Aux Cousteaux, qui est qualifié de changeur en la ville d'Amiens et en remplit les fonctions dans un acte du 3 avril 1451 v. s.

(Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G 364), et qui très souvent, de 1410 à 1476, fut soit échevin, soit receveur des rentes, soit grand compteur. Les maire et échevins d'Amiens assistèrent en corps à l'enterrement du chanoine Guillaume Aux Cousteaux (Arch. de la ville d'Am., CC89, fol. 136 v°). — Les Aux Cousteaux portaient

de gueules à trois couteaux d'argent emmanchés d'or, mis en pal.

(2) L'abbé Corblet (Hagiogr. du dioc. d'Ain., t. IV, p. 327), dit en 1469, mais sans indiquer où il a puisé ce renseignement.

(3) Épitaphe de Guillaume Aux Cousteaux. Épitaphiers A, fol. 69; B, p. 30; C, fol. 38 v°. — Le P. Daire (Hist. litt. de la ville d'Am., p. 509), attribue la donat.

du reliquaire du menton saint Jacques à Jean Le Clerc, chanoine et archid. d'Am. Il a fait évidemment une confusion qui provient sans doute de ce que Guillaume Aux Cousteaux est mort le 2 décembre 1511 et Jean Le Clerc, le 8 du même mois, et que ce dernier fit aussi de nombreuses libéralités à la cathédrale.

(4) Deux anges.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836, (Machart, t. VIII), p. 322.

— Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 36. — Ce reliquaire fut détruit à la Révolution, mais la relique fut sauvée et donnée vers 1801 à la paroisse Saint-J acques d'Amiens qui la possède encore.

- (6) Invent, du très. de la cath., de 1667.

(7) Par acte du 31 août 1554, Arnould du Buyon, prêtre, chapelain de la cathédrale, avait fondé douze cierges de cire ardants, pesant chacun une livre, dans lesdits chandeliers, pour brûler durant le répons Gaude Maria et la prose Inviolata que l'on chantait tous les samedis, et au salut du 24 mars, veille de l'Annonciation. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G. 370.

suffisamment au-dessus des appuis, servait pour chanter l'évangile, les dimanches et fêtes doubles. On y chantait aussi l'épître à ces mêmes jours, et, aux grandes fêtes, les leçons de matines. Enfin on y donnait l'absolution au peuple le JeudiSaint, et on y faisait la montre du chef de saint Jean-Baptiste.

En 1895, lorsque l'on remonta le perron du chœur pour le mettre au niveau du nouveau dallage de la nef, on a trouvé dans le massif de maçonnerie sur lequel il est établi, un morceau de marche en pierre noire de Tournai où étaient gravés ces mots :

DU TEMS DE Mre LECLEC (sic) 1762.

Comme dans beaucoup d'autres cathédrales, le chapitre se réunissait parfois sous le jubé à l'issue des offices, pour prendre certaines décisions extraordinaires qui exigeaient célérité et qui ne tiraient pas à conséquence (1).

Ancienne clôture.

(Parties aujourd'hui détruites),

Il ne subsiste qu'une partie de l'ancienne clôture qui enfermait jadis entièrement le chœur et le sanctuaire. Nous la décrirons lorsque nous considérerons le chœur et le sanctuaire dans leur état actuel. Nous ne nous occuperons à cette place que de ce que l'on sait sur les parties de cette clôture qui, détruites au XVIIIe siècle, ont été alors remplacées par des grilles (2). Ce sont les travées 21-23 a, 23-25 a, 25-27 a, 27-29 a, 29-31 a, 3o-32 a, 28-3o a, 26-28 a, 24-26 a, 22-24 a, Au moyen des renseignements fournis par les manuscrits de Pagès, de Machart, et d'autres auteurs qui ont vu cette clôture dans son ancien état, renseignements bien incomplets et souvent bien contradictoires et bien peu précis, on peut pourtant à peu près se rendre compte des divers monuments qui la composaient.

C'étaient pour la plupart des tombeaux.

Pour plus de clarté, nous suivrons l'ordre des travées, en allant du sud au nord.

TRAVÉE 22-24 a. — Les stalles s'étendent jusqu'au milieu de cette travée, et l'une des entrées latérales du chœur s'ouvrait, comme aujourd'hui, dans la partie

(1) Ainsi le 15 janvier 1749, à l'issue des vêpres, le chapitre se tint extraordinairement « sous le jubé », pour arrêter les dispositions à prendre pour le Te Deum qui devait être chanté à l'occasion de la paix générale. Arch.

de la Somme, Chapit. d'Am., ms. intitulé Annales capitulaires et autres, ,1744-1754. i. 11

(2) Malgré la beauté de ces grilles en fer forgé et quoi qu'en dise le P. Daire (Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 123), on ne peut s'empêcher de regretter vivement cette partie de la clôture, dans laquelle se trouvaient des monuments qui devaient être fort remarquables et fort curieux.

laissée libre par celles-ci (pl. XCV). La décoration de cette porte, ainsi que celle de presque toute la partie de la clôture qui l'avoisinait derrière les stalles, était due aux libéralités du doyen Adrien de Hénencourt. Il l'avait sans doute fait commencer postérieurement à 1527, date de son testament (1), car celui-ci n'y fait pas allusion, et elle n'était pas terminée au moment de sa mort arrivée le 4 octobre i53o. Elle fut achevée aux frais de sa succession (2). Pierre Pallette, peintre, fut chargé par Adrien de Lamet dit de Hénencourt, neveu du défunt, son successeur dans la dignité de doyen et son légataire universel, de « estoffer, paindre et enrichir », entre autres choses, « six apostres avec aucuns petis images et armories estans en la closture et huis du cœur de l'église d'Amiens, du costé de la sépulture dudict deffunct, et qu'il avoit fait bâtir et construire à ses despens, luy vivant; pareillement pour paindre et estoffer l'huis de fer dudict cœur » (3). Ce travail n'était pas encore entièrement terminé lors de la reddition des comptes. Le légataire universel a aussi fait « paindre, estoffer et décorer. les quatre docteurs estans en la tourelle de la montée de la loge » du guidon, dont nous parlerons plus loin. La sculpture de ces quatre docteurs avait été commandée à Antoine Anquier « entailleur » (4), auteur de la statue funéraire d'Adrien de Hénencourt, et ce « d'abondant et plus que ledict sieur deffunct n'avoit ordonné ».

Les six statues d'apôtres auxquelles les comptes d'exécution du testament font allusion et qui furent peintes par Pierre Pallette, garnissaient sans doute la porte vers l'intérieur; elles étaient, paraît-il, accompagnées de six sujets sculptés représentant des scènes de l'histoire des apôtres. Cette ornementation faisait pendant et était exactement semblable à autant de statues d'apôtres et de sujets sculptés formant la décoration de la porte 21-23 a (5). En 1755 le tout fut repeint par ordre du chapitre (6) : on ne songeait donc pas encore à détruire ces portes. Il

(I) 18 juillet 1527. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44, nos 17 et 18.

121 Comptes d'exécut. du testam. d'Adrien de Hénencourt, 3 nov. 1531. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44, no 18.

(3) Pierre Pallette peignit aussi, comme nous le verrons, l'histoire de l'Invention de saint Firrnin à la clôture du chœur, et les écussons aux armes du doyen, pour ses funérailles (Comptes d'exécut. du testam.

d'Adrien de Hénencourt, Ibid.). — En 1512, Pierre Palete et sa femme achètent une maison à Amiens, Chaussée au Blé (Arch. de la ville d'Am., compte de 1511-12, CC 89, fol. 117 v°). En 1513-14, Pierre Pallette peint pour la ville d'Amiens le chariot dans lequel on porte les corps morts de la peste (Ibid., compte de 1513-14,' CC 91, fol. 349 vO, A. DE Calonne, Hist. de la ville d'Am., t. I, p. 483). En 1516, il peint et dore les bannières neuves de taffetas rouge faites pour accompagner 1 échevinage d'Amiens aux processions (Arch. de la ville d'Am., compte de 1515-16, CC 93, fol. 137 v°). En 1516-17, Pierre Pallette et sa femme achètent de Guy Pallette, sans doute leur parent, une maison rue des Tanneurs; ils la revendent en 1520 (Arch. de la ville d'Am., comptes de 1516-17, et 1519-20, CC 94, fol. 159 v°, et CC 97, fol. 139).

Le nom de Pallette était très répandu à Amiens. Citons

seulement Guillaume Palette ou Paillette, maçon, que les registres de la ville d'Amiens mentionnent depuis 1453 et qui mourut le 24 juin 1483 (Arch. de la ville d'Am., AA 6 (Cartul. F;, fol. 263 v°), et Antoine Palette, aussi maçon en 1581 (Arch. de la paroisse St-Germain d'Am., compte de 1581, fol. 333), etc.

(4) Antoine Anquier ou Ancquier est connu à partir de 1513, époque à laquelle il fit trois écussons aux armes du Roi et de la ville d'Amiens à la tour Gingrelot, sur la rivière du Vidame, à Amiens (Arch. de la ville d'Am., compte de 1512-13, CC 90, fol. 46 v°). Jusqu'en 1537, il fit un certain nombre de travaux pour la ville (comptes de la ville d'Am.) et pour l'hôtel-Dieu d'Amiens (Arch.

hospital. d'Am., Mémorial d'Antoine Deschamps, maître de l'hôiel-Dieu, fol. 11 et 18 v°). En 1513, Antoine Anquier et sa femme achètent de Pierre du Gard une maison à Amiens, rue au Lin, qu'ils revendent en 1516 àPierre Aux Cousteaux. La même année, ils en achètent une autre des Sœurs Grises, devant l'église Saint-Leu (Arch. de la ville d'Am., comptes, CC 91, fol. 112, CC 93, fol. 28, 98 v° et 99). Le nom d'Anquier était assez fréquent à Amiens.

(5) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 457. —

Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 372.

(6) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 372.

paraît qu'aux jours de grandes fêtes, on allumait des cierges devant ces statues d'apôtres (i).

La porte était « très bien voûtée, et d'une belle nature de pierre, tout sculptée de feuillage » (2). Au-dessus de la clef du cintre de cette porte, on voyait « une salamandre dans le feu, qui formoit le corps de la devise de ce prince (François I), avec ces paroles nutrisco et extinguo On ne voit point, dans l'ouvrage de sculpture dont je viens de vous parler, de datte qui puisse apprendre l'année dans laquelle il fut construit » (3).

A l'extérieur de la porte, sur le déambulatoire, à gauche, entre elle et le pilier 22 a, soit derrière le dossier des stalles, se trouvait « une tour qui sert d'escalier pour monter à une petite chambre qui est placé au-dessus de la porte, pour loger ceux qui gardent l'église pendant la nuit (4). Cette tour est ornée de quantité d'ornements d'une sculpture gothique et de petites pyramides à jour. L'on y voit aussi quantité de feuillage et différens animaux d'un genre particulier » (5\ Le manuscrit de Machart, qui nous fournit tous ces renseignements intéressants (6), se trompe lorsqu'il ajoute que « l'on y remarque les quatre évangélistes peints et dorés » ; les comptes de l'exécution du testament d'Adrien de Hénencourt, disent positivement que c'étaient quatre docteurs, et qu'ils avaient été sculptés par Antoine Anquier (7).

« De l'autre côté du portail, est une pyramide dans laquelle est placé une horloge d'un travail rare et curieux : le cadran est distribué en vingt-quatre heures.

Au-dessus est un dôme de fer peint et doré, où l'on voit représenté un enfant de chœur qui frappe la cloche, et un cocq au sommet, qui chante et bat des ailes.

L'on voit aussi une lune qui représente ses différents quartiers. Cette horloge ne va plus » (8). Elle était déjà dans cet état en 1644 (9). A en croire le P. Daire (10), cette horloge aurait aussi été une libéralité d'Adrien de Hénencourt, mais ni son testament, ni le compte de son exécution n'y font allusion.

Près de la porte collatérale du chœur, du même côté, cette inscription était jadis peinte sur la muraille (11) :

» Cy-dessoubz gist vénérable personne Hugue Turlson (12), qui fut jadis chanoine » de cette église et seelleur de le court de l'évesque Jehan de Harcourt, qui » trépassa l'an mil quatre cens et trente-trois, le jour des Innocens. Dévotes gens » qui chi-devant passez, priez pour son âme et pour tous trépassés.

(1) Ibid.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 329. —

DUSEVEL, Une Visite, etc., dans la Picardie, t VI, p. 543.

(3) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 458.

(4) Notamment le guidon, chargé en outre de régler les sonneries et de sonner les matines. — RIVOIRE, Descr. de Véglise cath. d'Am., p. 180.

(5) C'est sans doute cette tourelle qui est indiquée contre le pilier 22 a, dans le plan de 1727 (pl. XCV).

(6) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 329. —

DUSEVEL, Une Visite, etc., dans la Picardie, t. VI, p. 543.

(7) Voy. DUSEVEL, dans la Picardie, t. IV, p. 127.

(8) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 329. —

DUSEVEL, Une Visite, etc., dans la Picardie, t. VI, p. 5y.

(9) il Qu'il (l'évêque) sera tenu de faire refaire l'orloge qui est au chœur, qui sert pour marque ponctuelle et à l'œil des assistans aux heures et services de l'église, icelle faire entretenir par un homme exprès, aux frais dudit sieur évesque, comme de tout temps immémorial il a été observé, sinon depuis quelques années que ladite orloge a cessée. 1644, procédure entre l'évêque François Lefèvre de Caumartin et le chapitre. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) GG 612.

(10) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 122.

(11) Épitaphiers A, fol. 65; B, p. 25; C, fol. 34; D.

(12) Épitaphier B, « Turison ». L'une et l'autre forme sont assez étranges. Ce doit être un nom mal lu.

Ne serait-ce pas le même que celui que le manuscrit de Machart nomme Hugues Polin, qu'il fait mourir en 1430 et qui aurait eu son tombeau à cette même place? Il était représenté « étant à genoux devant une Vierge (1).

Toute cette partie de la clôture fut détruite en 1761 (2).

TRAVÉE 24-26 a. - La première moitié de la travée, vers le pilier 24 a, était occupée par le mausolée de l'évêque Pierre Versé (3), mort en i5oo, v. s., le 10 février, suivant les uns, le 28, suivant les autres (pl. XCV) (4).

De son vivant déjà, le chapitre lui avait concédé sa sépulture en cet endroit (5).

Ce monument devait être assez remarquable, à en juger par les insuffisants détails que nous donnent sur lui les auteurs qui ont encore pu le voir avant sa démolition. Il était élevé de cinq pieds (6) et visible à la fois du sanctuaire et du déambulatoire. Le prélat était représenté « couché de son long, de grandeur naturelle, vêtu de ses habits pontificaux, en chasuble, tunique et dalmatique. Sa statue est de pierres dorées, la sculpture en est fort belle » (7). Une image de la Vierge était placée devant lui, pour rappeler qu'il avait fondé dans sa cathédrale les petites heures de Notre-Dame (8). Dix pleureurs complétaient la décoration du monument (9). On y voyait aussi les armes du défunt : de sable, à l'oranger, d'autres disent à l'abricotier d'or, qui étaient les armes parlantes de son oncle, Jacques Coitier, médecin de Louis XI, à la faveur duquel il avait dû d'être élevé à l'évêché d'Amiens (10).

Ce tombeau portait deux inscriptions, l'une en latin, du côté du sanctuaire, et l'autre en français, vers le déambulatoire :

» Petrus hic est Versé Burgundia quem sibi natum M Ex Poligniaco vexit ad Ambianos; » Hic præsul statuit cantari Virginis horas » Multaque largifluus contulit ecclesiæ.

» Obiit anno (11) i5oo, februarii die ultima (12).

(1) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 329.

(2) Ibid., pp. 372 et 378. — RIVOIRE, Descr. de l'eglise cath. d'Am., p. 180. — Le ms. de Baron, (édit. Soyez, p. 23), dit à tort, croyons-nous, 1751.

(3) Eveque d'Amiens depuis 1482.

(4) LAMORLIÈRE, Antiquite{, p. 235. — DE COURT, AfCmoires, 1. II, ch. 61. — Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 236. — Bibl. d'Am., ms. 516. Series episcopor.

Ambian" fol. 68 v°. — Ibid., ms. 517, p. 39. — Ibid., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 328, 377. — DAIRE, Hist, de la ville d'Am., t. II, p. 60. — Gall. Christ., t. X, col. 1204. — DusEvEL, Une Visite, etc., dans la Picardie, t. VI, p. 543. — Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 141. —

RIVOlRE, Descr. de l'église cath. d'Am., pp. 169 et 186, — etc.

(5) Délib. capitul. du 30 janvier 1487. « Illi concedit capitulum quod corpus ipsius post mortem inhumetur in choro ecclesiae, inter cathedras in quibus sedere solent

presbyter, diaconus et subdiaconus dum missa celebratur, et pilare erectum (?, juxta parvum hostium horlogii (sic) ». Bibl. d'Am., ms. 516, Series episcopor. Ambian., fol. 68 v°. — DAIRE, Hist, de la ville d'Am., t. II, p. 60.

(6) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328.

(7) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 336. —

Suivant le ms. de Machart, (t. VIII. Bibl. d'Am., ms. 836, p. 328), la statue aurait été de cuivre.

(8) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 39. — DAIRE, Hist, de la ville d'Am., t. II, p. 60.

(9) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328.

(10) A l'abri, Coitier. Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 336.

(II) Bibl. d'Am., ms. 516 : « anno Domini ». —

Gall. Christ., id.

(12) Bibl. d Am., ms. 516 : « die decima ». — Rivoire : « die 10 1Þ, — Gall. Christ., id.

» Le dévot évesque d'Amiens » Nommé jadis Pierre Versé » A ceste église fit grands biens » Et gist cy par mort renversé.

» Du temps qu'au monde a conversé » Fonda les heures Nostre-Dame.

» Luy doncques de corps adversé » Puist avoir prospérité d'ame (i).

Le monument était, paraît-il, entouré d'une fort jolie grille en fer « bien pur et d'un beau travail » (2).

Supprimé le 27 avril 1751 (3), il aurait paraît-il, été placé provisoirement dans la chapelle Saint-Nicaise (4), puis définitivement détruit lors de la décoration de cette chapelle vers 1775.

Lors de l'enlèvement du monument, on fit à ce prélat le rare honneur de marquer sa sépulture dans le soubassement de la grille à l'extérieur du chœur, par une petite plaque de marbre noir (5) qui subsiste encore :

JUXTA PARIETEM HUNC IN SANCTUARIO REQUIESCUNT OSSA PIÆ MEMORIÆ DD PETRI VERSE EPISCOPI AMBIANENSIS ET HUJUS ECCLESLE BENEFACTORIS OBIIT ANNO 15oo.

La seconde partie de la travée était occupée, vers le déambulatoire, par deux monuments funéraires adossés à l'ancienne chaire épiscopale (6) (pl. XCV).

Le premier était celui de Pierre Caignet, écolâtre et chanoine, décédé le 17 décembre 1458 (7). Il est ainsi décrit par Pagès (8) : « Sortons en esprit de cette chapelle (9), et allons voir vis-à-vis une statue isolée de la Mère de Dieu tenant son cher fils entre ses bras : l'une et l'autre statue de grandeur presque naturelle, faites de pierres dorées, placées dans une niche pratiquée dans l'épaisseur de la

(1) LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 235. — DE COURT, Mémoires, 1. II, ch. 61. — Bibl. d'Am., ms, 516, Series episcopor. Ambian., fol. 68 v°. — Gall. Christ., t. X, col. 1204. — RIVOIRE, Descr. de l'église cath. J'/lw.,p. 169.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328. —

Voy. aussi Lamorlière, Pagès, ms. de Bernard, loc.

cit., etc.

(3) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 39. — Ibid., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 377. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 60.

(4) Chapelle XXIV. — SOYEZ, Notices sur les évêques d'Am., p. 147, - LeSallctuaÍre, p. 30. - « On transféra sa représentation dans la chapelle des chanoines réguliers N Bibl. d'Am., ms. 834 (Machart, t. VI), p. Ib4.

(s) Haut. om35, larg. 011149, Pour l'exécution de cette plaque, le chapitre paya 20 1. 8 s. à Vimeux. Coquelet, doreur, reçut 11 1. 5 s., pour avoir doré les lettres qui y étaient gravées (Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Comptes du celerier de 1777-78).

(6) Nous décrirons celle-ci avec l'ameublement intérieur du sanctuaire.

(7) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 240. — Bibl.

d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) pp. 328 et 377. —

Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 141. — Épitaphiers A, fol. 65; B, p. 25; C, fol. 34; D, — etc.

(8) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 240.

(9) Chapelle XX, N.-D. Anglette.

muraille qui sert de clôture au côté droit du chœur. M. Pierre Caignet, escolâtre et chanoine, qui a offert cette statue, y est sculpté à genoux, vêtu d'une robbe écarlate (i) et portant Taumusse sur l'épaule droite, avec les cheveux fort courts.

Une inscription de bronze, dont les lettres sont en bosse sur un fond d'émail rouge (2), posée sur une colonne de marbre noir, d'ordre toscan, nous apprend », etc. Le tout était placé dans une niche (3). Le texte de l'inscription nous a été conservé par les épitaphiers :

» Chy devant gist veneble personne » Sire Pierre Caignet, qui par long tamps Il Fut de chiens escolâtre et chanonne » Par l'espace de soixante-sept ans.

» Lequel, avec maintes aumosnes belles » Que jadis fit pour l'office divin » Faire chiens chacun jour ès chapelles, » Fonda pour jour lot et demy de vin, » Et trespassa l'an mil quatre cens » Chincquante-huit, le dix-septiesme jour » De décembre. Pourtant, dévotes gens, » Priez à Dieu qu'il lui octroie s'amour.

Le second monument (4) marquait la sépulture de Claude Roignard ou Regnard, chanoine et professeur d'Écriture Sainte, mort le 13 mai 1525, suivant les uns (5) et 1535, suivant les autres (6). « Le deuxième monument qui occupe l'autre niche est la représentation de Notre-Seigneur au Jardin des Olives, avec ses appôtres. Tous ces divers personnages sont bien sculptés, peints et dorés. Le chanoine qui fit élever ce monument pour lui servir de tombeau est représenté à genoux présenté par un saint Claude d'une raisonnable grandeur. L'épitaphe de ce chanoine indique qu'il se nommoit Claude Caignart (sic), professeur en la Sainte Escriture et chanoine de cette église, et qu'il mourut en l'année 1535 » (7).

Les figures de ce monument avaient plus de trois pieds de haut (8).

L'épitaphe était ainsi conçue :

» Hic jacet venerabilis et doctus vir nlgr Claudius Regnard (9), sacræ scripre » professor Parisiensis, hujus ecclae canocus, qui obiit XIII die mai mil cinq cens 25.

La décoration de cette partie de la clôture était complétée par « deux niches de pierre, dans lesquelles sont placés saint Nicolas et saint Jean. Ces deux saints sont représentés de grandeur naturelle; de chaque côté sont des pyramides très

(1) « Avec un surplis à manches fermées ». Arch. de la Somme, papiers du chan. Villeman.

(2) Cf. la plaque commémorative de l'évêque Jean Avantage, dans la chapelle XX.

(3) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328. —

Il n'est pas nécessaire de s'apesantir sur la singulière confusion que ce même manuscrit (p. 377) et celui de Baron ont faite de ce monument avec le suivant.

(4) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 168. —

Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 328 et 277.

— Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 141. — Épitaphiers A, fol. 64 v°; B, p. 24; C, roi. 33, — etc.

(5) Epltaphiers,

(6) Mss. de Pagès et de Machart, loc. cit.

(7) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328.

(8) Mss. de Pages, loc. cit.

(9) Épitaphiers B et C : « Claudius Roignard ». 1

délicatement élevées ». C'est tout ce qu'en dit le manuscrit de Machart, qui est d'ailleurs le seul à mentionner ces statues (i).

Les divers monuments qui formaient cette partie de la clôture furent supprimés en 1751 (2).

TRAVÉE 26-28 a. — Avant 1751, elle était entièrement remplie, aussi bien dans sa hauteur que dans sa largeur, par le tombeau que François de Halluin, évêque d'Amiens de i5o3 à 1538, s'y était fait élever de son vivant (3). Il n'y fut point enseveli. François de Halluin était mort le 18 juin 1538 d'un accident de chasse dans les bois de l'abbaye du Gard dont il était abbé commendataire; le chapitre, à qui ce prélat orgueilleux et viveur n'était pas sympathique et qui avait été particulièrement froissé des proportions inusitées que, malgré son opposition, l'évêque avait fait donner à ce monument (4), le laissa enterrer sans pompe dans le chœur de l'église de l'abbaye (5). Comme le monument était, paraît-il, une merveille, on le conserva jusqu'en 1751, époque à laquelle il disparut, comme ses voisins, sous le marteau égalitaire de Mgr de la Motte et du chanoine Cornet de Coupel.

C'était le plus somptueux mausolée que possédait la cathédrale. Il s'élevait en pyramide jusqu'aux chapiteaux des maîtres piliers (6), montrant au doigt, dit Lamorlière « le cœur haut de ce seigneur ». Il était en pierres peintes et dorées (7) et devait être conçu dans le goût de la renaissance « élabouré à la moderne » (8), bien que, au sentiment de Pagès, les colonnes en fussent « d'ordre gothique ».

« Il est rare, de voir un aussi beau morceau de sculpture : personne ne l'examine sans en éprouver de l'admiration. Au bas sont placées les statues de six apôtres. Il y a une niche environnée d'anges et d'armoiries; il y a plus haut la représentation d'un tombeau qui, quoique très grand, n'est que d'une seule pierre toute sculptée, soustenue de quatre colonnes d'un travail sans prix » (9).

C'est ce sarcophage, destiné à renfermer les restes du prélat, qui scandalisait le plus les chanoines, parce qu'il s'élevait à la même hauteur que les châsses des saints les plus vénérés placées au-dessus du maître autel, « côtoyant et venant à parallèle, dit le bon chanoine de Lamorlière dans sa naïve indignation, non de S. Fuscien, S. Victoric et S. Gentien. S. Domice et saincte Ulphe, sainct Vuarlus

(1) Bibl. d'Amiens, ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 328.

(2) Ibid., p. 377. — Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 141.

(3) LAMORLIERE, Antiquités, etc., pp. 237 et 238, — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 338. — Suppl.

aux mss. de Pagès" édit. Douchet, pp. 162 et 165. —

DE COURT, Mémoires, 1. II, ch. 63. — Bibl. d'Am., mss. 517, p. 11; 836 (Machart, t. VIII), pp. 328, 377. —

Gall. Christ., t. X, col. 1205. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am,. t. II, p. 62. — Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 140, — etc;

(4) « Ce qu'ayant esté considéré par MM. du chapitre et la difformité que cette machine apportoit par sa hauteur au reste de l'église et à la lumière qu'elle dérobeoit dessus le grand autel au temps de la grande messe, délibérèrent, ne pouvant pour lors, sans grand

scandai, remédier à l'inconvénient présent, de ne pas permettre désormais ces édifices, sans en avoir eu communication et du dessein ». Bibl. d'Am., ms. 517, p. 11.

(5) Sur quoi Lamorlière observe que « Dieu, qui regarde les humbles, n'a permis que cet évesque jouyt de la pompe qu'il s'estoit ainsi préparée pour ses cendres 'H,

(6) Suivant Lamorlière, sa hauteur aurait été de sept toises; et suivant le ms. de Machart, de 42 pieds, ce qui est la même chose; suivant De Court, de 40 pieds.

(7) Ms. de Baron, loc. cit.

(8) LAMORLIÈRE, loc. cit.

(9) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), fol. 328.

et son compagnon, mais bien plus haut encore, justement à l'égal de sainct Fremin le Confez et de sainct Honoré ». Et le manuscrit de Machart ajoute : « Il y a encore un vide où se trouve une voûte très délicatement travaillé et un couronnement de plusieurs pyramides pleines de fleurs, de feuillages, de figures et d'armoiries azurées, argentées et dorées d'un travail admirable. Les armoiries qu'on remarque à ce monument sont soustenus de deux lions d'or; un casque est surmonté d'une couronne ducalle; autre part ces mêmes armes sont soustenus par des anges ». Lamorlière et Pagès blasonnent ces armoiries d'argent à trois lions de sable 2 et i, armés, lampassés et couronnés d'or; sur le tout, d'azur à la fasce d'or accompagnée de six billettes de même, trois en chef et trois en pointe, qui est de Piennes.

Pagès trouvait belle la sculpture : « les bas-reliefs, dit-il, et principalement ceux de la frise, sont très délicats;. on voit dans l'archi tecture de ce mausolée plusieurs statues d'anges sculptées en bosse et toutes nues, et dont les aisles ne couvrent pas la nudité » (i), laissant voir « ce que la religion et l'honnetteté nous recommandent si fort de cacher. Les nouveaux réunis, si critiques dans tout ce qui concerne nostre culte et nostre religion, et qui entrent à présent librement dans nos églises, n'auroient-ils pas quelques raisons apparentes de nous faire quelques reproches sur ce su jet? » (2) Il ne paraît y avoir jamais eu d'inscription.

TRAVÉE 28-3o a. — « Cette arcade, dit le manuscrit de Machart (3), est occupée par deux grandes niches, dans lesquelles sont représentés en sculpture gotique et en pierre une partie de la vie de sainte Anne et son accouchement. Les personnages ont trois à quatre pieds de haut. Dans le lointain, on aperçoit une ville bien imitée et très bien faite. Au-dessus de ces niches, qui en forme le couronnement, est en plus petit toute la vie de la même sainte; les alentours sont garnis d'architecture gothique ». Pagès (4) explique autrement les sujets figurés sur cette partie de la clôture. Selon lui, c'était l'entrevue de Marie avec Élisabeth qui y était représentée « par de grandes statues de pierres blanches sculptées en bosse, placées au côté droit de la clôture du chevet du chœur. Proche la représentation de cette entreveue est celle des couches de sainte Élisabeth et de la naissance de saint Jean-Baptiste ».

Nous préférons la première explication qui nous paraît plus vraisemblable et qui est aussi celle qui est donnée par Rivoire (5) et par Baron (6). L'histoire de saint Jean-Baptiste aurait fait double emploi avec celle qui est figurée dans les travées 17-19-21 a de la clôture du chœur. Il est probable que ce que Pagès a pris pour la Visitation était la rencontre d'Anne et de Joachim à la Porte dorée, et l'autre sujet, la nativité de la Sainte-Vierge.

C'est tout ce que l'on sait de cette partie de la clôture du sanctuaire. On ne connaît ni son auteur, ni son donateur, ni l'époque à laquelle elle fut exécutée.

Il est à supposer qu'elle datait à peu près de la même époque que les autres

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 338.

(2) Suppl. aux mss. de Pagès, èdit. Douchet, p. 162.

13) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 327 et 377-

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 142.

(5) Descr. de l'église cath. d'Am., p. 179.

(6) Ms. de Baron, edit. Soyez, p. 140.

3

histoires faisant partie de la clôture du chœur et du sanctuaire, c'est-à-dire des dernières années du xve siècle, ou de la première moitié du xvie.

Cette partie de la clôture fut détruite en 1762 (1).

TRAVÉE 30-32 a. — En décrivant le tombeau présumé de l'évêque Arnould (2) qui occupe l'entrecolonnement 31-32 a, Lamorlière (3) et le P. Daire (4) ajoutent que deux archidiacres « de grande maison » étaient enterrés à ses côtés. Ils étaient tous deux représentés couchés, l'un dans l'entrecolonnement 3o-32 a, sous le monument du chanoine Adrien Pécoul et l'autre en 29-31 a, sous celui des chanoines de Bécourt et Le Sieure (5), le tout disposé sans doute à peu près comme le tombeau de Guillain Lucas avec celui de l'évêque Arnould.

Au-dessus de la statue funéraire de l'archidiacre s'élevait le monument d'Adrien Pécoul, docteur en médecine, chanoine de la cathédrale et archidiacre de Ponthieu, décédé le 7 septembre 1613. On y voyait la figure du chanoine, et « l'histoire du Samaritain, faite en pierre, peint et doré. Au-dessus du couronnement de ce mausolée, qui est incrusté de toutes sortes de marbres, sont plusieurs statues représentant les sciences et plusieurs vertus » (6). Bien que ce monument ne date que de 1613, l'Almanach de Picardie de 1757 (7) le trouve « singulier par les ornements gothiques des figures dont il est surchargé ». Comme le tombeau du chanoine Guillain Lucas, et comme aussi probablement celui des chanoines de Bécourt et Le Sieure placé en 29-31 a, il ne devait pas descendre jusqu'au sol, mais former à sa partie inférieure un grand arc surbaissé pour laisser voir la statue funéraire de l'archidiacre au-dessus de laquelle il était élevé. Pagès dit d'ailleurs qu'il était « soutenu de quatre colonnes couplées d'ordre ionique, deux de chaque côté ». On y voyait aussi les armes du défunt : de gueules, à trois chevrons de vair, surmonté d'un casque timbré en face (8).

Ce double monument fut supprimé en 1768 (9). Seule l'inscription sur marbre noir (10) est parvenue jusqu'à nous : elle a été employée à daller le cabinet du côté de l'épître de la chapelle I, dont la décoration fut, à cette époque, renouvelée par le chanoine Cornet de Coupel.

HIC IACET NOBILIS ET DISCRETVS VIR MAGISTER ADRIANVS PECOVL DVM VIXIT PRESBITER DOCTOR MEDICVS HVIVS ECCLESIÆ CANONICVS ET ARCHIDIACON VS PONTHINENSIS NECNON REVERE NDIS SI MI DOMINI EpISCOPI AMBIANENSIS MAGNVS VICARIVS QVI OBIIT J. ID. SEPT. IPSO DIE D. ADRIANI EIVS PATRONI MARTIRIS CELEBRIS ANNO DOMINI 1613 ÆT AT.

SVÆ 89. ,

(1) Bibl. d'Ara., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 327 et 377. Le ms. de Baron (édit. Soyez, p. 140) dit 1752.

(2) Mort en 1247.

(3) Antiquite\, etc., p. 202.

(4) Hist, de la ville dAm., t. il, p. 41. — Voy. aussi Bib!. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 326.

(5) Ms. de Machart, loc. cit.

(6) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 327.

(7) P. 26. — RIVOIRE, Descr. de l'église catll, d'Am., p, 173,

(8) Mss. de Pages, edit. Douchet, t. V, p. 164.

(9) Bibl. d Am., ms. 036 (Machart, t. VIII), p. 377. —

Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 140. — RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., t. III, p. 179.

(10) Haut. 25 centim., larg. 90 centim.

TRAVÉE 29-31 a. — Dans l'entrecolonnement formé par cette travée se trouvait le tombeau du second archidiacre accompagnant le tombeau de l'évêque Arnould.

Il faisait pendant à celui qui se trouvait dans la travée 3o-32 a, et était disposé de la même manière (1).

Cet entrecolonnement était en outre occupé au-dessus de la statue funéraire de l'archidiacre par le somptueux monument que Madeleine de Bécourt fit élever à la mémoire de son frère Guilain de Bécourt, vicaire général de l'évêque d'Amiens, décédé le 9 août i65o, et de son neveu, Barthélemy Le Sieure, docteur en Sorbonne, chanoine d'Amiens et mort à Paris le 7 juillet i652 (2).

« On voit encore Jésus-Christ ressuscitant victorieux dans un cartouche sculpté en bas relief placé au-dessus de l'épitaphe de MM. Bécour et Le Sieure, chanoines, faisant partie du chevet du chœur. Le Sauveur sculpté de pierre blanche y est représenté en pied, de grandeur naturelle, la croix à la main, dans une attitude de victorieux : les playes que les clous et la lance ont faites dans ses mains, dans ses pieds et dans son sacré côté y paroissent comme des marques éclatantes par lesquelles cet illustre conquérant a remporté une insigne victoire sur la mort et sur toutes les puissances de l'enfer. La statue de ce Dieu tout puissant est placée sous un arc d'architecture orné d'un fronton sphérique, accompagné de deux vases posez sur leurs acrotères, au milieu de deux chanoines morts en i65o et 1652, qui sont à genoux, vêtus en surplis, sculptés de grandeur naturelle en pierre, sans dorure ni peinture » (3). Des pièces de marbres de différentes couleurs enrichissaient le' monument; les statues en étaient « d'un travail hardi » (4). Le monument ne descendait pas jusqu'au sol, mais formait sans doute à sa partie inférieure un grand arc surbaissé, pour laisser voir la statue funéraire de l'archidiacre de l'évêque Arnould placée au-dessous. Les armes des défunts y étaient sculptées.

Le premier portait au chevron, accompagné en chef de deux têtes d'oiseaux, celle de senestre contournée (becs courts?) et en pointe, d'une billette (?) Le second, au chevron denché, accompagné en chef de deux étoiles, et en pointe d'une tête de sanglier (5).

C'est en 1768 que cette travée fut dégagée par le chanoine Cornet de Coupel (6).

Pourtant le monument des chanoines de Bécourt et Le Sieure ne disparut pas en entier, et la statue du Sauveur qui en faisait le principal sujet dut à une simple raison d'économie le bonheur d'être conservée. Nous verrons que, dans le même temps qu'il faisait ouvrir cette travée, le chanoine Cornet de Coupel faisait décorer la chapelle I, jusque là dédiée à saint Jean-Baptiste. Pour ne pas être obligé de faire les frais d'une statue neuve, il fit placer sur l'autel celle qui ornait le tombeau qui nous occupe. Nous la décrirons en même temps que la chapelle où elle se trouve actuellement.

L'épitaphe a servi à daller en partie le cabinet de cette même chapelle I.

(1) Voy. ci-dessus, t II, p. 18.

(2) Plusieurs auteurs, notamment Baron (édit. Soyez, p. 139), l'auteur du ms. de Machart (t. VIII. Bibl. d'Am., ms. 836, pp. 376 et 383) et l'Almanach de Picardie de 1757 ip. 261, ont pris à tort ce monument pour celui du chanoine Jean-Baptiste Le Sieure, décédé en 1702, et dont l'épitaphe se voyait non loin de là dans le dallage.

(3) Mss. de rages, edit. Uouchet, t. v, p. 102.

(4) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 326.

(5) Épitaphiers A, fol. 63 V"; B, p. 23; C, fol. 32.

(6) Il semble que les monuments qui garnissaient cette travée et la travée 30-32 a, auraient pu être aussi bien conservés que celui du chanoine Guillain Lucas. Ils ne devaient pas masquer beaucoup plus l'entrecolonnement que ne le fait la gloire actuelle.

C'est une table de marbre noir (i) malheureusement en partie recouverte par l'autel, de sorte qu'on ne peut en savoir la largeur exacte ni la lire en entier.

L'épitaphier de Villers-Rousseville (2) permet d'en compléter en partie le texte :

D 0 M » Binas quicuq transis cernis iconas NOBILIS ET DISCRETI VIRI GVILANI DE BECOVRT VNAM; NOBILIS ET SCIENTIFICI VIRI » Bartholomei Le Sieurre illius nepotis ALTERAM; VTERQVE DVM VIVERET HVIVS INSIGNIS ECCLIÆ CANONICVS ET PCENITENTIARIVS » ille R. et illustr. DD. epi vicarius generalis totam HANC DICECESIM MAGNO CVM SPLENDORE PACIFICE REXIT EIVSQ PONDVS TEMPORE PACIS » belli pestisque strenue sustinuit, qui an. ÆTATIS SVÆ 77 DE OIBVS BENEMERITVS OBIIT DIE IX AVGVSTI l65o FVNDATO OBITV » solemni hac in æde ubi jacet 9 aug. in PERPETVVM CELEBRANDO "-" HIC VERO DOCTOR AC SOCIVS SORBONICVS » die bus sorbonicæ domui prsecipue sacris TVM LATINAS TVM GALLICAS HABVIT ORATIONES CORONA DOCTORVM ILLIVS PIETATI » eruditioniq. eximise applaudente ortodoxse ecclias DOCTRINÆ VERITATEM NON MINORI CONSTANTIA QVAM FIDE TVITVS » est. Obiit Parisiis 7A Julii I652, anno getatis 46. Jacet in SORBONÆ TEMPLO RELICTO IBI SICVT AMBIANI OIBVS SVI DESIDERIO » Fratri ac nepoti hoc impensi in utrumq. studii monuMENTVM MAGDALENA DE BECOVRT CONSTRVI ET ERIGI CVRAVIT 1654. GVILANVS DVUAL PRESBYTER HVIVS ECCLESIÆ CANONICVS VT CVM REDIVIVVM CORPVS RESVMERET ALTERIVS SCILICET NEPOS PRONEPOS FVIT 111111111)1 SACRVM SINGVLIS ANNIS VOLVIT FACIENDVM QVO DIE OBIIT OBIIT AVTEM NOBILIS ET DISCR : MAGIS : lOAN: BAPT : LE SIEVRRE SICVT VIXERAT IN AMORE DEI ET , I I I I I I I ! I I I

Contre le pilier 31 a, était placée l'inscription du chanoine Antoine de Metz, mort le 24 novembre 1596, avec ses armes, qui étaient d'argent au chevron de gueules chargé en chef d'un arbre de sinople, et accompagné de trois oiseaux de sable. Voici le texte de l'inscription tel que le donne l'épitaphier de VillersRousseville (3) :

» Magcr Antonius de Metz, pber hujus ecclæ du viveret canocus : hic voluit » sepeliri, credens firma fide et expectans resurectionem suæ carnis in ultimo die, » qui obiit anno dni millesimo [quingentesimo] nonagesimo sexto, die vero 24 mensis » novemb. Datur interea clemente et misericorde Deo ut requiescat a laborius (sic) suis.

(1) Haut., 42 centim.

(2) Épitaphier A, fo1. 63 V0. — Voy. aussi épitaphiers B, p. 23, et C, fol. 32.

(3) Epilaphier A, fol. 64. — Cf. Épitaphiers B, p. 24, et C, fol. 32 v°. — « M. Demest est enterré devant la chapelle de St- Jean derriers le coeurs, et estoit curé de

TRAVÉES 25-27 a et 27-29 a. — La clôture qui remplissait ces deux travées ne formait qu'un seul et même sujet, et elle devait avoir une grande analogie avec les parties de la clôture subsistant encore dans les travées 17-19 a, 12-21 a, 18-20 a, 20-22 a, représentant les histoires de saint Jean-Baptiste et de saint Firmin.

La première partie, dans la travée 25-27 a, avait été donnée par le chanoine Jean Sacquespée (1), qui mourut le 3o janvier 1524, et qui fut enterré tout à côté.

On ne sait s'il l'a fait faire de son vivant ou si elle n'a été élevée qu'après sa mort, en exécution de ses volontés testamentaires. La première supposition semble cependant mieux s'accorder avec son épitaphe. Cette clôture se composait de quatre niches, dans lesquelles était sculptée l'histoire des saints Fuscien, Victoric et Gentien (2).

« Toute la sculpture de ce monument représente un nombre infini de personnages peint et doré et bien distinct les uns des autres » (3). Pagès en a laissé une description assez détaillée. Les statues qui composaient les groupes étaient hautes de trois à quatre pieds. « Dans la première niche ou petite arcade, dit-il, on remarque l'accueil favorable que saint Gentien fit aux saints Fuscien et Victoric, Romains qui, estant venus dans la Gaule Belgique pour y annoncer l'évangile de Jésus-Christ et pour y voir saint Quentin, aussi Romain, qui prêchoit dans ce pays la vérité de la religion chrétienne, furent receus dans la maison de Gentien, dont la foi naissante fut récompensée de la couronne du martir, puisqu'il souffrit pour avoir voulu défendre ses deux hôtes contre la violence des tirans qui vouloient attenter à leur vie. — Dans les deux autres niches, on remarque ces deux apôtres de la Picardie arrêtés prisonniers par les ordres de Rictiovarus ou Rictio Varrus et tourmentés de diférens supplices par les bourreaux. Ce préfet n'ayant pu obliger ces glorieux athlètes à sacrifier aux idoles et renoncer à la foi de Jésus-Christ, leur fit crever les yeux et enfin couper la tête l'an 303 ou 287.

— On voit dans l'enfoncement de la troisième (quatrième) niche les corps ou plutôt les troncs de ces deux martirs porter dans leurs mains, après leur mort, leur teste que le bourreau en avoit séparée, depuis le village de Saint-Fuscien jusqu'à celui de Sains. — Cet ouvrage, avec ses ornemens, fut donné l'an 1524 par M. Jean Sacquespée, chanoine et thrésorier, dont la statue est représentée vêtue de ses habits de chœur, placée contre une des colonnes avec son épitaphe en cuivre.

- L'écu de ce chanoine est attaché au couronnement de pierres délicatement travaillées à jour. Il porte de synople à une aigle d'or, chargée sur l'estomach d'une espée d'argent en bande, qu'il tient par la poignée avec le bec, la tirant du fourreau de sable, le tout d'or, la garde de même » (4).

Sous ces groupes on lisait l'inscription suivante disposée sans doute deux vers sous chaque sujet :

Saint-Michelle le (blanc; entre 1596 et 1597i ù, Arch. de la Somme, Recueil de Robert Boulye.

(1) La famille Sacquespée était une des premières familles bourgeoises d'Amiens. Plusieurs de ses membres appartinrent à l'échevinage, à partir de 1492. Pierre Sacquespée fut maieur en 1535 (JANVIER, Le Livre d'or de la municipalité Amiènoise). Il y eut aussi plusieurs

chanoines de ce nom à la cathédrale.

(2) NERLANDE, Dissertation sur le temps de la vie, de l'cpiscopat et de la mort de S. Honore, Bibl. d'Am., ms. 466, fol. 85, v°.

(3) Bibl. d'Am., ms. 8?6 (Machart, t. VIII , p. .,2t),

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 421.

» En son logis rechut saint Gentien » Saint Victorice avec saint Fussien.

» Rictiovare qui les fit prendre » Et Gentien qui les voloit deffendre » Devant iceulx lors fit décapiter » Saint Gentien et pour les irriter » Après les yeux crevez et maint tourment » Décapités furent finallement (i).

Au-dessous étaient « d'autres petites arcades gotiques, où se trouvent représentés en cinq différents quadres la vie de saint Quentin. Les personnages qui sont très petits n'en sont pas moins très bien faits : ils sont aussi tous peints et dorés » (2).

C'était sans doute quelque chose d'analogue aux bas-reliefs qui ornent le soubassement des histoires de saint Jean-Baptiste et de saint Firmin.

Cette partie de la clôture fut supprimée en 1751 (3).

En avant de la clôture, l'épitaphe du donateur était gravée sur une lame de cuivre : » Cy devant gist le corps de vénérable et discrète persoe Mr MC Jean Sacquespée, » en son vivant chanoine et garde de la thrésorerie de cette egle, lequel, en son » vivant, a fondé une messe solemnel à diacre et soubsdiacre et choristes de l'office » de N.-D., à être ditte et célébrée à haute voix par l'université des chapp[elains] » d'icelle égle, chacun an, le lendemain de l'Annonciation dnicalle, et si a ft faire » cette hystoire en l'honnr de Dieu et de ses glorieux martirs St Fussien, Gentien » et Victorice; et est décédé de vie par mort, le pénultième jour de janer l'an 1524.

» Priez Dieu pr son âme (4).

La seconde partie de l'histoire des saints Fuscien, Victoric et Gentien (travée 27-29 a) avait été donnée en 1551 par le chanoine Charles de la Tour, décédé en 1556 (5). Toute en pierre sculptée, peinte et dorée, comme sa voisine, elle était attribuée au même artiste (6).

A cause de l'étroitesse de l'entrecolonnement, elle ne comprenait que deux sujets sculptés dans deux niches, et représentant la découverte des corps des saints Fuscien, Victoric et Gentien par le prêtre Lupicin, et leur translation à Amiens par l'évêque saint Honoré, en présence du roi de France.

Comme dans la travée précédente, au-dessous des principaux sujets, la suite de l'histoire de saint Quentin était sculptée dans de « petits cartouches ». Enfin, ajoute Pagès, l'écu des armes du donateur « attaché au couronnement de pierres de cet ouvrage délicatement sculptées, fait voir que ce vertueux chanoine portoit d'aplr à la tour maçonnée et crénelée d'or » (7). Elles y étaient deux fois (8).

(1) Épitaphiers A, fol. 62; B, p. 22; C, fol. 31.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 325 et 376.

(3) Ibid. — Il paraît que deux figures de cette histoire « replatrées et blanchies » avaient été placées dans des niches au grand portail de l'église des Carmes d'Amiens, aujourd'hui détruite (NERLANDE, Dissertation, etc. Bibl.

d'Am., ms. 466, fol. 85 v°).

(4) Épitaphier A, fol. 62. — Cf. Épitaphiers B, p. 21;

C, fol. 30 v°; D. — Voy. aussi Bibl. d'Am., ms. 836 \Machart, t. VIII), fol. 325.

(5) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 422.

(6) Bibl. d'Am., mss. 836 (Machart, t. VIII) p. 376, et 832 (t. IVI, p. 17. L'auteur du ms. de Machart aurait bien fait de le nommer, s'il le connaissait.

(7) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 424. —

Seul l'épitaphier B (p. 22) dit à la tour d'argent.

(8) Épitaphier A, fol. 62 VO.

Cette partie de la clôture, comme les précédentes, fut détruite en 1751 (1).

L'épitaphe du donateur était placée tout à côté, contre le pilier 27 a. Elle était inscrite sur une plaque de cuivre et accompagnée des armes du défunt.

» Cy devant gist noble persoe Mr Mc Charles de la Tour, au jour de son » trépas pbre, pénit[ encier] et chanoine de cette égle N.-D. d'Amiens, lequel a fondé » une messe du S. Esp. au chœur chacun an en lad. égle le lendemain de la » Trinité, et à l'université des chappains une messe à basse voix, qui se dit et » célèbre chaque jour de l'an en la chap. de S. J. Bap., lequel trépassa le 1 ge jour » de juillet an 1556. Priez D. pour son âme. Pater. Ave (2).

TRAVÉE 23-25 a. — L'entrecolonnement était jadis entièrement occupé par les deux tombeaux placés bout à bout de Jean de la Grange, qui fut évêque d'Amiens de 1373 à 1375, devint ensuite cardinal, et mourut le 24 avril 1402 (3), et de son neveu et successeur Jean de Boissy, qui fut évêque d'Amiens depuis 1389 jusqu'à sa mort arrivée le 4 septembre 1410.

Par son testament daté du 12 avril 1402, c'est-à-dire de douze jours avant sa mort, Jean de la Grange avait élu sa sépulture dans la cathédrale d'Amiens, à gauche du maître autel, vis-à-vis de la chaire où les prêtre, diacre et sous-diacre vont s'asseoir pendant la messe, avec ordre d'y placer le tombeau que, dès longtemps auparavant, il avait fait faire à Paris, et, depuis plusieurs années, amener à Amiens. Au cas où il viendrait à décéder à Avignon ou à une journée aux environs, son corps devrait être en entier porté et déposé dans l'église de Saint-Martial, dans laquelle il lui serait fait des obsèques solennelles selon la dignité de son état, puis partagé, suivant une concession apostolique qui lui avait été faite : ses os devaient être portés secrètement à Amiens par les soins de Jean de Boissy et de Jean Filleti, évêque d'Apt, ses neveux, et le reste de son corps dans l'église Saint-Martial dans la sépulture qu'il y avait lui-même fait établir, avec la représentation de quelques fêtes de la Vierge. S'il venait à mourir trop loin d'Avignon, son corps serait divisé comme il a été dit. ses os envoyés partie à Amiens et partie à Avignon, et les chairs et intestins enterrés dans la principale église du lieu où il serait décédé (4).

Sa mort étant arrivée à Avignon, ses dernières volontés furent exécutées à la lettre : ses os furent séparés de sa chair et apportés à Amiens.

(1) Bibl. d'Am., ms. 83b (Machart, t. VIII) p. 376.

(2) Épitaphier A, fol. 62 v°. — Cf. Épitaphiers B, p. 22; C, fol. 31. — Voy. aussi Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 424. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), P- 325.

(3) Sur le cardinal Jean de la Grange, voy. ci-dessus, t. I, p. 50.

(4) « Item eligo sepulturam meam in ecclesia cathedrali Ambianensi a parte sinistra majoris altaris, recte ad oppositum cathedrae in qua sedentin missa presbyter, diaconus et subdiaconus, et volo et ordino quod ibidem ponatur, assideatur et collocetur sepultura quam ego

feci fieri Parisiis diu est, et quae, jam sunt plures anni, fuit portata Ambianum, voloque et ordino quod si contingat me decedere in Avinione vel prope per unam dietam, quod corpus meum integrum portetur et deponatur in ecclesia collegii S. Martialis Avinionensis, et in eadem fiant exequiae solemnes, secundum decentiam status mei, ad ordinationem executorum meorum, et, factis exequiis, dividatur seuparetur corpus meum, juxta concessionem apostolicam super hoc mihi factam, et ossa portentur Ambianum secrete, ad ordinationem reverendorum patrum dominorum Johannis de Boisyaco, Ambianensis, et Johannis Filheti, Aptensis episcoporum,

Il semble par les termes mêmes de son testament que Jean de La Grange ait entendu faire à Amiens sa principale sépulture (i). « Eligo sepulturam meam in ecclesia cathedrali Ambianensi ». Jean de Boissy se mit donc en devoir de faire placer dans la cathédrale, à l'endroit désigné, c'est-à-dire dans la travée 23-25 a, sur les restes du cardinal, le monument que celui-ci s'était fait préparer; mais

FIG. 184. — Tombeaux du cardinal de la Grange et de l'évêque Jean de Boissy, d'après un dessin de 1727.

comme ce monument ne tenait que la moitié de la travée, il en fit placer un autre semblable à côté pour lui-même, de sorte que les deux ne faisaient qu'un seul et même ensemble occupant tout l'entrecolonnement. Les deux monuments ont été supprimés au mois de mai 1 751, et les restes des prélats transférés derrière le chœur (2).

Seuls de la partie détruite de la clôture, ils sont dessinés dans la coupe longitudinale qui fait partie de la suite de dessins de la cathédrale datés de 1727 (3). Ce dessin (fig. 184), bien qu'à une assez petite échelle (4), les descriptions, si incomplètes et si peu claires qu'elles soient, qu'en ont données les auteurs anciens, et les quelques débris qui subsistent du tom beau de Jean de la Grange, permettent pourtant de s'en faire une idée.

Le tombeau du cardinal se composait d'un soubassement de marbre noir, orné de « belles statues de marbre blanc qui représentent des personnages qui pleurent. Ces figures sont faites aussi en marbre blanc, d'une bonne exécution, elles sont placées dans des espèces de niches » (5).

Sur ce soubassement, la statue couchée du prélat, en marbre blanc, s'étendait sur une grande dalle le long de laquelle son épitaphe était gravée, avec ses armes

nepotum meorum infrascriptorum, velalterius eorumdem ; de quibus in omnibus et singulis corpus et animam et potissime executionem prasentis mei testamenti tangentibus, prae caeteris singularissime sum confisus; residuum vero corporis remaneat in dicta ecclesia collegii Sancti Martialis, in sepultura per me ibidem ordinata, cum repraesentatione aliquorum festorum B. Mariae. Si vero contingat me decedere magis longe ab Avinione, volo et ordino quod ossa mea dividantur a carne, et una pars portatur secrete Ambianens., et alia pars ad ecclesiam dicti collegii, et caro et intestina ponantur in ecclesia solemniori loci in quo contigerit casus ». Testam. de Jean de la Grange, publié dans l'Histoire de Charles VI roy de France, par J. Juvénal des Ursins, édit. Denys Godefroy, 1653, in-fol., pp. 754 à 764, et dans l'Histoire de tous les cardinauxfrançoisde naissance, par Duchesne, p. 467.

(1) Nous ne dirons rien de l'ancienne sépulture du cardinal d'Amiens à Saint-Martial d'Avignon, que l'on a pu rétablir presque en entier au musée Calvet de cette ville ; nous nous contenterons de renvoyer à la description

qu'en a donnée De Court (Mémoires, 1. II, chap. 50\ et surtout à la savante notice de M. E. Müntz dans la revue VAmi des monuments et des arts, 1890.

(2) DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 51. — Bibl.

d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 375. — En les démolissant, on retrouva les ossements des deux prélats.

Parmi ceux de Jean de Boissy, on rencontra « un calice de fin étain qu'il avait à la main et quelques bouts de sa crosse, et des morceaux de sa chasuble, qui éloit d'une étoffe de soye tissue de fils d'or o. Le tout fut laissé en l'état. (Bibl. d'Am., ms. 834 (Machart, t. VI), p. 164).

(3) Collect. de M. Soyez.

(4) Il a été publié agrandi par Duthoit dans le Sanctuaire de la cathédrale d'Amiens, par M. E. Soyez.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 324. —

« Le soubassement faict d'un marbre noir ajolivé et tout entouré de figures encore de marbre blanc ». LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 218. — « Le premier est de marbre noir, garni des deux faces de petites figures de marbre blanc, avec d'autres ornemens aussi de marbre très bien travaillés ». DE COURT, Mémoires, 1. II, ch. 50. — Voy.

aux quatre coins : de gueules à trois merlettes d'argent, au premier canton de Bretagne (i).

Seule cette statue a trouvé grâce devant les iconoclastes du XVIIIe siècle : ils la firent mettre à la place de celle de l'évêque Arnould, sous le tombeau du chanoine Lucas (travée 31-32 a), où l'on peut encore la voir aujourd'hui (fig, 181).

Elle mesure environ deux mètre's de long, de la plante des pieds à l'extrémité de la mitre. Le prélat est représenté couché, les mains jointes, la tête appuyée sur un coussin et revêtu de tous les ornements pontificaux : sandales, aube, étole, tunique, dalmatique un peu plus courte que la tunique, chasuble drapée à orfrois, amict paré, mitre assez haute, ornée de trèfles et de quatrefeuilles. Les orfrois sont simplement marqués sur la chasuble, sur l'amict et sur la mitre, sans aucun ornement. Le chapeau cardinalice est a ses pieds, mais sans faire corps avec la statue. Celle-ci est en trois morceaux de marbre, et la tête paraît avoir été brisée, puis recollée. Le nez et les mains sont cassés (2). Cette statue rappelle beaucoup les statues funéraires en marbre exécutées par André Beauneveu dans l'église de Saint-Denis. Elle est fort remarquable d'exécution et de vérité : les draperies sont traitées très simplement, mais avec un art consommé. Le visage est évidemment un portrait du cardinal, non à l'époque de sa mort, mais beaucoup plus jeune, puisqu'il nous apprend lui-même par son testament qu'il y avait longtemps qu'il l'avait fait faire : figure ronde et bien remplie, double menton court et légèrement proéminent, bouche petite, lèvres fines et dessinant un léger sourire. C'est un chef-d'œuvre de l'école française. Il ne faut pas oublier que Jean de la Grange dit positivement dans son testament qu'il avait fait exécuter son tombeau à Paris.

Le long de cette statue on a placé des débris de l'ancienne architecture de marbre blanc qui lui servait d'encadrement (bases, colonnettes à chapiteaux sculptés, culs de lampe, etc.). Elle repose aujourd'hui sur une dalle moulurée en marbre noir trop courte pour elle. Celle sur laquelle elle était placée jadis a été retrouvée en 1855, brisée en deux, dans les démolitions de l'ancienne sacristie au côté nord de la cathédrale. Elle est aujourd'hui conservée dans le jardin de l'évêché, appuyée contre la chapelle des catéchismes (3). C'est une belle dalle en pierre noire de Belgique, épaisse de omi6, longue de 2m55, et large de im25, moulurée sur ses deux grands côtés, avec chanfrein sur lequel est gravée l'épitaphe en caractères gothiques :

hic jacet Revevenbiffmue in ~po pater et bn6 bïîë joffannee be 6tangia bubum.

a66a6 [fisc]anrn beinbe (lP6 am&ianen poftremo vero ste romane eccfie Gavbinafie 6p6 (jufcufan qui o6iit anno bru miiïefimo ccccmo fcbo bie ^iiii menfiç aptifie orate beum Pro eo ut reqiefcat in pavabifo (4).

aussi DAIRE, Hist. de la ville d'Aiii., t. II, p. 51. —

D'après le ms. de Machart (loc. cit.), ces statues auraient été au nombre de huit, mais le dessin de 1727, qui figure les arcatures sans les statues, semble indiquer douze niches : six vers le chœur et six vers l'extérieur.

(1) LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 218. — Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 33 t.

(2) Depuis l'exécution de notre héliogravure (fig. 181), les mains ont été retrouvées et recollées. Elles sont fort belles.

(3) GOZE, Statues religieuses, etc., dans le Mémorial d'Amiens du q août 186=;.

(4) Voy. LAMORLlÈRE, Antiquiter., p, 218, -- DE COURT, Mémoires. 1. II, ch. 50. — Gall. Christ., t. X, col. 1195-

Au fond de la niche dans laquelle se trouve aujourd'hui la statue, on a placé l'inscription suivante, gravée sur une plaque carrée de marbre noir :

MONUMENTUM BONÆ MEMORISE DD.

JOANNIS DE LA GRANGE QUONDAM EPISC. AMBI.

TUM S. R. E. CARDINALIS HUC TRANSLATUM E LATERE SINISTRO SANCTUARII HUJUS E;CCLESIÆ UBI OSSA EJUS REQUIESCNT AN. D. MDCCLI

Il ne reste absolument rien du monument de Jean de Boissy, qui était fait à peu près sur le même modèle que celui du cardinal, se composant comme lui d'un soubassement de marbre noir orné d'une arcature, mais d'un motif un peu différent, si le dessin de 1727 est exact. Sur ce soubassement était placée la statue du prélat revêtu de ses ornements pontificaux et couché. Elle n'était pas en marbre, comme celle de Jean de la Grange, mais en pierre, « par espargne peut-être de ses héritiers », dit malicieusement Lamorlière (1), mais non sans témérité, car il est assez vraisemblable que Jean de Boissy avait fait faire lui-même son propre tombeau en même temps qu'il faisait monter celui de son oncle. On y voyait aussi ses armes à cinq points d'argent équipollés à quatre de gueules (2). Le texte de son épitaphe nous a été conservé par Lamorlière :

» Hic jacet reverendus in Christo pater Dominus D. Joannes de Boisiaco » legum professor eximius, Lugdunensis diocesis, miseratione divina primo » Matisconensis et post Ambianensis episcopus, nepos domini cardinalis Ambianensis, » hic supra jacentis, qui prsefuit ecclesiae Ambianensi 22 annis, mensibus sex et » diebus septem, et obiit anno Domini 1410, die quarta mensis septembris. Orate » Deum pro eo. Amen (3).

Les deux tombes étaient recouvertes d'un dais continu, qui, suivant le dessin de 1727, paraît être d'une même façon et avoir été exécuté d'un seul coup.

Il se composait de quatre petites voûtes, deux au-dessus de chaque tombeau, portant sur des groupes de colonnettes, et s'ouvrant sur les deux faces par autant d'arcs brisés et redentés surmontés de hauts gables triangulaires ornés de crochets et séparés par de légers pinacles. Tout ce dais était de pierre et fermé par un grillage en fer (4).

A droite et à gauche étaient « deux grandes pyramides où sont placées deux, figures de saintes faites en pierre et de grandeur naturelle : l'inscription qu'elles portent indique qu'elles moururent en l'année 1410 (sic) » (5). Il est probable que le

1197. Il est à remarquer que cette épitaphe d'Amiens est à peu près identique à celle qui était inscrite sur le tombeau d'Avignon, et rapportée par M. Müntz (foc, cit.).

(1) Antiquités, p. 222.

(2) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 332.

(3) LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 222.

(4) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 375. —

Ms. de Baron, édit. Soyez, pp. 117 et 133.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 325. —

La date de 1410 est celle de la mort de Jean de Boissy.

manuscrit de Machart veut parler de deux statues que l'on voit représentées sur le dessin de 1727 (fig. 184), portées sur des culs de lampe, abritées par des dais, adossées à chacun des deux piliers entre lesquels sont nos deux tombeaux, du côté intérieur du sanctuaire; mais ce ne doit pas être des saintes, car une de ces statues paraît porter de la barbe (1).

Outre les deux mausolées de Jean de la Grange et de Jean de Boissy, quelques autres tombes complétaient cette partie de la clôture. Près du pilier 25 a, à côté du tombeau du cardinal, s'élevait la tombe de Jean du Vey, chanoine d'Amiens et de Picquigny. C'était un petit monument de pierre, peint et doré « d'un genre très détaillé » et dont le travail de sculpture était fait avec beaucoup de soin (2). Il portait cette inscription (3) : » Chy devant gist veneble et discre persoe Mr Me Jean du Vey, en son » vivant pbre, chanoine de cette egle et de Pinquegny, lequel a fondé à l'université » des chappains de céans une messe quotidiane et ppétuelle que sont tenus iceulx » chappains célébrer chacun jour ppetuellement et à tousjours en la chap. St-Quentin, » devant laquelle est sépulturé led. deffunt, à comencer icelle messe depuis la fin » de matine du chœur dicte et fondé (?) jusqu'au commencement de prime du » chœur; avec ce a fondé auxd. de l'université une messe à haute voix de l'office » Ste Catherine que sont aussi tenus iceulx chappains célébrer chacun an en la » chapelle de lad. université, que l'on dit la Mère Dieu Anglecque (4), le jour de » la feste d'icelle Ste, et ce à diacre et soubz-diacre et deux choristes, et sont » tenus lesd. de l'université distribuer à chacun chapp. pnt à lad. messe six deniers; » leq. sr. du Vey trespassa de ce siècle le 6e jour de 7bre l'an 1584. Priez Dieu » pour son âme. Pater ner. Ave Maa.

Suivant l'auteur du manuscrit de Machart (5), on voyait encore du même côté de cette travée un petit monument de pierre peint et doré, analogue à celui de Jean du Vey, mais dont les noms étaient déjà de son temps effacés.

TRAVÉE 21-23 a. — Dans l'entrecolonnement formé par cette travée se trouvait

(1) Sur ces deux tombeaux on peut encore consulter : Bibl. d'Am., ms. $i6(Serics episcoporum Ambianensium), fol. 57. — DUSEVEL, Une visite, dans la Picardie, t. VI, p. 540; du même, dans la même revue, t. XV, p. 496. —

DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 51. — RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 172, etc. — Il y a au musée d'Amiens, sous le n° 168 du catalogue de 1875, des fragments d'une arcature en marbre blanc d'une grande finesse d'exécution et dans le style de la fin du XIVe siècle, provenant d'un ancien monument funéraire de la cathédrale. Ils passent généralement pour des fragments de l'arcature qui ornait le soubassement du tombeau du cardinal de la Grange. C'est d'autant plus vraisemblable qu'ils présentent les plus grandes analogies avec les fragments d'architectures qui accompagnent la statue funéraire du cardinal. — Suivant un acte du

Parlement de Paris cité par Duchesne (Preuves de Vhist.

des cardin, françois, in-fol., p. 477), Étienne de la Grange, chevalier, conseiller du Roi, président au Parlement et frère du cardinal aurait élu sa sépulture dans la cathédrale d'Amiens près de la tombe de celui-ci.

Nulle marque extérieure ne la faisait connaître.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 324. —

Machart l'appelle Jean du Fay, mais on sait la facilité avec laquelle l'auteur de ce ms. estropiait les noms..

(3) Épitaphier A, fol. 61 v°. — Voy. aussi épitaphiers B, p. 20 et C, fol. 30, v°.

(4) Épitaphier B : « Angelicque ». — C, id.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 iMachart, t. VIII) p. 324. —

Le ms. de Machart est le seul à donner ce renseignement.

Est-il bien exact?

la porte latérale du chœur faisant vis-à-vis à celle qui était pratiquée en 22-24 a.

Elle était de maçonnerie et avait été donnée par testament par Jacques Ledoux, évêque d'Hébron, suffragant de Claude de Longwy, évêque d'Amiens. Jacques Ledoux décéda le 19 mars 1582 (1), et fut enterré non loin de là.

M. Dubois (2) cite, sans dire où il l'a trouvé, un acte du T5 mai 1584, par lequel Hubert Bullan, maître maçon demeurant à Amiens, paroisse Saint-Martin-au-Bourg, se charge de faire « construire, tailler et asseoir bien et suffisamment, suivant l'art de maçonnerie, l'histoire des saints Fuscien, Gentien et Victoric, martyrs, ordonnée par feu Jacques Ledoux, évêque d'Hébron, au-dessus du portail du chœur de l'église d'Amiens, du côté de l'évêché et des petites orgues ».

Cette porte était surmontée du côté du déambulatoire d'un grand cintre d'architecture, dans lequel se trouvaient « plusieurs belles statues en pied et isolées, de grandeur presque naturelle, sculptées de pierres blanches, qui représentent un pape accompagné de cardinaux, d'évêques, d'ecclésiastiques et d'autres personnes vêtues d'habits et d'ornements convenables à leur dignité et qualité, qui font un très bel effect dans cet endroit. On n'y voit point d'inscription qui puisse donner à connaître quelles sont les personnes représentées dans ce beau groupe » (3).

L'auteur du manuscrit de Machart en fait « l'absolution généralle donnée par le pape » (4). On se demande pourquoi on aurait placé un pareil sujet en cet endroit. Le même manuscrit de Machart (5), celui de Baron (6) et Rivoire (7) en donnent une autre interprétation, qui, d'après les textes que nous venons de citer, paraît être la vraie. Ce serait le départ des douze romains, qui, vers la fin du 111e siècle, furent envoyés par le pape pour évangéliser les Gaules : Fuscien, Victoric, Quentin, Lucien, Crépin, Crépinien, Piat, Rieul, Marcel, Eugène, Rufin, Valère. Il faut observer que, comme nous le verrons, le reste de l'histoire des saints Fuscien, Victoric et Gentien, figurait déjà dans deux travées de la clôture du chœur (8), et que de plus, comme le remarque avec raison M. Soyez (9), le prélat donateur du sujet qui nous occupe, avait été religieux de l'abbaye de Saint-Fuscien.

La niche qui abritait cette sculpture était, « couronnée de piramides goticques percées à jour » (ïo). On ne sait trop ce que le manuscrit de Machart entend par

(1) « Histoire de saint Fuscien à la clôture du chœur, devant les petites orgues, 140 écus d'or légués par Jacques Ledoux, évêque d'Hébron N, Bibl.d'Am.,ms. 516, fol. 170. — « Messire Jacques Ledoux, évesque d'Ebron, suffragant de l'évesché d'Amiens, décédé le 19 mai 1582, et par son testament légua au chapitre 100 escus d'or pour faire orner la porte du chœur du costé de l'évesché et y faire édiffier en sculpture l'histoire et martyre des saints Gentien, Fuscien et Victoric en dehors du chœur, et le dedans fut depuis orné comme l'autre costé par Mons. Lagrenée. Par son testament, il laissa quantité de petits meubles et joyaux, lesquels vendus, firent la somme qu'il avoit léguée». Ibid., ms. 517, p. 45. —

« Mgr. Jacques Le Doux, évesque d'Ebron. vivoit encor l'an 1582, comme appert de la porte du chœur regardant l'évesché, que ce prélat fit construire et y a sa sépulture » LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 240. C'est ce passage mal compris de Lamorlière qui a fait dire

faussement au P. Daire que cette porte fut « l'ouvrage de l'évêque Claude de Longvy, qui y a son tombeau, quoique son corps n'y repose pas ». DAIRE, Hist. de la ville d'Ain., t. II, p. 122.

(2) L'œuvre de Blasset, p. 12.

(3) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 362.

(4) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 324. —

DUSEVEL, Une visite, dans la Picardie, t. VI, p. 539.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 375.

(6) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 137. — Nous n'avons pas besoin de relever ici la confusion que le ms. de Baron fait à ce sujet, et qui a déjà été relevée par M. Soyez (Le sanctuaire de la cath. d'Am" p. 13, note 4).

(7) Descr. de l'église cath. d'Am., p. 178.

(8) Voy. travées 25-27 a et 27-29 a.

(9) Le sanctuaire de la cathédrale d'Ain., p. 13, note 4.

(10) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 324. —

DUSEVEL, Une visite, dans la Picardie, t. VI, p. 539.

ces mots « piramides goticques », car, en 1584, on ne faisait plus guère de gothique, à moins que, et ce serait un fait curieux à signaler, l'artiste n'ait voulu harmoniser son architecture avec celle qui surmonte les autres parties de la clôture. Il faut convenir que tout ce que les anciens auteurs ont dit à ce sujet n'est pas toujours bien clair.

Cette porte était aussi ornée, probablement vers l'intérieur, de six statues d'apôtres, « de pierres, d'une belle sculpture, peintes et dorées en quelques endroits, hautes de quatre à cinq pieds ., tenant chacun à la main les instruments de leur martir ». Elles étaient accompagnées de six sujets sculptés représentant les actions de chacun d'eux et placées au-dessus du cintre de la porte. « Les chapiteaux des niches faits de pierres blanches, élevés sur les figures de ces apôtres et le couronnement de cet ouvrage sont artistement travaillés et d'une sculpture extrêmement délicate. » (1). Suivant Pagès, ces six statues d'apôtres auraient été faites, « l'an 1614, des libéralités de M. Lagrené, dont on voit les écus sculptés en cet endroit » (2). Le P. Daire, au contraire (3), les attribue à Nicolas de la Couture, évêque d'Hébron, suffragant de l'évêque François de Halluin, lequel les aurait fait faire en i5io. Il y a dans tout cela une grande confusion. Pagès ne veut-il pas ici parler de Nicolas Lagrené, évêque d'Hébron, et la date de 1614 n'est-elle pas soit une erreur du manuscrit, soit une faute d'impression de l'éditeur, pour 1514, et la confusion ne provient-elle pas de ce que les deux personnages portèrent successivement le titre d'évêque d'Hébron (4)? Quoi qu'il en soit, elles faisaient pendant à six autres figures placées à la porte de la travée 22-24 a, et qui avaient été exécutées de 1527, environ, à 1531 aux frais d'Adrien de Hénencourt et de sa succession, et comme celles-ci, elles étaient accompagnées de six chandeliers (5). En 1661, on y avait fait une porte de fer (6).

D'un côté de la porte s'élevait le monument du donateur, Jacques Ledoux, évêque d'Hébron. Il était en pierre blanche, d'une très belle sculpture et formé d'une grande niche qui abritait la statue du défunt vêtu de ses habits pontificaux et à genoux devant un prie-Dieu. Dans le fond de la niche, on apercevait une ville en perspective, plusieurs maisons et bocages et quantité de personnages (7).

C'est apparemment à ce tombeau que le manuscrit de Machart fait allusion lorsqu'il parle d' « un monument fait en pierre, qui représente une Vierge peinte et dorée. Vis-à-vis d'elle est un évêque à genoux, dont on voit l'épitaphe et les armes » (8). -

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 457. —

Cf. Bibl. d'Am., ms. 816 (Machart, t. VIII), p. 372.

(2) Mss. de Pagès, loc. cit.

(3) Hist. littéraire de la ville d'Am., p. 68.

(4) Nicolas de la Couture, franciscain, et Nicolas Lagrené, prémontré, abbé de Saint-Jean d'Amiens, furent successivement, avec le titre d'évêque d'Hébron, suffragants de François de Halluin, évêque d'Amiens, le premier de 1503 à 1517, le second lui succéda et mourut en 1540.

(5) Invent, du très, de 1667 et 1689. — Voy. ci-dessus, t. II, p. 12.

(6) 1 Au chapitre tenu le 5 août 1661, Messieurs ont prié M. Cornet, chanoine et maître de fabrique, de faire faire à la porte collatérale du chœur, du costé de l'évesché, une porte de fer de ce qui est dans les cloistres et d'en faire les marchés ». Bibl. d'Am., ms. 517, p. 41.

(7) Bibl. d'Am., mss. 516 (Series episcopor. Amb.) fol. 72; et 836 (Machart, t. VIII), p. 324. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 361. — DAIRE, Hist. litt.

de la ville d'Ain., p. 75. — DUSEVEL, Une visite, etc., dans la Picardie, t. VI, p. 539.

(8) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 324. Ce renseignement est-il bien exact?

L'épitaphe du prélat était fort simple (i) : » Ci gist Mr Me Jacques Le Doux, évesque de Ebron, et décedda le 19 de » mars l'an i582. Priez pour luy.

De l'autre côté de la porte, on voyait le tombeau de Nicolas Gaudran, chanoine et pénitencier, décédé le 12 février 1616, accompagné de ses armes : d'azur à un bois de lance et un croissant brochant sur le tout. soutenant de la pointe dextre un rocher, et de la senestre un (dé?) le tout d'or.

C'était un monument de sculpture, représentant la vision de saint Jean dans l'Apocalypse, et que Pagès décrit en ces termes : « L'autre côté extérieur de la même porte du chœur est orné d'une belle représentation en sculpture de pierres dorées et peintes de cette vision mistérieuse que le disciple bien aimé vit dans l'île de Pathmos, rapportés dans les 4e et 5e chapitres de son Apocalipse, où il est marqué que saint Jean estant ravi en esprit, vit un trone dressé au ciel, sur lequel il y avoit quelqu'un assis, et qu'autour de ce trone estoient 24 sièges, sur lesquels 24 vieillards estoient assis vestus d'habillemens blancs, avec des couronnes d'or sur leurs testes, qu'autour de ce trone il y avoit quatre animaux pleins d'yeux devant et derrière; que le premier animal estoit semblable à un lion, le deuxième à un veau ou bœuf, le troisième avoit une face comme un homme, et le quatrième estoit semblable à un aigle volant; que ces quatre animaux avoient chacun six aisles; qu'ils estoient pleins d'yeux au dedans, et que, n'ayant repos ny jour ny nuit, ils disoient : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu tout-puissant, qui estoit, qui est et qui est à venir. Ce saint apôtre continue de marquer qu'il vit en la main droite de celui qui estoit assis sur le trône, un livre écrit dedans et dehors, scellé de sept sceaux; il adjoute plus bas qu'il vit au milieu du trone des quatre animaux et des vieillards un agneau comme tué, ayant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés sur la terre., Il marque enfin que, quand il eut ouvert le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l'Agneau, ayant chacun des harpes et des phioles d'odeur, qui sont les oraisons des saints. Vous voyez que je ne suis pas verset à verset les écrits de ce sacré écrivain, mais que je me contente de vous citer ceux qui expliquent ce qui est représenté dans l'ouvrage de sculpture de notre cathédrale. Il fut donné par M. Nicolas Gaudran, chanoine et pénitencier, mort le 12e de febvrier 1616 » (2). Cet ouvrage, dit Rivoire (3), était « singulièrement remarquable par sa beauté et sa conservation ».

L'épitaphe était ainsi conçue (4) : » Ut carduis lana, sic arduis virtus.

» Cy gist Me Nicolas Gaudran, natif de la rue du Hocquet, en son vivant » pbre, docr en la faculté de théologie de Paris, chanoine et pénitencier de cette » égle, lequel est déceddé le 12e jour de feber 1616. Priez Dieu pour son âme.

Toute cette partie de la clôture fut supprimée en 1761.

(1) Épitaphier A, fol. 61. — Voy. aussi épitaphier D.

(2) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 362.

(i) Descr. de l'évlise cath. d'Ain., D, 178.

\-' 1 0 7 .1.- - -, (4) Épitaphier A, fol. 61. — Voy. aussi épitaphiers B,

Disposition et ameublement intérieurs.

(État ancien).

A l'origine, le chœur aurait été dallé de carreaux de terre cuite, qui, vers la seconde moitié du XVIIe siècle, auraient été remplacés par un pavé de pierre grise de Mortemer (i). Il était habituellement couvert de nattes (2).

La distinction entre le chœur et le sanctuaire existait dès le XIIIe siècle (3).

Une porte faisait communiquer l'un avec l'autre (4). Le sanctuaire était élevé de deux marches au-dessus du chœur, entre les deux piliers 23 a et 24 a. Il y avait encore une marche à peu près au milieu de la travée 23-24-25-26 (5). Une balustrade en bois sculpté à jour, datée de 1521, séparait le chœur du sanctuaire; l'entrée de cette balustrade était fermée par une porte à deux battants (6). Elle fut supprimée en 1689, et ce sont sans doute ses débris avec les anges datés de i52i, qui ont été alors adaptés aux extrémités des stalles vers le chœur, comme on les voit encore aujourd'hui (7).

Dès la fin du XIIIe siècle, c'est-à-dire très vraisemblablement dès l'origine, il y avait déjà deux autels placés l'un derrière l'autre et diversifiés par ces mots : majus altare ou bien altare tout court, et postaltare ou parvum altare. Dans le cérémonial si compliqué du chapitre, comportant souvent plusieurs messes le

p. 20; C, fol. 30 ; D. — Cf. Arch. de la Somme, Rec. de Robert Boulye. - BibI. d'Am., ras. 836 (Machart, t. VIII), pp. 324 et 376 — Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 138. —

00,0, dans la Picardie, t. XIX, p. 125, — etc.

(1) Suppl. aux mss. de Pages, édit. Douchet, p. 54. —

La pierre de Mortemer est un dépôt lacustre qui se trouve aux environs de Montdidier. Elle était encore usitée au commencement du xixe siècle.

(2) 1562. « Au chapitre tenu le 5 octobre, fut ordonné au cellerier de donner 6 1. à Jacques Lefebvre, pour faire la natte du chœur ». Bibl. d'Am., ms. 517, p. 127. —

8 oct. 1586 : « De Jacobo Lefebvre, qui noluit contentari de viginti quinque libris pro natis quas liberare habet pro ecclesia, dictum fuit quod dominus celerarius providebit et faciet cum eo prout viderit opportere >. Décis.

capitul. Ibid. — 1618 : « M. Bécourt, cellerier, fut prié au mois de décembre de sçavoir ce que cousteroit une natte pour mettre dans le chœur ». Ibid.

(3) Elle est nettement indiquée dans divers passages du Liber ordinarius de la cathédrale de 1291 (Bibl.

d'Am., ms. 184). Ainsi, le jour de l'octave de l'Épiphanie, fête de l'Invention de saint Firmin, pour rappeler que, sur le passage des reliques du martyr, les arbres ont subitement repris leur feuillage, bien que l'on fût au

milieu de l'hiver, il est dit que l'on devait répandre du lierre « per sacrarium et chorum » (fol. 67 v°). Ailleurs on lit ces mots : « Qui sacerdos procedens de sacrario ad legendum Evangelium », Feria IV ad Angelum.

(Ibid., fol. 39), (4) « Deosculantur canonici et clerici chori ampullam chrismatis, inter sacrarium et hostium chori ». JeudiSaint, consécrat. des saintes huiles. (Ibid., fol. 138).

(5) Plans de 1698 (fig, 185) et de 1727 (pl. XCV).

(6) Suppl. aux mss. de Pagès, édit. Douchet, p. 53. —

Épitaphiers A, fol. 82 vo, et C, fol. 54 v°.

17) 6 juillet 1689 : « MM. Cornet et Quignon ont esté priés de conférer avec des ouvriers touchant la balustrade du chœur ». — 8 juill. 1689 : « MM. ont résolu de faire oster la balustrade du chœur, et ont prié MM. le maître des marances et Cornet d'en prendre le soin ».

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibérations. —

Suppl. aux mss. de Pagès, édit. Douchet, p, 53. — A en croire le ms. de Baron, cette balustrade en bois, « qui traversait le chœur à l'extrémité des stalles », n'aurait été supprimée qu'en 1766, lors de la confection du dallage en marbre actuel. (Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 120).

Est-ce bien la même? L'auteur de ce manuscrit est souvent peu exact.

même jour, les messes les plus solennelles se célébraient sur le premier, les autres sur le second (i).

Dans les plans de 1698 (fig. 185) et de 1727 (pl. XCV), et il ne semble pas que cette disposition ait jamais varié, le maître autel est placé à peu près au milieu de la travée 25-26-27-28 a, et le petit, tout-à-fait dans le fond du rond point, entre les deux piliers 31 a et 32 a.

Suivant une tradition reproduite par les manuscrits de Machart (2) et du chanoine Villeman (3), et par le P. Daire (4), sans que nous en ayons de preuve authentique, la pierre d'autel qui existe encore actuellement dans le grand autel de bois doré du XVIIIe siècle aurait été donnée en 1413 par le chanoine Pierre Millet.

C'est une magnifique dalle de marbre noir longue de 4m54 (14 pieds), large de 1 m41 (5) (4 pieds et demi), et épaisse de 20 centimètres environ. On l'a malheureusement écornée aux angles pour la faire entrer dans les formes mouvementées de l'autel du XVIIIe siècle. Elle porte encore les anciennes croix de consécration formées de deux traits grossièrement gravés dans la pierre; d'autres croix, mieux faites et taillées au ciseau semblent dater du XVIIIe siècle. Sa partie supérieure seule est polie, par-dessous, la pierre est brute.

Au mois de novembre 1667, le sacristain Miquignon faisant l'inventaire des ornements et des meubles de la trésorerie, trouva derrière le maître autel un parchemin pourri sur lequel on lisait : « Anno Domini millesimo quadringentesimo octuagesimo tertio, mensis junii die décima, reverendus in Christo pater ac D. Dominus Petrus (6), Dei gratia, Ambianensis episcopus, consecravit hoc altare, in honorem et reverentiam Dei omnipotentis, gloriosse Virginis Mariae ejus genitricis et omnium sanctorum et sanctarum » (7). La plupart des auteurs et notamment Pagès (8), la Gallia Christiana (g), le ms. 516 de la bibliothèque d'Amiens (10), et enfin Viollet-le-Duc (11), en ont induit que c'est le maître autel qui avait été ainsi consacré le 10 juin 1483 par l'évêque Pierre Versé; mais d'autres, tels que le chanoine Villeman et De Court (12) ont pensé que, s'il est exact que la pierre

(1) « Si duplex sit obitus, ipsius missa canitur ad magnum altare , si vero simplex obitus sit, ipsius missa dicitur ad parvum altare , epistola in choro legitur, evangelium juxta majus altare ». Lib. ordin. de 1291, fol. 17 v°. — Si la'fête de sainte Ulphe tombe un dimanche, la messe du dimanche « post primam ad parvum altare cantabitur ». Ibid., fol. 92. — De même à plusieurs autres fêtes dans le même cas. — Le JeudiSaint, à la fin de laudes, « canitur Kyrie eleison a pueris inter duo altaria ». Ibid., fol. 136 v°. — « Ad majus altare N, Ibid., fol. 142. - « Pro factura liliorum et paraturarum ad majus altare. Pro eslasia (?) postaltaris facienda..,.. Pro pannis majoris altaris et postaltaris Prolibris postaltaris deponendis N, Compte des marances de 1342-43. — « Pro reparatione textuum magni altaris ». Compte des marances de 1354-55. Ibid.

- « Supra majus altare. pro magno altari , pro parvo altari », etc. Invent, du trésor de 1347, v. s.

(2) Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV), p. 88; et 836 (t. VIII), p. 370.

(3) Arch. de la Somme, Papiers du chan. Villeman.

(4) Hist, d'Aiii., t. II, p. 122. Voy. aussi RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 187.

(5) Viollet-le-Duc (Dict. rais. d'archit., t. II, p. 52)

ne lui donne que om66 de large, parce qu'il ne l'a mesurée que jusqu'au gradin, sans s'apercevoir qu'elle passe pardessous ce gradin et qu'elle le déborde même de beaucoup par derrière. Rivoire donne bien la mesure à peu près exacte de 111146 de large. J'ai pu la voir tout entière et la mesurer en 1891, lorsque le gradin a été enlevé pour être redoré.

(b) Pierre Versé.

(7) Arch. de la Somme, Papiers du chanoine Villeman.

— Bibl. d'Am., ms. 517, p. 39. — DE COURT, Mémoires, 1. III, ch. 1. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V. p. 535.

(8) Loc. cit.

19) Gall. Christ., t. X, col. 1203.

(10) Fol. 68.

(11) Dict. rais, d'archit., t. II, p. 52.

(12) Arch. de la Somme, Papiers du chanoine Villeman.

— DE COURT, Mémoires, 1. III, ch. 1.

d'autel a été donnée en 1413 par Pierre Millet, il est assez peu vraisemblable de supposer qu'on ait pu attendre jusqu'en 1483 pour en faire la consécration, et ont pensé que cette consécration ne pouvait se rapporter qu'à l'autel de rétro, d'autant plus que, comme ils le font assez judicieusement remarquer, le retable de cet autel, représentant une mise au tombeau, aurait été précisément donné en 1484 par Nicolas Lemarié, chanoine. Mais, nous n'avons sur tout cela que des renseignements de seconde main et sujets à caution.

Originairement, les deux autels étaient couverts de parements d'étoffes ornés de broderies dont la richesse variait suivant les fêtes. L'autel de retro avait habituellement pour parement une vieille étoffe de soie qui avait précédemment servi au maître autel pour les jours ordinaires (1).

Le compte des marances de 1342-43 nous donne quelques renseignements assez curieux sur un de ces parements du maître autel. Il était orné de fleurs de lis d'or, aux armes de France, et il fut alors réparé et nettoyé. Il nous renseigne aussi sur des travaux faits aux parements du grand autel par Comtesse, ouvrière, et par ses ouvriers (2). En 1347, le grand autel était paré tous les jours d'un parement de soie verte, orné de pommes de pin d'or (3). Aux petits doubles, on le remplaçait par un « pannum tartarinum », en français tartoire (4). Aux grandes solennités, c'était un parement de samit blanc bordé, qui avait été donné par l'évêque G., sans doute, Guillaume de Mâcon. Un retable de même étoffe se plaçait alors sur l'autel (5). Il y avait enfin une « borda », en français borde, de samit rouge dont on parait le maître autel, le premier dimanche de l'Avent et du Carême et le jour des Rameaux (6).

II) « Pannum sericum veterem de quo solebat parari dictum altare (majus) cotidie; en marge : nunc est ad parvum altare ». (Invent, de 1347). Est-ce le parement de soie qui avait été donné par Thibaut d'Amiens, archevêque de Rouen, mort en 1229, comme il est mentionné dans l'obituaire du chapitre : « Cum panno serico pretioso quod eidem altari pretenditur, videlicet ex amito (samito ?), opere plumario superstrato cum auro, quo istam ecclesiam honoravit ô? RozE, Nécrol. de l'église d'Am., pp. 144 et 153.

(2) « Pro factura liliorum panni armorum Francie, vin 1, III s. VIII d. Pro auro cypreo, xn 1. x s. Et pro serico torso et distorso, xv s. Pro factura liliorum ad pannos positorum, CXVIII s. vi d. Pro stractura lignea ad pannos extendendos, xvi s. Pro veteri tela ad tentoria liliorum facienda, pro candelis et thure ad faciendum nigrum, pro pane et farina tenuissima et albo plumbeo, pro liliis mundandis et clarificandis, xix s., vi d. Pro factura liliorum et paraturarum ad majus altare de longo in longum existentium, et factura custodum ibi pendentium et coopertuli calicis, xxv s. Pro eslasia(?) postaltaris facienda et pro fringiis, x s. Pro pannis majoris altaris et postaltaris ter defigendis etreficiendisper Comitissam, operatricem, et operarios suos, pro expensis eorum, xxx s. Pro dictis pannis veteri tela furrandis et pro cordis, x s. Pro liliis postaltaris deponendis et de auro Venissie bordandis et eis reponendis, XLII s. Pro

triginta croquettis ferreis circum altare fixis, 11 s. vi d.

Pro nodulis deauratis adparaturas liliorum positis, xns.

Pro serico ad bouffella dictorum nodulorum facienda, vu s. Et pro XIIII liliis ad cappam positis x s., et alia quinquaginta lilia erant de residuo pannorum majoris altaris ». (Compte des marances de 1342-43). C'est probablement ce parement qui est ainsi désigné dans l'inventaire du trésor de 1347 : « Duos pannos deauratos ad majus altare, de armis Francie ».

(3) « Item pannum sericum viride, factum ad modum pomorum pini deauratorum, quo cotidie paratur altare ».

Invent, du trésor de 1347.

(4) « Pannum tartarinum, qui ponitur ante altare in parvis dupplis ». Ibid.

(5) « Unum pannum de samito albo bordatum, de quo paretur majus altare in magnis sollempnitatibus, quem dedit dominus G., Ambianensis episcopus. Item, unum pannum de samito albo bordatum, ejusdem coloris et operis, qui ponitur supra altare in magnis sollempnitatibus ». Ibid.

(6) Bordam de samito rubeo qua paratur majus altare prima dominica Adventus, dominica de Hastilludii et dominica Palmarum ». Ibid. — Remarquer ce terme de « dominica de Hastilludii » pour désigner très probablement le premier dimanche de carême; il est peu fréquent.

Dans la suite des temps, le nombre de ces parements s'accrut et il y en eut de fort riches. Les inventaires du trésor en donnent l'énumération aux diverses époques.

L'inventaire du trésor de 1419 et celui de 1535 parlent de quatre tableaux joints ensemble, très bien peints, et que l'on plaçait quelquefois au parement de l'autel (1).

Le maître autel paraît avoir été de tout temps surmonté d'un retable qui était couvert en temps ordinaire, et que l'on ne découvrait qu'aux fêtes solennelles, de même que les châsses placées derrière (2).

A la fin du xve siècle, à l'époque où, la cathédrale s'enrichit d'un si grand nombre d'ornements, l'ancien retable du maître autel, ne parut plus sans doute assez riche. Un retable d'orfèvrerie était assurément un des objets les plus somptueux qu'une église pût alors posséder. Le chapitre avait une assez grande quantité de métal précieux disponible : une représentation en argent de la ville suspendue au milieu du chœur et que le roi Louis XI avait naguère offerte lors de la reddition spontanée de la ville en ses mains en 1471, et qui paraît n'avoir été considérée qu'au point de vue de la matière et non de la valeur artistique; l'ancien reliquaire d'argent du chef de saint Jean-Baptiste, qui venait d'être remplacé par un reliquaire en or, autre cadeau de Louis XI, etc. (3). C'est sans doute à la suite d'une conférence entre le chapitre et l'échevinage que, vers la fin de l'année 1485, il fut décidé d'employer tout ce métal précieux à un retable d'argent pour le maître-autel (4).

L'inventaire du trésor de la cathédrale de 1535 et l'auteur du ms. 517 de la bibliothèque d'Amiens (5), qui paraît s'en être servi, comme aussi des comptes et d'autres documents aujourd'hui disparus, nous donnent des détails assez circonstanciés sur la confection de cette œuvre d'orfèvrerie, qui a joui d'une certaine célébrité.

Elle fut exécutée par deux orfèvres renommés d'Amiens : Pierre Fauvel et Pierre de Dury (6), sous la direction du docte chanoine Pierre Burry (7). Un

(1) « Item IIII tabule simul juncte, optime depicte, que interdum ponantur, ad paramentum altaris ». Inv. du très, de 1419.

(2) « Theca beati Firmini, martiris, tabula altaris et corpora sanctorum discooperiuntur ■». Lib. ordin. de 1291, passim.

(3) Invent, du très, de la cath. de 1535.

(4) Échevinage de septembre ou octobre 1485. Arch.

de la ville d'Am., BB 15, fol. 2 vo. — Invent, du très, de la cath., de 1535.

(5) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 118. — Voy. aussi DE COURT, Mémoires, 1. III, ch. 1.

(6) Nous possédons, surtout grâce aux archives de la ville d'Amiens, un assez grand nombre de renseignements sur ces deux orfèvres. Le premier, Pierre Fauvel, est cité dès 1475 ou 1476, époque à laquelle il achète un cellier et une voûte dépendant de la maison du Croissant.

(Arch. de la ville d'Am., compte de 1475-76, CC 54, fol. 5). En 1490, il était censier d'Huy pour l'abbaye de Saint-Acheul. (Ibid., BB 16, fol. 76 v°). Il avait été reçu

bourgeois d'Amiens en 1476-77. (Ibid., compte de 1476-77, CC 55, fol. 1 v°). — Pierre de Dury est un personnage plus intéressant, qui pourrait faire l'objet d'une curieuse monographie. Disons seulement que nous avons rencontré son nom pour la première fois en 1474-75, alors qu'il grava deux écussons aux armes de la ville d'Amiens sur deux serpentines (Arch. de la ville d'Am., compte de 1474-75, CC 53, fol. 56), et qu'il mourut en 1502 ou 1503 (Ibid., compte de 1502-03, CC81, fol. 81 Va).

Il ne fut pas seulement un orfèvre renommé, mais il avait pour les représentations théâtrales un talent dont il fit souvent jouir ses concitoyens. Il fut aussi clerc des ouvrages de la ville d'Amiens.

(7) Né en 1430 en Flandre, Pierre Burry avait été précepteur de Jean et de Louis de Gaucourt, qui furent successivement évêques d'Amiens de 1473 à 1482, et auxquels il dut sans doute d'être chanoine d'Amiens.

Son esprit cultivé et son talent d'écrivain et de poète lui donnèrent quelque célébrité. Il mourut le 25 avril 1504 et fut inhumé dans la cathédrale d'Amiens. Nous aurons

troisième orfèvre, Nicolas des Osteux ou des Auteux y aurait aussi travaillé (i).

Les métaux précieux dont nous avons parlé ne suffisant pas, on y ajouta quelques plats d'argent de la sacristie, des reliquaires rompus et des joyaux pris sur le reliquaire du chef de saint Jean, les lions d'argent qui servaient de supports aux deux statues d'argent qui avaient été faites par ordre du pape Boniface VIII, et le pignon de la châsse de saint Fuscien, lequel était en partie d'or. Chaque chanoine reçu dut en outre payer 10 1.; les communautés religieuses et les particuliers y contribuèrent aussi (2). Dans toutes les églises on faisait des oblations, mais l'échevinage d'Amiens sollicité s'excusa (3).

On mit huit ans à faire le retable, et il ne fut mis en place qu'en 1493.

Il pesait 357 marcs. Payé aux orfèvres à raison de 3 1. 12 s. du marc, il coûta 2.290 1. 16 s. 4 d., non compris 400 écus d'or employés pour dorer les « suages » ou moulures et les bordures (4). Il était décoré de figures en bosse.

Au centre était représenté le Crucifiement, avec la Vierge et saint Jean au pied de la croix, le tout d'argent doré (5). Cette pièce, qui pesait 62 marcs, avait été donnée par Pierre Versé, alors évêque d'Amiens, qui y était représenté agenouillé devant une escabelle et présenté par saint Claude (6). Au-dessus de ce Crucifiement, il y avait deux personnages d'argent : le prophète Isaïe, donné par Nicole Marié, chanoine, et saint Jérôme (7), donné par Jean le Clerc, archidiacre et chanoine (8).

A droite et à gauche étaient les Apôtres, aussi d'argent doré, et coiffés de diadèmes. A droite : Saint Pierre, donné par Robert de Cambrin, écolâtre et chanoine (9); saint André, par Pierre Burry; saint Jacques le Mineur, par Guillaume Aux Cousteaux; saint Simon, par Simon de Conty; saint Mathieu, par

à décrire son tombeau. J. Garnier a consacré à Pierre Burry une notice biographique assez complète, à propos de ce tombeau, dans les Mém. de la Soc. des An t. de Pic., t. XXII, p. 79.

(1) « Information sur le droit cathédratique payé à l'évêché par les curés non résidens, sur la sonnerie, les reliques, ornemens, etc. », du 8 mai 1537. (Arch. de la Somme, (Chapit. d'Am.) G. 656, fol. 7 v°). La déposition de Nicolas des Auteux est suivie de sa signature autographe. Il avait alors 72 ans. De 1492 à 1495, il avait exécuté avec Regnaut des Osteux, son frère, une pièce d'orfèvrerie que la ville d'Amiens devait offrir à la Reine (Arch. de la ville d'Am., comptes de 1493 à 1495, CC 71, fol. 139; CC 72, fol. 123 vD; CC 73, fol. 134^.

(2) Les Cordeliers donnèrent 40 1. ; l'abbé de SaintMartin-aux- Jumeaux 43 1.; le prieur de Pas, 35 1.;' Jean Charpentier, chanoine, ici.; damoiselle Jacqueline de Courcelles, 3 1. 10 s.; l'archidiacre d'Amiens, 50 1., etc.

(3) Échevinage du I4 déc. 1486. Arch. de la ville d'Am., BB 15, fol. 71 v°.

(4) Invent, de 1535, et Bibl. d'Am., ms. 517.

(5) Bibl. d'Am., ms. 517, pp. 119 et suiv.

(6) Testam. de Pierre Versé, évêque d'Am., du 6 février 1500, v. s. (Arch. de la Somme, (Évêché d'Am.), G. 574). — Pierre Versé était franc-comtois : il fonda l'office de saint Claude dans la cathédrale d'Amiens et dans plusieurs autres églises du diocèse. Il fut évêque d'Amiens de 1482 jusqu'à sa mort arrivée en 1501.

(7) M. Soyez (Le Sanctuaire de la cath. d'Am., p. 40) pense que ce serait plutôt Jérémie, le prophète de la Passion, et dont le nom aurait été mal lu. Jérémie se comprendrait mieux, en effet, à côté d'Isaïe, mais le ms. 517 de la bibl. d'Am. et l'inventaire de 1535, qui est de bien peu postérieur à la confection du retable, disent positivement saint Jérôme.

(8) Jean le Clerc (Joannes Clerici), natif de Soissons, fut archidiacre d'Amiens en 1472. Nous verrons qu'il fit un grand nombre de riches présents à la cathédrale. Il mourut le 8 décembre 1511. Les maieur et échevins d'Amiens assistèrent en corps à ses funérailles. (Arch.

de la ville d'Am., compte de 1511-12, CC 89, fol. 136, va).

— Il ne faut pas le confondre avec un autre chanoine du nom de Jean le Clerc, qui vivait dans le même temps, qui fut chantre de la chapelle du roi Louis XII, et qui mourut en 1536.

(9) « Et est ledit ymage sans diadème ». Invent, de 1535- — Robert de Cambrin, docteur en décret, clerc de la Chambre apostolique de Rome, chanoine de Cambrai, doyen de Furnes, seigneur temporel de Thièvres, la Motte d'Aronde et Rouillier, mourut le 21 mars 1503. Il devait être le frère de Jean de Cambrin qui fut doyen du chapitre de la cathédrale à la même époque, et qui était fils de Jean de Cambrin, lieutenant au bailliage d'Amiens vers le milieu du xve siècle. Voy.

DAIRE, Hist. litt. de la ville d'Am., p. 517.

Jean Daust, chanoine; saint Mathias, par Jean Lenglaché, chanoine. — A gauche : Saint Paul, donné par Jean Royer ou Roger, chancelier et chanoine; saint Jacques le Majeur, par Nicole Marié, chanoine. Son diadème était remplacé par un chapeau ; saint Philippe, donné par Mme Disquennes (d'Esquennes ?), il était aussi sans diadème; saint Barthélémy, par Robert de Cocquerel, chanoine; saint Jude, par Vaast Briois ou le Briois, archidiacre de Ponthieu et chanoine (i); saint Thomas, par Thomas Bricot, chanoine (2).

Aux deux extrémités on voyait : à droite, la décollation de saint Jean-Baptiste, à trois personnages et un priant, d'argent doré; à gauche, celle de saint Firmin, également à trois personnages et un priant, de même métal, l'une et l'autre données par Jean de Cambrin, doyen du chapitre (3).

Les douze petits prophètes aussi d'argent doré, complétaient l'iconographie.

En 1514, au-dessus du crucifix qui formait le centre du retable on plaça une croix « en table M, pesant environ quatre onces, où il y avait une émeraude et une pensée d'or donnée par les exécuteurs testamentaires de maître Charles de Lamotte, chanoine, avec deux pièces d'un chapeau d'or et une table de diamant données par Claude Roignart, chanoine.

Le ii mars 1597, pendant que les habitants d'Amiens, surpris par les Espagnols, leur disputaient pied à pied les rues de la ville, les chanoines firent enlever précipitamment ce précieux retable pour le mettre en lieu secret. Il ne fut plus replacé : l'année suivante, le chapitre le fit vendre pour rembourser les deniers qu'il avait dû prendre à intérêt pour payer les taxes auxquelles il avait été assujetti lors des derniers événements et notamment pour le rachat des cloches exigées par l'artillerie espagnole. Il avait d'ailleurs souffert, paraît-il, de la précipitation avec laquelle il avait été enlevé et caché. Il fut vendu à des marchands de Paris (4), à raison de 20 1. 10 s. le marc, y compris 20 écus pour quelques pierres qui s'y trouvaient, soit une somme totale de 3.326 écus (5). Le chanoine Guillain Lucas avait été chargé de négocier l'affaire.

En autorisant, forcé par la nécessité, la vente de ce retable, l'évêque avait stipulé qu'il serait rétabli dès que le chapitre en aurait la commodité (6). Il ne le fut jamais, bien que, dans le courant du XVIIe siècle, l'évêché fût revenu sur la question (7).

Lorsqu'il existait, le retable d'argent était, dit-on, renfermé dans des étuis de bois peint que l'on n'ouvrait qu'aux grandes fêtes (8).

(1) '« Auquel ymage y a ung piet d'argent doré, pour le montrer plus eslevé ». Invent, de 1535.

(2) Saint Jean ne s'y trouve pas, sans doute parce qu'il figurait déjà dans la scène du Crucifiement.

(3) Suivant le ms. 517 de la bibl. d'Am., dans ces deux sujets, qui devaient se ressembler, l'un des bourreaux tenait un cimeterre et l'autre une torche et trois clefs.

— Jean de Cambrin était fils de Jean de Cambrin, lieutenant du bailli d'Amiens et de Jeanne de Rubempré. Il mourut le 10 janvier 1495, v. s. et fut enterré dans le cimetière de la cathédrale. Il portait d'argent à trois chevrons de gueules.

(4/ Suivant De Court, (Mémoires, 1. III, ch. 1), à la veuve d'un nommé de la Haie, orfèvre.

(5) Autorisation par l'évêque de faire ladite aliénation,

du 9 juillet 1598. — Acte capitulaire du 15 juillet 1598.

Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G. 568.

(6) Acte précité du 9 juillet 1598.

(7) 26 janvier 1644 : « Qu'ils (les chanoines) seront condamnés à rétablir une pareille table d'autel d'argent que celle qui estoit ci-devant à l'église, qu'ils ont vendue, et autres argenteries qu'ils ont pareillement vendues à condition dudit rescablissement, ou du moins qu'il sera fait un fonds en deux ou trois années sur le revenu dudit chapitre du prix desdites ventes, et qu'à cette fin ils apporteront icelle vente et justifieront de l'employ ».

Arrêt du conseil privé entre l'évêque et le chapitre, sur diverses questions. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.), G. 612, p. q; (Chapit. d'Am.', G. 6=;8.

(8) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 369.

Du temps de Pagès, le retable était « couvert de manteaux en bois, sur lesquels est très bien peint tout le funeste appareil du crucifiement de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui ne se voit que le jour du Vendredi-Saint », parce que, ce jour là, on enlevait les parements d'étoffes plus ou moins riches suivant les fêtes, qui le recouvraient aux autres jours de l'année. « Toutes les figures peintes sur ces manteaux, ajoute Pagès, sont d'un très bon goût et dans des attitudes naturelles; leurs mouvemens et leurs coloris expriment les passions de toutes les personnes qui assistent à ce spectacle » (i). Ces « manteaux » ou vantaux ne seraient-ils pas les « étuis » qui recouvraient jadis le retable d'argent?

Il y avait aussi, dès le commencement du xve siècle, au-dessus de l'autel, trois images d'albâtre, représentant l'une la Vierge Marie, présent de Jean de Saint, chancelier de la cathédrale (2), les deux autres, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste, présent de Jean Chanteprime (3).

Il n'y avait pas de gradin (4).

Au XIVe siècle, un Crucifix d'argent doré, du poids d'environ cinquante-cinq marcs (5), et quatre candélabres d'argent, dont deux étaient plus grands que les autres, dorés et fort beaux (6), formaient la garniture ordinaire du maître-autel.

On y mettait aussi chaque jour deux autres croix, l'une d'or, à pied d'argent doré (7), et l'autre d'argent doré, avec Crucifix, qui avait été donnée par Jean de Saint-Just, chanoine (8).

D'après l'inventaire du trésor de 1667 et les suivants, il semble qu'il n'y avait plus alors que deux chandeliers de cuivre (9).

Les jours de grandes solennités, cette garniture venait s'enrichir d'un plus ou moins grand nombre des objets d'orfèvrerie de toutes sortes que possédait le trésor, et notamment de deux grandes images d'argent doré que les inventaires désignaient

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 466.

(2) Jean de Saint, ou de Sains, fut chancelier du chapitre en 1379 (Bibl. de la Soc. des Ant. de Pic., DUBOIS, Les Chanoines d'Avi., ms.).

(3) « Item sunt supra majus altare très imagines de alabastro albo, videlicet ymago Beate Marie Virginis, que est ex dono magistri Johannis de Sanctis, quondam hujus ecclesie cancellarii, et ymagines beatorum duorum Johannis, videlicet Baptiste et Evangeliste, ex dono magistri Johannis Chanteprima ». Invent, du très, de 1419. — Id., invent, de 1535.

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 455.

(5) « Crucifixum argenteum deauratum, ponderis quinquaginta quinque marcarum, vel circiter, ut dicitur, qui est supra majus altare ». Invent, du trésor de 1347, v. s.

— Est-ce le même qui est ainsi désigné dans le ms. 517 de la bibl. d'Am., p. 125 : « La croix de dessus le grand autel, haulte de six pieds, avec un Crucifix dessus de matière d'argent, poisant 40 marcs. (Note au crayon : Le Christ de bois doré) a esté donnée par M. Firmin Cocquerel, chanoine d'Amiens, doyen de Paris et depuis évêque de Noyon, qui vivoit en 1355 (sic) »? Firmin de Coquerel mourut en 1350 (Gall. Christ., t. IX, col. 1016).

(6) « Tres magni cerei in magnis candelabris ante altare, et quatuor ad altare ». Liber ordinarius de 1291, fol. 14. — « Accenduntur duo cerei super majus altare

in candelabris argenteis. accenduntur septem cerei ante corpora Sanctorum, et quatuor supra majus altare in candelabris argenteis ». Ibid., fol. 340 vo. — Quatuor candelabra argentea, quorum duo sunt majora, pulchra, deaurata, et duo minora, cotidie ad altare servantia ». (Invent, du trésor de 1347). Est-ce de deux de ces candélabres qu'il est parlé en ces termes dans l'obit de Thibaut d'Amiens, archevêque de Rouen, mort en 1226 : il Assignavit huic ecclesie vi 1. et dimidiam annui redditus., cum pelvibus argenteis quibus in majori altari servitur »? ROZE, Nécrol. de l'église d'Am., dans Mhn. de la Soc. des Ant. de Pic., t. XXVIII.

pp. 403 et 413. — Le compte d'exécution du testament d'Adrien de Hénencourt, en 1530, parle aussi de deux chandeliers d'argent sur le grand autel.

(7) « Crucem auream, cum pede argenteo deaurato, que deferri solebat cotidie ad altare ». Invent, du trésor de 1347, v. s.

(8) « Crucem argenteam deauratam cum Crucifixo et pede argenteo totum deauratam, ex dono magistri Johannis de Sancto Justo, que defertur cotidie ad altare ». Ibid.

(9) Cependant cet inventaire de 1667 parle aussi de deux chandeliers d'argent servant tous les jours, mais sans dire si c'était au grand autel.

sous le nom de la Vierge Marie de saint Grégoire, et qui n'étaient autres, sans doute, que celles que le pape Boniface VIII avait ordonné de faire exécuter en i3oi à la suite d'une contestation entre l'évêque et le chapitre (i).

Six belles colonnes de cuivre ornées de figures de saints en ronde bosse et surmontées de statues d'anges vêtus de chapes et portant les instruments de la Passion, accompagnaient l'autel à droite et à gauche et soutenaient les tringles ou verges de fer auxquelles des courtines étaient accrochées (2). Le plan de 1727 (pl. XCV) montre fort bien leur disposition. De plus, « une espèce de frise faicte de cuivre en forme d'arbre sortant de la terre, orné de plusieurs branches de feuilles et de fruits, avec des fleurs de lis faites au naturel, servent de chandeliers ou soucoupes, sur lesquels sont plusieurs cierges que l'on allume dans les festes solennelles devant les châsses des saints ». Cet ouvrage de cuivre occupait les largeurs des deux côtés depuis l'autel jusqu'aux clôtures du sanctuaire. Il fut donné, ainsi que les six colonnes, par l'archidiacre Jean Leclerc (3).

Au bas de la colonne qui était devant les châsses du côté de l'évangile, on lisait cette inscription : » Ces six colonnes et candélabres sont faits à la dévocion de M. Me Jehan » Leclerc, natif de Soissons, licentié en décret, en son vivant, archidiacre et » chanoine d'Amyens et grant bienfaiteur de cette église, qui trépassa le 8 de » décembre mil Vc et XI. Priez Dieu pour son âme (4).

Nous savons par les inventaires du trésor de 1347 v. s. et de 1419, que l'Eucharistie était déjà alors conservée dans une coupe suspendue au-dessus du maître-autel, dans un tabernacle porté sur six colonnes, le tout d'argent doré.

D'après ces inventaires il semblerait que le Saint-Sacrement n'aurait été ainsi exposé qu'aux grandes solennités (5). Il est vraisemblable que, par suite de la construction de l'édicule destiné à l'exposition des châsses, sans doute au commencement du xvi" siècle, cette suspension primitive avait dû se trouver modifiée, et qu'elle était devenue permanente (6).

(1) C'est probablement ce que le Liber ordinarius de 1291 (passim) entend par ces mots « altare textatur ». —

Du temps de Pagès, on plaçait sur l'autel, aux fêtes solennelles « un grand crucifix, six chandelliers d'argent, avec plusieurs reliques de saints enfermées dans différents bustes, dans plusieurs bras et dans d'autres reliquaires d'argent et de vermeil » ; on y plaçait aussi « les lectionnaires ou livres des Évangiles et les Epîtres, couvercles garnis de plaques d'or, d'argent ou de vermeille doré, d'un très beau travail ». Mss de Pagès, édit.

Douchet, t. V, p. 475.

(2) Ibid., p. 465.

(3) Ibid., p. 484. — Bibl. d'Am., ms. 517, p, 125. — Il y avait aussi deux pentes accrochées entre ces colonnes de cuivre et les piliers de pierre qui soutiennent la voûte du chœur (sans doute les piliers 27 a et 28 a). En 1671 le chapitre les fit enlever « parce qu'elles empêchoient la veue des châsses collatéralles de l'autel IJ.

(Bibl. d'Am., ms. 517, p. 127). L'autel était entouré de courtines bien avant cette époque, et il paraît l'avoir été de tout temps. « Cortinas sericas semi rubeas, croceas

et indas, que dépendent ad cornua majoris altaris. Item cortinas diverse facture ad idem altare. Item cortinas lineas ad idem altare in Quadragesima. » Invent, du trésor de 1347, v. s. — « III s., pro reparatione curtinarum majoris altaris ». Compte des marances de 1354-55.

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.

(4) Épitaphiers A, fol. 82; B, p. 45; C, fol. 54. Mss.

de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 484. — Bibl. d'Am., ms. 517, p. 125.

(5) « Item unam cupam argenteam deauratam, in qua reponitur Corpus Christi. Item, unum tabernaculum argenteum deauratum, cum cupa in medio, quod pendet supra majus altare in magnis sollempnitatibus, in quo reponitur Corpus Christi ». Invent, de 1347, v. s. - « Item cupam argenteam deauratam, in qua reponitur Corpus Christi pro infirmis. Item tabernaculum argenteum cum sex columnis, deauratum, cum cupa de medio, quod dependet supra majus altare in magnis sollempnitatiblAs, in quo reponitur Corpus Christi. » Invent, de 1419.

(6) « Le petit vaisseau ouquel on mettoit le Corpus Domini est maintenant pendant sur le grant aultel; et

La crosse à laquelle le vase eucharistique était suspendu était encore un présent de l'archidiacre Jean Leclerc. Placée au pied d'une grande croix de vermeil gemmée, avec Crucifix, elle était ornée de vingt-huit pierres, tant rubis que topazes et de figures « admirablement bien faites ». Les armes du donateur étaient au-dessous du grand Crucifix, près de la crosse, soutenues par un ange; il portait d'argent à trois trèfles de sinople (i).

Remarquons que les inventaires qui décrivent le vase renfermant l'Eucharistie ne nous disent pas qu'il ait eu la forme d'une colombe, mais seulement que c'était une coupe « cupa », un « petit vaisseau » (2).

A Pâques de l'année 1667, la crosse qui suspendait le Saint-Sacrement, laquelle « étoit noir comme de l'encre », aurait été nettoyée et remise en son lustre y compris la croix qui la surmontait, par l'orfèvre Bernard et ses entants (3).

L'antique coupe d'argent doré et son tabernacle, encore mentionnés dans l'inventaire de 1535, ne subsistèrent pas jusqu'au XVIIIe siècle. Par son testament daté du Ier septembre 1676, Antoine Péquet, sous-diacre et chanoine, légua au chapitre une somme de 3.900 1., pour être employée à l'achat d'un ciboire d'or et d'une lanterne d'argent doré, pour lui servir en tout temps de pavillon, savoir 2.400 1., pour le ciboire pesant 6 marcs d'or, à 400 1. au plus le marc, et 3oo 1.

pour la façon. L'un et l'autre furent exécutés par Claude de Poilly, orfèvre à Abbeville, sous la direction d'une commission composée des sieurs Houlon, préchantre, Le Scellier de Riencourt, Le Sieure et Bernard, chanoines. Le tout fut terminé et agréé par le chapitre le 13 juillet 1678 (4). Cette lanterne, était « faite de figure exagone, dont les six pilastres qui composent les angles de six faces sont

est mys dedans ung tabernacle qui pend à la croche estant sur et au millieu dudit grant aute ; lequel tabernacle est d'argent doré à six pilliers, et est couronne par-dessus; lequel tabernacle poise quinze marcs, ungne unche ». Invent, du trésor de ic,~.

(1) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 125. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 512. — D'après l'inventaire du trésor de 1667, la croix seule aurait été un don de Jean Leclerc; la crosse aurait été donnée par Firmin de Cocquerel, chanoine d'Amiens, doyen de Paris, et .depuis évêque de Noyon, mort en 1350.

(2) Dans les derniers temps on renouvelait solennellement, chaque premier dimanche du mois, l'hostie ainsi conservée au-dessus du maître-autel, avec un cérémonial fondé par acte du 22 mai 1665 par Charles Picard, écolâtre (Arch. de la Somme, Évêché d'Am., Invent., fol. 138 v°, 25, 2e (pièce disparue); fol. 224, M 28e (id.).Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 45, n° 5 (pièce disparue). Cette cérémonie a été rétablie dans ces derniers temps.

(3) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 118.

- (4) Testam. d'Antoine Pecquet, Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 45 n° 9 (pièce disparue). —

« M. Pingré, ancien cellerier et l'un des exécuteurs testamentaires de feu M. Antoine Pecquet, vivant subdiacre et chanoine de cette église, a dit que, pour faire le ciboire d'or légué par le testament dudit feu sieur Pecquet, il a fait venir de la ville d'Abbeville, un orfèvre avecq lequel il convient faire le marché et traitté, à ce qu'il

plutà la compagnie commettre et députer quelques-uns de Messieurs, pour convenir de la forme et façon que l'on doibt mettre audit ciboire. Sur quoy ayant esté délibéré, mesdits sieurs ont députez MM. Houlon, préchantre.

Le Scellier, Le Sieure et Bernard, et prié de se trouver à cet effect en la maison dudit sieur Pingré. MM. ont prié M. Pingré de donner à l'orfèvre qui a fait le ciboire d'or, la somme de six cens I., à la caution de M. Balingant ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.

Délibérât, des 30 oct. 1676 et 21 janv. 1677. — « MM.

ont agréé le ciboire d'or pesant six marques moins sept gros et demie et douze grains, et la lanterne d'argent dorée légués par feu M. Péquet, vivant chanoine de cette esglise et présenté par M. Pingré, chanoine, son exécuteur testamentaire; et sur ce que mondit sieur Pingré a représenté qu'il y a eu augmentation de matière pour la somme de soixante 1. qu'il a payé pour la compagnie à Claude de Poilly, orfèvre à Abbeville, mesdits sieurs luy en ont donné acte et le prié d'en faire mise et despense dans le bref et estat qu'il doit rendre H.

Ibid., Délib. du 13 juillet 1678. — Claude de Poilly appartenait à la famille Abbevilloise bien connue qui a produit un grand nombre d'orfèvres et surtout de graveurs durant les XVIIC et XVIIIC siècles. Né vers 1620 de H.-H.-Charles de Poilly, orfèvre lui-même, il était frère de François, qui fut le plus célèbre graveur de la famille. Il mourut en 1695. (Renseignements gracieusement fournis par M. E. Delignières, d'Abbeville).

d'ordre ionique, les volutes sont embellies de chutes de fleurs couchées sur le corps des pilastres. Le couronnement de cette lanterne, fait en dome, orné de différentes moulures délicatement travaillées, attaché par la pointe à une grande crosse en volutes, qui penchent vers le bas, sur laquelle est une petite figure d'ange courbé dans une attitude humiliée, qui semble adorer Jésus-Christ renfermé dans ce ciboire » (i).

Il est très probable que, dès l'origine, les châsses de saint Firmin et les autres qui l'accompagnaient étaient placées à demeure au-dessus du maître-autel, comme elles l'étaient encore avant la transformation du sanctuaire au XVIIIe siècle (2). En temps ordinaire, elles étaient cachées par des voiles, et on ne les découvrait qu'à certaines fêtes (3). Le luminaire du sanctuaire venait alors s'augmenter des cierges que l'on brûlait devant elles (4).

Dix corps saints renfermés dans huit châsses étaient ainsi exposés : c'étaient les châsses de saint Firmin le martyr, de saint Firmin le confesseur, de saint Honoré, de saint Fuscien, de saint Domice, de sainte Ulphe, des saints Ache et Acheul, des saints Warlus et Luxor.

Les plans de 1698 (fig. 185) et de 1727 (pl. XCV) indiquent derrière le maîtreautel un édicule, galerie ou clôture, qui devait servir d'exposition à ces châsses.

Nous ne savons à quelle époque il remontait et nous n'avons aucun dessin de son élévation. Les manuscrits de Machart et de Baron disent seulement, mais nous ne savons d'où ils tiennent ce renseignement, qu'il aurait été élevé au commencement du XVIe siècle par l'évêque François de Halluyn (5).

Cet édicule était « de pierres, d'une architecture gothique, dans laquelle sont

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 512.

(2) Par un acte du lundi après la Toussaint 1286, l'évêque Guillaume de Mâcon ordonne que, pour célébrer avec plus de solennité la fête de sainte Catherine, la châsse de saint Firmin sera découverte, et que deux cierges brûleront devant elle, comme cela se fait en pareil cas. (Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44, n° 5). Le Liber ordinarius de 1291 parle d'ailleurs très fréquemment de la châsse de saint Firmin et des « corpora sanctorum », notamment pour indiquer les solennités auxquelles ils devaient être découverts : c'étaient ordinairement les jours où le retable du maîtreautel devait l'être aussi (Voy. ci-dessus, t. II, p. 34).

— L'inventaire du trésor de 1419, beaucoup plus détaillé que celui de 1347 v. s., dit expressément que ces châsses étaient placées derrière le maître-autel : « Theca Beatissimi Firmini martyris, supra magnum altare.

Item duo pallia vetera posita ante thecas que sunt retro majus altare ». Invent, du trésor de 1419. — Certains passages du Liber ordinarius de 1291 pourraient laisser supposer qu'à cette époque le chef de saint Jean-Baptiste, que la cathédrale possédait depuis 1206 était aussi conservé dans le sanctuaire près de l'autel, avec les autres principales reliques : e, Tres magni cerei in

magnis candelabris ante altare et quatuor ad altare et duo cerei sancti Johannis (fol. 14). Quatuor (cerei) super majus altare in candelabris argenteis, et duo cerei sancti Johannis, cum aliis (fol. 340 v°) ». — Suivant le ms. 517 de la bibl. d'Am. (p. 110), ces châsses auraient été posées « aux deux costés du grand autel de NostreDame en 1413 ô; mais l'auteur de ce manuscrit a-t-il bien compris le document qu'il a eu entre les mains?

(3) Au XVIIe siècle, c'étaient des rideaux de toile bleue semée de fleurs de lis d'or. Invent, du trésor de 1667.

(4) « Accenditur unus cereus ante corpora Sanctorum Accenduntur septein cerei ante corpora Sanctorum. Debent esse undecim cerei ante corpus.

Quam cito corpus sanctum detegitur in mane, quatuor cerei debent ardere ante martirem sanctum, cum cereo perpetuo, et post missam diei sunt sex cerei ante sanctum semper ardentes. Duo cerei accenduntur ultra qui sunt ante sanctum ô. Liberordinarius de 1291, de luminari accendendo, fol. 340 VO et suiv.

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 370. —

Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 116. — Viollet-le-Duc (Dict. rais. d'archit., t. II, p. 52, fig. 20) a reproduit le plan de ce monument d'après celui de 1727, mais en l'interprétant un peu à sa manière. Il lui a donné

pratiquées des niches garnies des châsses de plusieurs saints, avec un couronnement aussi de pierres sculptées à jour, d'un travail délicat ». Ses côtés n'étaient « pas aussi élevés que son milieu » (i). Le plan daté de 1698 (fig. 185) appartenant à M. H. Macqueron d'Abbeville, qui m'a obligeamment autorisé à le reproduire,

FIG. 185. — Plan du chœur, daté de 1698.

indique sous cet édicule deux petits escaliers à vis, qui ne figurent pas dans le plan de 1627, et qui servaient à monter aux étages supérieurs pour arriver jusqu'aux châsses.

Dans la partie centrale s'élevait la châsse de saint Firmin le martyr. A sa droite et à sa gauche, mais plus bas, les châsses de saint Honoré et de saint Firmin le confesseur. Chacun des côtés était subdivisé en trois niches qui contenaient : à gauche du spectateur et en partant de l'autel, les châsses des saints Ache et Acheul, de saint Domice et de sainte Ulphe; à droite, celles de saint Fuscien et des saints Warlus et Luxor. Pour remplir la troisième niche de ce côté, on avait pris dans la trésorerie d'en haut une châsse contenant une relique du menton de saint Blimond,

notamment des détails qui ne se trouvent pas dans l'ancien dessin, comme, par exemple, des profils et des

projections de voûtes.

(1) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, pp. 466 et 476.

abbé de Saint-Valery sur Somme (i), et une autre petite châsse contenant diverses reliques.

Châsse de saint Firmin. — Elle brillait à la place d'honneur. Exécutée du temps et par les soins de Thibaut d'Heilly, évêque d'Amiens de 1169 à 1204 (2), elle était presque entièrement en or (3), montée sur une solide âme en chêne bardée de fer (4), et mesurait quatre pieds sept pouces de long, sur un pied, trois pouces de large et deux pieds, un pouce de haut (5). C'était, au témoignage du P. Stilting, qui dit l' avoir vue et étudiée à son aise, un objet admirable, aussi bien par ses dimensions, par "les matières précieuses, or et pierreries, qui la composaient, que par sa valeur artistique (6). Comme les châsses de l'époque où elle a été faite, elle figurait une chapelle ou plutôt un cercueil. Chacune de ses faces verticales, aussi bien que chacun des rampants de sa toiture était divisé en

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, pp. 476 à 483.

— Ct détail permet de déterminer approximativement l'époque où l'édicule avait été élevé. Les inventaires du trésor de 1347, v. s. et de 1419 portent la châsse du menton de saint Blimond parmi les objets conservés dans la trésorerie, et l'inventaire de 1419 ne la comprend pas parmi les châsses placées sur l'autel qu'il désigne à un autre endroit. L'inventaire de 1535, au contraire, décrivantles objets contenus dans la trésorerie, s'exprime ainsi au sujet de la châsse du menton de saint Blimond : « Item une fiertre garnie de huit piliers de chambranles et crettes, les garnitures dorrées, en laquelle est escript : Menton sci Bismodi, pesant XIII marcz. A dict et déclairé ledit custode ou thésorier ne le jamais avoir veu ne eu en sa charge ». Arrivé à l'énumération des châsses placées sur le maître-autel, le même inventaire ajoute : « Item a esté trouvée la fiertre sancti Bismondi dont est faicte mention ou chappitle de l'inventaire des joiaulx estans en la thésorerie d'un hault. Avecque laquelle fiertre y a une aultre petite fiertre. et sont spécifiées en l'inventaire faicte en la thésaurerie d'en hault ». Il semble donc résulter que l'édicule en question aurait été élevé entre 1419 et 1535. L'attribution que Machart et Baron en font à l'évêque François de Halluyn peut donc être exacte, car, à supposer qu'il date des premières années du pontificat de cet évêque.

qui occupa le siège d'Amiens depuis 1503, il pouvait très bien se faire que le custode de la trésorerie d'en haut en 1535 n'ait jamais eu en sa garde les deux châsses en question.

(2) C'est ce que l'on sait par les vers suivants qui étaient inscrits au bas de la châsse : » Suscipiat Martyr opus hoc utinam sibi gratum, » Quod proprii scit amore gregis studioque paratum » Hujus agente loci Theobaldo pontificatum.

On ne connaît pas exactement la date de cette translation.

La plupart des auteurs donnent celle de 1204, mais cela n'est pas sûr. (Voy. SALMON, Hist. de saint Firmin, p. 183). On en faisait tous les ans, le 16 octobre, l'anniversaire dans la cathédrale, en une fête que l'on appelait Repositio sancti Firmini in theca aurea (ROZE, Nécrol.

de l'église d'Am., p. 159, Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. XXVIII, p. 419.— LAMORLIÈRE, Antiquité^, p. 45.

— Gall. Christ., t. X, col. 1150, etc.). — Suivant la vie de saint Geoffroy, évêque d'Amiens, de 1104 à 1115, par Nicolas, moine de Soissons (SURIUS, De probatis sanct.

hist., Cologne 1581, t. VI, pp. 190 à 225), cet évêque aurait déjà placé le corps de saint Firmin dans une châsse. Au bout de cent ans à peine, elle ne paraissait plus assez somptueuse. — Au xve siècle, on fit, pour porter cette châsse aux processions, un « roullis ou closture d'argent » au lieu du « roullis » de fer qui y était, ce à quoi contribuèrent l'échevinage et les fidèles.

(Délib. de l'échevin. d'Am. des 13 mai 1464 et 28 févr.

Ï373, v. s. Arch. de la ville d'Am., BB 9, fol. 149, et BB 11, fol. 156).

(3! Sauf la moulure du bas, qui était d'argent doré, et qui, au dire du P. Daire (Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 132) n'avait été faite qu'en 1473 (cf. LAMORLIÈRE, Antiquitéz, p. 44).

(4) Plusieurs fois les chapelains, qui la portaient dans les processions, s'étaient plaints de son extrême pesanteur (plus de 600 livres). Le 2 novembre 1696, le doyen du chapitre y fit percer quelques trous par un serrurier, après avoir fait lever par des orfèvres quelques plaques de métal précieux. « On trouva qu'outre l'épaisseur d'un bois de chesne qui porte plus de deux pouces, il y a encor de grosses barres de fer qui le traversent et forment une fermeture dont on ne put trouver le secret pour en faire l'ouverture. C'est pourquoi. on laissa la châsse en l'état où elle est depuis si longtems ». Suppl. aux mss.

de Pagès, édit. Douchet, p. 42.

(5) LAMORLIÈRE, Antiquitép. 44. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 484. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 132.

(6) « Pretiosissimam thecam illam, ingentique mole et arte non minus quam auro et gemmis mirabilem, anno 1752 ipse cum collega lustravi, eamque in varias partes, versantibus mira humanitate dominis canonicis, eaque occasione versiculos insculpos exscripsimus.

Thecse isti respondet magnificentia ecclesias ipsius cathedralis j). Acta SS. Boll., 25 sept., nos 75 et 77.

trois « cartouches » rectangulaires contenant autant de sujets à personnages, en demi bosse, séparés par des plates bandes ornées de roses émaillées. Chaque sujet était désigné par une inscription en caractères émaillés (i). Un vers hexamètre placé au-dessus du cartouche en indiquait le sujet; d'autres inscriptions placées dans le cartouche même, en expliquaient les détails. Ils représentaient les principaux faits de l'histoire du saint et de l'invention de ces reliques. Plusieurs auteurs (2) nous en ont conservé sinon la description complète, du moins l'indication, avec les inscriptions qui les accompagnaient.

Face antérieure, sur les rampants : 1° Saint Firmin reçoit le bâton pastoral de saint Honorât, évêque de Toulouse.

» Praesul, ut est moris, baculo donatur honoris.

» S. Honorat. tholosan. epis. S. Firminus (3).

20 Il part de Pampelune pour prêcher l'Évangile, disant adieu à ses parents en pleurs et à son maître saint Honeste.

» Mittitur et flentum flens (ibi flem) respicit ora parentum.

» Parentes. S. Honest. scs Firminus. Pampilona.

3° Conversion des habitants d'Agen (4).

» Precipuos regni docet et baptizat Agenni.

» S. Firm. Archadius Romulus judices.

Sur la paroi verticale : 4° Saint Firmin à Beauvais : le peuple de la ville va au-devant de lui, le préfet Sergius ordonne de l'arrêter.

» Sanctum com (eum) turbis turbat malus arbiter urbis.

» Populus Belvacensis. S. F. Sergius preses.

5° Saint Firmin dans sa prison. Sergius tombe de cheval et meurt.

» Presidis injusti mors justa sic fuit isti.

» Sergius. carcer. S. Firminus.

(1) « Composée de chaque costé comme de six petits tableaux å personnages de relief, plus longs que larges, qui comprennent toute l'histoire du sainct, trois en face du tombeau et trois sur le comble ou couverte. Ils sont garnis å l'entour de leurs mignards châssis ou bordure, avec chacun un vers latin au-dessus pour inscription escrit en émail, qui, s'entremuant, font trois bandes émaillées tout le long de la châsse qu'elles traversent en haut, au milieu et en bas; les barres larges à proportion qui les séparent l'un de l'autre élabourées d'artifices et chargées de parc en parc de roses à comblet artistement emaill^es, reluisantes et dardans leurs esclats à guise de miroirs en bosse ». LAMORLIÈRE, Antiquite\, p. 44. — Cf. Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 484.

(2) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 486. — Pages a donné cette description sous forme de schema contenant autant de cases que de sujets, dans chacune

desquelles il a transcrit le vers et une courte description en latin. — Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 420.

— Acta SS. Boll., 25 sept., (nos 53, 54, 75 à 77). —

Nous donnerons les inscriptions d'après la version des Bollandistes, qui présente les meilleures garanties de fidélité.

(3) Dans Pages, il y a en outre « Porta tholosana n, mais Pages donne plutôt des descriptions sommaires que la reproduction des inscriptions qui complètent les vers.

(4) Le P. Stilting fait cette observation : « Sculptura exhibet conversionem populi, non modo Agenni, sed etiam in Arvernia, licet versiculus solius Agenni meminerit. Archadium autem et Romulum confutasse et convertisse dicitur postquam Agenno discesserat in Arverniam. Possunt igitur etiam facta in dicecesi Andegavensi intelligi illo versiculo comprehensa >. Acta S. S. Boll., 25 sept., n° 76.

6° Saint Firmin fait élever une église en l'honneur de saint Étienne premier martyr.

» Presulis hic sedem figit et prothomartiris edem.

» S. F. in honore sancti Stephani (i).

Face postérieure. Sur les rampants : 7° Saint Firmin à Amiens. Baptême de Faustinien.

» A cultu vano converso Faustiniano.

� » Ambianis. S. F. Faustinianus.

8° Il guérit un aveugle et deux lépreux à la porte Clypéenne.

» Christi virtutem probat his operando salutem.

» Porta Clipiana. S. F.

9° Le préfet Sébastien ordonnant de mettre à mort le saint. Saint Firmin décapité dans sa prison.

» Sicque Deo gratus fit victima clam jugulatus.

» Sebastianus preses. S. F. carcer.

Sur la paroi verticale : Invention et translation des reliques de saint Firmin.

10° Invention par saint Sauve du corps de saint Firmin (2).

» Hic pater (3) oranti locus et pausatio Sancti.

» S. Salvius. Sepulcrum S. F.

11? Saint Sauve et son peuple portent dans une châsse le corps de saint Firmin.

Miracles qui accompagnent sa translation dans Amiens.

» Res nova, laus magna, flos pro nive, plebis osanna.

» S. Salvius.

12° Les habitants de Beauvais, de Noyon, de Térouanne et de Cambrai accourent attirés par la suave odeur qu'exhalent les précieux restes.

» Fert pia pleps vota sua quæque propinqua remota.

» Belvacenses. Noviomenses. Morinenses. Kameracenses.

Sur les deux faces, les vers suivants étaient inscrits le long du soubassement : Face antérieure :

» Suscipiat martyr opus hoc utinam sibi gratum.

» Quod proprii scit (4) amore gregis studioque paratum.

» Hujus agente loci Theobaldo pontificatum.

(1) Le P. Stilting ditencore a ce propos: «Hancquidem (ecclesiam) Bellovacis exstructam habent Acta, at videntur Ambianenses eo tempore credidisse ecclesiam illam Ambianis a Sancto structam, nisi forte voluerint sedem episcopalem Bellovacis primum a Sanctopositam ».

Actn S. S. Boll., 25 sept., n° 77. La première supposition paraît la plus vraisemblable, car tous les événements relatifs à la présence de saint Firmin à Amiens sont de l'autre côté de la châsse.

(2) Ces mots placés par Pages dans la case correspondant à ce sujet, peuvent passer pour une description :

« Sanctus Salvius suis precibus in missa factis meruit sepulchrum sancti Firmini invenire radiante sole super illud ,>.

(3) Le ms. de Pagès et la transcr. des Archives de la Somme ont patet, qui est plus vraisemblable, à moins qu'il y ait réellement une erreur de l'orfèvre, ce qui est fort possible.

(4) Lamorliere (Antiquites, p. 44, De Court, Pages, loc. cit., ont lu « sit »; Arch. de la Somme, G. 420, « fit /.>.

Face postérieure : » Qui jugem vigil exhibuit Domino famulatum.

» Unde piis precibus nil debeat esse negatum » Obtineat famulis iinem sine fine beatum.

Les deux pignons étaient couverts, dit Lamorlière, « de pièces d'émaux très exquis de diverses figures », entourant des niches dans lesquelles se trouvaient à un bout l'image du Sauveur, et à l'autre celle « de saint Firmin décollé », c'est-à-dire, sans doute, tenant sa tête dans ses mains. La châsse était sommée « de trois pommes pareillement d'or, et partout sursemées de perles et de pierres précieuses enchâssées dedans l'or » (i).

La piété des fidèles avait, dans le cours des âges, attaché sur cette châsse une profusion de bijoux de toutes sortes. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, à une date sur laquelle les auteurs ne sont pas d'accord (2), ou même à deux reprises différentes, ainsi que le laisse entendre Pagès, des malfaiteurs, Pagès dit des hérétiques, auraient profité de ce que l'on descendait la châsse de saint Firmin, la veille de l'Ascension, afin de la porter le lendemain à la procession générale qui se faisait tous les ans à pareil jour, pour la dépouiller de tous les bijoux dont elle était couverte et même pour la mutiler (3).

Ajoutons, pour être complet, une note de l'inventaire du trésor de 1535, ainsi conçue : « Item, du costé de derrière de ladite fiertre, au milieu de la seconde line basse, ensiévant ces motz : Injusti mors jusla, y avoit perdu environ

(1) LAMORLIÈRE, Antiquitép. 45. — Cf. DAIRE, Hist.

de la ville d'Am., t. II, p. 132. — Suivant une note du ms. 517 de la Bibliothèque d'Amiens, p. III), il y avait en outre « au costé de devant dix fleurons, et en chacun fleuron, trois perles. Un formalet d'or à façon de croix et quatre perles, deux rubis appellés par l' ancien inventaire grenats, deux pragmes émeraudes et une amatiste au milieu, sur le devant de la châsse. Item, deux fleurons garnis chacun de six pierres orientales ». Elle était ornée de deux écus en émail. « Le premier, dit Pagès (édit.

Douchet, t. V, p. 485) porte d'or à 5 faces ondées ou virées (wivrées) de sable, à un cottiche d'argent, en sautoir, brochant sur le tout. Quelques-uns croient que cet écu est celui d'une ancienne famille de cette ville nommée Pèredieu, et qui ne subsiste plus aujourd'huy; l'autre écu porte d'or à trois merlettes de sable, et on croit avec assez de vérité que c'est celui d'une illustre et ancienne famille d'Amiens, nommée Morvilliez ». Ces deux écus sont ainsi décrits dans l'inventaire du trésor de 1535 : *" Entre deux histoires d'en bas, et du costé dextre, un escusson armorié d'un sauctor de blanc, et esmaillé le camp d'or et de sable, auquel y a vin perles et un rubyen la haute partie. Item, en sasenestre partie d'en bas, un aultre escusson armorié des armes de Morviller, auquel a ix perles bonnes ». Mais la manière dont le ms. 517, celui de Pagès et l'inventaire sont rédigés n'indique pas clairement si ces différentes pièces faisaient partie de la châsse ou bien des nombreux bijoux que la piété des fidèles y avait attachés.

(2) Le ms. 517 de la bibl. d'Am. dit à la p. 111, 1573,

et à la p. 116. 1575; De Court (Mémoires, 1. II, ch. 68), dit 1573; Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 488) dit 1573 et 1577. D'ailleurs ces divers auteurs ne datent pas toujours exactement la veille de l'Ascension, de sorte il n'y a aucune confiance à avoir dans les dates données par eux.

(3) Un des malfaiteurs aurait été arrêté, mené et exécuté à Paris. (Bibl. d'Am., ms. 517, p. 116). — Suivant Pagès, qui donne le plus de détails, on aurait la première fois non seulement enlevé plusieurs joyaux, mais même quelques têtes des personnages représentant la vie du saint. Le chapitre aurait fait refaire deux de ces têtes par Bernard, orfèvre d'Amiens « de retour depuis peu d'Italie, où il estoit allé voyager et travailler ». Malheureusement Pagès n'explique pas clairement la date à laquelle ce travail fut exécuté. Toutes les têtes rompues ne furent pas refaites, car le chanoine Villeman, qui vivait au commencement du XVIII" siècle, dit à ce propos dans une de ses notes : Les têtes de quelques figures qu'on voit rompues sur ladite châsse, l'ont été ainsy du temps de ce sacrilège » (Arch. de la Somme. Papiers du chan. Villeman). — L'invent. du trésor de 1535 et celui de 1551 qui n'en est que la copie donnent la liste complète de tous ces bijoux; ceux qui ont été placés dans le courant du XVIIe siècle pour remplacer ceux qui avaient été dérobés en 1573 et années suivantes, sont énumérés dans une note du ms. 517 de la Bibl.

d'Am., pp. III et 372). Il serait beaucoup trop long de reproduire ici ces deux listes. Elles ont été publiées par Salmon, Hist. de saint Firmin, pp. 457 et 460.

ung quartier de largeur de demy doit, qui a esté refaict d'or, en l'an mil Ve XIIII par Jehan de Gravai » (1).

Châsse de saint Honoré. - On ignore absolument l'époque à laquelle elle avait été faite (2), et les anciens auteurs ne donnent sur elle aucun détail. Tout ce que l'on sait, c'est qu'elle était de vermeil (3). L'inventaire du trésor de 1535 énumère seulement les joyaux qui y étaient attachés (4).

Châsse de saint Firmin le confesseur. — Elle passait pour fort belle. Nous avons vu (5) que la translation du corps de saint Firmin le confesseur dans cette châsse avait été faite le 16 mai 1279 par Simon, cardinal du titre de Sainte-Cécile, légat du pape Nicolas III, en présence des rois de France et d'Angleterre et d'une magnifique assemblée de prélats et de grands seigneurs. La châsse datait très vraisemblablement de cette époque (6). Elle était de bois fort épais, couvert de feuilles d'argent doré, longue de trois pieds, quatre pouces et six lignes, haute de deux pieds, six pouces et large de un pied, quatre pouces et six lignes. La vie de saint Firmin le confesseur y était représentée dans douze « cartouches » (7) : 1. Baptême par saint Firmin le martyr, de Faustinien, de sa femme et de son fils, qui devait être plus tard saint Firmin le confesseur. — 2. et 3. Saint Firmin le confesseur sacré évêque à Lyon au milieu d'une assemblée de prélats. — 4. Trois personnages à cheval représentant son voyage à Rome. — 5. Il est reçu par le pape. — 6. Le pape lui donne un pallium (?). — 7. Il reçoit du pape des reliques, au moment de son départ : un valet tient son cheval prêt à partir. 8. Il part de Rome avec la mission du pape d'évangéliser l'Europe, emportant les reliques que celui-ci lui a données. — 9. Saint Firmin le confesseur et les reliques qu'il porte reçus à l'entrée d'une ville par le clergé et les fidèles. —

10. Il prêche devant les multitudes. — 11. De retour à Amiens, il fait construire une église sur la sépulture de saint Firmin le martyr. — 12. Une main bénit miraculeusement le calice avec lequel saint Firmin célèbre la messe (8).

(1) Jean de Gravai, orfèvre à Amiens à la fin du xve s. et au commencement du XVIe, paraît avoir joui d'un certain renom. Il fut souvent employé pour des travaux importants de son art par la ville d'Amiens, dans les registres de laquelle je l'ai rencontré depuis 1493 (Arch. de la ville d'Am., BB 16, fol. 237 v°). En 1499, il fut chargé de l'exécution d'une châsse pour la cath. de Noyon (Rev. des Soc. Sav. 5e série, t. V, 1873, p. 112).

(2) NERLANDE, Dissertat., etc. Bibl. d'Am.. ms. 466, fol. 121 vo.

(3) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V. p. 498. —

DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 134. — Elle fut raccommodée et nettoyée vers 1667 au moyen des dons des boulangers d'Amiens dont saint Honoré était le patron. Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV) p. 279.

(4) « Est attachée sur ladite fiertre une petite tasse d'argent pesant (blanc), laquelle fiertre est d'argent.

Nota que ladite fiertre saint Honoré deffault une tasse d'argent, laquelle est, comme on dit, au coffre des marances. A icelle fiertre a esté trové ung anneau d'or

esmaillé de noir, auquel est ung saphir du puch. Item enquore trovée ung aultre anneau d'or garni d'une loupe de saphir. Item, ung Agnus Dei ».

(5) Voy. ci-dessus, t. I, p. 38.

(6) Elle fut raccommodée et nettoyée vers 1667 des libéralités du chapitre et de quelques dévotions particulières. Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV), p. 279.

(7) Nous ne faisons qu'interpréter et résumer la longue description que Pagès en a donnée (Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, pp. 490 et 546). — Cette description avait été faite en 1715 par le doyen Le Scellier de Riencourt, lors des contestations entre le chapitre de la cathédrale et l'abbaye de Saint-Acheul, au sujet de la prétendue découverte du tombeau de saint Firmin le confesseur à Saint-Acheul (voy. ci-dessus, t. I, p. 2).

A cette occasion, la châsse de saint Firmin le confesseur fut ouverte le 10 janvier 1715. (Bibl. d'Am., mss. 521 et 839, p. 334. — Arch. de la Somme (Évêché d'Am.} G. 586. — Gall. Christ., t. X, instr., col. 359.

(8) Suivant la description donnée par Pagès, un des

A un des bouts était « un pontife assis sur un throsne, avec une espèce de thiare ou mitre ronde », un pape, sans doute; à l'autre, un évêque bénissant, également assis (i).

Châsse des saints Ache et Acheul. — On ne possède aucun renseignement sur cette châsse, sinon que J. de Raineval, chanoine, mort en 1331, aurait donné de la vaisselle d'argent pour la faire (2).

Châsse de saint Domice. — Suivant l'inventaire du trésor de 1535, la châsse de saint Domice était d'argent; suivant le P. Daire (3), « de vermeil doré ». Une mention de l'inventaire de 153 5 laisse supposer qu'elle était ornée d'images (4), mais c'est tout ce que l'on en sait.

Châsse de sainte Ulphe. — Comme nous l'avons vu (5), le corps de sainte Ulphe avait été mis le 16 mai 1279 dans la châsse qui subsista jusqu'à la Révolution, par Simon, cardinal, légat du Saint-Siège, en présence des rois de France et d'Angleterre et d'une nombreuse assemblée de grands seigneurs (6). Un acte trouvé dans la châsse en 1654 lorsqu'elle fut ouverte par l'évêque François Faure, mentionne le fait (7). C'est tout ce que l'on en sait, et les inventaires anciens ne contiennent aucun détail à son sujet (8).

Châsse de saint Fuscien (9). — Baluze (10) a publié une lettre de Gervin, évêque d'Amiens, à Lambert, évêque d'Arras (11), pour l'inviter à la translation du corps de saint Fuscien dans une nouvelle châsse faite « diligentia magna, labore' et sumptu cujusdam fratris nostri ».

Mais ce n'est pas cette châsse qui subsista jusqu'à la Révolution.

clercs assistant le saint célébrant la messe tenait un flabellum de plumes. (Cf. Hist. de saint Honoré, dans le tympan de la porte de la Vierge dorée, t. I, p. 443).

(1) La description donnée par Pagès ne parle pas d'inscriptions. — M. le chanoine Dahiez possède la serviette en toile usée et reprisée à outrance, dans laquelle la femme du maire Lescouvé a renfermé les reliques de saint Firmin le confesseur, en 1793, lorsque la châsse fut envoyée à la Monnaie. Dans un coin de la serviette, est écrit à l'encre : 1793. L. C. MAIRE.

(2) * Joannes de Raineval, canon, (ob. 1331), dedit supellectilem argenteam ad conficiendam capsam in qua recunduntur corpora sanctorum Achii et Acheoli ». Bibl.

d'Am., ms. 516, fol. 149 v°. — Cf. ms. de Masclef, appart. à M. Jean Masson, à Amiens.

(3) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 135.

(4) « A laquelle fiertre y a une ymage perdue ».

(5) Voy. ci-dessus, t. 1, p. 38.

(6) D'après l'obituaire du chapitre, Laurent de Montreuil, pénitencier vers 1247, avait donné 20 1. pour la châsse de sainte Ulphe. (ROZE, Nécrol. de l'église d'Am., dans Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., t. XXVIII, PP- 392 et 398).

(7) Il est publié dans le Suppl. aux mss. de Pagès, édit. Douchet, p. 50.

(8) Elle aurait été raccommodée et nettoyée en 1667 par les filles de sainte Ulphe. (Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV) p. 279), mais l'abbé Corblet (Hagiogr.

du dioc. d'Am., t. III, pp. 570 et 572) observe que la confrérie de sainte Ulphe ne datait que de 1677.

(9) Outre le corps de saint Fuscien, la châsse renfermait aussi, paraît-il, quelques ossements de ses compagnons saints Victoric et Gentien, dont les corps se trouvaient depuis le xe siècle, le premier dans la collégiale de Saint-Quentin, le second, dans l'abbaye de Corbie. Il y aurait eu aussi quelques reliques de saint Quentin. (Bibl. d'Am., ms. 516, fol. 26. — Arch.

de la Somme, papiers du chanoine Villeman. — Gall.

Christ , t. X, col. 1160. — DE COURT, Mémoires, 1. III, chap. I. — Corblet, Hagiogr. du dioc. d'AIn., t. II, p. 329.

— Procès-verbal d'ouverture de la châsse de saint Fuscien, Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 640, fol. 5 v°, — etc.).

(10) Miscellanea, t. V, p. 283.

(11) Gervin fut évêque d'Amiens de 1091 à 1102, et Lambert, évêque d'Arras, de 1095 à 1115. La date de la pièce doit donc se placer entre 1095 et 1102. — L'abbé Corblet (Hagiogr. du dioc. d'Am , t. II, p. 319) la fixe, sans dire pourquoi, en 1096, et le ms. 510 (fol. 13) de la Bibl. d'Am., sans plus de raison, en 1102.

Le 12 juillet 1651, l'évêque François Lefebvre de Caumartin fit faire devant lui l'ouverture de la châsse de saint Fuscien, pour donner des fragments de reliques à l'abbaye de saint Fuscien et à l'église du Mesge. Le procès-verbal d'ouverture (1) constate que la châsse « est de bois, couverte d'une lame d'argent (2), et enrichie de plusieurs figures en bosses représentans les martirs desdits saincts; de laquelle ayant faict faire ouverture par Jean Bernard, maître orfeuvre, et Nicolas Postel, menuisier, avons trouvé les ossemens entiers du corps de saint Fuscien, martir, et partie des reliques de saint Victorix et Gentien, ses compagnons, enveloppés dans plusieurs linges blancs et très entiers, et plusieurs sortes de riches estoffes aussy belles que sy elles venoient des mains des ouvriers, deux sceaux avec deux escriteaux sur du parchemin, datés des années 1175 et 1288, par lesquelles apert que, dans ladite châsse, est le corps de saint Fuscien et des reliques des saints Victoris et Gentien. Lesdits escripts fait par deffunct de bonne mémoire Thibault, évesque d'Amiens, en présence des révérendissimes évesques de Senlis, de Tournay, d'Arras, de Noyon et de Beauvais, et Guillaume, aussy évesque d'Amiens, nos prédécesseurs ». Le texte de ces deux pièces ne nous a pas été conservé, mais il est probable que l'acte de 1175 devait être l'acte de translation des reliques dans une nouvelle châsse, car Pagès et le chanoine Villeman, qui ont pu voir ces titres, disent positivement, quoique sans référence, que les reliques de saint Fuscien ont été mises dans la châsse qui existait de leur temps par l'évêque Thibaut d'Heilly en 1175 (3) : d'ailleurs le grand concours de prélats mentionné dans l'acte montre bien qu'il s'agit d'une action importante telle qu'une translation. La pièce de 1288 ne se rapporterait au contraire qu'à une simple ouverture.

La mention suivante de l'inventaire du trésor de la cathédrale de 1535 complète les renseignements que nous pouvons donner sur la châsse de saint Fuscien : « Item, du costé dextre, après la fiertre de Mons. st Fremin, est la fiertre de sainct Fuscien, st Gentien et st Victorice, d'argent, racoutrée et renouvelée. Le pignon de ladicte fiertre par devant, estoit pour partie d'or, lequel a esté prins pour emploier à la table du grant autel. Et a esté ledit pignon refaict tout de nœuf d'argent doré, comme est ladicte fiertre » (4). Indépendamment de l'histoire du martyre des saints Fuscien, Victoric et Gentien, on voyait aussi représentée sur cette châsse, l'histoire de l'invention de leurs corps (5).

Châsse des saints Warlus et Luxor. — Seul, le manuscrit dit des Chapitres généraux ne nous fait connaître qu'un détail de cette châsse, mais il est assez intéressant, Nous le reproduisons textuellement. La châsse était d'argent doré. « A un bout d'icelle est un camayeu d'agathe grand comme la moitié d'un œuf, fait de relief à la face d'Hercules coiffée de la peau d'un lion et prisées par les orfeuvres du temps passé six cens 1. ; et à l'autre bout, un camayeu blanc de chérubin » (6).

(1) Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 640, fol. 5 V.

(2) Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 483) dit « de vermeille doré ».

(3) Mss. de Pagès, édit. Douchet. t. V, p. 483. —

Arch. de la Somme, papiers du chanoine Villeman.

(4) En 1485. — Cf. Bibl. d'Am., ms. 517, p. 118.

(5) NERLANDE, Dissertat., etc. Bibl. d'Am., ms. 466,

fol. 86. — Elle fut raccommodée et nettoyée vers 1667 des deniers d'une personne de la paroisse Saint-Firminle-Confesseur. (Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV) p. 279).

(6) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 118. — Cf. l'invent. du très, de 1535, Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 50, n° 3.

Disons un mot, pour terminer, des deux châsses qui avaient été extraites de la trésorerie d'en haut pour remplir la dernière niche de l'édicule.

La première, dite du Menton de saint Blimond, était d'argent avec garnitures d'argent doré et cristaux. Elle était portée sur quatre lions et ornée de « huict piliers de chambranles et crettes ». L'inventaire de 1419 parle aussi de pinacles « filiolis », dont elle était garnie. Elle pesait i3 marcs et contenait, outre la relique du menton de saint Blimond, un morceau du Saint Sépulcre, un autre du sépulcre de la Vierge Marie et un peu de son vêtement, un fragment d'une côte de sainte Berthe et d'autres reliques (1).

L'autre, qu'il est difficile de reconnaître dans les deux plus anciens inventaires du trésor, est ainsi décrite par celui de 1535 : « Une petite fiertre omple (unie) de bois, couverte d'argent : à l'un des boutz est l'ymage de sainct Fremin, et à l'aultre bout, ung personage tenant une croix; à ung costé, l'ymage Nostre-Dame, sainct Fremin le martir et sainct Fremin le confez; en laquelle petite fiertre sont plusieurs reliquiaires, et poise xim mars vu onches; quy solloit estre en la haulte thésaurerie, et en la charge du custode d'icelle. Maintenant est embas avec les autres fiertres, comme dict ledit thrésaurier ». Et l'inventaire rappelle cette même châsse dans l'énumération de celles qui se trouvaient au-dessus de l'autel.

1

Un grand dais d'étoffe bleue garnie de franges et semée de fleurs de lis d'or, était suspendu au-dessus du maître-autel, on ne sait depuis quelle époque. 11 fut supprimé au mois d'août 1707 (2).

En 1484, Nicole Le Marié (3), chanoine de la cathédrale, avait faire à ses frais sur l'autel de retro une représentation du Sépulcre, avec cette inscription : » Cheste représentation a fait faire sire Nichole Le Marié, prestre et canoine » de chiens, et l'a donné en l'honneur et raimambrance de la sépulture de Nostre » Sauveur Jhésus et de Marie, sa très digne mère, l'an de grâce mil IIIIC IIIIxx » et 1111. Priez Dieu qu'il luy face merchy à l'âme (4).

Les statues qui composaient ce groupe étaient, de pierre peinte et de grandeur presque naturelle. Il fut supprimé en 1723 (5).

Trois grands candélabres de cuivre étaient placés devant le maître-autel. Il en est déjà question dans l'obituaire du chapitre, où il est dit, à l'obit d'Élisabeth de la Pierre, que l'évêque Arnould, son fils, mort en 1247, ordonna qu'en cet anniversaire on fasse une sonnerie solennelle et que l'on allume trois grands

(1) Invent, du très, de 1347 v. s., 1419 et 1535. — Le ms. de Pagès (édit. Douchet, p. 483) dit à ce propos : « On mettoit autrefois dans la niche proche de cette châsse (des saints Warlus et Luxor), la relique du menton de saint Blimond », ce qui laisse supposer que, du temps de Pagès, elle n'y était plus. De fait, elle n'est plus mentionnée dans l'inventaire du trésor de 1667, non plus que dans les suivants.

(2) Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV) p. 320. —

Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. IV, p. 416, et t. V, p. 465.

(3) Suivant d'autres, Lemaire.

(4) Épitaphiers A, fol. 82; B, p. 45 et C, fol. 54. — Ms.

de Masclef, Bibl. de M. Masson, à Amiens.

(5) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 180. —

C'est sans doute après cette suppression, que l'on aura placé sur le retable de cet autel le tableau représentant le Crucifix entre la Vierge et saint Jean, dont parle le

cierges dans les trois grands candélabres (i). Le Liber ordinarius de 1291 y fait aussi souvent allusion (2). Les inventaires du trésor de 1347, v. s. et de 1419 n'en parlent pas, probablement parce qu'ils n'étaient pas de métal précieux, mais c'est évidemment eux que l'inventaire de 1535 désigne par ces mots : « Dedens ledit chœur, y a trois grandz candélabres, au millieu desquelz sont des ymages d'angles (anges) ». Leur place est bien indiquée dans le plan de 15g8 (fig. 185).

A ces trois candélabres était venu, par la suite, s'en adjoindre un quatrième, plus petit, mais sur lequel les auteurs de seconde main qui en ont parlé ne sont pas très clairs. Il devait être devant celui du milieu (3), et portait cette inscription : » Les manangliers de Saint Leu m'ont chy mis en mille choq chens et un » quarteron tout juste (4).

Tous les ans, le lendemain de la fête de leur patron, le curé et les paroissiens de Saint-Leu, à la suite d'un vœu fait pendant une peste, venaient processionnellement allumer sur ce chandelier un cierge de sept à huit livres (5).

Au-dessus de ces quatre chandeliers (6) règnait l' « escoperge, poutre ou entrebende », qui traversait le chœur de l'église, soutenant douze chandeliers sur lesquels on allumait des cierges à certains jours. Elle était ronde, et paraît déjà mentionnée au Liber ordinarius de 1291 (7). Elle fut supprimée en 1671 (8).

Devant le Saint-Sacrement, était encore un candélabre de cuivre sur lequel étaient gravés ces mots : » En l'an mil[le] chinq cens et six » Les paroissiens de ce leu » Mi ont en ce noble lieu assis » Du gré Messieurs et l'aveu (9).

ms. de Machart (t. VIII). Bibl. d'Am., ms. 836, p. 369.

(1) « Pulsetur solempniter et accendantur très magni cerei in tribus magnis candelabris ». ROZE, Nécrol. du chapit. d'Am., dans Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. XXVIII, p. 297. — Il en est encore question dans une fondation faite le 22 août 1470 par l'évêque Ferry de Beauvoir : « accendentur très magni cerei in magnis candelabris » Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 366.

(2) « Accenduntur très magni cerei in magnis candelabris ante altare ». Liber ordinarius de 1291. Bibl.

d'Am., ms. 184, fol. 14. — « Unus cereus magnus super magnum candelabrum cupreum ante altare. Accenduntur très magni cerei in magnis candelabris, de quibus medius accenditur, si celebret episcopus, si non, extinguitur ». IbidDe luminari accendendo, fol. 340 v°.

(3) C'est du moins ce qui semble résulter de cette phrase de Pagès (Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 464) : « Deux sont placés aux extrémités et deux dans le milieu ».

(4) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 372. —

Après la transformation du sanctuaire au XVIIIe siècle, il fut conservé dans la sacristie jusqu'à la Révolution.

(Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 118).

(5) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 372.

(6) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 464.

(7) « Et illuminatur totum super trabem et ante crucem

et boketi. Duodecim cerei super trabem rotundam et duodecim boketi ». Lib. ordin. de 1291, Bibl. d'Am., ms. 184, De luminari accendendo (partie recopiée au xvi8 s.), fol. 341. — Pagès (Mss. de Pagès, édit.

Douchet, t. V, p. 464) dit également : « 11 y avoit autrefois une grande poutre ronde enclavée par les deux bouts dans les deux murailles opposées, qui traversoit la longueur du chœur, au-dessus de l'endroit où sont placés ces chandeliers, qu'on nommoit escoperche, qui estoit garni de plusieurs chandeliers de cuivre, que l'on a ôtés pour dégager de plus en plus la veue du sanctuaire ».

(8) Composition du 23 mars 1671 entre l'évêque François Faure et le chapitre. Il est observé que la suppression de ladite poutre n'est faite que « pour oster la difformité que cause ladite escoperge, orner plus avantageusement le cœur et décorer l'église., pour le plus grand ornement et dégagement dudit cœur ». Il est convenu, en outre, que, pour remplacer les douze cierges, on fera poser deux chandeliers, chacun à six branches, aux deux piliers les plus proches des deux portes collatérales du chœur, au-delà des stalles, ou que l'on placera douze cierges en tel endroit que l'on jugera le plus convenable « pour la plus grande décence, décoration et dégagement dudit chœur ». (Bibl. d'Am., ms. 517, p. 353).

(9) Épitaphiers B, p. 45, et C, fol. 54 v°. - Au lieu de

Un accord entre l'évêque et le chapitre du 25 janvier 1334, v. s. parle aussi d'un candélabre sur lequel les fidèles avaient l'habitude de mettre des chandelles après les messes, et au milieu duquel on mettait une grosse chandelle (i). C'est peut-être ce que le Liber ordinarius de 1291 appelle « boketi » (2).

Nous savons aussi que, dès i320, deux bassins d'argent étaient suspendus devant le grand autel, dans lesquels on brûlait des cierges (3). Ce sont eux qui, probablement sont désignés dans l'inventaire du trésor de 1347 v. s. par ces mots : « duas pelves argenteas magnas » (4).

Le même inventaire mentionne encore six bassins d'argent qui étaient alors suspendus dans l'église. Il y en avait un devant le Crucifix (5), un autre au milieu du chœur, un troisième devant les corps saints, et tois attachés ensemble devant le grand autel (6).

« Un chandelier d'argent, dit Pagès (7), d'un très beau travail, à trois branches, sur une même ligne, fait en forme de lustre, garni de feuillages d'argent, est suspendu devant le milieu de l'autel en entrant dans le sanctuaire. On appelle ce chandelier candelassin ». C'était sans doute celui dont l'inventaire du trésor de 1667 parle en ces termes : « Un chandelier d'argent à trois branches, qui est au milieu du sanctuaire, donné par M. Rohault, officier de M. le comte de Saint-Pol, gouverneur de la province (8), lequel poise (blanc) et a esté contribué de la part du chapitre au surplus de ce que ledit Rohault avoit donné; voilà pourquoy les armes du chapitre sont d'un costé, et celles dudit Rohault de l'autre ».

Il semble que, vers le milieu du xive siècle, il y avait déjà plusieurs bassins d'argent suspendus devant la châsse de saint Firmin le martyr (9). En 1621, il y en avait trois. Le 18 janvier de cette même année, Nicolas de Blayrie, docteur en théologie, chanoine et pénitencier, présenta de la part de Guillaume Bellin,

« les paroissiens de ce leu », l'épitaphier A a lu « les paroissiens de Saint-Leu ». De Court (Mémoires chronol., 1. III, ch. 3\ qui a suivi la même version, a confondu ce chandelier avec celui des marguilliers de Saint-Leu précédemment cité. Il est difficile de savoir laquelle des deux versions est la bonne.

(1) 25janv. 1334 v. s. : « Candelas que ad candelabrum ponebantur per fideles,postquam missa cantata fuerat.

Grossa candela que poni consuevit in medio candelabri a fidelibus ». (Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 382.

Ibid. (Chapit. d'Am.) G. 6~

(2) « Et illuminaturtotum super trabem et ante crucem et boketi. Duodecim cerei super trabem rotundam, duodecim boketi ». Lib. ordin. de 1291, Bibl. d'Am., ms. 184 De luminari accendendo (partie recopiée au XVIe s.), fol. 341.

(3) it déc. 1320. Fondât, par Raoul des Fossés, archidiacre, d'un cierge à brûler perpétuellement dans un des deux bassins d'argent suspendus devant le grand autel « in duabus pelvibus argenteis pendentibus ante majus altare ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44 n° 6.

(4) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 50 n° 5. — Dans tous les cas, l'explication que donne Garnier de ces « duas pelves » par ces mots « seau contenant l'eau pour le baptême » (Mém. de la Soc. des Ant. de

Pic., t. X, p. 259) ne nous paraît pas admissible.

(5) L invent, du trésor de 1667, mentionne à cette place, un « cul-de-lampe d'argent. avec ses chaînes de ferdonné par M. Louis Roche, maistre du Puy (1627) ».

(6) « Item sex bachinos argenteos pendentes in ecclesia; scilicet unum ante Crucifixum, alium in medio chori, très simul vinctos ante altare, et sextum ante corpora sanctorum ». — Là sans doute, observe Garnier avec quelque vraisemblance, « sont les cinq bassins d'argent de cinq marcs qu'avait donnés en 12441e bailly Geoffroy de Milly, en expiation de la mort des cinq clercs qu'il avait fait exécuter, et dont on fit plus tard un candélabre à trois branches, qui disparut en 1768 ».

Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. X, p. 261. Cf.

ms. Baron, édit, Soyez, p. 117. — Comptes des marances de 1353-54: « Pr0 reparatione unius bachini pendentis ante altare ». — Ces bassins sont mentionnés dans le Liber ordinarius de 1291 (partie recopiée au XVIe s.) : « Alius (cereus) in pelve chori, sicut in aliis N. Bibl.

d'Am., ms. 184, fol. 341.

(7) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 465.

(8) De 1595 à 1614.

(9) « In uno de bachinis argenteis pendentibus ante thecam beati Firmini ». Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., Compte des marances de 1354-55.

chancelier de l'église, pour être mise à .la place desdits trois plats, une grande lampe d'argent soutenue par trois chaînes de même métal (i).

La chaire épiscopale est déjà mentionnée dans le Liber or dinar ius de 1291 : elle était placée près du maître-autel (2). L'inventaire du trésor de 1419 parle de la pièce d'étoffe qui lui servait de couverture, suivant la coutume du moyen âge (3).

Non loin du maître-autel, en effet, du côté de l'épître, et occupant la moitié de la travée 24-26 a, était encore au commencement du XVIIIe siècle un siège à trois places en menuiserie, et qui servait « autrefois », dit Pagès, pour le célébrant le diacre et le sous-d iacre. Deux colonnes torses, d'une espèce de marbre veiné de différentes couleurs, formaient la séparation des sièges (4). Suivant Baron la menuiserie en aurait été dans le goût de celle des stalles (5). Sa place est parfai tement bien marquée dans le plan de 1727 (pl. XCV).

Était-ce là l'antique chaire épiscopale de pierre, dans laquelle les évêques d'Amiens étaient installés, encore au xvne siècle (6)? C'est probable; mais il faudrait supposer que la chaire ancienne de pierre, à laquelle appartenaient sans doute les deux colonnes de marbre dont parle Pagès, aura été embellie de menuiserie probablement vers la fin du xve ou le commencement du XVIe et accompagnée de deux sièges accessoires pour les assistants de l'évêque; car il est plus que vraisemblable qu'à l'origine elle devait être à une seule place (7).

A partir du milieu du xviie siècle, les évêques cessèrent d'y siéger : leur place habituelle, lorsqu'ils n'officiaient pas, était la stalle du trésorier (8); dans l'autre cas nous voyons, dès 1644, que la veille des jours où l'évêque devait officier pontincalement, les officiers de l'évêché lui dressaient un trône dans le chœur (9).

L'évêque François Lefebvre de Caumartin eut même à ce sujet un procès contre le chapitre qui prétendait lui faire réintégrer l'antique chaire pontificale, mais après la mort de ce prélat, une transaction autorisa son successeur, François Faure s'il n'avait agréable l'ancienne chaire pontificale pratiquée dans l'épaisseur du mur de la clôture du chœur, à en établir une portative et amovible après l'office fait de la forme et en tel endroit qu'il lui plaira, du même côté de l'autel (10). C'est ainsi

(1) Bibl. d'Ara., ms. 517, p. 127.

(2) « Episcopus autem, si presens fuerit, omnes versiculos in capa sua nigra in cathedra juxta altare panno serico ornata » (ces trois mots raturés en rouge). Liber ordin. de 1291, Bibl. d'Am., ms. 184, fol. 14 v". —

c: Deinde thurificatur episcopus in cathedra juxta altare ».

Ibid., fol. 67. — Il en est aussi parlé dans des extraits du Liber ordinarius de 1337 : « deinde in cathedra juxta altare a decano et ab alio canonico episcopus thurificatur ». Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.) G. 899.

(3; «Coopertura cathedre pontificalis quod faldistorium nuncupatur ». Cependant n'entend-on pas plutôt ici par « faldistorium » le siège mobile dont l'évêque se sert dans certaines cérémonies?

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 459. —

« Les deux colonnes qui soustiennent le trosne de l'évêque qui est dans le chœur, qui sont d'une seule pièce d'un verd jaspée de blanc, que l'on dit être de véritable porphire, d'autres, d'agath, mais enfin tous se rapportent à regarder ce dernier monument comme d'une nature de pierre très précieuse, tellement dure,

qu'elle fait molir l'assier. Ces colonnes, d'environ 10 pieds, sont torses, avec une espèce de fillet dans ce torse, qui, est délicatement travaillé ». Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII\ p. 311. C'étaient vraisemblablement des colonnes antiques.

(5) Ms. de Baron, édit. Sovez. D. II7.

- 1 - 1 (6) « In cathedra lapidea juxta ma jus altare ». Procèsverbal d'installation du cardinal de Créqui, évêque d'Amiens, 29 sept. 1564. Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., G. 657. — Id. Procès-verbal d'installation de l'évêque François Lefebvre de Caumartin, 23 mai 1618.

Ibid., G. 658.

(7) Quelques cathédrales, telles que celles de Toul, de Metz, etc., ont encore conservé leurs anciennes chaires épiscopales en pierre.

(8) La trésorerie avait été unie à l'évêché en 1148.

Voy. ci-dessus, t. I, p. 12.

(9) 1644. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 612.

(10) Transact. du 26 mars 1654. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 550; (Chapit. d'Am.) G. 661.

qu'en usèrent tous ses successeurs jusqu'aux « embellissements » de Mgr de la Motte.

Pagès (i) décrit ainsi le trône que l'on élevait pour l'évêque Pierre Sabatier : « C'est dans l'endroit scitué entre ces chaises et cette porte collatérale que, dans les festes solennelles, on élève sur plusieurs marches ou degrés couverts de beaux tapis un trône magnifique couronné d'un superbe daix de coulleur cramoisi ou écarlate foncé, sous lequel se place Monseigneur notre évesque, lorsqu'il officie pontificalement, assisté de MM. les archidiacres d'Amiens et de Ponthieu, de M. le prévost de la cathédrale, de MM. les autres ecclésiastiques et de tous les officiers qui composent sa cour épiscopale. Sur l'étoffe écarlate paroissent en broderie deux écus des armes de Monseigneur notre illustre prélat ».

Il est certain que, dès le XIIIC siècle, il y avait dans le chœur de la cathédrale un ou plusieurs lutrins en forme d'aigles. Il en est souvent question dans le Liber ordinarius de 1291 (2). Le compte des marances de 1342-43, porte une somme de 12 deniers « pour refaire le vieil aigle de l'église » (3). De même l'inventaire du trésor de 1347 v. s. mentionne trois essuie-mains pour l'aigle du chœur (4). Par le compte des marances de 1352-53, nous voyons qu'une somme de 7 s. a été dépensée « pro capite serpentis reposito ad magnam aquilam chori » - il y en avait donc au moins un grand et un petit — et 3 s. pour nettoyer l'aigle du chœur (5).

L'inventaire du trésor de 1535 en mentionne deux. L'un était encore un présent fait en 1507 par Jean Leclerc, chanoine et archidiacre d'Amiens (6). Il était de cuivre historié « avec le piet bel et riche ». Au bas, étaient les armes du donateur, qui portait à trois trèfles, avec l'inscription suivante : » En l'an de grâce mil cincq cens et sept, maistre Jehan Leclerc, archidiacre » d'Amiens, fit faire et donna cest aigle. Priez Dieu pour luy (7).

L'autre était aussi de cuivre, avec un pied; il avait été donné par Simon de Bonneville, bourgeois d'Amiens, ainsi qu'en témoignait une inscription dont le texte ne nous a pas été conservé. Il servait à lire l'évangile (8).

Enfin, par marché du 16 mai 1666, le chapitre commanda à Nicolas de Naynville, marchand chaudronnier et fondeur à Amiens, un lutrin de cuivre du poids de 600 livres ou environ, pour mettre dans le chœur de la cathédrale : il devait être orné de moulures et de feuillages fondus dans la masse. Le prix était

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 459.

(2) « A duobus capellanis in capis suis nigris in medio choro ad aquilam ». Liber ordinarius de 1291, Bibl. d'Am., ms. 184, fol. 14. — < t Qui passurus advenisti et alii a duobus canonicis sacerdotibus in choro ad aquilam canuntur ». Ibid., fol. 136 v°. — « Cum processione stat ad aquilam in medio choro ». Ibid., fol. 142 v°.

(3) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Compte des marances de 1342-43.

(4) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. so no 5.

(5) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Compte des marances de 1352-53.

(6) Nous nous rappelons que ce même Leclerc avait aussi donné la crosse de suspension du Saint-Sacrement et les six colonnes de cuivre qui accompagnaient le maître-autel. Voy. ci-dessus, t. II, pp. 38 et 39.

(7) Épitaphiers A, fol. 82 v°; B, p. 45; C, fol. 54 v°.

(8) Plusieurs auteurs tels que le P. Daire (Hist.

d'Amieiis, t. II, p. 121), les mss. de Machart, (t. VII, Bibl. d'Am., ms. 836, fol. 373) et de Baron (édit. Soyez, p. 18), et Rivoire (Descr. de l'église cath. d'Am., p. 182), disent que cet aigle aurait été donné en 1341. par Milon de Bonneville. Je n'ai jamais pu vérifier ce fait sur un document authentique.

de 3oo 1. pour la façon et pour l'épreuve, la matière étant fournie par le chapitre (i).

Il fut détruit à la Révolution (2).

Au XVIIe siècle, au milieu du chœur, un grand coffre servait à la fois pour resserrer les livres et de siège à ceux qui régissaient le chœur. Il était recouvert d'un tapis de Turquie (3).

Dans certaines circonstances, l'ornementation du chœur et du sanctuaire s'enrichissait de tapisseries et de tapis. Dès 1342, l'église était déjà ornée de tentures (4).

Il semble qu'à l'origine, ces tentures ou tapisseries étaient à demeure. Un acte capitulaire du 8 juillet 1496 décida qu'elles seraient détendues et qu'on ne les tendrait qu'aux jours solennels (5).

L'inventaire du trésor de 1535 mentionne « douze pièches de tapisserie haultelice historiées de la Passion Nostre-Seigneur, dont on tent le chœur », et « deux tappis vellutz, l'un qui sert devant le grant autel, et l'autre se met devant les cheeres du grant autel, quant Mons. d'Amiens officie. Donnez par feu messire Collard de Mailly et madame Claire de Flourens, sa femme ».

En 1684 Gaspard Tiercelin de Brosse, chanoine, fit présent d'un tapis de Turquie pour servir au chœur (6).

Une délibéral ion capitulaire du 25 août 1769 chargea le sieur de Monsures, chanoine, d'acheter un tapis pour le grand autel (7).

Durant le carême, une courtine était tendue entre le chœur et le maître-autel (8).

Nous ne dirons rien d'une infinité d'objets que les différents inventaires du trésor de la cathédrale mentionnent comme placés temporairement ou à demeure dans des coffres (9) ou à découvert dans l'espace situé derrière le maître-autel et qui servait comme de sacristie, non plus que des livres liturgiques ou autres manuscrits placés çà et là dans le chœur et dans le sanctuaire. Il sera parlé des principaux de ces objets avec le trésor.

(1) Marché du 16 mai 1666, entre le chapitre et Nicolas de Naynville, pour la fonte d'un lutrin de cuivre. Arch.

de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 3. — Voy.

aussi Bibl. d'Am., ms. 517, p. 40. — Le lettrain ou lutrin et l'aigle étaient deux choses distinctes. 1645 : « Tantôt à l'aigle, tantôt au lettrain ». Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.) G. 659. « L'aigle où on a coutume de chanter l'évangile. au lettrain qui est au milieu du chœur ô. Ibid. — Il faut distinguer aussi le lutrin du pupitre; ce dernier n'était autre que le jubé. 1645 : « Le lettrain qui est placé dans l'aire du chœur ne servant qu'à soustenir les livres de chant, pour le soulagement et la commodité plus grande des chantres et choristes, et le pulPitre, au contraire, qui est construict et eslevé en forme de scène ou de théatre entre le chœur et la nef de l'église, estant particulièrement affecté à l'exercice de certaines cérémonies, de l'une desquelles il retient le nom, lorsque nous l'appelons quelquefois jubé ». Ibid.

(2) Voy. * État des objets en bronze et en cuivre qui sont en l'église cathédrale d'Amiens et qui pourroient être convertis en canons pour la garde nationale », du 12 avril 1793. Arch. de la ville d'Am., P 5.

(3) Invent, du trésor de 1667.

(4) « Pro IIUor palliis quibus ecclesia paratur reparandis et pro tela, xiiii s. IIII d. ». Compte des marances de 1342. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.

(5) Mentionné dans Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 612.

(6) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. capit.

du 17 mai 1684, et Arm. I, 1. 45, n° 15.

(7) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. capit.

du 25 août 1769.

(8) L'inventaire du trésor de 1347, v. s., la désigne ainsi : « Item cortinam sericam viridem, que in quadragesima ponilur inter chorum et altare ». Celui de 1419 est plus explicite : « Item unum velum sericum quasi viridis coloris, et habet in medio unam listam cum litteris arabicis. Protenditur ab una parte chori ad aliam et extenditur in quadragesima ».

(9) L'inventaire du trésor de 1347, v. s. mentionne déjà un coffre affecté à cet usage derrière l'autel, et qui renfermait des livres et des ornements. Un de ces coffres fut brûlé le 2 juillet 1639, par suite de quoi, plusieurs ornements qui s'y trouvaient furent gâtés. Arch. de la Somme (Évêché d'Am.) G. 612.

Nous savons aussi qu'en 1644, il y avait derrière l'autel une table où l'on affichait les noms des officiants (1).

Antoine de Créquy, cardinal prêtre du titre de Saint-Triphon, évêque d'Amiens depuis 1561, mourut dans cette ville le 20 juin 1574. Suivant ses dernières volontés, son corps fut enterré dans l'abbaye de Saint-Vaast de Moreuil, et son cœur seulement dans le sanctuaire de la cathédrale d'Amiens, devant le maître-autel.

Aucun auteur ne parle du monument qui a dû être élevé sur son emplacement, et qui d'après le testament du cardinal, devait consister en une petite voûte surmontée d'un ange, avec quelque inscription (2), de sorte que l'on ignore s'il a jamais été exécuté ou s'il n'a pas disparu de très bonne heure. Tout ce que l'on sait c'est que jusque dans le XVIIIe siècle le chapeau du cardinal resta suspendu à la voûte de la cathédrale au-dessus de l'emplacement où son cœur était enterré.

En 1740, il fut accroché à un pilier voisin (3). Depuis longtemps il a disparu.

Au mois de juin 1706, lorsqu'on ouvrit la terre en cet endroit pour y déposer les restes mortels de l'évêque Henri Feydeau de Brou, on trouva, dit le P. Daire (4), « le cœur de ce cardinal dans un autre de plomb, et on y vit une ouverture d'où il découla de l'eau rousse mêlée de sang, ce qui fit juger qu'il étoit encore entier ». Il fut remis en terre à côté.

(1) Arch. de la Somme. Ibid.

(2) J'ordonne aussy à ma sœur et à son filz payer chacun par moictié la somme de trois à quatre cens livres, pour faire faire une petite voulte devant le grand aultel de l'église d'Amyens, pour y estre mis mon cœur en terre, et affin que le peuple se puisse mieulx souvenir de moy, je vœulx que sur ladite voulte il y ayt ung ange suspendu en l'air, avecq quelque inscription sur une table ».Testam. du cardinal de Créquy, 18 juin 1574,

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44, n° 24.

— Voy. aussi Gallia Christ., t. X, col. 1208 et instr., col. 356. — LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 244. — DE COURT, Mèm. chronol., 1. II, ch. 68. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 67. — Bibl. d'Am., ms. 516, fol. 75 v°, — etc.

(3) SOYEZ, Notices sur les évêques d'Amiens, p. 186. —

Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 371.

(4) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 67.

Fr;fj. lai;. - Grilles du ,\'unclllaipe.

II

DÉCORATION ET AMEUBLEMENT ACTUELS DU CHŒUR ET DU SANCTUAIRE.

Après avoir reproduit les arguments de J.-B. Thiers (i) contre la suppression des jubés, après ses plaintes contre la mode qui, de son temps, fit disparaître à peu près tous ces curieux monuments, Pagès ajoutait:, « Messieurs de notre cathédrale n'appréhendent pas les reproches de cet auteur sur ce sujet, puisque le jubé de leur auguste temple subsiste toujours dans le même estat auquel il a esté construit » (2).

Hélas, le chapitre de la cathédrale d'Amiens et son évêque ne devaient pas tarder

(1) Dissertations ecclésiastiques sur les principaux autels des églises, les jubés des églises, la clôture du chœur des églises.

(2) Mss. de Pagès. édit. Douchet, t. V, p. 441.

à être aussi atteints de la fureur « ambonoclaste » et démolissante qui sévissait de leur temps. Peu d'années après, non seulement le jubé, mais presque tout l'ancien mobilier du chœur et du sanctuaire durent céder la place à leurs « embellissements ».

Le 21 janvier 1742, entre cinq et six heures du soir, un incendie avait éclaté dans le chœur de la cathédrale (1). Le feu aurait pris dans la sacristie ménagée derrière l'autel, et, « en travaillant à en arrêter les progrès, on avait cassé beaucoup de morceaux des sculptures en pierre des niches des châsses et de la clôture » (2).

Cette phrase de Baron a induit quelques historiens de la cathédrale à faire de cet incendie le point de départ des transformations que le chœur et le sanctuaire eurent à subir pendant le XVIIIe siècle. C'est possible, quoique nous ne sachions pas exactement quelle avait été l'étendue des dégâts, ni jusqu'à quel point ils étaient réparables, mais il y eut encore beaucoup d'autres raisons dont la première fut la mode. On voulait aussi permettre aux fidèles d'apercevoir du dehors les cérémonies, sans pénétrer dans le sanctuaire, jusqu' « au pied du trône de l'évêque officiant », comme, paraît-il, cela se pratiquait depuis fort longtemps (3).

Toujours est-il qu'au mois de novembre de cette même année 1742, le chapitre permit à Me Chaban de la Fosse et à plusieurs autres chanoines, de placer deux grilles à côté du grand autel, l'une à droite, l'autre à gauche, à la charge d'en soumettre au chapitre les dessins et devis, d'être autorisés par l'évêque et par tous autres qu'il appartiendra à déplacer les mausolées et de rendre le chapitre indemne de tout (4).

Il ne semble pas cependant que ce projet ait été immédiatement suivi d'exécution. Ce n'est qu'à la fin d'avril et en mai 1751 que l'on commença le dégagement des entrecolonnements du sanctuaire par l'enlèvement des tombeaux et des autres monuments qui garnissaient les travées 24-26 a, 26-28 a, 27-29 a, 25-27 a, 23-25 a (5). Les portes latérales qui se trouvaient dans les travées 22-24 a et 21-23 a à l'extrémité des stalles ne furent enlevées et remplacées par des grilles qu'en 1761 (6). Les monuments qui se trouvaient derrière les dossiers des stalles, dans ces deux travées, furent aussi démolis, et on éleva à leur place des murs de pierres avec placage en faux gothique, analogue à celui que l'on faisait dans le même temps à droite et à gauche de l'entrée du chœur, mais un peu moins riche. L'année suivante (1762), ce fut le tour de la travée 28-3o a qui, on ne sait pourquoi, avait été épargnée en 1751 (7). Enfin ce n'est qu'en 1768, lors de la construction de la gloire, que l'on fera disparaître les monuments qui garnissaient les entrecolonnements 3o-32 a,' 29-31 a (8).

(1) « Payé pour plusieurs gratifications faites aux particuliers qui ont travaillés dans le chœur de l'église à l'occasion de l'incendie qui y est arrivé le 21 de janvier dernier, entre 5 et 6 heures du soir, la somme de 30 1. 12 s. » Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 62 bis, compte de la fabrique de 1741-42. — « Payé à M. Poussepain, aide-major de la place, 10 1., pour récompenser une compagnie de privilégiés qu'il a fait venir pour garder l'église, à l'occasion de l'incendie qui y est arrivé le 21 janvier 1742. Payé au sieur Thadée, voisin de l'église, 40 s., pour gratification des peines qu'il s'est donné à l'occasion de laditte incendie ». Ibid., compte de fabrique de 1742-43. — C'est très proba-

blement à cet incendie que le ms. de Baron (édit. Soyez, p. 118) fait allusion, mais en le plaçant en 1744. Il serait étonnant que deux semblables accidents se fussent produits à deux ans de distance. Cette date de 1744 a été adoptée par ceux qui ont eu ce ms. entre les mains.

(2) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 118.

(3) Ibid.

(4) Délibér. capitul. du 19 novembre 1742. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.

(5) Voy. ci-dessus, t. II, pp. 13 et suiv.

(6) Voy. ci-dessus, t. II, pp. 13 et 30.

(7) Voy. ci-dessus, t. II, p. 18.

(8) Voy. ci-dessus, t. II, pp. 18 et 19.

Nous sommes d'ailleurs très peu documentés sur rétablissement de ces grilles : nous ne savons même pas d'une façon positive quand elles ont été posées, bien qu'il soit assez vraisemblable qu'elles l'ont été au fur et à mesure du dégagement des travées. Nous ignorons également par qui elles furent dessinées et exécutées.

Elles seraient dues à des serruriers d'Amiens (i).

Toutes les grilles extérieures du sanctuaire (fig. 186) depuis la travée 21-23 a jusqu'à la travée 22-24 a, sont faites sur le même dessin dans le style dit rococo mais assez calme et d'un goût parfait. Tous les ornements en tôle découpée sont dorés. Il y a dans les frontons des bouquets et des gerbes de fleurs d'une très bonne exécution, servant de cadre à un médaillon central dont le sujet varie à chaque travée : Travée 21-23 a : D'un côté, un buste de saint barbu, de l'autre un buste de sainte voilée (2).

23-25 a : Deux C enlacés, chiffre du chanoine Cornet de Coupel.

25-27 a • L'Arche d'alliance.

27-29 a : La Table des pains de proposition.

29-31 a : Un cœur percé, enflammé et rayonnant.

30-32 a : Le Serpent d'airain.

28-30 a : Un ostensoir.

26-28 a : Une branche de vigne et un épi de blé enlacés.

24-26 a : Les armes de Mgr de la Motte, de gueules, au léopard lionné d'or, à la fasce d'azur brochant sur le tout, au chef d'or chargé d'une aigle eployée de sable (3).

22-24 a : D'un côté, un buste de sainte voilée; de l'autre un buste de saint barbu.

Les grilles 21-23 a et 22-24 a sont munies de portes à un vantail.

Au mois de juin de l'année 1751, le chapitre décida que les trois gros chandeliers de cuivre placés à l'entrée du sanctuaire seront supprimés « attendu la nouvelle décoration que l'on veut faire dans le sanctuaire », dont ils cacheraient la vue (4).

(1) C'est par suite d'une confusion avec la grille d'entrée du chœur que certains auteurs ont attribué le dessin des grilles dont nous parlons à Michel-Ange Slodtz et leur exécution à Veyren, dit Vivarais. Le fait est qu'on n'en sait absolument rien. La différence profonde de leur dessin d'avec celui de la grille d'entrée du chœur, qui est bien authentiquement de Slodtz et de Vivarais, doit d'ailleurs porter à croire qu'elles n'ont pas pu être dessinées par Slodtz. Lems. de Machart (t. VIII.

Bibl. d'Am., ms. 836, p. 375) dit d'ailleurs positivement : « L'an 1 762, le chapitre fit faire la grille du chœur par le.

célèbre Vivaret, maître serrurier de Corbie. le dessin de cette grille fut donné par le sieur Flod (lisei Slodtz;!, célèbre architecte. Celles à côté du chœur données en partie par Mgr Delamotte et le chapitre, sont faites par dijJÙens maîtres d'Amiens ». Voy. aussi RIVOIRE, Descr.

de l'église cath. d'Am., p. 173.

(2) Enlevée en 1851, sous prétexte de l'établissement de l'orgue d'accompagnement, la grille qui occupe cette travée ne fut remise en place qu'en 1888, par les soins et aux frais de M. Soyez «.après beaucoup de difficultés »,

comme il le dit lui-même (Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 138, note de l'éditeur).

(3) Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV), p. 587. —

[DARGNIES], Mémoires pour serv. à l'hist. de feu Messire de la Motte, t. II, p. 196. — Enlevées pendant la Révolution (RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 186), ces armoiries ont été rétablies en 1890 lors de la restauration du sanctuaire aux frais de M. Soyez, et exécutées par M. d'Hières, de Paris.

(4) « Au chapitre extraordinaire tenu le 4 juin 1751, Messieurs ont arresté que les trois gros chandeliers de cuivre qui sont placés à l'entrée du sanctuaire du chœur de leur église seront supprimés, attendu la nouvelle décoration que l'on veut faire dans ledit sanctuaire, et que lesdits trois chandeliers en cacheroient la veue, et que le chandelier servant pour soutenir et supporter le cierge qui doit brûler perpétuellement devant le SaintSacrement restera dans sa place ordinaire ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., ms. intitulé Annalles capitulaires et autres.

On en fit, paraît-il, la balustrade en cuivre doré avec appui de marbre qui sépare aujourd'hui le chœur du sanctuaire (i).

L'ancien maître-autel aurait été détruit en 1752 (2), et le nouveau, fait du bois des anciens échafaudages de l'église, bénit par Mgr de la Motte le 22 mars 1755 (3).

Cet autel paraît n'avoir été fait tout d'abord qu'à titre provisoire et comme modèle d'un autre plus somptueux, que l'on voulait en marbre (4) : on y renonça sans doute pour des raisons d'économie. Le bois resta plusieurs années dans sa couleur naturelle : il ne sera doré comme il l'est aujourd'hui qu'en même temps que la gloire, en 1768 (5), alors qu'on aura pris le parti de le conserver définitivement.

On voulait, paraît-il, le peindre en imitation de marbre : Mgr de la Motte s'y opposa, disant qu'il ne fallait tromper personne, qu'une peinture en façon de marbre ferait prendre l'autel pour ce qu'il n'est pas, tandis qu'étant doré, il ne viendrait à l'idée de personne de penser qu'il fût entièrement d'or. Cette manière de voir étonna beaucoup l'entourage de l'évêque (6).

Les belles colonnes de cuivre qui accompagnaient l'ancien autel disparurent en même temps que lui (7). Elles furent vendues à un nommé Pierre Le Clair marchand fondeur à Paris, pour le prix de 1.554 1. 6 s., dont 1.242 1. 1 s.

seulement furent payées, l'acquéreur ayant fait faillite et étant devenu insolvable (8).

Le nouvel autel est de la forme dite à la romaine. L'ancienne et magnifique pierre d'autel donnée en 1413 par le chanoine Pierre Millet (9), a été conservée, quoique un peu écornée pour faire place à la nouvelle décoration. On s'est contenté d'enfermer le massif qui la supporte dans une sorte de caisse en bois sculpté, en forme de

(1) RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 185.

(2) A partir de cette époque, les châsses des corps saints ne restèrent plus exposées sur le maître-autel.

Elles furent conservées dans la sacristie pour n'être exposées que le jour de la fête des saints dont elles renfermaient les restes (DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 122). Elles furent sans doute replacées dans le chœur lorsque la gloire eut été élevée, car le procèsverbal de l'enlèvement de l'or et de l'argenterie de la cathédrale, du 13 brumaire an II (Arch. de la ville d'Am., P. 5, dit positivement qu'elles se trouvaient alors dans le chœur.

(3) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 370. —

RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 188.

(4) On avait déjà, paraît-il, dès le 1er juin 1755, dressé un devis de la reconstruction à faire du maître-autel et du jubé. Il est fait mention de ce devis dans l'arrêt du Conseil du 11 avril 1758 qui affecte à ces travaux et à d'autres le produit de la vente d'une coupe dans les bois d'Avelesges appartenant au chapitre. Arch. Nat. E.

1330A, n° 31.

(5) DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 123. —

Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 119. — RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 188.

(6) « Il eut une idée particulière par rapport au maîtreautel : il y en avoit un de bois d'une belle forme, qu'on

avoit placé quelques années auparavant et qu'on se proposoit de faire entrer dans les nouveaux projets, par préférence à un autel de marbre dont on craignoit les inconvéniens. M. d'Amiens ne voulut pas qu'on le peignit en marbre, comme il eût paru naturel de le faire. Il dit que là surtout il ne falloit tromper personne, qu'une peinture de marbre bien exécutée pourroit faire croire que l'autel étoit en effet de marbre, au lieu qu'étant entièrement doré, outre que le coup d'œil en seroit plus magnifique, il ne viendroit à l'esprit de personne de penser qu'il fût entièrement d'or ».

[DARGNIES], Mémoires pour servir à l'hist. de feu messire. d'Orléans de la Motte, etc., t. II, p. 201.

(7) RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 188.

(8) « Payé et remboursé par délibération du chapitre du 2 avril 1756 à M. Le Clercq, préchantre, ancien maître de fabrique, la somme de 312 1. 5 s., restante de celle de 1.554 1. 6 s., prix de la vente de partie de cuivre provenans des anciennes colonnes du sanctuaire et due par le nommé Pierre Le Clair, marchand fondeur à Paris, sur laquelle somme n'a été payé par lui que celle de 1.242 1. 1 s., ledit acquéreur aiant fait faillite et étant devenu insolvable pour le restant ». Compte de la fabrique de 1756-57. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 62 bis.

19) Voy. ci-dessus, t. II, p. 32.

tombeau, décoré de draperies, de têtes de chérubins, et d'autres ornements. Au centre de la partie antérieure est un bas-relief ovale représentant Jésus au Jardin des Oliviers (i). Le Sauveur est agenouillé : un ange sortant d'une gloire et de nuages lui présente la Croix. A droite et à gauche, deux grandes ouvertures garnies de glaces sont destinées à laisser voir des reliquaires placés sous l'autel.

Sur la pierre d'autel, à peu près aux deux tiers, est posé un gradin aussi en bois sculpté et doré, orné de petits festons de fleurs et interrompu dans son milieu par une sorte de piédestal pour placer le Crucifix. Ce piédestal, muni par derrière d'une petite porte cintrée sur laquelle est sculpté le Bon Pasteur, peut servir au besoin de tabernacle. Sur sa partie antérieure il y a un bas-relief (2) représentant Jésus assis à table entre les deux pèlerins d'Emmaüs et partageant le pain qu'il bénit; un quatrième personnage paraît dans le fond.

L'autel fut tout d'abord garni de deux grands chandeliers d'argent donnés par Mgr de la Motte en 1751 et qui passaient pour fort beaux. Hauts chacun de cinq pieds et pesant en tout 88 marcs, 4 onces, 3 gros, ils avaient été exécutés par Thibaron, orfèvre à Paris, et avaient coûté 5.766 1., 18 s., 1 d., plus 67 1. 15 s.

de faux frais (3). Cette garniture était complétée par quatre grands chandeliers aussi d'argent, qui existaient déjà depuis plusieurs années (4).

Deux lampes d'argent dues aussi à la libéralité de Mgr de la Motte, étaient suspendues à droite et à gauche de l'autel (5).

Le 22 février 1760, lors du besoin d'argent occasionné par la guerre de Sept ans, cette argenterie, avec toute celle du chœur, pesant en tout 3oo marcs, passa à la monnaie d'Amiens (6); mais elle fut bientôt remplacée par une autre garniture plus belle.

En 1767, lorsque le Roi eut remboursé aux églises le prix de leur argenterie, celle d'Amiens reçut une somme considérable. D'autres églises dans le même cas, s'empressèrent d'acheter des ornements de cuivre ou d'autre métal non monnayable.

L'évêque d'Amiens, qui avait été un des premiers à sacrifier l'argenterie de sa cathédrale aux besoins de l'État, ne voulut pas encourir le soupçon de chercher à se soustraire à l'avenir à une chose qu'il croyait être son devoir de chrétien et de Français (7). Il fit faire une nouvelle garniture d'autel en argent plus somptueuse que la première. Elle comprenait une grande croix et six chandeliers hauts d'environ

(1) Haut., om5i, larg., orn69.

(2) Haut., om35, larg., 0m40.

(3) Extrait de la délibérât, capitul. du 17 mars 1751.

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., ms. intitulé : Annalles capitulaires et autres. Voy. aussi [DARGNIES), Mémoires , pour servir à l'lzist. de feu messire.

de la Motte, t. II, p. 195.

(4) Changements occasionnés par le nouveau bréviaire.

Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.) G. 686.

(5) Ces deux lampes, les deux chandeliers, plus trois grandes urnes d'argent pour les saintes huiles étaient le présent fait par Mgr de la Motte comme droit de chape lors de sa promotion à l'évêché d'Amiens. Bibl.

d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV), p. 587.

(6) En vertu des lettres pat. du 8 février 1760, qui autorisaient les fabriques, corps et communautés à porter leur argenterie aux hôtels des monnaies. — Bibl. d'Am.,

mss. 836 (Machart, t. VIII), p. 398, et 832 (id., t. IV), p. 369.

(7) « Ne nous exposons pas à mériter un pareil reproche, écrivait-il à son chapitre. Dans la même lettre il proteste, comme il l'avait fait souvent dans ses discours, que cette façon de penser ne sera jamais la sienne; il fait remarquer que ce qu'on a bien fait une fois, il faut se mettre dans l'occasion de le faire encore; qu'on a été trop heureux de pouvoir marquer tout à la fois son zèle pour l'État et sa confiance dans la parole de Sa Majesté en se rendant à ses vues; qu'il faut, en achetant une nouvelle argenterie, se donner moyen de pouvoir, si les circonstances l'exigent, recommencer ce dont on ne peut avoir qu'à se louer soi-même; qu'ainsi on rend à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César; que c'est là son intention, qu'il prie ses chanoines de n'en avoir pas d'autres. Le chapitre

4 pieds et pesant près de 351 marcs, 3 onces et 3 quarts. Leur beauté artistique ne le cédait en rien, paraît-il, à la richesse de la matière. Ils furent exécutés par Porcher, orfèvre sur le pont Notre-Dame à Paris, chez lequel plus d'un amateur vint les admirer.

« Le goût qui règne dans cet ouvrage est le grec antique (i); il est orné de guirlandes en feuillages dans plusieurs de ses parties; les bases terminées en caissons sont chargées de bâtons rompus qui y répandent l'éclat le plus brillant.

Ce dessin, fort riche en lui-même, acquiert le plus grand mérite par la justesse des proportions, et surtout par l'exécution qui est des plus finies. Trois bas-reliefs représentant les principaux traits de la vie de saint Jean-Baptiste, occupent les trois faces que présente le pied de chaque chandelier; c'est dans ces morceaux qu'on peut dire que l'artiste s'est surpassé lui-même. Le pinceau le plus délicat ne rend pas mieux les traits que le ciseau ne les caractérise dans ces reliefs; la vivacité du coloris n'y ajouterait aucun mérite : le paysage, les passions, les mouvements y sont exprimés avec une précision qui passe tout éloge » (2).

Cette riche garniture coûta en tout 26.824 1. 1 s., somme que le prix de l'argenterie remboursé ne parvint pas à couvrir entièrement. Un arrêt du Conseil du 13 février 1768, autorisa le chapitre à y ajouter une somme de 8.280 1., 15 s., 1 d.

restant du prix de l'adjudication des bois d'Avelesges, après avoir rempli les charges pour lesquelles l'adjudication avait été autorisée par l'arrêt du Conseil du 12 avril 1758 (3).

Il faut ajouter à cette garniture les deux lampes aussi d'argent données par Mgr de la Motte (4).

Le tout fut enlevé le 23 brumaire an II, par ordre d'André Dumont, représentant du peuple en mission dans le département de la Somme, pour être envoyé à la monnaie, avec toute l'argenterie de la cathédrale (5).

adopta avec empressement des sentiments si nobles ; il n'est aucun des membres qui le composent qui ne se soit fait un devoir d'y répondre *. Lettre sur un ouvrage d'orfèvrerie dans la cathédrale d'Amiens, datée du 8 avril 1767, dans l'Année littéraire publ. à nouveau par Pouy, dans la Picardie, t. XVII, p. 171.

(1) C'est sans doute ce que nous appelons le style Louis XVI, un peu improprement, car il existait bien avant l'avènement de ce prince. En voici une nouvelle preuve.

(2) Lettre sur un ouvrage d'orfèvrerie, etc.

(3) Arrêt du Conseil du 13 février 1768. Arch. de la Somme (Maîtrise des Eaux et Forêts d'Amiens, Registre aux chartes) C. 1970, fol. 234 V0. — Auparavant, l'orfèvre avait déjà reçu plusieurs à-compte. < M. Dutilloy, cellerier, a paié, suivant son compte rendu au mois de sept. 1766.

pour supplément de la croix neuve et des six chandeliers d'argent du maître-autel, 1.857 1. 17 s. ». État des dépenses pour les décorations de l'église, du 3 sept. 1770.

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8.

— Un à-compte de 1.200 1. est encore alloué à Porcher par délib. capitul. du 30 mars 1767. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Reg. des délib. capitul. — Sur cette garniture d'argent, voy. aussi Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 398.

(4) Bibl. d'Am., ms. 832 (Machart, t. IV), p. 587. —

[DARGNIES], Mémoires pour servir à l'hist. de feu messire. de la Motte, p. 196. — « Je proposerois aussi, à la place du chandelier à trois branches qui est devant le Saint-Sacrement, qu'il y eût quatre lampes d'argent toujours allumées, où brûleroit de l'huile d'olive.

Les lampes sont plus analogues à ce qui éclairoit le temple devant l'arche (toujours l'antiquité) et inspirent par leur nombre plus de dévotion. Je le propose, parce que je voudrois que le milieu du sanctuaire fût entièrement libre ». Lettre de Mgr de la Motte au doyen du chapitre, pour la décoration du sanctuaire, vers 1766.

Ibid., p. 199.

(5) État de l'argenterie de la cathédrale, enlevée en exécution de l'arrêté d'André Dumont du 23 brumaire an II, les 23 à 25 brumaire même année. Arch. de la ville d'Am., p. 5. — Après la Révolution, on plaça sur l'autel une petite gloire provenant de l'ancienne église Saint-Remy, et six chandeliers provenant de Saint-Firmin le Confesseur, le tout en bois doré (Ms. de Baron, édit.

Soyez, p. 126). En 1832, les chandeliers de bois furent remplacés par une garniture complète en cuivre doré, présent de M. de Francqueville. Depuis 1890, la petite gloire ne sert plus que pour l'exposition du Saint-

Le 5 juillet 1755, on commence la démolition du jubé (1). L'entrée du chœur est élargie mais non entièrement dégagée, car on ne sacrifia que huit stalles sur le retour, deux stalles hautes et deux stalles basses de chaque côté (2).

A droite et à gauche de la nouvelle entrée, pour masquer le dossier des stalles conservées, on éleva deux immenses autels de marbre avec hauts retables à colonnes torses, dus aux libéralités de l'évêque et du chanoine Cornet de Coupel et dédiés l'un à Notre-Dame de Pitié, et l'autre à saint Charles Borromée (3).

Ces deux autels furent exécutés par le sculpteur J.-B. Dupuis (4).

Sans qu'on en ait de preuve certaine, M. Guerlin soupçonne Christophle (5) d'en avoir été l'architecte, et il rapproche judicieusement les couronnes qui ornent les frontons de ces autels de celle qui se trouve dans la gloire du maître-autel (6).

Une phrase de Y Almanach de Picardie de 1756 laisse bien supposer que le dessin de ces autels a été conçu par un architecte (7). Deux articles du compte de la fabrique de 1756-57 viennent encore à l'appui de l'opinion de M. Guerlin : ils désignent l'architecte Christophle pour des travaux accessoires il est vrai, mais en laissant présumer qu'il fut aussi l'auteur du principal (8).

Derrière ces deux autels, on avait pratiqué deux petits jubés pour y chanter l'évangile (9). Entre eux, et devant l'entrée du chœur, on avait établi un palier de marbre, sur lequel fut posé un paillasson de 39 pieds de long, fait par le valet de l'écolâtre (10).

Sacrement. Deux bouquets de lumière et deux lampes en cuivre doré, offerts à cette époque par M. Soyez et exécutés par M. Poussielgue, de Paris complètent la garniture de l'autel.

(1) Almanach de Picardie, 1756, p. 232. — DAIRE.

Hist. de la ville d'Am", t. II. p. 121. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 374. — Le même ms, (t. IV, p. 228 et t. VII, p, 70) dit 1754, mais c'est une erreur.

(2) Après le dégagement du chœur et du sanctuaire, une délibération capitulaire de l'an 1755 en aurait interdit l'entrée aux laïques. Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 119.

(3) En 1755, « construction de deux chapelles dans l'église cathédrale d'Amiens, en place de l'ancien jubé.

Elles sont de marbre et dans un goût à faire honneur à cette magnifique église et à l'architecte qui en a donné le dessein. On est redevable de cette décoration à M. l'évêque d'Amiens, et à M. Coupel, chanoine de cette cathédrale ». Almanach de Picardie, 1756. p. 232.

(4) RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 137. —

Né à Amiens le 16 septembre 1698, fils de Louis Dupuis, sculpteur lui-même, JEAN-BAPTISTE-MICHEL DUPUIS, mourut à Paris en mars 1780. Il travailla presque toute sa vie à Amiens, dont les monuments religieux surtout furent remplis de ses œuvres. Un grand nombre de celles-ci ont péri avec les édifices qui les renfermaient, et il ne subsiste plus guère que celles qu'il avait exécutées pour la cathédrale. Il ne manquait pas de talent. Sa fille, Élisabeth-Françoise, épousa en 1749 l'architecte Christophle dit Projet, dont nous allons parler. Voy.

R. GUERLIN, Notes sur la vie et les œuvres de JeanBaptiste-Michel Dupuis, sculpteur Amiénois, et de Pierre-Joseph Christophle, architecte, son gendre, dans Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements, 1895.

(5) PIERRE-JOSEPH CHRISTOPHE, OU plutôt CHRISTOPHLE, dit PROJET, architecte, originaire d'Avignon, travaillait à Corbie lorsqu'il épousa, le 13 décembre 1749, ÉlisabethFrançoise, fille du sculpteur Jean-Baptiste-Michel Dupuis. Il mourut vers 1781, sans qu'on sache exactement la date et le lieu de sa mort. V.oy. R. GUERLIN, op. cit.

(6) R. GUERLIN, op. cit., p. 27.

(7) Voy. ci-dessus, note 4.

(8) <c. Payé 110 1. 4 s., pour 8 toises de pavage dans le chœur contre les jubés, en carreaux neufs de Senlis et autres ajustements et livraisons repris et spécifiés dans le mémoire du sieur Christophe, quittance du 16 décembre dernier. Item, payé audit sieur Christophe, par quittance du 6 août, la somme de 108 1., pour les débours par lui faits pour réfectionner et ragréer les deux gros pilliers endommagés par l'ancien jubé ».

Compte de la fabrique de 1756-57. Arch.. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 62 bis.

(9) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 374.

(10) « Payé 11 1. 14 s. pour 39 pieds de paillasson fin placé sur le pavé de marbre du pallier pour entrer dans le chœur, à raison de 6 s. le pied, fait par le valet de M.l'écolàtre ». Compte de la fabrique de 1756-57. Arch.

de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 62 bis.

Cet arrangement n'était pas encore entièrement terminé à la fin de l'année 1756 (1); les autels n'auraient été bénits, suivant le manuscrit de Machart, que le 12 février 1758 par Mgr de la Motte (2), et, suivant Rivoire (3), seulement le 12 février 1761 après leur translation- dans les chapelles XIX et XX.

Ces deux immenses fabriques à droite et à gauche de l'entrée du chœur, ne manquèrent pas de faire un effet désastreux. Telle fut du moins l'opinion de Laugier, qui, consulté par le chapitre, le décida cette année même 1758, à les déplacer et à les mettre l'un à la place de la chapelle Notre-Dame Anglette (chapelle XX), et l'autre, vis-à-vis (chapelle XIX) (4). Par suite de difficultés survenues entre le chapitre et les chapelains, à qui la chapelle XX servait pour leurs réunions, cette translation n'eut lieu qu'en 1761. Ils y sont encore actuellement.

Nous en parlerons avec plus de détails en décrivant les susdites chapelles.

Il fallut donner à l'entrée du chœur une nouvelle décoration, moins encombrante.

On se contenta d'établir derrière les dossiers des stalles à droite et à gauche de l'entrée, deux murs ou massifs de maçonnerie décorés d'une arcature en faux gothique tel qu'on savait le faire alors, avec perron de marbre en avant; l'entrée elle-même fut fermée par une grande grille en fer forgé.

La maçonnerie fut exécutée par Antoine Bourgeois, maître maçon du chapitre (5), la sculpture, par Jean-Baptiste-Michel Dupuis (6), et la serrurerie, par Jean Veyren, dit Vivarais, serrurier à Corbie (7). Les marbres furent fournis par

(1) « On verra avec plaisir les deux chapelles de marbre qui accompagnent la porte du chœur; nous n'en faisons pas la description, puisqu'elles ne sont pas entièrement achevées, et les grilles qui ferment le sanctuaire et qui sont d'un très beau travail ». Almanach de Picardie de 1757, p. 27.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 374.

(3) Descr. de l'église cath. d'Am., p' 125.

(4) « Les chanoines d'Amiens ont donné depuis sur ce sujet un très bon exemple. Quoiqu'ils eussent construit à grands frais, deux chapelles à côté de la porte du chœur de leur église, ils ont senti qu'elles y étoient déplacées, et ils les ont généreusement fait transporter ailleurs ». LAUGIER, Observations sur l'architecture, p. 143. •—■ Mémoire signifié pour Vuniversité des chapelains appellans de la sentence rendue ait bailliage de la même ville le 6mai 1761, 1768 in-40, p. 6. — « L'abbé Logier, architecte de Paris, connu par un goût sévère et éclairé, le même dont on a un traité sur la manière de décorer les églises gothiques, consulté par le chapitre, le décida à en consentir le transport dans le lieu qu'elles occupent depuis 1761 ». RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 125.

(5) « M. Havet, chanoine celerier, a paié, suivant son compte rendu au mois de septembre 1762. 1° Au sieur Bourgeois, maître maçon, pour la démolition de l'ancienne maçonnerie et la réédification des deux massifs de l'entrée du chœur, 1.500 1. » Etat des dépenses pour la décoration de l'église, du 3 septembre 1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54 n° 8.

(6) Compte rendu par M. Havet, cellerier, en septembre 1762 : « 30 Au sieur Dupuis, sculpteur, pour les sculptures

desdits massifs, 1.000 1. » Etat des dépenses, etc. du 3 sept. 1770. Arch. de la Somme, Chapit..d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8. — « Nous supprimerons aussi le détail des ornemens et leur exécution en pierre et en fer. Les premiers ont été conduits par M. Dupuis, sculpteur, membre de l'académie d'Amiens, auteur de différens genres de figures et statues fort estimées ». Almanach de Picardie, 1763, p. 24.

(7) « Les ornemens en fer ont été exécutés par le sieur Vayren, dit Vivarais, établi à Corbie, qui, dans son art, traite aussi la figure avec une intelligence digne des plus grands maîtres ». Almanach de Picardie, 1763, p. 24. — Compte rendu par M. Havet, cellerier, en septembre 1762 : « 11° Au sieur Vivaret, serrurier, pour avoir fourni les deux vases des piliers à l'entrée du chœur, 220 1. ». Compte rendu par M. Rose, cellerier, en septembre 1763 : « 30 A Vivaret, serrurier, pour augmentation d'ouvrages à la grille du chœur, 350 1. ».

État des dépenses, etc., du 3 sept. 1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am.,.Arm. I, 1. 54, n° 8. — Devis pour la grille à faire pour la grande porte d'entrée du choeitr de la cathédrale d'Amiens, etc., du 29 oct. 1761.

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 10. — JEAN-BAPTISTE VEYREN dit VIVARAIS, maître serrurier, né vers 1704, était originaire de Villeneuve de Berg, au diocèse de Viviers (Ardèche), d'où son surnom de Vivarais. En 1735, il était établi à Corbie, paroisse Saint-Jean, où il était sans doute venu, ainsi que d'autres ouvriers et artistes de divers points de la France, pour les travaux qui se faisaient alors dans l'abbaye. La première mention qui apparaît de lui est dans les registres de l'état-civil de la paroisse de Fouilloy, où il figure comme

Ternaut, marbrier (1), le tout sous la direction de l'architecte Jacques Sellier (2).

Quant à Christophle, désigné par les comptes desdits travaux sous son surnom de Projet, il paraît n'avoir eu à fournir que des pierres (3).

Indépendamment de la grille principale, le devis fait par Veyren le 29 octobre 1761 (4) prévoyait une autre petite grille qui devait être placée autour du perron en avant de la grande; elle devait être longue de huit toises et haute de trois pieds, avec une porte dans son milieu et être garnie de pointes. Par le même devis, Veyren s'engageait à exécuter tous les travaux de serrurerie pour le prix de six mille livres, plus 3oo 1. de gratification, en cas de bonne exécution, et à rendre les deux grilles terminées et posées, la grande pour le 1 er juillet, et la petite, pour le 12 août de l'année suivante 1762 (5). La grande grille fut effectivement terminée ou à peu près, à l'époque fixée : la petite paraît n'avoir jamais été exécutée.

La grille fut entièrement payée par Mgr de la Motte (6).

La décoration elle-même de cette façade est peu heureuse. La seule concession faite au gothique est dans la triple arcature en cintre brisé portant sur de longues colonnettes, qui règne sur chacun des deux massifs. Cette arcature se détache sur une sorte de mosaïque imitant du marbre de diverses couleurs, et composée de

parrain de Jean-Baptiste Morel, le 6 janvier 1735. La marraine de l'enfant était Jeanne Papillon, que Veyren prit pour femme le 8 janvier 1737. Après la mort de celle-ci (24 février 1745), il épousa Marie-Louise Euvremer-Duval (3 octobre 1747) et mourut le 9 avril 1788, âgé d'environ 84 ans. Il était alors veuf de sa seconde femme.

Nicolas-Antoine Caron, son petit-fils par sa mère, figure seul à son inhumation. (Arch. municip. de Fouilloy et de Corbie, État-civil). Indépendamment des travaux qu'il fit à l'abbaye de Corbie et dans la cathédrale d'Amiens, il en exécuta d'assez nombreux dans toute la Picardie et notamment au château d'Heilly pour le marquis de Gouffier. Almanach de Picardie, 1765, p. 271, et 1770, P.256.

(1) Compte rendu par M. Havet, cellerier, en septembre 1770 : « 50 Au sieur Ternaut, marbrier, pour les marbres par lui fournis et posés au péron du chœur et revêtement en marbre des massifs et du bas des pilliers, 5.074 1. ».

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8.

(2) « Devis pour la grille à faire pour la grande porte d'entrée du chœur de la cathédrale d'Amiens, exécuté sous la conduite du sieur Jacques Seillier, architecte », du 29 octobre 1761. Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., Arm. 1,1. 54, n° 10. — Compte rendu par M. Havet, cellerier, en septembre 1762 : < 10° Au sieur Sellier, architecte, pour avoir conduit les ouvrages de décoration ci-dessus, 1.000 1. ». Id., par M. Rose, cellerier, en septembre 1763 : « Au sieur Sellier, architecte, pour supplément de ses honoraires, 100 1. ». Etat des dépenses, etc., du 3 sept. 1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8. — Né à Limeu le 21 mai 1724, de Jacques Sellier et de Françoise Mélier, JACQUES SELLIER, ancien grenadier, puis magister dans le village de son origine, vint s'établir à Amiens en 1750 comme architecte et professeur de mathématiques. Il y fut une des per-

sonnalités les plus marquantes et les plus originales durant la seconde moitié du XVIIIe siècle et mourut dans cette ville le 20 novembre 1808. Les nombreux renseignements qui existent sur lui, tant aux archives départementales de la Somme que dans celles de la ville d'Amiens, les nombreux mémoires qu'il écrivit sur les sujets les plus divers, pourraient fournir la matière d'une notice biographique beaucoup plus considérable que celle que M. A. Janvier lui a consacrée sous le titre de Esquisse biographique sur Jacques Sellier, dans Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., année 1875.

(3) Compte rendu par M. Havet, cellerier, en septembre 1762 : « Au sieur Proj et, pour les pierres par lui fournies : 212 1. ». Etat des dépenses, etc., du 3 sept.

1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8.

(4) Un premier devis s'élevant à 7.600 1. avait été dressé par Jacques Pérez, serrurier à Paris, mais ne fut pas adopté. En 1757, Pérez avait été chargé d'exécuter, sous la direction de Michel-Ange Slodtz, des grilles pour la cathédrale de Bourges (Arch. de la Somme, Chapit.

d'Am., Arm. I. 1. 54, n° 10).

(5) Voir led. devis. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 10.

(6) « En conséquence du présent devis, qui a été dressé et signé par le sieur Jacques Scellier, architecte, en présence de ceux de MM. du chapitre d'Amiens qui sont députés pour les décorations de l'église cathédrale, et que Mgr l'évêque, qui a bien voulu se charger de payer le prix desdites deux grilles, a désiré devoir être consultés, ainsi qu'ils l'ont été, ce qui seul a donné occasion de reprendre le nom du chapitre avec celuy qui seul devoit être employé de mondit seigneur évêque », etc. Devis pour la grille, etc., du 29 octobre 1761.

cercles dans chacun desquels étaient originairement, paraît-il, une fleur de lis.

Ces fleurs de lis ayant été enlevées à la Révolution, auraient été remplacées après

le Concordat, on ne sait au juste quand, par les têtes de chérubins que l'on y voit à présent (i). Tout le reste est en pur style dit Louis XVI : il faut surtout y remarquer l'arrangement calme, symétrique et un peu raide des ornements empruntés à l'antique, ainsi que les deux lignes de canaux et de postes qui ornent la frise, passant des deux murs de maçonnerie à la grille elle-même.

La grille (fig. 187) peut compter parmi les meilleures œuvres de serrurerie de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Au centre de son couronnement, entre deux branches de lis et de roses au naturel accompagnées de deux guirlandes, est un médaillon circulaire qui circonscrivait un chiffre de la Vierge Marie entouré de douze étoiles.

Au-dessus s'élevait une croix de fer de quatre pieds neuf pouces de hauteur, sur laquelle était un Christ de cuivre ciselé qui, suivant le devis, devait être fondu « par un des meilleurs fondeurs de Paris » (2).

Enlevés sans doute pendant la Révolution, quand la cathédrale fut transformée en temple

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de la Raison (brumaire an II), le chiffre et le Crucifix avaient été refaits en

( 1 ) Elles ne l'étaient pas encore au moment où écrivait Rivoire : e Les deux massifs qui servent de dossier aux premières stalles du chœur, et qui supportent la grille d'entrée, ont été construits en 1761 : ils sont parsemés de cercles en relief : les fleurs de lys qu'on y voyait autrefois n'existent plus. Elles disparurent en 1793. On devrait bien les remplacer par des étoiles : cet heureux

emblème aurait du moins la durée du firmament ».

RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 159.

(2) « La portion circulaire qui en occupe le milieu (du couronnement de la grille) sera soutenue par des barreaux de fer artistement contournés, contiendra le nom de Marie entouré d'étoiles, accompagné de branches de lis et de roses et de deux guirlandes en chute.

bois après le Concordat, ce dernier assez gauchement et malproprement raccordé.

Lors des restaurations de 1890, le chiffre a été refait en fer forgé, mais on ne changea pas le Crucifix.

Le perron qui s'étend en avant de la grille est de forme ovale, en marbre rouge des Pays-Bas et composé de six marches interrompues après les trois premières par un palier orné d'entrelacs de même marbre que les marches, sur un fond de marbre noir veiné et tacheté de blanc.

Telle est la décoration actuelle de l'entrée du chœur. Elle est due tout entière à l'inspiration de Michel-Ange Slodtz, sculpteur et dessinateur ordinaire de la chambre et du cabinet du Roi, et qui jouissait alors d'une grande vogue, un de ceux qui ont le plus contribué à réagir contre le style dit rococo, et un des créateurs de celui à qui on a donné le nom de style Louis XVI, quoiqu'il ait été pratiqué bien avant l'avènement de ce prince, et qui n'était qu'une manière de retour à ce que l'on croyait être les traditions antiques. C'est dans cet esprit que Slodtz dessina lui-même la grille qui nous occupe, dont le style diffère si profondément de celui des grilles du sanctuaire (1). Cette intention est manifestement exprimée dans un article de YAlmanach de Picardie de 1763 : « On vient de traiter dans le même goût (que les grilles du sanctuaire) les deux portes latérales du chœur. Mais pour sa façade, on n'a employé, suivant les desseins du célèbre M. Slodtz, que des ornemens antiques, tant pour la grille que pour les murailles à côté, qu'on a substitué aux deux autels en marbre », etc. (2). L'exécution précieuse, recherchée par les artistes de cette école, est aussi bien formulée dans ces mots du très curieux devis du 26 octobre 1761, dressé par l'architecte Sellier, pour l'exécution de la grille par Vivarais : « Tous les ornemens en toole, tant à ladite grille qu'au couronnement, seront faits dans le meilleur goût d'aujourd'hui, aussi parfaitement ciselé que de l'orfèvrerie et si bien ajustés avec les barres de fer, que leur naissance devienne imperceptible et semble être naturelle. Les branches de lys et de roses seront exécutées avec tant d'art qu'elles semblent plutôt sortir des mains de la nature que de celles d'un artiste, et comme elles sont d'une très difficile exécution, l'entrepreneur ne pourra se refuser d'en recommencer le modèle autant de fois que ledit architecte le jugera à propos. Il en sera de même pour les guirlandes et pour le Christ, qui sera fondu et cizelé sur un modèle qui sera approuvé dudit architecte et fondu par un des meilleurs fondeurs de Paris, au jugement dudit architecte » (3).

Au XVIIIe siècle, l'ancien dallage du chœur était plus mauvais encore que celui

Au-dessus dudit couronnement sera placé sur une console à deux paremens une croix de fer de quatre pieds neuf pouces de hauteur, sur laquelle sera un Christ de cuivre proprement ciselé d'environ deux pieds de hauteur ». Devis pour la grille, etc. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 10.

(1) Dès 1740 à 1747, Michel-Ange Slodtz avait fait dans la cathédrale de Vienne le mausolée des archevêques de cette ville, duquel le rococo est entièrement banni, et où l'on voit déjà de ces draperies si caractéristiques du

style dit Louis XVI. (Réunion des Soc. sav. des depart., 1896, p. 325, pl.).

(2) Almanach de Picardie, 1763, p. 22.

(3) « Devis pour la grille à faire pour la grande porte d'entrée du chœur de la cathédrale d'Amiens, suivant le dessin de M. Slodtz, dessinateur ordinaire de la chambre et du cabinet du Roy, lequel sera signé, cotté et exécuté sous la conduite du sieur Jacques Seillier, architecte ».

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 10.

de la nef (i). On ne pouvait parler d'embellissements, sans que le renouvellement de ce dallage s'imposât. C'est la première chose qui fut entreprise après la réfection de l'autel principal et le dégagement du chœur et du sanctuaire.

En 1766, aux frais de Mgr de la Motte, un somptueux dallage de marbre fit place au vieux dallage délabré (2). Au dire du manuscrit de Baron, on aurait commencé par le chœur, après avoir supprimé la balustrade en bois qui traversait celui-ci à l'extrémité des stalles (3). Le dallage du sanctuaire n'aurait été exécuté que vers 1768 aux frais de Mgr de la Motte et du chanoine Cornet de Coupel (4).

C'est tout ce que nous savons sur cet important travail.

Ce dallage, tout en marbre, est d'une très grande richesse. Celui du chœur se compose d'une combinaison de parallélogrammes en marbres blanc, noir et de Rance. Le carreau de marbre blanc, dans la travée 21-22-23-24, sur lequel est inscrite l'épitaphe de Mgr de la Motte, en couvrirait un autre portant cette inscription en forme de chronogramme de l'année MDCCLXVIII (1768) en laquelle ce dallage aurait été terminé (5) :

IH S ME DEDIT CIRCA PENTECOSTEN LODOIX FRANCISC V S GABRIEL HVIVS ECCLESIÆ PRÆSVL M

Au sanctuaire, c'est une mosaïque de marbres blanc, brèche d'Alep jaune et violette, Portor et Languedoc, dessinant une immense rosace, au centre de laquelle était, paraît-il, originairement un disque en argent entouré de huit demi fleurs de lis en marbre blanc, et sur lequel étaient gravées les armes du Roi, de la ville d'Amiens, de l'évêque et du chapitre. Dans la décade du 11 au 19 germinal an II, ce motif central fut enlevé et la plaque d'argent envoyée à la monnaie. Remplacé d'abord par du plâtre (6), il le fut, quelques années après

(1) '( Le chœur pavé plus mal que le reste même de l'église ». [DARGNIES] Mémoires pour servir à l'hisf. de feu messire de la Motte, etc., t. II, P- 195.

(2) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 373. —

RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 183.

(3) Mss. de Baron, édit. Soyez, p. 120. —Voy. ci-dessus, t. II, p. 31.

^4) Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 371.

(5) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 120. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 373. — RIVOIRE, Descr.

de l'église cath. d'Am., p. 184.

(6) « Le centre de la rose formait un compartiment circulaire portant huit demi fleurs de lis en marbre blanc, dont les pointes tendaient au milieu, où se trouvait un plus petit cercle, et enfin un disque en argent, sur lequel étaient gravées les armes du Roi, de la ville d'Amiens,

de l'évêque et du chapitre. En 1793, on a enlevé les fleurs de lis ainsi que les armoiries, et les places ont été remplies avec du plâtre; de sorte qu'il est nécessaire d'étendre un tapis pour cacher ces dégradations ». Ms.

de Baron, édit. Soyez, p. 124. — « Lorsqu'on est monté dans le sanctuaire, on n'apperçoit plus à ses pieds que la place d'une ancienne plaque ronde d'argent massif, sur laquelle étaient gravées les armes de l'évêque, du chapitre et de la ville. Cette plaque a fait partie des envois à la monnaie en 1792. Pour cacher cette lacune désagréable, on devrait bien y substituer une autre plaque en cuivre doré, ou un plateau de beau marbre, sur lequel on pourrait graver un aigle impérial ou une étoile, cet emblème chéri du prince et du héros qui, parmi tant de bienfaits, nous a rendu nos temples, nos pontifes et le culte de nos pères. On y marquerait le jour et l'année où il a visité cette église : 28 juin 1803

le Concordat, on ne sait au juste quand, mais après 1806, époque où écrivait Rivoire, par des cercles concentriques en marbres rouge, Malplaquet et noir (1).

Il ne restait plus qu'à décorer le sanctuaire autour du maître-autel, projet caressé depuis longtemps, et pour lequel plusieurs artistes avaient déjà été consultés mais sans que leurs propositions aient paru satisfaisantes.

Dès 1758, on s'était adressé à Michel-Ange Slodtz. Celui-ci, « entraîné par une imagination vive et féconde », proposa de placer dans le centre du rond point l'autel principal, d'élever derrière lui l'autel de retro et de l'adosser contre un socle qui devait embrasser tout le pourtour. Mais il vaut mieux laisser la parole à l'abbé Laugier, qui nous donne sur ces premiers projets des détails si précis et si intéressants qu'il n'y a rien à y changer.

« Du haut de ce socle, dit-il à propos du projet de Slodtz, s'élevoit. une gloire immense, où l'on voyoit sur des nuages de grands groupes d'anges porter la Vierge vers le ciel figuré par un cercle rayonnant et lumineux autour duquel plusieurs têtes de chérubins traçoient la figure du Rosaire. Cette gloire devoit occuper en hauteur un espace de plus de 80 pieds. Les masses en étoient fortes et majestueuses, les figures colossales et pleines d'agitation et de mouvement, les expressions nobles et divines, l'ensemble auroit fait le plus grand effet.

» Le chapitre fut ébloui d'abord par cet étalage superbe, mais considérant ensuite qu'un morceau d'un si grand volume déroberoit nécessairement à la vue les précieux aspects que fournissent les bas-côtés et les chapelles qui circulent autour du rond-point, rejetta avec raison cette grande machine comme n'étant point faite pour le lieu où on avoit dessein de la placer.

« Trois ans après, M. de Wailli proposa une autre idée. Il établissoit au milieu du sanctuaire un tombeau qui devoit servir d'autel. Au-dessus de ce tombeau, il plaçoit une niche en demi-coupole, dont le couronnement étoit supporté par des cariatides, simboles de différentes vertus, et de là s'élevoit une pyramide de nuages, au haut desquels un groupe figurant l'Assomption de la Vierge, aboutissoit à une gloire rayonnante. Cette idée, peu différente de celle de M. Slodtz, présentoit un volume moins grand. Elle avoit le même inconvénient d'offusquer les vues, et il en résultoit un effet bien moins majestueux. Ainsi elle a été rejettée avec encore plus de raison. M. de Wailli, en rapprochant la représentation du tombeau de celle de l'Assomption, auroit eu au moins le mérite de se renfermer dans une unité de sujet; mais sa niche étoit un mauvais accessoire, qui rompoit l'harmonie de l'ensemble (2).

» Quelque temps après, M. Rousseau ayant senti mieux que les autres la nécessité d'exclure toute décoration capable d'empiéter sur les massifs et de boucher les percés, proposa un autel dont la forme devoit être celle d'un tombeau antique.

(9 messidor an XI) ». RIVOIRE, Descr. de Véglise cath.

d'Am., p. 185.

(1) Règlement du mémoire du citoyen Baffet, maçon approuvé par Sellier, architecte de la commune ; arrêté du distr. d'Am., du 3 fructidor an II. Arch. de

la Somme, Série L. Distr. d'Am., Reg. 5.5, fol. 84.

(2) MM. Duthoit possèdent un calque du dessin de de Wailli. Ce dernier ne justifie que trop les critiques de Laugier et montre qu'on aurait pu faire pis que ce que nous voyons.

Cet autel étoit élevé sur un perron de cinq marches circulaires. Aux deux côtés de cet autel étoient deux crédences en forme de piédestal rond, dont le dé devait être orné de guirlandes. Au bas des marches du perron et plus près des stales du chœur étoient deux lampes antiques, qui, de même que les deux crédences, contribuoient à rendre plus sensible l'effet pyramidal. Au-dessus de l'autel, à la hauteur des chapiteaux des piliers, un grand rideau replié et artistement drappé étoit suspendu sur des cordes attachées aux piliers du rond-point, faisant l'effet de Yumbraculum des anciens; et, au-dessous, un ange voltigeant dans les airs devoit porter la suspension. Cette idée nouvelle et singulière n'a point été admise. On a jugé qu'un simple autel flanqué de deux crédences ne feroit pas assez d'effet. On a réprouvé avec raison les marches circulaires, parce qu'elles sont incommodes et périlleuses. Cet umbraculum suspendu sur des cordes a paru de petit goût et représenter une de ces tentes que l'on suspend en plein air pour une fête passagère. On en a craint l'effet menaçant; et il est vrai que, quelque art que l'on eut mis à le bien suspendre, il auroit toujours eu l'apparence d'un poids énorme prêt à enfoncer dans le milieu.

« On m'a fait l'honneur de me consulter moi-même; et voici quelle a été mon idée. J'ai proposé pour l'autel principal et pour l'autel rétro de s'en tenir aux modèles donnés par M. Slodtz. Sur l'autel rétro, je conseille d'élever un piédestal qui embrasse toute la largeur du percé du milieu. Au-dessus de ce piédestal, je figure une terrasse qui sert de base à un palmier au pied duquel sont entassés pèle mèle les instrumens de la Passion. La Vierge est assise sur cette manière de trophée, foulant aux pieds la tête du serpent, ses mains et ses regards s'élèvent en haut, contemplant avec une joie pure le triomphe de Celui à qui elle a donné la vie et qui a vaincu la mort. La suspension peut être attachée à une des branches du palmier. Cette idée m'a paru simple et sans embarras; tout est relatif au grand œuvre de la Rédemption, et la Vierge, que nous savons y avoir eu la meilleure part, paroît avec les meilleurs attributs de la gloire. Le groupe que je propose peut être exécuté de manière qu'il n'offusque point la vue des bas-côtés et des chapelles. Dans chaque entrecolonnement du rond point, je conseille de placer des groupes subalternes, où il seroit facile d'exprimer les sentimens que la foi d'un si grand mystère doit inspirer. Ces groupes contribueroient à augmenter l'effet pyramidal. Adossés à des grilles d'un bon choix, ils seroient parfaitement détachés. Je voudrois qu'on ne vit autour du chœur que les seules stales, et de belles grilles au lieu des dossiers. Je voudrois que, sur le haut des grilles, autour du rond-point, on fixât de magnifiques lampadaires, qui contribueroient encore à enrichir cette partie. Rien n'empêche au surplus qu'on n'exécute à l'égard des piliers et de tout le reste ce que j'ai prescrit plus haut, en parlant du parti que l'on pouvoit tirer de l'architecture gothique, avec le seul expédient d'en rectifier les formes. Il me semble qu'en employant avec goût ces différentes ressources, le chœur de l'église d'Amiens seroit décoré convenablement, richement, et qu'il en résulteroit un effet dont on n'a point encore vu d'exemple » (i).

(1) LAUGIER, Observations sur l'architecture, pp. 144 à 149. — Un article de l'état général des dépense faites sur les 40.000 1. affectées par le chapitre à la décoration du chœur de la cathédrale, du 3 sept. 1770 (Arch. de la

Somme, Chapit. d'Am., Arm, 11. 54 n° 8), est ainsi concu : « M. Dutilloy, cellerier, a paié suivant son compte rendu au mois de septembre 1766,. au sieur Spaff., architecte, compte du mois de septembre 1769 (sic), pour décoration

Le chapitre eut le bon goût de ne pas s'arrêter à toutes ces belles extravagances. Il était bien embarrassé : tout ce qu'on lui avait proposé n'avait pas le sens commun. Les avis étaient partagés. Mgr de la Motte indécis, attendait « sans paroitre se décider pour un projet particulier ». Il fallait pourtant prendre un parti. Cédant enfin aux sollicitations du chapitre, Mgr de la Motte écrivit au doyen une lettre dont l'abbé Dargnies (i) nous a conservé le texte, et qui, depuis, a été souvent citée. C'est là qu'il émettait ses idées, se défendant toutefois de vouloir les imposer. « Je souhaiterois que, dans le sanctuaire, dont le principal ou plutôt l'unique objet est le Très-Saint-Sacrement, rien n'excitât la curiosité, que tout y inspirât le respect et l'adoration, et, pour cela, je me bornerois à remplir le rond-point d'anges qui tous marquassent par leur maintien le respect, l'étonnement et la joie; que, du milieu de ce groupe d'anges, il y en eût deux qui portassent la suspense où est le Très-Saint-Sacrement, avec ces paroles : Ecce panis angelorum, et en bas Factus cibus viatorum. Si, dans les deux côtés on veut des figures, je souhaiterois que ce fût la Sainte-Vierge qui, montrant le Saint-Sacrement, dit : Ecce quem diligit anima mea; et saint Jean-Baptiste qui, de même le montrant, dit : Ecce Agnus Dei. Je désirerois deux adorateurs aux deux côtés de l'autel : Adorent eum omnes angeli ejus. Dans le sanctuaire, six anges, trois de chaque côté, portant chacun un chandelier à trois branches pour trois flambeaux d'une livre, dont on allumeroit six aux fêtes de seconde classe, douze à celles de première et dix-huit aux solennelles », etc.

Trop heureux, pour couper court aux hésitations, d'abriter sa décision derrière celle de l'évêque, le chapitre s'en tint là, et fit exécuter à la lettre le programme ainsi tracé. Le vieux sculpteur Dupuis, qui avait déjà tant de fois travaillé à la cathédrale, et l'architecte Christophle seront chargés de le mettre à exécution. Leurs projets furent adoptés par une délibération capitulaire du 20 février 1767. La même délibération chargeait le chanoine Cornet de Coupel, qui en était d'ailleurs l'inspirateur et le principal donateur, de faire tout ce qu'il conviendra pour leur exécution (2). Une des conditions du programme était de masquer suffisamment les travées 27-29 a, 29-31 a, 3o-32 a et 28-3o a, pour que les allées et venues de ceux qui se rendaient à la petite paroisse et les indiscrétions

plan et modèles, 1.622 1. 18 s. JJ. Quel est-ce Spaff ? Peuton supposer que le nom de Slodtz ait pu être aussi complètement estropié par le scribe du chapitre ? On y reconnaîtrait plutôt celui du baron de Pfaffenhofen, originaire de Vienne, en Autriche, et qui, au milieu du XVIIIe s., exerça la profession de sculpteur à Abbeville où il acquit une assez grande célébrité sous le nom abrégé de Pfaff. Il n'est pas impossible que le chapitre lui ait, à lui aussi, demandé des projets dont Laugier ne parle pas, ou même, car il s'agit d'une somme importante, une collaboration sur laquelle nous ne possédons aucun autre renseignement. Sur Pfafienhofen, voy.

WIGNIER, Généalogie, du sculpteur Pfaff, sa vie et ses oeuvres; DELIGNIÈRES, L'Abbaye de Valloires en Picardie et les œuvres du sculpteur Pfaff.

(1) Mémoires pour servir à l'hist de feu Messire de la Motte, t. II, p. 198. L'abbé Dargnies n'a pas donné la date de cette lettre, mais elle doit être

au plus tard de 1766, puisque, vers la fin, le prélat s'y exprime ainsi : « Nous pourrions espérer qu'en soixantesept tout seroit achevé ».

(2) « Messieurs ont de nouveau agréé le plan de décoration à faire au chœur de leur église, sur le nouveau model qui leur en a été présenté par les sieurs Christophle et Dupuis, et ont renvoyé à la prudence de M. Cornet, chanoine de leur église, de faire tout ce qu'il conviendra pour son exécution, le priant néantmoins de substituer en la place du fond de ladite décoration, lequel devoit être revêtu de marbre, des grilles de la même façon, grandeur, hauteur et proportion que celles qui environnent actuellement le sanctuaire de leur église ». Arch.

de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. capitul. du 20 février 1767. — Seul, le manuscrit de Baron (édit.

Soyez, pp. 121 et 124), et plusieurs auteurs l'ont répété après lui, prétend que les plans adoptés seraient de l'architecte Soufflot. M. Guerlin, (Notes sur la vie et les

des curieux ne troublent pas le saint Sacrifice (i). C'est ce qui explique la façon dont la gloire est disposée (2). Nous avons vu que les travées 29-31 a et 3o-32 a avaient encore gardé les tombeaux qu'elles contenaient. Cette fois, ceux-ci devaient définitivement disparaître. Dans leur projet, Dupuy et Christophle les remplaçaient par une décoration en marbre, pour cacher le revers de la gloire, qui s'élevait déjà assez haut à cet endroit. Le chapitre préféra qu'on y plaçât des grilles semblables à celles des travées voisines (3).

La célébrité du tombeau du chanoine Lucas sauva les monuments que la travée centrale 3i-32 a renfermait, et qui d'ailleurs, loin de gêner la gloire, qui s'élève beaucoup plus haut, étaient un moyen tout trouvé d'en cacher le revers.

Les travaux ne commencèrent pas immédiatement. Au 23 mars 1768 il n'y avait encore rien de fait (4), mais au mois de septembre suivant, ils étaient en pleine activité (5). Ils devaient être même assez avancés, puisque l'on songeait déjà à donner à l'autel, qui était resté jusqu'alors dans son bois naturel, une décoration analogue à la nouvelle ornementation du sanctuaire (6).

Dans ce travail, Dupuis et Christophle eurent certainement avec eux des aides dont plusieurs devaient être des artistes. C'est ce que laisse entendre le manuscrit de Baron, lorsqu'il dit que Dupuis, bien que sexagénaire, en avait exécuté « les principales figures » (7). Seul parmi eux, le sculpteur Bonnechose, qui s'est par la suite fixé à Amiens, nous est connu par la curieuse réclame qu'il s'est donnée dans les Affiches de Picardie (8).

œuvres de Dupuis et Christophle, p. 37), s'appuyant sur la délibération ci-dessus, estime avec raison qu'ici, comme en bien d'autres cas, Baron a dû se tromper.

(1) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 121.

(2) Déjà en 1763 on avait fermé les grilles par des rideaux de serge cramoisie qui ne s'ouvraient qu'aux jours de fêtes et dimanches : « M. Rose, chanoine celerier, a paié suivant son compte rendu au mois de septembre 1763 i°Au sieur Picard, marchand, pour la serge cramoisie par lui fournie pour faire les rideaux du chœur et du sanctuaire, 1.818 1. ». Etat général des dépenses pour les décorations de l'église, du 3 septembre 1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8. — Voy. aussi ms. de Baron, édit. Soyez, p. 125.

(3) Voir ci-dessus la délibér. capitul. du 20 février 1767.

1- Voy. aussi Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), PP- 376, 377. — Ms. de Baron, édit. Soyez, pp. 139 et 140.

- RIVOIRE, Notice sur l'église cath. d'Am., p. 179.

(4) Par délibérât, de ce jour, le chapitre charge le chanoine Cornet de Coupel de faire brosser les murailles du chœur « avant qu'on commence à travailler aux décorations dudit chœur et sanctuaire ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délib. capitul. du 23 mars 1768.

(5) Les services célébrés pour la feue reine Marie Lezczinska, les 11 et 12 septembre, eurent lieu dans la nef, « à cause des travaux que l'on fait depuis quelque temps pour décorer le chœur ». Arch. de la ville d'Am., BB 91, fol. 124 v°.

(6) « Messieurs ont renvoyé à la prudence de M. Cornet de décorer le principal autel du chœur de leur église, en la manière qu'il jugera être le plus convenable et le plus

analogue aux décorations de tout le sanctuaire, qu'il fait exécuter à ses dépens, et luy ont abandonné pour ce, ce qui peut leur revenir de la succession de feu M. de Lacourt, et qu'ils ont destiné à cet employ ».

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. du 19 septembre 1768. — Voy. ci-dessus, t. II, p. 59.

(7) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 124.

(8) « Le sieur Bonnechose, sculpteur, élève de l'Académie royale de Paris, où il a remporté les médailles accordées à ceux qui s'y distinguent, donne avis au public qu'il fixe sa résidence dans la ville d'Amiens et qu'il loge chez le sieur Isnard, entrepreneur de bâtiments, rue Saint-Leu. Les talens de cet artiste sont déjà connus dans cette ville par les nouvelles décorations du chœur de l'église cathédrale. Flatté par les encouragemens et la confiance de plusieurs personnes de considération et excité par son zèle pour satisfaire le public, il se propose de se rendre utile de plus en plus à toute la province. Ii travaille le marbre blanc et tout autre matière. Il décore de figures et d'ornemens les églises, les châteaux, les salons et les jardins. Dans tous ses ouvrages, il copie scrupuleusement le célèbre Coustou, dont il a reçu les principes. Enfin les connoissances théoriques et pratiques dans tous les différens genres relatifs à son état le mettent à portée de se conformer aux différents goûts des amateurs. Le sieur Bonnechose, pour la commodité de ceux qui désireront l'employer, travaillera dans la ville et au dehors, même à vingt lieues de distance. Nous espérons que cette ville se félicitera de ce qu'il la choisit pour y exercer ses talens ». Affiches de Picardie, 1772, 18 avril, p. 62.

A en croire Baron, les travaux de décoration du sanctuaire n'auraient été terminés qu'en 1771 (1).

Toute cette décoration est, disons-le, plus somptueuse que de bon goût (fig. 10) (2).

Elle embrasse tout le rond point et la travée qui le précède, depuis le pilier 23 a jusqu'à 24 a inclusivement. Cependant, nous lui avons déjà rendu cette justice qu'elle ne touche en aucune manière à l'architecture restée intacte et qu'elle ne se compose que de groupes de statues placées à la base des piliers, et d'une gloire dans le dessin de laquelle la préoccupation évidente de l'artiste a été de masquer le moins possible l'architecture et les percés, ce que les gens du XVIIIe siècle admiraient le plus dans les églises gothiques. En faisant la part du goût de l'époque, il faut convenir qu'il s'en est tiré avec quelque habileté. Seul le percé central (il est vrai que c'est le plus important), est à peu près complètement bouché (3) : les autres le sont suffisamment pour empêcher les regards indiscrets de plonger dans le sanctuaire, ils ne le sont pas assez pour ne pas laisser apercevoir les chapelles du rond point. En somme, le projet adopté a été beaucoup plus discret et plus sobre que ceux qui avaient été proposés par les célébrités artistiques de l'époque. C'est déjà une grande qualité.

Il convient aussi d'observer que l'artiste a soigneusement évité tout élément architectural, que la loi inflexible de son temps l'eût obligé à faire dans les proportions antiques, au risque d'altérer celles du monument gothique, ce en quoi il a, à mon avis, fait preuve de beaucoup de tact. Il n'y a que des personnages, des nuées, des rayons lumineux, des draperies et des fleurs, le tout traité au naturel.

C'est comme un tableau vivant, tableau d'un effet théâtral et non du meilleur goût, c'est vrai, mais qui ne nuit en aucune manière à l'architecture de l'édi.fice qui lui sert de cadre, et dont il est on ne peut plus aisé de faire abstraction.

Toute la partie statuaire de la décoration, qui est en plâtre et de proportions colossales, s'élève sur un soubassement continu de marbre blanc avec plinthe de marbre rouge du Languedoc. Ce soubassement n'a pour toute décoration que des draperies d'or.

En arrière du maître-autel, qui s'élève sur un perron de quatre marches de marbre analogue à celui du dallage du sanctuaire, et dans l'entrecolonnement central 31-32 aJ" est l'autel de rétro, en marbre blanc orné de draperies d'or, comme le

1 (1) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 121.

(2) Il semble que ceux qui l'ont conçue se soient inspirés de ce passage d'un des ouvrages de Laugier, dans lequel il s'exprime ainsi sur la manière de décorer un autel : « Un tombeau dont les contours soient bien dessinés et bien naturels, voilà la forme la plus convenable, parce qu'elle rappelle l'ancien usage de l'Église de célébrer les saints mystères sur les tombeaux des martyrs. Au-dessus de ce tombeau, deux simples gradins avec une urne dans le milieu servant de tabernacle.

Aux deux extrémités, deux anges adorateurs, voilà tout le nécessaire. Ce qu'on ajouteroit au-delà seroit superfluité et colifichet. L'autel de Notre-Dame peut servir de modèle en ce point. Les alentours de l'autel peuvent être enrichis et contribuer à la décoration de l'autel même.

Dans les entrecolonnemens du péristyle qui règne autour

du sanctuaire, on peut placer des groupes en marbre ou en bronze relatifs à l'objet particulier de la dédicace de cet autel. Dans le milieu, à la hauteur de l'architrave qui sépare les deux ordres d'architecture, on peut placer une gloire avec divers groupes d'anges voltigeans dans les airs autour d'un centre rayonnant où seroit le triangle avec le nom de Dieu » LAUGIER, Essai sur l'architecture, p. 194.

(3) On aurait pu, semble-t-il, en tenant la gloire un peu moins haute (puisque gloire il fallait), le dégager suffisamment pour que l'œil puisse atteindre franchement le fond de la chapelle centrale du chevet, car il n'est pas nécessaire dans un édifice que toutes les percées soient entièrement dégagées, au contraire, mais qu'elles le soient assez pour que la pensée puisse suppléer à ce qui ne l'est pas.

soubassement avec lequel il forme ensemble. Sa partie centrale est ouverte pour faire place à un reliquaire. Sur l'autel, une niche avec socle, aussi de marbre blanc orné de draperies d'or, est destinée à recevoir la châsse de saint Firmin.

C'est immédiatement audessus de cet autel de rétro que s'élève la gloire (i), qui s'étend sur les cinq entrecolonnements du rond point.

C'est un épais massif de nuages d'où s'échappent d'immenses rayons dorés, à travers lesquels se jouent des têtes de chérubins et de petits amours entièrement nus (2), bien potelés, aux visages joufflus et aux nez retroussés. Les chérubins sont souvent accouplés deux par deux en se faisant risette. Un amour à la figure ingénue déroule une banderole, sur laquelle rien n'est écrit; un autre joue avec une mitre; un petit espiègle étend une guirlande d'épis et de roses; un bouquet de pampres est aussi tenu par un enfant qui dégringole, la tête en bas et les jambes étendues, comme s'il se jetait à la nage. Plusieurs amours joignent les mains dans des postures variées mais toujours recherchées. Trois enfin soutiennent une immense couronne de pampres, d'épis et de roses qui dissimule la poulie d'où descendent le pavillon et la colombe formant la suspension eucharistique. Celle-ci se détache au centre de la gloire sur un fond lumineux.

1 J

FÙ/.188— Saint J&tirt -JiaptisU*, fxtr DupitLs.

A droite et à gauche de la suspension deux grands anges adorateurs, couverts de draperies, sont agenouillés au milieu des nuages, dans les attitudes les plus passionnées qu'il a été possible d'imaginer.

Enfin, tout en bas, à droite et à gauche, sont jetés des trophées d'armes, d'ornements d'église, de palmes et de couronnes de fleurs.

(1) Hauteur totale : Env. I5m5°.

(2) Des draperies habilement ménagées viennent cependant sauvegarder les convenances..

Contre les piliers 29 a et 3o a, se tiennent debout deux grandes statues (1) : d'un côté, la Vierge Marie, sans l'Enfant Jésus, levant les yeux et la main gauche vers le ciel, la droite sur son cœur : de l'autre, saint Jean-Baptiste (fig. 188), barbu, à demi vêtu d'une peau de chameau et d'une draperie, tenant d'une main une longue croix, levant l'autre vers la suspension eucharistique; un agneau est couché à ses pieds (2).

Pour terminer l'ensemble, pour faire pyramider, et aussi pour fermer les travées 27-29 a et 28-3o a, quelques nuages entremêlés de têtes de chérubins, vont rattraper en mourant les piliers 27 a et 28 a, devant chacun desquels est un groupe composé d'un grand ange qui jette avec sollicitude et d'un geste assez vulgaire des draperies sur une châsse, tandis qu'un petit amour tenant un chandelier gambade à ses côtés.

A la base de chacun des quatre derniers piliers 23 a, 25 a, 24 a, 26 a on a placé au milieu de nuages un médaillon circulaire entouré d'une draperie d'or.

Sur chaque médaillon est en bas-relief le buste d'un des quatre évangélistes accompagné de l'animal qui le symbolise : 1. 23 a, Saint Jean, avec l'aigle; 3. 25 a, Saint Mathieu, avec l'homme ailé, figuré par un amour nu; 2. 24 a, Saint Marc, avec le lion; 4. 26 a, Saint Luc, avec le bœuf.

Chacun de ces médaillons est accompagné : les deux premiers d'un grand ange debout tenant un flambeau et d'un brûle-parfum fumant, et les deux autres de deux grands anges porteurs de flambeaux. Les flambeaux ainsi portés par les anges étaient terminés par des girandoles à trois branches pour les six grands anges et à deux pour les petits (3), ces girandoles, qui étaient en métal ont sans doute disparu à la Révolution : aujourd'hui, chaque flambeau ne supporte plus qu'un seul cierge.

Cette statuaire n'est pas dénuée de mérite : le dessin et l'exécution sont passables, mais les poses et les expressions maniérées à outrance et pleines d'afféterie. Elle a tous les inconvénients d'un naturalisme excessif et de la recherche du mouvement dans une œuvre de sculpture et surtout de sculpture monumentale.

Les draperies sont comme en zinc, les nuages ressemblent à des rochers arrondis par les eaux; il faut plus que de la bonne volonté pour comprendre ce qui a la prétention de rendre de la fumée; les figures d'anges immobiles et comme figées dans des attitudes qu'on a voulu rendre mouvementées semblent se livrer à des cabrioles peu convenables. C'est ainsi que les artistes de la fin du XVIIIe siècle

(i) Haut., 2n50.

(2) Suivant le manuscrit de Machart, (t. VIII, Bibl.

d'Am., ms. 836, p. 370), ces deux statues seraient de la propre main de Dupuis. Elles ne sont pas sans valeur.

(3) < Dans les fêtes solennelles et de première classe qui sont au nombre de douze par an, il sera fourni vingt-huit cierges qui brûleront pendant les quatre grands offices desdites fêtes, savoir : six du poids de trois livres chacun sur les six chandeliers de l'autel, et vingt-deux de trois quarts de livre sur autant des bobèches des grands et .petits anges qui les supportent

d'un côté et d'autre du sanctuaire, dans les doubles mineurs, quatre sur les deux bobèches de chacun des deux petits anges », etc. Changement qu'il convient de faire au luminaire dans le chœur de l'église cathédrale d'Amiens, relativement à la destruction du jubé et à la construction du nouveau sanctuaire, etc. 7 sept.

1770. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 51, n° l, publ. par Soyez, dans Le Sanctuaire de la cathédrale d'Amiens, p. 141. — Ces anges porteurs de flambeaux sont certainement une imitation du Vœu de Louis XIII à Notre-Dame de Paris.

comprenaient et traduisaient le sentiment religieux. Les meilleurs morceaux sont assurément la statue de la Vierge, et surtout celle de saint Jean-Baptiste.

La suspension eucharistique placée au milieu de la gloire était formée d'un ciboire d'or placé sous un pavillon d'argent (i). Ces objets précieux ayant naturellement disparu à la Révolution, la suspension eucharistique ne fut rétablie que le jour de Pâques 1879. L'hostie est placée dans une colombe de vermeil offerte à cette époque par plusieurs personnes pieuses et placée sous un pavillon de bois doré (2).

En 1769, les chanoines de Monsures, Trouvain et Dutilloy, avaient fait exécuter à leurs dépens un tabernacle pour exposer le Saint-Sacrement (3). La même année, le chapitre fit mettre sur les marches de l'autel des bandes de tapisseries aux places seulement où se tenaient les diacre et sous-diacre. Il est probable que le somptueux dallage en marbre du chœur et du sanctuaire n'était pas destiné à être caché habituellement par des tapis (4).

La nouvelle décoration du sanctuaire fut deux fois redorée et remise à neuf : une première fois en 1826 et 1827, par Pipaut, peintre et doreur à Amiens ; elle fut terminée pour la visite de Charles X dans cette ville, le 18 septembre 1827 (5).

En 1890 et 1891, elle le fut une seconde fois, grâce à la générosité de M. Soyez.

Toutes les grilles, y compris celle de la porte principale du chœur, furent restaurées par MM. d'Hières, de Paris (6) et Gaudefroy, d'Amiens (7). La grille voisine du petit orgue, qui avait été enlevée en i85i, lors de l'établissement de celui-ci, fut enfin remise en place. La dorure a été exécutée par M. Vésac, doreur à Amiens. Des appuis de communion en bois sculpté et en fer forgé, dessinés par M. Billoré complétèrent l'ameublement du sanctuaire (8).

En i832 (9), lors du changement de vocable de la chapelle XX, une statue de saint Joseph, par les frères Duthoit, vint remplacer sur l'autel de cette chapelle, la statue de saint Charles Borromée exécutée par J.-B. Dupuis en 1755 (10). Celle-ci

(1) Bibl. d'Am , ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 370.

(2) Note de M. Soyez, dans Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 121.

(3) « Messieurs ont autorisé MM. de Monsures, Trouvain, Dutilloy, à faire faire un tabernacle pour exposer le Saint-Sacrement, dont le model sera préalablement présenté >>. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. du 28 septembre 1769. — L'état des dépenses pour les décorations de l'église du 3 septembre 1770 porte la mention suivante : « Pour la gloire en bois doré pour exposer le Saint-Sacrement, 400 1. ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 54, n° 8. Est-ce une somme qui vient s'ajouter à la donation des trois chanoines précités ? Ne serait-ce pas la même gloire qui sert encore aujourd'hui, et que Baron, qui souvent se trompe, prétend provenir de l'ancienne église Saint-Remy (Voy.

ci-dessus, t. II, p. 61, note 5) ? Elle s'harmonise très bien avec l'autel, et on se demande pour quel motif cette gloire, qui n'était qu'en bois doré aurait été détruite à la Révolution.

(4) « Messieurs ont autorisé M. Descoutures, maistre des marances, à faire faire des bendes de tapisserie pour mettre sur les marches du grand autel, celles seulement où se mettent MM. les diacre et sous-diacre».

Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délibér. du 9 oct. 1769.

(5) Reg. du chapitre, 1826. — Voy. SOYEZ, Les labyrinthes d'églises, p. 43.

(6) Celui-ci refit notamment en entier le chiffre de la Sainte-Vierge au fronton de la porte d'entrée du chœur, et les armes de Mgr de la Motte à la grille 24-26 a, qui avaient été enlevés pendant la Révolution.

(7) C'est lui qui restaura la grille voisine du petit orgue.

(8) Le bois sculpté fut exécuté par M. Grincourt, d'Amiens, et le fer forgé, par M. d'Hières, de Paris.

(9) Délibérât, capitul. du 3 février 1832. — Dusevel (Notice hist. et descr. de l'église cath. d'Am., p. 71) dit 1837 : les autres auteurs l'ont répété après lui.

(10) Voy. ci-dessus, t. II, p. 62.

ne fut pas détruite : on commanda aux frères Duthoit, pour lui faire pendant, une statue de saint Vincent de Paul, et on plaça l'une et l'autre sur des piédestaux de marbre, à droite et à gauche de l'entrée principale du chœur, devant l'arcature en faux gothique qui masque le dossier des stalles de ce côté (1). Elles y sont encore.

Le saint Charles de Dupuis est en costume de chœur : rochet et cappa magna d'été, la tête nue. Il tient un crucifix qu'il contemple avec ferveur. Il y a dans cette statue une recherche d'expression dans le geste, recherche inspirée de l'école du Bernin, qui lui donne quelque chose de maniéré et un aspect peu monumental (2).

Les frères Duthoit ont mis intentionnellement la même recherche dans la statue de saint Vincent de Paul qui lui fait pendant, de sorte que ces deux personnages semblent se livrer à une contredanse peu convenable à leur état. Saint Vincent est en surplis et contemple avec pitié deux enfants nus étendus à ses pieds.

Jusqu'en i85o, la cathédrale d'Amiens ne posséda pas d'orgue d'accompagenment.

Il y avait bien, comme nous le verrons, un petit orgue qui, dans les derniers temps, était placé dans la chapelle Saint-Quentin (3), mais trop éloigné du chœur, il ne pouvait servir qu'à suppléer le grand orgue aux offices moins solennels. Une des premières préoccupations de Mgr de Salinis fut d'avoir dans le chœur un orgue d'accompagnement. La difficulté était de lui trouver un emplacement sans nuire à l'architecture et à la décoration. On se décida pour la travée 21-23 a, derrière les stalles, à la place du mur de maçonnerie qui masquait le dossier de celles-ci. Pour faire place à la console des claviers, il fallut entailler l'appui qui s'étend sur le dossier des stalles basses, et, pour laisser passer le son, ouvrir trois panneaux du haut dossier des stalles hautes et les remplacer par d'autres panneaux à clairevoie (4). Il n'y a pas de montre ni de buffet apparent.

Le devis de cet instrument, exécuté par Ducroquet, de Paris, s'élevait à 14.268 fr. (5). Il fut mis en place et reçu au mois de décembre 1851 (6). C'est un orgue de 13 jeux, à deux claviers à main avec pédale par tirasse. Il est d'une très bonne facture : sa composition et sa sonorité sont fort bien appropriées au service qu'il est appelé à rendre et aux proportions de l'édifice (7).

(1) Ces deux statues ont environ 2m25 de hauteur.

Elles sont en pierre.

(2) C'est sans doute à cette époque que l'on répara l'avant-bras droit de cette statue, qui, du temps de Rivoire (Descr. de l'église cath. d'Ain., p. 124) était cassé.

(3) Chapelle XXI.

(4) Cette mutilation, qui fait très mauvais effet dans l'ensemble des stalles, fut vivement critiquée par Dufour (Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. IV, 1852, p. 403).

Il semble qu'on aurait pu l'éviter ou tout au moins un peu mieux la dissimuler.

(5) La somme nécessaire fut obtenue au moyen du prix de l'ancien petit orgue placé dans la chapelle Saint-Quentin, évalué 2.000 fr., et qui allait être enlevé pour le dégagement de cette chapelle (voy. ci-dessus,

t. I, p. 186), d'une somme de 3.000 fr. votée par le chapitre, d'une subvention de 6.000 fr. accordée par l'État et de dons particuliers (Arch. de la Somme, Série V, Edif. diocés.).

(6) Ibid.

(7) Voici sa composition : 1er clavier : Grand orgue. — 54 notes, d'ut à fa.

1. Bourdon 16 pieds.

2. Bourdon. 8 » 3. Flûte. 8 » 4. Keraulophone. 8 ù 5. Prestant. 4 » 6. Trompette. 8 ù 7. Clairon. 4 » 8. Plein-jeu 3 rangs.

Dans le dallage du chœur et du sanctuaire, on relève quelques inscriptions funéraires.

Travée 17-18-19-20. — Jean-Pierre de Gallien de Chabons, évêque d'Amiens de 1822 à ï 837, décédé à Fontainebleau le 24 octobre 1838, après avoir quitté son évêché pour un canonicat à Saint-Denis, et transféré dans la cathédrale d'Amiens le 15 mars 1839 (1).

- HIC JACET II ILLMUS AC.. RR. DD. II JOANNES PETRUS DE GALLIEN DE CHABONS II QUI FUIT ABHINC PAULO II EPISCOPUS AMBIANENSIS ANNIS XV II OLIM. PAR FRANCLE SERENISSIMÆ DUCISSÆ II BITURIGUM ELEEMOSYNARIUS : II DEMUM ABDICATO EX PIETATIS ET CHARITATIS SENSU EPISCOPATU II CANONICUS SANDIONYSIENSIS : II NATUS GRATIANOPOLI AN. MDCCLVI MAII XI II OBIIT FONTEBELLAQUEO AN. MDCCCXXXVIII OGT. XXIV || HUC RELATUM EST CORPUS EJUS II UNDE NUNQUAM AFFECTUS ARCESSERAT II AN. MDCCCXXXIX MARTII XV II PAVIT oves IN INNOCENTIA CORDIS SUI : II ET IN INTELLECTIBUS MANUUM SUARUM II DEDUXIT eas. PS. 77. 1/ REQUIESCAT || IN II PACE II

Marbre blanc (2).

En tête de l'inscription, sont gravées les armes du prélat : D'azur au lion d argent, à la fasce de sinople chargée de trois besants d'argent brochant sur le tout.

Travée 19-20-21-22. — Marc-Marie de Bombelles, évêque d'Amiens de 1819 à 1822.

HIC JACET II ILLMUS AC. RRMUS DD MARCUS MARIA" MARCHIO DE BOMBELLES || EPISCOPUS AMBIANENSIS II SERENISSIMÆ DUCISSÆ BITURIGUM II ELEEMOSYNARIUS 1/ VIR /I ANTIQUÆ PROBITATIS II CUI II IN DEUM AMOR j) IN PATRIAM PIETAS Ii IN PAUPERES MISERICORDIA" ET BORBONIDUM REGIÆ FAMILIÆ II TEMPORIBUS VEL INIQUISSIMIS II DATA ET SERVATA FIDES II DECUS IMMORTALE II PEPERERUNT II NATUS BIDISCI IN LOTHARINGIA II AN MDCCXLIV, OCTOB. VIII [I OBIIT PARISIIS II AN MDCCCXXII MAR II <~-~<~~c<?~ II Úz- II jS?cece. II

Marbre blanc (3).

En tête, étaient gravées les armes du prélat : écartelé au 1 et 4 d'or plein; au 2 et 3} de gueules à la molette d'argent, au chef d'argent chargé d'une croix écartelée de pourpre et de sinople, qui est la- croix de Saint-Lazare. Elles sont aujourd'hui effacées par l'usure.

2e clavier : Récit expressif. — 42 notes, d'ut à fa.

1. Flûte. 8 pieds.

2. Viole de gambe. 8 » 3. Flûte octaviantc. 4 » 4. Clarinette. 16 » 5. Hautbois. 8 »

Pédale. — Tirasse au grand orgue, 25 notes d'ut à ut, Pédales de combinaison. — I. Appel des anches du grand orgue ; 2. Renvoi, id. ; 3. Copula des deux claviers ;

4. Expression.

Il a eu pour organistes titulaires : Geoffroy, 1851-1854.

r — L'abbé Jean-Baptiste Boucher, 1854-1894. — L'abbé Édouard Boucher, 1894-1899. — Adrien-Louis Avenel, 1899.

(1) Voy.le Glaneur des 10 nov. 1838 et 16 mars 1839— La Galette de Picardie du 20 mars 1839. -

(2) Long., 97 centim.; larg., 82 centim.

(3) Mêmes dimensions.

Travée 21-22-23-24. — Louis-François-Gabriel d'Orléans de la Motte, évêque d'Amiens de 1734 à 1774 (1).

LUDOVICUS FRANCISCUS [I GABRIEL DORLEANS (2) II DE LA MOTTE, EPUS. AMBIAN. II HUMILITER SE COMMENDAT II PRECIBUS CLERI ET POPULI II DILECTUS DEO ET HOMINIBUS || CUJUS MEMORIA /I IN BENEDICTIONE EST II OBIIT DIE X JUNII 1774 || ÆT. AN. 92 || EPISCOPAT. 40 II HIC SEPULTUS || I 5 EJUSD. || MENSIS. II

Marbre blanc (3).

En tête étaient gravées les armes du prélat (4). Elles sont aujourd'hui effacées.

Mentionnons seulement pour mémoire les stalles du chœur et les travées de la clôture qui s'étendent derrière elles. La grande importance des unes et des autres nous obligera d'en faire l'objet de chapitres spéciaux.

Clôture. — Travée 31-32 a (pl. LVI).

Bien qu'aucune inscription ne permette de l'identifier d'une façon certaine, on attribue généralement à l'évêque Arnould de la Pierre, mort en 1247, la sépulture d'évêque qui occupe la partie inférieure de Tentrecolonnement 31-32 a, sur le déambulatoire, et dont il ne subsiste que le soubassement (5). Ce soubassement, qui est de pierre blanche (6) est sculpté dans sa partie antérieure d'un ornement continu à losanges dans lesquels sont alternativement des castilles et des fleurs de lis (7). Celles-ci ont été mutilées lors de la Révolution, et il n'en subsiste que quelques fragments insuffisants pour permettre de les reconstituer. Par-dessus,

(1) Par son testament daté du 15 juin 1773, Mgr de la Motte avait manifesté le désir d'être inhumé au pied de la grande croix du cimetière Saint-Denis à Amiens. Le chapitre crut devoir à sa mémoire de l'enterrer dans le chœur de la cathédrale : ses entrailles seules furent mises au cimetière Saint-Denis à l'endroit désigné.

RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 183. — SOYEZ, Notices sur les évoques d'Ain., p. 304.

(2) Le nom d'Orléans avait, paraît-il, été effacé pendant la Révolution (RIVOIRE, Descr, de l'église cath.

d'Am., p. 183). En 1816, le conseil de fabrique de la cathédrale avait aussi résolu de faire rétablir les armes (Arch. de la fabr. de la cath. Reg. aux délibér. Séance du 4 févr. 1816), mais il ne semble pas que cette résolution ait été mise à exécution.

(3) Long., 97 centim.; larg , 82 centim.

(4) Voy. ci-dessus, t. II, p. 58.

(5) S'il n'y avait pour justifier cette attribution que la raison invoquée par Lamorlière (Antiquités, p. 202) et répétée par plusieurs auteurs après lui, il faut convenir qu'elle ne serait pas très concluante. Selon lui, les castilles qui ornent le soubassement du tombeau, et qu'il prend pour « la représentation de quelques galleries ou petits

clochers » signifiaient qu'il aurait achevé « la sommité » de la cathédrale. (Cf. Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 56. — Gall. Christ., t. X, col. 1185. — Bibl. d'Am., ms. 516, Series episcop. Amb., fol. 49. — Ibid., ms. 836 (Machart, t. VIII), pp. 326 et 376. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 41. — RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 179. — Épitaphiers B, p. 4, et C, fol. 11 v°. — Ms. de Riencourt et de Masclef, Bibl. de

M. Jean Masson à Am., — etc.). Rivoire qui (loc. cit.), attribue aussi cette tombe à l'évêque Arnould, avait dit, quelques pages auparavant (p. 135) : « En sortant de cette chapelle (XXVIII), on voit à ses pieds une grande pierre bleue. Elle couvre la tombe de l'évêque Arnoult. La plaque en cuivre qui recouvrait cette pierre sépulchrale a eu le sort de tant d'autres. Les puissances du tems la firent enlever en 1793 ». Dans tous les cas on ne voit pas trop quel autre évêque aurait pu avoir été inhumé à cet endroit au xme siècle.

(6) Haut., 93 centim.; larg., 3m95.

(7) On voit une décoration analogue, mais à fleurs de lis

seulement, au tombeau de Dagobert à Saint-Denis (xme s.).

se trouvait placée jadis une large dalle en marbre noir ou bleu, sans doute en pierre de Tournai, sur laquelle était sculptée l'effigie d'un évêque revêtu de ses habits pontificaux et couché de son long, sous un arc trilobé d'architecture porté par deux colonnes (i). Il paraît que cette effigie était brisée en plusieurs endroits lorsqu'elle fut remplacée en 1751 par celle du cardinal de la Grange qui y est encore (2).

Au-dessus du soubassement de ce tombeau, s'élève le mausolée de Guilain Lucas, chanoine de la cathédrale d'Amiens, seigneur de Démuin et autres lieux, décédé le 18 août 1628 (3). C'est l'œuvre la plus célèbre, sinon la plus parfaite, du sculpteur Amiénois Nicolas Blasset (4). Un texte trouvé naguère par A. Dubois fournit certains détails intéressants sur sa construction. C'est un accord entre les héritiers du chanoine décédé et Madeleine Le Tellier, femme de Blasset, fondée de procuration de son mari qui se trouvait alors à Paris, au sujet de quelques défectuosités constatées dans l'exécution du monument. On se plaignait de ce que « l'image de la Vierge n'estoit de beau marbre blanc ainsy qu'il estoit porté par l'escript, et que la table de marbre noir qui fesoit le fond dudict épitaffe n'estoit de l'espoisseur requise et porté par ledict escript, et aultres deffaults ». Le monument sera pourtant reçu tel qu'il est, moyennant que ladite Letellier, au nom de son mari, « a promis de faire faire et placer audict épitaffe ung ange pleurant de marbre semblable à celluy de l'image de la Vierge, et construit de mesme forme, grosseur, grandeur et façon que celluy qui est cy présent de pierre, qui servira de modelle » (5). Pendant la Révolution, un fanatique que « l'indignation publique » nommait encore du temps de Rivoire, mais dont celui-ci n'a pas voulu transmettre le nom à la postérité (6), brisa d'un coup de sabre le nez et le pied droit de l' « ange pleurant », ainsi que l'épitaphe du chanoine. Suivant le manuscrit de Baron, les auteurs de cet acte de vandalisme auraient été des Belges qui étaient à Amiens

(1) Il y en a un mauvais dessin dans l'épitaphier C, mais qui suffit pour se rendre compte de la disposition générale du monument.

(2) Voy. ci-dessus, t. II, pp. 24 et 26.

(3) Guilain Lucas fut chanoine de la cathédrale d'Amiens depuis le 8 avril 1587. — Sur ce personnage, voy. ALcIUS LEDIEU, Démuin et ses seigneurs, dans la revue La Picardie, 1878.

(4) Nicolas Blassel, plus communément appelé Blasset naquit à Amiens le 8 mai 1600, de Philippe Blassel et de Jeanne Leleu, et mourut dans cette ville le 2 mars 1659.

Il est impossible d'esquisser ici une biographie, si succincte qu'elle soit, de cet artiste, sur lequel les documents abondent et dont la ville d'Amiens et notamment la cathédrale, conservent un ensemble d'œuvres très considérable. Il fut tout à la fois maçon, plombier, couvreur, architecte, dessinateur et sculpteur.

C'est en cette dernière qualité qu'il fut le plus célèbre.

Son talent était assez inégal. Il a quelques œuvres exquises, d'autres plus que médiocres, au point qu'on s'est demandé si, accablé de besogne, il ne s'est pas parfois déchargé sur des élèves ou des apprentis. Si son

dessin est souvent incorrect, si les têtes de ses personnages, des Vierges surtout, sont en général trop petites il traitait les draperies avec assez d'art, et, chez lui, les vêtements sont souvent moins raides, moins empesés que chez la plupart des sculpteurs de son époque. Son style garde encore quelque chose de calme et de monumental. Il excellait à reproduire les enfants potelés. Il appartient à une époque intermédiaire entre la Renaissance et le siècle de Louis XIV, durant laquelle la sculpture subit en France une véritable éclipse, et, bien qu'il n'ait guère travaillé qu'à Amiens et aux environs, il est loin de tenir le dernier rang parmi ses contemporains.

Rien que pour cette raison, il mériterait d'être mieux connu. Quelques notices, mais bien insuffisantes, lui ont été consacrées, citons, entre autres : A. DÙBois, L'œuvre de Blasset, et BAZOT ET JANVIER, Nicolas Blasset architecte Amiénois, sculpteur du Roy, avec dessins par Louis Duthoit.

(5) Accord du 6 juin 1636, minutes de Me Ricard, notaire à Amiens, publ. en partie par A. Dubois, dans VŒuvre de Blasset, pp. 28 et 87.

(6) RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Ain., p. 171.

en 1793 pour se former en régiment, les mêmes sans doute qui saccagèrent l'histoire de saint Firmin dans la clôture du chœur (i), Rivoire (2) ajoute que le danger auquel l' « ange pleurant » avait été exposé « et ceux qu'il pouvait courir encore pendant le règne douloureux de la terreur, déterminèrent les personnes qui avaient la garde de l'église à le mettre secrètement en lieu de sûreté. On le transporta de nuit à la bibliothèque publique, placée pour lors dans la ci-devant abbaye des Prémontrés convertie maintenant en lycée; là on le cacha derrière de vieux bouquins, avec plusieurs manuscrits et chartes tels que le cartulaire de Ponthieu, etc. ».

En 1843, le monument du chanoine Lucas fut réparé par les soins et aux frais de MM. Gorguette d'Argœuve, le chevalier de Chocqueuse et Hesse-Aclocque, composant 1' « administration de famille dite des Enfants bleus » (3). Cette réparation qui fut faite sous la surveillance des abbés Jourdain et Duval, ne consista que dans le rétablissement de la table de marbre « avec l'inscription littérale qu'elle portait, sans aucun changement ni addition », et dans une couche de stuc étendue dans le fond de la niche, pour faire disparaître quelques dégradations. Il n'y est pas question de l' « ange pleurant », non plus que dans l'entrefilet du journal Le Glaneur du 3o septembre 1843, qui rend compte de ce travail. L' « ange pleurant » n'a été réparé, à en croire Dusevel (4), qu'en 1847, aux frais du chanoine Lucas, secrétaire général de l'évêché (5).

Le monument (6), avons-nous dit, est élevé sur le soubassement de celui de l'évêque Arnould, et occupe toute la largeur de la travée. Il est presque entièrement en pierre blanche, sauf les trois principales statues qui sont de marbre blanc, le socle de marbre gris veiné sur lequel elles sont placées et quelques incrustations de marbre noir, notamment les plaques qui portent les épitaphes.

Il est formé de deux pilastres d'ordre corinthien ornés de têtes de mort en guise de fleurons, supportant un entablement dont la frise est de marbre noir.

Cet entablement est surmonté d'un fronton triangulaire au milieu duquel est une tête de mort dans un cartouche; il est accompagné et surmonté de trois pots à feu, et orné sur ses rampes de deux enfants nus, accoudés et pleurant. Comme nous l'apprend son épitaphe, Guillain Lucas avait fondé à Amiens la maison des orphelins dite des Enfants Bleus et avait laissé 5o 1. de rente pour l'entretien des aubes plissées des enfants de chœur de la cathédrale. C'est en mémoire de ces œuvres de bienfaisance que l'on a fait entrer plusieurs figures d'enfants dans l'ornementation de son tombeau.

Sous l'entablement s'ouvre un grand cintre surbaissé dont la clef est sculptée de trois charmantes têtes d'enfants chantants; les écoinçons sont ornés de palmes passées dans des couronnes de fleurs.

Le soubassement est formé des piédestaux des deux principaux pilastres et d'un grand arc surbaissé, muni d'une grille avec un grand mascaron à la clef

(1) « Des Belges qui étoient à Amiens pour se former en régiment, en l'année 1793, ont cherché à mutiler ce précieux morceau : l'une des narines est écornée et l'un des pieds manque N. Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 140.

(2) Loc. cit.

(3) Bull, de la Soc des Ant. de Pic., t. I, 1844, p. 333.

— Arch. de la Somme, Série 0, ville d'Amiens. — Les

biens de l'ancien établissement des Enfants Bleus n'ont encore jamais été liquidés, et ils sont administrés par des descendants de la famille du chanoine Guilain Lucas.

(4) Notice sur l'église cath. d'Am., p. 78. — Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 140, note de l'éditeur.

(5) Il n'avait aucun lien de parenté avec Guilain Lucas.

(6) Haut., env. 6 m.; largeur maxima, 3m80.

et des têtes de morts au milieu de rinceaux dans les écoincons. Cet arc surbaissé a été pratiqué pour laisser voir la statue funéraire de la tombe inférieure.

Le fond du grand arc principal, était jadis garni de marbre noir (i), qui a été remplacé en 1843 par un stuc blanchâtre encadré de marbre noir d'un effet peu gracieux et sur lequel les trois statues de marbre blanc qui forment le sujet capital du monument se détachent assez mal. Elles sont posées sur un socle de marbre gris veiné.

1° La VIERGE MARIE (2), debout, un court voile sur sa chevelure flottante, manteau à franges jeté sur les épaules, sandales aux pieds. Elle tient l'Enfant Jésus entièrement nu, qui se penche en avant pour bénir. En somme, très médiocre statue, mal proportionnée, la tête encore plus petite, s'il est possible, que Blasset n'avait l'habitude dé les faire, physionomie vulgaire et sans expression, jambes trop longues, draperies raides et sans naturel, l'Enfant Jésus trop petit, l'air niais, enfin marbre de qualité inférieure. C'est une des plus mauvaises statues de Nicolas Blasset. Tous ces défauts furent remarqués dès la mise en place du monument, et nous avons vu qu'ils motivèrent l'accord du 6 juin 1636, par lequel Blasset fut contraint, comme compensation, d'exécuter en marbre 1' « ange pleurant ».

20 GUILAIN LUCAS (3), agenouillé, les mains jointes, devant la Vierge, vaut beaucoup mieux. Il porte le costume d'été des chanoines d'Amiens : surplis à larges manches bordé d'une petite dentelle et garni d'entredeux, aumusse sur le bras gauche, tête nue, barbe entière. Sa physionomie est calme, bien rendue et naturelle; il y a tout lieu de supposer qu'elle est ressemblante.

3° Entre ces deux grandes statues est placé un ange figuré par un enfant nu et ailé. A demi drapé dans un morceau de linceul, il est assis sur le socle et pleure accoudé sur une tête de mort, une main appuyée sur un sablier (4). C'est le fameux ANGE PLEUREUR, ou plus exactement ANGE PLEURANT (5) qui, depuis longtemps, jouit parmi le peuple d'une très grande réputation. De Court n'hésite pas à dire que « c'est un des plus rares morceaux de sculpture qu'il y ait en Europe, tant pour son attitude que pour l'exécution du dessein » (6). Le P. Daire (7) est plus réservé et dit seulement que « chacun y admire l'expression de sa tristesse ». Rivoire (8) raconte que plusieurs fois des étrangers auraient proposé au chapitre de l'échanger contre un poids égal d'argent massif. Pour l'éditeur de Pagès, qui est venu cinquante-six ans après Rivoire, le poids d'argent s'est converti en poids d'or (g), et encore aujourd'hui nombre de gens ne connaissent de la cathédrale d'Amiens que « l'ange pleureur », qu'ils viennent religieusement admirer de confiance, sans même accorder un regard à l'œuvre sublime de Robert

(1) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 244.

(2) Haut., im70.

(3) Haut.. im35.

(4) Haut., 67 centim. — L'idée d'opposer un enfant nu à une tête de mort n'était pas nouvelle du temps de Blasset. Elle se rattache à une pensée très populaire au moyen âge, surtout vers la fin, et qui est diversement exprimée dans les monuments. C'est une antithèse de la mort et de la vie et un symbole de la brièveté de celle-ci. On rencontre fréquemment ce sujet dans les estampes du XVIe siècle.

(5) Bien qu'on l'appelle généralement l'ange pleureur ou même l'enfant pleureur, nous disons ange pleurant avec intention, car c'est ainsi qu'il est désigné dans l'acte du 6 juin 1636 entre la femme de Blasset et les héritiers du chanoine Lucas.

(6) De COURT, Mém. chronol., 1. III, ch. I.

(7) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 123.— Voy. aussi Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 326.

(8) Descr. de l'église cath. d'Am., p. 171.

(9) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 244, note.

— Voy. aussi DUBOIS, l'Œuvre de Blasset, p. 28.

de Luzarches (i). Sans contester le mérite de cette figure il faut convenir que la cathédrale d'Amiens renferme une foule d'objets d'une valeur infiniment plus haute.

C'est assurément un enfant bien potelé et bien joufflu, les plis formés par le développement des muscles sont scrupuleusement rendus aux poignets et aux pieds principalement, il pleure en faisant une bien laide grimace, mais cette sculpture a aussi des défauts; nous dirons même que Blasset a fait mieux dans ce genre, et nous lui préférons, par exemple, les trois délicieuses têtes de petits chanteurs qui ornent la maîtresse clef du monument. L' « ange pleurant » ne paraît même pas avoir eu tout d'abord la réputation dont il jouit plus tard; ainsi Pagès (2) s'abstient de toute épithète admirative à son sujet, et Lamorlière (3), qui pourtant décrit ce tombeau avec certains détails, ne le cite même pas (4).

Nous avons vu que la principale inscription, qui avait été mutilée à la Révolution, fut rétablie en 1843. Elle est gravée en lettres d'or sur une plaque de marbre noir (5) placée dans le soubassement au-dessus de l'arc surbaissé qui abrite la statue du cardinal de la Grange.

CY GIST NOBLE ET DISCRET MAISTRE GVILLIN LVCAS CHANOINE II DE CESTE EGLISE CONSEILLER ET AVMOSNIER DV ROY SEIGNEVR DE DEMVYN || COVRCELLES ESPAVMESNIL ROMEVAL ET LA LENTILLYE LEQUEL FONDA LA MAISON ET ESCOLLE DES PAVVRES ENFANS ORPHELINS AVEC" LA MESSE PAR CHACVN IOVR A LAQVELLE ASSISTERONT LES DICTS ORPHELINS || ET SON OBIT SOLEMNEL PAR CHACVN AN AV IOVR DE SON TREPAZ ADVENV II LE DIXHVICTIESME IOVR DAOVST MIL SIX CENS VINGT HVICT ET A DONNE II CVINQVANTE LIVRES DE RENTE POVR LENTRETENEMENT DES AVBES || PLISSEES DES ENFANS DE CHŒVR DE CESTE EGLISE II Sj)ieUf 2your bOIl- ame. ||

Sur les piédestaux des deux pilastres, les épitaphes de deux neveux de Guilain Lucas, aussi chanoines de la cathédrale, sont gravées sur deux plaques de marbre noir (6).

(1) Cette admiration exagérée ne laisse pas que d'agaceries personnes habituées à apprécier les choses à leur juste valeur. C'est elle qui a suggéré à Alfred Darcel, à propos de l'exposition d'Amiens en 1860, cette amusante boutade : « Dans presque tous les édifices publics il y a un détail, une chose, sans valeur le plus souvent, qui a le mérite d'être le principal objet de l'admiration de la foule. Dans la cathédrale d'Amiens, ce n'est point la hardiesse et l'élégante majesté de l'édifice, la richesse merveilleuse des stalles du chœur, la naïveté précise des sculptures du chancel, le grand style des statues des portails, l'admirable réussite des tombes en bronze, fondues au XIIIe s. et le miracle de leur conservation, ce ne sont ni les vitraux ni les mille détails de tout l'édifice, que vient voir la foule, mais la figure en marbre d'un enfant pleureur. « On croirait voir les larmes sortir de ses yeux, Monsieur ! » entend-on répéter de tous côtés, en chemin de fer, à l'hôtel ou dans la rue. Cette larme de marbre, suspendue pour l'éternité à la paupière de cette statue, en voilà assez pour en faire un chef-d'œuvre

dont toutesles générations de voyageurs se transmettront l'admiration. «Vous avez visité la cathédrale? — Certainement. — Avez-vous vu le pleureur? — Ma foi! non.

— Comment! C'est ce qu'il y a de plus beau. Vous ne pouvez partir ce soir, et il faut que vous y retourniez demain. Des Anglais en ont offert plus d'un million ».

Le million décide le voyageur à rester, et voilà un niais de plus pour admirer cet enfant bouffi que sculpta en style flamand l'Amiénois Nicolas Blasset, au commencement du XVIIe siècle ». Exposition d'art et d'archéologie à Amiens, dans Galette des Beaux Arts, t. VII (1860, t. IV), p. 100.

(2) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 244.

(3) Antiquités, pp. 107, 108.

(4) L'« ange pleurant » a été moulé par Pouzadoux et réduit en bronze par Busson et Leroux de Paris, sous la direction de M. Massenot, architecte.

(5) Haut., 41 centim.; larg., 1 m. 17.

(6) Haut. de chacune : 48 centim.; larg. 24 centim.

10 Piédestal à gauche du spectateur :

D. O. M.

ICI GIT LE CORPS II DE NOBLE ET DISCRET II M HONORE GABRIEL II BRUNEL EN SON VIVANT II PRÊTRE ET CHANOINE II DE CETTE EGLISE II SEIGR DE BUS LES ARTOIS II NEVEU DUDIT LUCAS II CI REPRESENTE 11 QUI EST DECEDE II LE 28 AVRIL 1676 II fZ}zù::, 9ùu f>our$on, anI-e. II 2° A droite : D. O. M.

CY GIST NOBLE ET II DISCRET M. GVILLIN [I LVCAS PRESTRE II CHANOINE DE CESTE II EGLISE SEIGNEVR II DE ROMEVAL NEPVEV II DVDIT LVCAS CY II REPRESENTÉ LEQVEL II EST DECEDE LE XVE II IANVIER 1648 II jJnÚ, S2)teit' pour tJ-OIZ, c91nz-e. II

Pagès ( 1) ajoute que l'écu de Guillain Lucas était sculpté en bas-relief de marbre blanc, et qu'il portait d'argent à la fasce d'azur chargée de trois glands d'or et accompagnée de trois poulettes de sinople. Il y a tout lieu de croire que ces armoiries étaient placées sur le fond de marbre noir de la grande niche entre la statue du chanoine et celle de la Vierge (2), et où se trouve aujourd'hui un vide peu agréable. Elles auront été brisées pendant la Révolution, et c'est sans doute leur place béante qui aura motivé la réfection du fond de cette niche en 1843.

C'est peut-être l'écusson de marbre blanc qui se trouve actuellement au musée de Picardie, à Amiens, sous le n° 2o5.

(1) Loc. cit.

(2) Les armoiries sont placées de la même manière dans le tombeau du cardinal Hémard (pilier 15 a).

/•'/y. ilh) /•{u'flà'/ioii (>nfhnt,v d*> Joseph ( )!,:"hÚ'OI'd(> 8;Í.

F{,</,lyo_lVrtl{Últ(? de saint Jean -Baptiste

CHAPITRE VI

CLOTURES

D

E l'ancienne clôture du chœur, les « embellisseurs » du XVIIIe siècle n'ont laissé subsister que la partie qui s'étend derrière le dossier des stalles dans les travées 17-19 a, 19-21 a, 18-20 a et 20-22 a.

Nous joindrons à la description de ces clôtures celle des deux monuments analogues qui ont été élevés vers la même époque dans le transept, sur l'appui des anciennes fenêtres basses 13 bc et 14 bc pour fermer les chapelles XI et XII.

Elles appartiennent au même art et ne forment avec les premières qu'un seul et même ensem ble (1).

Ferry de Beauvoir, élu évêque d'Amiens en 1457, à la faveur de Philippe le Bon, s'était fort compromis par son dévouement non déguisé à la maison de Bourgogne. En 1465, lorsqu'il s'était agi d'arrêter le comte de Charolais qui marchait

(1) Sur ces clôtures, voy. JOURDAIN ET DUVAL, Les clôtures du chœur de la cathédrale d'Amiens, dans Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. IX, 1848, in-8°,

p. 161 à 255. — Cathédrale d'Amiens, les stalles et les clôtures du chœur.

sur Paris, il avait refusé avec éclat le service militaire des gens d'église pour la résistance d'Amiens. Sous la domination de Charles le Téméraire, à la suite du traité de Péronne, il avait donné à celui-ci des marques non équivoques de fidélité, et, au mois de janvier 1471, v. s., s'était opposé de toutes ses forces à la reddition de la ville au Roi. Amiens remise en l'obéissance de Louis XI, il s'enfuit à Montreuil, partie de son diocèse restée entre les mains du duc de Bourgogne (1). C'est là qu'il mourut le 24 février 1472, v. s., et qu'il fut inhumé dans la collégiale de Saint-Firmin (2).

Dix-sept ans plus tard, alors que tout était oublié, son neveu, Adrien de Hénencourt, alors prévôt, et plus tard doyen du chapitre, fit revenir son corps à Amiens et obtint des chanoines l'autorisation de l'inhumer honorablement dans la cathédrale. La translation eut lieu le 8 mars 1489, v. s. Le chœur de la cathédrale n'avait sans doute pas encore de clôture digne de la splendeur du monument. On conçut alors le projet, probablement sous l'inspiration du magnifique et opulent prévôt, de garnir d'une riche clôture les travées du chœur qui n'étaient pas encore occupées par des tombeaux. C'est donc pour servir de mausolée à son oncle Ferry de Beauvoir, qu'Adrien de Hénencourt en fit exécuter la première travée, dans laquelle est figurée l'histoire de saint Firmin, depuis son entrée à Amiens jusques et y compris son martyre (3). Ferry de Beauvoir fut enterré en cet endroit, entre les deux piliers 18 a et 20 a (4). On ne sait au juste si l'exécution du monument précéda ou suivit la translation des restes du prélat défunt (5); mais les costumes des personnages permettent d'affirmer qu'elle date bien des environs de 1490.

Il fallut, semble-t-il, attendre plusieurs années avant que cet exemple fût suivi. L'histoire de saint Jacques, au transept, (travée 14 bc), ne fut faite qu'en exécution des dispositions testamentaires de Guillaume Aux Cousteaux, chanoine de la cathédrale, décédé le 2 décembre 1511 (6). L'épitaphe du chanoine Jean Wytz qui mourut en i522 ou 1523, nous apprend que celui-ci avait fait faire l'histoire de Jésus chassant les vendeurs du Temple (travée 13 bc), mais elle ne nous dit pas si ce fut par testament ou avant sa mort (7).

Ce n'est que dans les dernières années de sa vie qu'Adrien de Hénencourt fit commencer pour lui servir à lui-même de monument funéraire, la clôture voisine

(1) A. DE CALONNE, Hist. de la ville dAin., t. I, pp. 409, 413, 433.

(2) Compte d'exécution du testam. d'Adrien de Hénencourt, 1531. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44 n° 18. — Gall. Christ., t. X, col. 1201.

(3) Testam. d'Adrien de Hénencourt, Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Arm. I, 1. 44, n" 18. —

LAMORLIÈRE, Antiquitépp. 228 et 230. — DE COURT, Mémoires, 1. II, chap. 58, et 1. III, chap. 1. — Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 420, -- etc.

(4) Les intervalles entre les piliers du chœur et du sanctuaire étaient considérés comme des lieux de sépulture honorables. Rappelons que plusieurs prélats y avaient déjà leurs mausolées : l'évêque Arnould, le cardinal de la Grange, Jean de Boissy.

(5) Un détail permet de supposer qu'elle n'eut lieu qu'après, tout au moins en ce qui concerne la peinture.

1

Dans le fond des quatre sujets qui composent cette portion de la clôture, le peintre chargé de la décorer a représenté la ville d'Amiens telle qu'elle existait de son temps. Dans le quatrième sujet, on voit toute la partie haute de la façade de la cathédrale à partir de la grande rose; celle-ci est déjà munie de son remplage flamboyant aux armes du chanoine Robert de Cocquerel, mort en 1521. Ce remplage existait donc à l'époque où l'on peignit la clôture ; mais comme le vitrail qui garnit cette rose est du plus pur style renaissance, il n'est guère vraisemblable qu'elle ait été faite avant 1490. (Voy. ci-dessus t. I, p. 267). La partie de la clôture du chœur qui nous occupe aurait donc pu être faite entre 1490 et 1 coo.

(6) Épitaphe de Guillaume Aux Cousteaux.

(7) Pour les parties aujourd'hui détruites, voy. ci-dessus, t. II, p. 10.

de celle qui formait la sépulture de son oncle, et où il fit sculpter l'histoire de saint Firmin avant son arrivée à Amiens, et celle de l'invention de ses reliques.

Son testament daté du 18 juillet 1527 et les comptes d'exécution de celui-ci (1) nous fournissent sur l'édification de cette seconde travée de la clôture les détails les plus précis et les plus intéressants. « Je laisse mon corps à estre inhumé au plus près de l'histoire de l'Invention Mons. saint Fremin dont ay fais préparer le lieu, et ordonne à mes exéquuteurs cy-après nommez, se n'avois fait faire avant mon trespas ladite histoire, de la parachever et richement estoffer, et faire faire une treille de fer, comme est celle de Mons. d'Amiens, mon oncle, et au-dessoubz, au lieu préparé, y ordonner la représentation d'un homme mort, selon le patron qui sera baillié, et aux fronteaux, ung épitaphe en cuivre, selon qu'il est à M. d'Amiens, mon oncle, lequel Dieu absolve, et au-dessus de moy, une table de cuivre de deux ou trois piedz' carré, mes armes eslevées au millieu, et autour, mon nom et qualités, avec le jour de mon trespas ». Le doyen léguait en outre au varlet de la fabrique une rente de 6 s., « pour nestoier trois fois l'an les histoires de saint Fremin et de l'Invention et les deux sépultures » (2).

Quand il mourut, la sculpture de l'histoire de l'Invention était terminée, mais non encore « estoffée », c'est-à-dire peinte et dorée. Ses exécuteurs en chargèrent le peintre Pierre Pallette (3). La statue funéraire du défunt, en attitude dé « gisant », fut exécutée par Antoine Anquier (4), d'après le dessin pris sur le lit de mort de l'ancien doyen, par Guillaume Laigner, peintre (5). Cette statue fut aussi peinte par Pierre Pallette (6).

La somme de 20 s. fut payée à Jean des Béguines, prêtre, pour avoir écrit « en grosses lettres de forme les noms, surnoms et qualitez dudict deffunct, ensemble le jour et an de son trespas, pour, selon icelle escripture, l'insculper et graver à l'entour d'icelle table de cuivre mise sur la sépulture dudict deffunct » (7).

(1) Arch. de la Somme, (Chapit. d'Am.), G, 1072 et 1073.

(2) Testam. d'Adrien de Hénencourt.

(3) « Et pour estoffer, paindre et enrichir icelle histoire de FInvention de saint Fremin, et six apostres, avec aucuns petis images et armories estans en la closture et huis du cœur de l'église d'Amiens, du costé de la sépulture dudict. deffunct, et qu'il avoit fait bastir et construire à ses despens, luy vivant, pareillement pour paindre et estofïer l'huis de fer dudict cœur, a esté paié à Pierre Pallette, paintre, par marchiet fait, et comme appert par sa quittance, ex 1. ». A la date du compte de l'exécution du testament du doyen (3 novembre 1531), Pierre Pallette n'avait pas encore fini son travail. « Ont enseigné et exhibé le contract, et sur icelluy payé LX 1., car il n'a encore parachevé l'ouvrage, pour lequel parfaire soit constraint ». (Compte d'exécut. du test. d'Adrien de Hénenc. Sur Pierre Pallette, voy. ci-dessus, t. II, p. II.

(4) « Item, à Anthoine Anquier, entailleur, pour avoir entaillé et composé ledict gisant ou représentation d'un homme mort, aussi d'abondant et plus que ledict sieur deffunct n'avoit ordonné, les quatre docteurs à la tourelle de la closture dessus dicte, a esté paié, comme

appert par sa quittance, XXIIII 1. » Compte d'exécut.

du test. d'Adrien de Hénenc. Sur Antoine Anquier, voy.

ci-dessus, t. II, p. 11.

(5) « A Me Guillaume Laignier, paintre, pour avoir tiré et fait le pourtret dudict gisant d'homme mort, XLVII s. vi d. ». Compte d'exécut. du test. d'Adrien de Hénenc.

(6) « Item, et pour paindre, estoffer et décorer le gisant ou représentation d'un homme mort au-dessoubz de ceste histoire, et les quatre docteurs estans en la tourelle de la montée de la loge, par marché fait, paié xxim 1. ».

Compte d'exécut. du test. d'Adrien de Hénenc. Cet article suit immédiatement celui où il est payé 110 1. à Pierre Pallette, pour avoir peint l'histoire de l'Invention de saint Firmin.

(7) Compte d exécut. du test. d'Adrien de Hénenc. —

C'est par une extension abusive de ce texte que Dusevel (Notice sur la cath. d'Am., p. 68), a attribué à Jean des Béguines la rédaction des légendes de l'histoire de saint Firmin. - Jean des Béguines, prêtre, est cité dans le compte de la ville d'Amiens de 1515-16 (Arch.

de la ville d'Am., CC 93, fol. 96 ). Son talent de calligraphe devait avoir une assez grande réputation, car c'est lui qui fut chargé d'écrire « en bonne lectre de

Le modèle en fut donné à Pierre de la Cauchie, « fondeur et engraveur », qui exécuta, sur marché passé par-devant notaire, le « frontail » ou frise de cuivre sur lequel l'épitaphe fut gravée, ainsi que la lame de même métal destinée à être placée au-dessus du corps du défunt (i), et pour laquelle on fit faire une bordure en marbre noir de Tournai, par François Beddet (2), tailleur de marbre audit Tournai. Enfin, suivant la recommandation du défunt, une « treille de fer » ou grille fut placée devant le monument, par Jean Parent, serrurier à Amiens (3).

Nous avons vu qu'une « treille « semblable avait été établie par les soins d'Adrien de Hénencourt devant la première partie de l'histoire de saint Firmin servant de monument funèbre à Ferry de Beauvoir. Il y a longtemps que l'une et l'autre n'existent plus (4).

Tous ces travaux furent exécutés par les soins d'Adrien de Lamet, dit de Hénencourt, neveu du testateur, son successeur dans la dignité de doyen, et son légataire universel.

Nous avons beaucoup moins de renseignements sur la clôture nord du chœur, qui représente l'histoire de saint Jean-Baptiste. Tout ce que nous savons, c'est que la date de 1531 est inscrite en chiffres arabes en tête des légendes de la première travée (5). Or comme la seconde ne présente avec celle-ci aucune différence appréciable de style, on en peut conclure qu'elle dut être exécutée à peu près dans le même temps (6).

Entre frimaire et nivôse an II (décembre 1793), un détachement d'environ 8.000 Belges avait été envoyé à Amiens « pour se rétablir et se recruter » (7), et commettait, paraît-il, dans la ville et dans la banlieue des insolences sans nombre (8).

forme » les ballades et chants royaux de la confrérie du Puy Notre-Dame dans le recueil illustré de miniatures dont la ville d'Amiens fit hommage en 1518 à la duchesse d'Angoulême, mère de François I. Arch. de la ville d'Am., Compte de 1517-18, CC 95, fol. 151.

(1) « Pour les fronteaux et lame ou table de cuivre dessus dicte, paié, comme appert par quittance, à Pierre de le Cauchie, et par marchiet fait, au pris de v s. la livre, paié LXXII 1. Soit constrainct à parachever lesdicts fronteaux et lame de cuivre. A deux notaires royaux, qui ont receu le marchié fait avec Pierre de le Cauchie, fondeur et engraveur, pour la tombe dudit deffunct, payé v s. ». Compte d'exécut du test.

d'Adrien de Hénenc. — Il y a longtemps que les susdites lames de cuivre n'existent plus, aussi bien que celles qui se trouvaient sur la sépulture de Ferry de Beauvoir. — Pierre de le Cauchie refondit en 1539 une pièce d'artillerie pour la ville d'Amiens. (Échevin. du 17 avril 1539; arch. de la ville d'Am., BB 23, fol. 119 vo, En 1540-41, il reçut 10 1., pour avoir fondu une petite cloche pour l'hôtel-de-ville d'Amiens (Arch. de la ville d'Am., compte de 1540-41, CC 137, fol. 124).

(2) « A François Beddet, tailleur de mabre demourant à Tournay, pour une bordure de pierre de mabre de Tournay, pour servir à l'entour de la tombe dudict feu, par marchié fait, paié XVIII 1. ». Compte d'exécut. du test. d'Adrien de Hénenc.

(3) < A Jehan Parent, demourant Amiens, serrurier,

pour avoir fait une treille de fer mise au-devant et prez ladicte histoire de l'Invention de saint Fremin, paié.

L s. ». Compte d'exécut. du test. d'Adrien de Hénenc.

Cette grille n'étaitpas encore terminée le 3 novembre 1531.

(4) Ajoutons que les entrailles du doyen, dont le corps avait été embaumé par Nicaise Hurtault, chirurgien, en la présence de Florent Plétier, médecin, furent enterrées au cimetière Saint-Denis, que le cercueil de plomb fut fait par Jacques de Montigny, plombier, qui fit également « une lame de plomb escripte et mise au piedz du luzeau dudit deffunct ». Compte d'exécut. du test.

d'Adrien de Hénenc.

(5) On lit au manuscrit 516 de la bibliothèque d'Amiens, la mention suivante : « 1503, 5 sept. Carolus de Mota, canonicus, dat historiam sancti Joannis Baptistae in circuitu chori ante sacellum Sancti Pétri » (fol. 173). On ne sait où l'auteur de ce manuscrit a puisé ce renseignement, mais il concorde assez mal avec la date de 1531 que porte le monument lui-même.

(6) Il résulte de ces détails historiques que seule la première partie de l'histoire de saint Firmin (travée 18-20 a) a été exécutée avant les stalles. Tout le reste de la clôture du chœur à laquelle elles sont appuyées leur est postérieur.

(7) Recueil factice sur André Dumont appartenant à M. le conseiller Fournier.

(8) « Le citoyen Taillefer, adjudant général, est venu à la séance : il y a rendu compte des mesures actives

Ce sont eux qui, au dire de Rivoire (1) et de presque tous les auteurs Amiénois, ont mutilé toute la partie de la clôture représentant l'histoire de saint Firmin, dont ils ont abattu presque toutes les têtes à coups de sabre. « Heureusement, ajoute Rivoire, que le maire Lécouvé, averti par M. l'abbé Lejeune, chanoine titulaire de cette église, se hâta de s'y rendre, pour mettre un terme à leur brutale fureur ». Suivant la tradition, les habitants des rues voisines auraient donné la chasse à coups de chaises à ces malfaiteurs. Avant qu'on eût enlevé les boiseries de la chapelle Saint-Éloi (2), on lisait sur la porte donnant de cette chapelle dans le cloître, ces mots tracés par l'un d'eux avec la pointe de son couteau : « Les républiquain lillois ont trouvé de toute indignité de laisser dans un temple De la raison tant de hochet Du fanatisme. Signé Dubois » (3). Rivoire (4) ajoute, ce que ne donnent pas MM. Jourdain et Duval : « 2e année républicaine ».

De pareilles mutilations étaient, il faut le reconnaître, trop nombreuses et trop profondes pour qu'on pût les tolérer longtemps à l'intérieur d'un édifice consacré au culte. Malgré tout le respect dû aux objets d'art, une réparation s'imposait.

Opération délicate, épineuse et qui demandait autant d'habileté que de prudence et de tact. Ceux qui l'ont entreprise s'en sont fort bien rendu compte, ainsi qu'en témoignent les deux volumineux dossiers de ce travail conservés aux Archives de la Somme, le Bulletin archéologique publié par le Comité Historique des arts et monuments, et le Bulletin et les délibérations de la Société des Antiquaires de Picardie, qui fut mélée à cette affaire dans une assez large mesure, à la fin surtout.

L'histoire de ces réparations est assez compliquée : nous essaierons de la résumer aussi brièvement que possible.

On en parlait déjà depuis longtemps (5), et il est vraisemblable que les voies avaient été préparées par le préfet Dunoyer, membre de l'Institut. L'affaire fut amorcée en 1837 par une lettre de Cheussey au préfet de Saint-Aignan, qui venait de succéder à M. Dunoyer. Il lui exposait le mauvais état de la clôture du chœur représentant l'histoire de saint Firmin, son intérêt artistique et la nécessité qu'il y avait de la restaurer; la dépense était évaluée de cinq à six mille francs (6).

Il n'était encore question ni de l'histoire de saint Jean-Baptiste ni des clôtures analogues qui se trouvent dans le transept et qui n'avaient que très légèrement souffert des injures du temps. La demande fut soumise au conseil général (7).

Une somme de 6.000 fr. fut votée par l'assemblée départementale, avec le vœu « que le caractère original donné à ces médaillons par les artistes de l'époque fût religieusement conservé par l'artiste chargé des travaux de restauration » (8).

Le choix de l'artiste était laissé au préfet. Cheussey consulté désigna en première

qu'il a prises pour réprimer les insolences de plusieurs belges logés dans la ville et banlieue ». Mesures en conséquence. Conseil général de la commune d'Amiens du 9 nivôse an II. Arch. de la ville d'Am., Reg. aux délib.

n° 108, fol. 57 vo.

(1) Descr. de l'église cath. d'Am., p. 161. — Le ms. de Baron (édit. Soyez p. 141) dit seulement e, des malveillants,,.

(2) Chapelle XXII.

<3) Voy. JOURDAIN ET DUVAL, Up. cit,, dans Mcm. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. VII, p. 138.

(4) Desc. de l'église cath. d'Am., p. 129.

(5) Dès le 23 juillet 1836, la Sentinelle Picarde, organe

de l'opposition, disait avec aigreur : Nous sommes menacés de voir des profanes sacrilèges restaurer les sculptures de la cathédrale. Nous appelons sur ce fait l'attention de qui de droit ».

(6) Lettre de Cheussey au préfet de Saint-Aignan, du 7 août 1837. Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés.

— M. de Saint-Aignan avait succédé à M. Dunoyer le 2s juillet précédent.

(7) Rapport du préfet au Conseil général, du 21 août 1837. Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés.

(8) Délibér. impr. du Conseil général de la Somme, années 1837 et 1838.

ligne Théophile Caudron, qui, selon lui, se recommandait par son mérite et n'en était pas à son coup d'essai (i) ; il avait été employé à la restauration du portail de Saint-Merry à Paris, et l'architecte de cette église lui en avait dit grand bien.

Le préfet avait vu et trouvé satisfaisant l'essai qu'il avait fait quelques mois auparavant sur un des quatrefeuilles du soubassement de l'histoire de saint Firmin.

Cheussey proposait au second rang les frères Duthoit, « artistes de cette ville, qui sont remplis de zèle et très laborieux ». Il y avait enfin le sieur Lévêque, d'Abbeville, recommandé par le marquis de Clermont-Tonnerre, membre du Conseil général (2). Les frères Duthoit furent conviés à faire l'épreuve de leur talent sur deux quatrefeuilles ; puis, après plusieurs pourparlers avec Caudron sur la question du prix, le préfet décida que les trois quarts du travail seraient confiés à celui-ci moyennant 4.500 fr., et le dernier quart, pour la somme de i.5oo fr., aux frères Duthoit, en faveur de qui Mgr de Chabons, évêque d'Amiens, lui avait écrit une lettre très pressante. Lévêque avait été tout d'abord écarté. Cette fois c'était bien de toute la clôture du chœur qu'il s'agissait, côté nord et côté sud, l'histoire de saint Jean aussi bien que celle de saint Firmin (3). En dernière analyse les frères Duthoit furent chargés de la. première travée de l'histoire de saint Firmin, correspondant au tombeau de Ferry de Beauvoir, et Caudron, du reste.

Nous avons vu que ces travaux avaient été visités et approuvés par une commission du Comité historique des arts et monuments le 18 mai 1838, ainsi que par la Société des Antiquaires de Picardie, en 1839 (4).

A la fin de décembre 1838, le travail était terminé et les barrages en planches qui, depuis le commencement de l'année, dérobaient les travaux aux yeux du public, étaient enlevés. Ce fut de tous côtés un concert d'éloges (5). A titre d'essai, on avait fait peindre un des quatrefeuilles ainsi restaurés (6), et, le 17 janvier suivant, les travaux furent visités par une commission désignée par le préfet, présidée par lui et composée de Cheussey, architecte du département, Leserrurier, conseiller à la cour d'Amiens, le marquis de Clermont-Tonnerre, membre du Conseil général, de Rouvroy et Rigollot (7). La réception définitive eut lieu le 3o mars 1839 (8).

On pensa dès lors à la peinture des parties restaurées, à la restauration des sculptures du transept, et même à la fameuse question encore pendante de la suppression des deux murs latéraux en faux gothique à droite et à gauche de l'entrée du chœur (9).

(1) Nous avons vu que Caudron avait été recommandé à Cheussey par le ministre de la Justice et des Cultes, pour la restauration des sculptures des portails. Sa qualité de Picard (il était né à Combles) l'avait fait sans doute préférer à Dantan aîné, également recommandé par le ministre. Voy. ci-dessus, t. I. pp. 169 et 172.

(2) Lettre de Cheussey au préfet, du 9 novembre 1837.

Arch. de la Somme, série V, ÉdiL diocés. -

(3) Arch. de la Somme, série V, Édif. diocé-s.

(4} Voy. ci-dessus, t. I, p. 170.

(5) Voir les journaux locaux du temps et notamment le Glaneur du 29 décembre 1838, et la Galette de Picardie du 2 janvier 1839.

(6) Lettre de Cheussey au préfet, du 22 décembre 1838.

Arch. de la Somme, série V, Edif. diocés.

(7) Arrêté du préfet du 7 janvier 1859. Arch. de la

Somme, série V, Édif. diocés. — Le ministre avait aussi été prié d'adjoindre un membre de la commission des monuments historiques. Il n'en a été rien fait, attendu que l'inspecteur général des monuments historiques, qui avait vu les travaux, en avait fait un rapport favorable. (Lettre du ministre de l'Intérieur au préfet, du 11 janvier 1839, ibid.).

18) Procès-verbal de réception du 30 mars 1839, par Cheussey. Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés.— JOURDAIN ET DUVAL, dans Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. IX, in-8°, p. 240.

(9 Lettre du préfet à Cheussey, du 5 avril 1839, le priant de mettre ces divers projets à l'étude. — Lettre du préfet à l'évêque d'Amiens, de la même date. Arch.

de la Somme, Série V, Édif. diocés.

Plusieurs années s'écoulèrent cependant avant que l'on reprit sérieusement le premier de ces projets. La chose était peut-être encore plus délicate : l'ancienne peinture avait disparu dans beaucoup d'endroits, et ce qui restait était tellement effacé par le temps, qu'on avait beaucoup de peine à distinguer les nuances des couleurs et les dessins des étoffes. Cheussey proposait le renouvellement intégral de la peinture, moyen beaucoup trop radical et qui eût été la destruction absolue de tout ce qui restait de l'ancienne (1). Tous les esprits sérieux et notamment le Comité historique des arts et monuments (2) repoussaient ce moyen barbare, et il est probable que c'est la crainte d'en venir à une si fâcheuse extrémité qui fit languir le projet. On ne voyait d'ailleurs pas à Amiens d'artiste capable d'entreprendre un travail aussi délicat, et le ministre de la Justice et des Cultes prié d'en désigner un de la capitale, avait répondu qu'il examinerait la question avec tout l'intérêt qu'elle mérite, « lorsque la situation des ressources dont une partie est réclamée par les autres grands travaux maintenant en cours d'exécution à 1 édifice permettra de s'occuper de cet objet » (3).

Quand au second projet, c'est-à-dire la restauration des sculptures du transept, un crédit demandé dans ce but au Conseil général, dans la session d'août de cette même année 1839, fut refusé, attendu l'insuffisance des ressources du département.

C'est ce qui nous a valu de les avoir aujourd'hui encore intactes. L'assemblée départementale se contenta de voter 55o fr. pour établir une barre d'appui destinée à protéger les clôtures restaurées contre toutes dégradations (4).

Quelques années après, la question des peintures fut de nouveau portée devant le Conseil général, non par l'administration elle-même, mais par un membre de l'assemblée que le procès-verbal ne nomme pas. Le Conseil ajourna la question qu'il ne trouvait pas suffisamment élucidée, tout en invitant le préfet à se mettre en mesure de faire à cet effet, s'il y avait lieu, une proposition à la session suivante (5).

Les précautions préliminaires qui avaient un peu manqué au premier travail, furent cette fois exagérées, et si, jadis, on n'avait pas suffisamment consulté de personnes compétentes, maintenant, on écouta peut-être un peu trop de monde.

Nous ferons grâce au lecteur des interminables pourparlers, rapports de commissions, critiques, disputes, démarches de toutes sortes qu'occasionna l'exécution de ces peintures, inextricable affaire dont tout le monde se mêla : préfet, conseil général, Commission historique, des arts et monuments, Société des Antiquaires

(1) Lettre de Cheussey au préfet, du 8 avril 1839. Arch.

de la Somme, série V, Édif. diocés.

(2) '(, Il a demandé que les peintures qui dècorent les statues de la clôture du chœur à la cathédrale d'Amiens ne fussent pas ravivées, comme on paraissait en avoir l'intention, mais qu'on repeignit seulement ce qui avait complètement disparu. Il faut laisser intactes toutes les traces de peintures qui existent encore ; il faut même respecter les couleurs éteintes ». Rapport au ministre par M. de Gasparin, président du Comité des arts et monuments, Didron, secrétaire, sur les travaux du Comité pendant la session de 1839. Bulletin du Comité hist. des Arts et Monum., t. I, 1843, p. 55.

(3) Lettre du ministre de la Justice et des.Cultes, au préfet de la Somme, du 24 juillet 1839. Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés.

(4) Délibér. impr. du Conseil général de la Somme, année 1839, in-40, séance du 30 août. — Cette barre de fer fut exécutée par Louis Bellet, maître serrurier à Amiens (Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés.), et fut placée au commencement d'avril 1840 (Le Glaneur, du 4 avril 1840). — Nous nous rappelons (voy. ci-dessus, t. II, p. 88), qu'une « treille de fer H avait été originairement établie dans le même but.

(5) Délibér. impr. du conseil général de la Somme, année 1842. in-8°, session d'août, p. 117.

de Picardie, inspecteurs des monuments historiques, Dusevel, Goze, les abbés Jourdain et Duval, etc., etc. (i).

La première opération consista dans un lavage à l'eau pure, dit l'abbé Jourdain dans son rapport, « mais par injection violente et abondante. Des couches épaisses de poussière qu'on n'aurait osé attaquer avec aucun instrument, dans la crainte de compromettre plus ou moins gravement la décoration qu'elles recouvraient, se sont dégagées d'elles-mêmes et nous ont révélé des richesses plus nombreuses et moins endommagées que nous ne l'avions pensé tout d'abord. L'emploi de l'huile, dont on a ensuite impreigné toutes les surfaces, les a fait ressortir encore davantage, en leur rendant une partie de leur solidité primitive » (2). Dans la peinture elle-même, l'or appliqué neuf puis réduit au ton du vieux fut préféré au bronze composé immédiatement au ton de l'or vieux (3). Les inscriptions, passablement endommagées, ont été rétablies d'après les études qu'en avaient faites deux membres de la Société des Antiquaires de Picardie (4). Pendant le cours du travail, on découvrit « une palette de forme ancienne et encore encroûtée de couleurs desséchées et racornies », mais qui fut rapidement confisquée par un amateur et qu'on n'a plus revue (5).

Après l'achèvement, en octobre 1844, de la peinture de l'histoire de saint Jean-Baptiste, par laquelle on avait commencé et dont le peintre Désiré Lebel avait été chargé, l'élévation imprévue du prix de ces peintures fit suspendre pour quelque temps les travaux. Ils ne furent repris par Lebel qu'en janvier 1847.

Pour l'histoire de saint Firmin, Lebel s'en rapporta, paraît-il, un peu trop à ses ouvriers (6). Les difficultés étaient plus grandes, la partie à repeindre, plus considérable, et l'artiste fut perpétuellement gêné dans son travail par les avis contradictoires des nombreux « inspecteurs des monuments historiques », commissions, amateurs, etc., qui assiégeaient son atelier (7). Quand, au mois d'août 1847, les échafaudages de la deuxième travée furent débarrassés, il s'éleva de nombreuses critiques sur lesquelles on discutait encore quand la révolution de février 1848 vint mettre tout le monde d'accord. Sur une simple lettre du citoyen Cheussey, les travaux furent, sans autre formalité, définitivement reçus par les commissaires de la République pour le département de la Somme (8).

Désormais on se passera de commissions.

En somme, malgré certaines imperfections de détail, cette restauration a été faite d'une façon aussi satisfaisante qu'on pouvait l'espérer, et les peintures, notamment, atténuées il est vrai par le temps, n'ont aujourd'hui rien qui choque trop (9). La

(1) Voy. Arch. de la Somme, série V, Édif. diocés. —

Délibér. impr. du conseil général de la Somme. — Bull, de la Soc.-des Aut. de Pic. — Bull, du Comité histor.

des arts et monum., t. IV, 1848.

(2) Rapport lu par l'abbé Jourdain à la' Société des Antiquaires de Picardie, séance du 30 octobre 1844. —

Il est probable que les abbés Jourdain et Duval, admis comme membres titulaires résidants de cette société au mois de janvier 1843, furent promptement adjoints à la commission. Bull, de la Soc. des Aut. de Pic., t. II, 1846, p. 121.

(3) Cela n'eut lieu que pour l'histoire de saint JeanBaptiste ; le second système fut suivi pour celle de saint Firmin.

(4) Probablement Jourdain et Duval.

(5) Rapport de l'abbé Jourdain, loc. cit. On trouva encore d'autres menus objets, qui eurent le même sort.

(6) Rapport de la commission de la Soc. des Ant. de Pic., du 25 août 1845, au Bulletin de ladite Société, t. III, p. m.

(7) Voy. JOURDAIN ET DUVAL, dans Mèm. de la Soc.

des Ant. de Pic., t. IX, in-8°, p. 241.

(8) Arrêté des commissaires de la République pour le département de la Somme d'avril 1848. Arch. de la Somme, série V, Edif. diocés. — La restauration des peintures coûta en tout 5.700 fr.

(9) A l'exception cependant du premier groupe de la seconde travée de l'histoire de saint Firmin, où le noir domine un peu trop.

preuve en est que bien des personnes, même exercées, s'y méprennent. Ferait-on mieux de nos jours ? c'est douteux. Le principal reproche à lui adresser est de n'avoir pas été assez discrète, et de ne pas s'être bornée à l'histoire de saint Firmin, qui, seule, était dans un état de ruine choquant. Celle de saint Jean-Baptiste était à peu près telle que sont les sculptures analogues dans le transept, qui se supportent très bien comme elles sont. Il est aussi fort regrettable que, malgré le vœu maintes fois exprimé par la Société des Antiquaires de Picardie (i), des motifs d'économie aient empêché de prendre un dessin exact des sculptures dans l'état où elles se trouvaient avant la restauration (2).

La période à laquelle ces sculptures appartiennent et qui s'étend de 1490 à i53o, environ, a été, nous l'avons vu (3), une des plus brillantes pour les arts à Amiens. Ce serait sortir du plan rigoureusement assigné à cet ouvrage que de s'enquérir si Amiens ou plutôt si la Picardie a réellement possédé à cette époque une école locale, d'en établir par le menu les caractères, si elle a existé, et de rechercher en quoi elle se rapprochait de l'école flamande avec laquelle nos œuvres d'art ont une affinité incontestable, et en quoi elle s'en éloignait.

Cependant la cathédrale d'Amiens possède l'ensemble de beaucoup le plus important des sculptures de cette époque qui soit dans cette ville, et sur lequel nous ne pouvons nous dispenser de faire quelques observations générales.

Il faut tout d'abord distinguer deux époques principales. A la première correspond seulement la première partie de l'histoire de saint Firmin (travée 18-20 a de la clôture du chœur). Sa statuaire a un caractère tout particulier provenant de la grande antériorité de sa date (v. 1490). Elle se distingue de celle des autres parties de la clôture par son style et par les costumes des personnages. Il y a en effet, moins de naturel dans les attitudes, moins de correction dans le dessin.

Bien qu'extrêmement variés dans leurs postures, les personnages ont quelque chose de guindé et de raide. Ce qui contribue à leur donner cette apparence de raideur compassée, c'est la disposition même des draperies. Elles tombent la plupart du temps en longs plis droits, en tuyaux d'orgue, provenant moins de l'inhabileté de l'auteur, que la mode du temps : plusieurs personnages, pour lesquels il n'a pas été sacrifié à cette mode, par exemple, dans le premier groupe, la femme qui se tient au premier plan, retroussant sa cotte, et celle qui, au second groupe, est assise tout à fait en avant, comme aussi la statue d'Adrien de Hénencourt, sont drapés avec un art irréprochable. Ces longs plis droits et serrés sont même la

(1) Rapports des 14 février 1843, 13 mai 1846, séances des 8 juillet 1844 et 16 avril 1847 (Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. II. pp. 89 et 369, et t. IH, p. 33).

(2) Cette lacune peut être en partie comblée par un état assez exact dressé par Goze (Bibl. d'Am, ms, Goze, ms, 818), et, pour les grands sujets, du moins, par d'assez bonnes lithographies dans les Voyages pittoresques et romantiques du baron Taylor. — C'est à tort, à notre avis, qu'on a reproché à ces restaurations d'avoir été faites en ciment plutôt qu'en pierre (GOZE, dans Bull, archéol. publ.par le Comité histor. des Arts et Monuiii.,

t. II, 1842-1843, p. 171) ; une restauration en pierre aurait eu le grave inconvénient d'obliger à entailler et à mutiler encore davantage les parties subsistantes et à ne pouvoir conserver tout ce qui restait. Il ne s'agissait pas tant de faire de la sculpture du XVIe siècle, que de remédier à un état de ruine trop choquant dans l'intérieur d'une cathédrale. D'ailleurs, depuis plus de soixante ans, et malgré l'humidité qui règne dans l'édifice durant l'hiver, ce ciment n'a pas bougé.

(3) Voy. ci-dessus, t. I, p. 65.

principale caractéristique des costumes de cette première partie de la clôture, qui est le seul spécimen que nous possédions, dans la cathédrale, des modes du temps de Charles VIII (i). Ces costumes, tout en étant fort riches, sont beaucoup moins compliqués que ceux du premier quart du XVIe siècle que nous rencontrerons dans les autres clôtures : justaucorps à jupes courtes, houpelandes traînantes, manches longues, étroites et généralement peu ornées. Tous ces vêtements sont faits de drap d'or, diaprés ou unis, et ornés de fourrures.

La seconde époque comprend toutes les autres clôtures du chœur et du transept, desquelles il est impossible de séparer, dans une vue d'ensemble, l'imagerie des stalles. Tous ces monuments ont été exécutés entre i5o8 et 1531. Malgré des différences de mains incontestables, ils accusent des caractères généraux faciles à dégager.

Si, dans les accessoires et aussi dans l'ornementation, encore gothique dans son ensemble, un assez grand nombre d'emprunts ont été faits à l'architecture de la Renaissance (2), il faut reconnaître que, malgré l'époque relativement avancée, toute la statuaire appartient encore presque sans partage à l'art gothique, ou du moins à un art à peu près absolument dégagé de toute influence antique ou ultramontaine.

Dans cet ordre d'idées, les enfants nus, ailés ou non, répandus en assez grand nombre, principalement dans les stalles, sont peut-être la seule trace d'influence italienne.

Si l'on se rappelle la date de ces œuvres de sculpture, et si l'on considère que c'est l'époque durant laquelle les peintres flamands achevaient de s'italianiser et consommaient la ruine de leur école, si l'on se reporte en même temps aux autres sculptures françaises de la même époque et notamment à l'art de Michel Colombe, on trouvera sans peine que celles-ci sont assez en retard.

Amour passionné d'un naturalisme qui ne craint pas d'aller jusqu'à la laideur et qui atteint rarement la beauté idéale (3); place faite aux accessoires, aussi grande que les ressources de la sculpture le permettent; grande discrétion dans les emprunts à la décoration italienne, tels sont en résumé les principaux caractères généraux qui se dégagent de l'ensemble de ces sculptures.

A l'exception de quelques personnages sacrés, auxquels on a conservé à peu près leur costume traditionnel, le costume est celui de l'époque où les sculptures ont été exécutées, mais la plupart du temps enrichi d'une foule de détails qui n'étaient pas d'un usage courant : riches galons, garnitures de grelots ou de bouffettes, manches surchargées de crevés, de torsades, de bouillons, etc., coiffures extrêmement variées, souvent extravagantes, surtout chez les femmes. Un grand nombre de personnages bibliques sont coiffés de turbans, sans doute pour marquer leur caractère d'Orientaux. C'est d'ailleurs un usage fréquent dans les peintures et les sculptures de la même époque. Ces vêtements somptueux et surchargés donnent aux ensembles quelque chose de surhumain faisant un bizarre contraste avec le caractère tout intime de certaines mises en scène. Il est à remarquer que, dans toutes ces sculptures, sauf peut-être une réserve pour l'histoire de saint Jacques,

(1) Ce sont en effet les costumes que l'on voit dans les estampes qui ornent les ouvrages imprimés des environs de 1490, ceux publiés par Antoine Yérard, par exemple.

(2) Moins cependant que, par exemple, dans les stalles de Gaillon, qui sont contemporaines des nôtres.

(3) Les peintres picards l'ont plus souvent atteinte.

le costume est absolument le même, quelles que soient les différences de manière et d'exécution.

Dans les clôtures qui appartiennent à cette seconde catégorie, on peut distinguer au moins deux mains, peut-être trois.

A la première appartient l'histoire de saint Jean-Baptiste tout entière (travées 17-19 a, 19-21 a). Bien que la plus récente — elle est datée de 1531 — c'est la plus gothique, la plus retardataire. Les mouvements sont encore brusques, les attitudes tourmentées et guindées, les mem bres raides, les draperies des vêtements, qui sont d'une très grande richesse et d'une très grande complication, ont des plis anguleux et cassés. Mais il en résulte dans ces compositions un caractère et un accent que n'ont pas les autres parties contemporaines de nos sculptures. C'est aussi celles dans lesquelles les arrangements sont traités de la façon la plus simple, la plus claire, la plus monumentale. Cette simplicité archaïque se constate encore dans la façon simple et sommaire dont le bas-relief est traité dans les petits quatrefeuilles qui ornent le soubassement. Comme au XIIIe siècle, les sujets, sans arrière-plans, s'y détachent encore sur un fond de tapisserie, et une grande discrétion est apportée dans le nombre des personnages et des accessoires.

Il y a un contraste très heureux, il faut le dire, avec l'accumulation de détails de toutes sortes que l'auteur des sujets analogues dans la seconde travée de l'histoire de saint Firmin s'est cru obligé d'y entasser.

Dans l'autre manière, il faut ranger la seconde travée de l'histoire de saint Firmin (travée 20-22 a) et l'histoire de Jésus chassant les vendeurs du temple, au transept (travée 13 bc). Là, les personnages sont à une échelle un peu plus petite, mais leurs proportions sont plus trapues et ils sont beaucoup plus nombreux, les mouvements sont plus ressentis et en même temps moins secs, les membres plus souples, les draperies plus molles et plus arrondies. On sent que l'artiste cherche surtout le pittoresque, et il l'a fait avec une bonhomie charmante et un naturel plein d'esprit. Mais il y a parfois un tumulte et une confusion qui nuisent à la clarté et à la gravité des compositions. Le costume, composé des mêmes éléments que dans les monuments de la première main, est à peu près aussi riche et aussi compliqué. Nous verrons que c'est avec cette sculpture que l'imagerie des stalles a le plus d'affinité (1).

L'histoire de saint Jacques (travée 14 bc) se rapproche de cette seconde manière.

Cependant les physionomies sont généralement moins individuelles, et les costumes ont quelque chose de plus conventionnel; il semble qu'on ait cherché à s'y inspirer - avec des anachronismes, évidemment — de la draperie antique. C'est la partie de nos sculptures la plus avancée vers la Renaissance.

("rY A rapprocher le portail de Laneuville-sous-Corbie. (Voy. La Picardie histor. et momimt. I)..

I*tg. 19J. Baptetne de cendre,r de S^denn Jetées ait uent

1

CLOTURE DU CHŒUR

Chacune des quatre travées de la partie subsistante de la clôture du chœur se compose d'un soubassement plein, haut de 2m45, dont l'ornementation peinte et sculptée varie à chaque travée. Ce soubassement est couronné par une corniche composée d'une moulure ronde et d'un chanfrein, sur lequel courent les légendes, A la première travée, du côté sud, celles-ci sont gravées sur des banderolles séparées et attachées par des clous ou des cachets de cire noire, le tout simulé par la peinture ; aux trois autres, elles sont seulement tracées au pinceau sur un fond blanc uniforme. Les unes et les autres sont en caractères gothiques noir, avec les capitales en rouge (i).

Sur cette corniche s'élèvent, à chaque travée, quatre niches couvertes de petites voûtes d'ogives simples, et dont la devantnre est d'un dessin flamboyant assez simple, et d'uniforme pour toutes les travées, bien que la première soit d'une quarantaine d'années plus ancienne que les dernières. Elle comporte pour chaque niche un arc brisé à redents redentés, surmonté d'une accolade aux crochets et aux fleurons sculptés de feuillages variés (chou frisé, vigne, houblon, artichaut); les

(i) Nous avons vu que ces inscriptions, dans les parties où elles ne sont que peintes et non gravées, étaient assez endommagées et avaient été repeintes lors des restaurations de 1844 à 1848; leur texte est

d'ailleurs conforme aux anciennes transcriptions que nous en possédons, notamment dans les épitaphiers A, B et C.

niches sont séparées par des montants surmontés de pinacles, le tout réuni à la partie supérieure par une galerie continue. A la clôture du côté sud, une statuette orne, en outre, vers le haut, le montant central de chaque travée. Ces statuettes n'existent pas au côté nord. Dans toute cette ornementation d'architecture la pierre est laissée à nu, à l'exception des montants séparatifs des niches, qui, jusqu'aux retombées, sont peints en façon de marbres de diverses couleurs.

Cette ordonnance flamboyante est ornée d'écussons diversement placés, beaucoup plus nombreux au côté sud qu'au côté nord. Les armoiries qui y étaient peintes avaient été effacées à la Révolution.

Du côté sud, il y a un écu dans le tympan de l'accolade de chacune des huit niches, et, de plus, des écussons sont accrochés par leurs courroies à quatre pinacles de chaque travée, le pinacle central étant orné, avons-nous dit, par une statuette. Nous connaissons par le recueil d'épitaphes de la Bibliothèque Nationale (i) et par celui de la bibliothèque de la Société des Antiquaires de Picardie (2), les armoiries qui y étaient peintes.

Travée 18-20 a. — 1° Écus pendus aux pinacles : D'argent à trois maillets de sable, qui est de Hénencourt.

D'argent à sept croix recroisetées de sable, posées 3, 3, 1, et deux flèches de même en chevron renversé, qui est de Villers.

D'argent à deux bandes de gueules, qui est de Beauvoir.

D'or à trois maillets de gueules, qui est de Mailly-Conty.

2° Écus placés dans les tympans : D'argent à la croix de gueules, à la bordure de sable, armes du chapitre de la cathédrale d'Amiens.

D'argent â deux bandes de gueules, écartelé d' or à trois maillets de gueules, armes de Ferry de Beauvoir.

D'azur semé de fleurs de lis d'or, armes de France.

D'or à trois maillets de gueules, qui est de Mailly-Conty.

Travée 20-22 a..- 1° Écus pendus aux pinacles : D'argent à deux bandes de gueules, qui est de Beauvoir.

De gueules jretté d'argent, qui est de Frestel.

D'or à trois maillets de gueules, qui est de Mailly-Conty.

D'azur, à trois jumelles d'or, au chef de même, qui est de Créseques.

2° Écus placés dans les tympans : D'argent à la croix de gueules, à la bordure de sable, armes de l'évêché d'Amiens.

D'argent à deux bandes de gueules, écartelé d'or à trois maillets de gueules, armes de Ferry de Beauvoir.

D'argent à la croix de gueules, à la bordure de sable, armes de l'évêché d'Amiens.

D'argent à trois maillets de sable, écartelé d'argent à deux bandes de gueules, sur le tout d'or à trois maillets de gueules, armes d'Adrien de Hénencourt.

(1) Épitaphier B, p. 25.

(2) Épitaphier C, fol. 35.

Lors de la restauration des peintures en 1847, on n'eut point connaissance de ces documents, et, d'après les indications de Goze, consulté « officieusement » à ce sujet, comme il le dit lui-même (1), on peignit un peu au hasard sur ces écussons les armes de Ferry de Beauvoir, d'argent à deux bandes de gueules, écartelé d'or à trois maillets de gueules; d'Adrien de Hénencourt, d'argent à trois maillets de sable, écartelé d'argent à deux bandes de gueules, et, sur le tout, d'or à trois maillets de gueules; de Mailly-Conty, d'or à trois maillets de gueules, et de Hénencourt, d'argent à trois maillets de sable.

Du côté nord, il n'y a que deux écussons par travée. A la première, ils sont placés aux deux extrémités, contre les pinacles, à la seconde, dans les tympans des deux niches extrêmes (2). Les blasons que les restaurateurs de 1847 avaient peints sur les écus de l'histoire de saint Firmin ayant essuyé les justes critiques de plusieurs archéologues, on fut plus prudent de ce côté-ci de la clôture, et on les a laissés en blanc. Depuis, on les a retrouvés dans les mêmes manuscrits que les premiers. Ceux de la première travée (17-19 a) étaient, sans indication d'émaux, à trois têtes de chiens, ou plutôt de lévriers accollées et bouclées, et qu'on a supposé être les armes de la famille de Louvencourt (3). Pagès y a vu les armes de la famille Louvel, qui portait, selon lui, d'or à trois hures de sanglier de sable, ou de Louvencourt, dont les armes sont d'or à trois têtes de louves de sable, 2 et 1 (4). Les historiens de la cathédrale ont pris parti les uns pour les Louvel, les autres pour les Louvencourt. MM. Jourdain et Duval ont adopté ces derniers (5), de même Goze (6). Dusevel (7) a préféré les Louvel, etc. Il faut convenir que tout cela n'est pas clair, et il est même bien possible que ce ne soient ni les uns ni les autres, car ce sont bien des têtes de chiens ou de lévriers que portent les épitaphiers. Ce pourrait être, dans ce cas, les armes de la grande et puissante famille amiénoise de Bery, qui portait d'argent à la fasce de sable denchée en chef, accompagnée de trois têtes de levriers de même, accollées de gueules et posées 2 et 1, mais la fasce n'est pas indispensable.

Ce qu'on sait des armoiries de la seconde travée est un peu plus explicite.

Elles étaient d'agir à trois coqs d'or, à la bordure comportée d'argent et de gueules, blason bien connu de la famille amiénoise de Cocquerel, non moins connue (8).

Elles pourraient être les armes du chanoine Robert de Cocquerel, qui mourut en 1521 et qui, nous le savons (9), s'intéressa beaucoup à l'embellissement et à l'entretien de la cathédrale.

Chaque niche est remplie par un sujet sculpté. Dans la clôture du côté sud, les personnages sont en plus grand nombre et à une plus petite échelle que du côté nord. Tous ces groupes sont couverts de peintures et de dorures, les vêtements figurant de riches étoffes brochées et brodées d'or. Dans la première travée du côté sud (travée 18-20 a), la totalité des vêtements est dorée avec dessins

(1) Bull, archéol.publ. paris Comité histor. des Arts et Monum., t. IV 1847 et 1848, in-8°, p. 417. -- Voy.

aussi Bull. de la Soc. des Ant. de Pic., t. III, in-81, p. 38; séance du 9 juin 1847.

(2) Ces deux derniers refaits en 1838.

(3) Épitaphiers A, fol. 59; B, p. 18.

(4) Mss. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 370.

(5) Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. IX, in-8° p. 218.

(6) Eglises, châteaux, beffrois, etc., t. II, p. n.

(7) Notice sur Véglise cath. d'Ain., p. 84.

(8) Épitaphiers A, fol. 60 v°; B, p. 19. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 371.

(9) Voy. ci-dessus, t. I, pp. 60, 62, 63, etc.

en couleurs peints par dessus. Dans les autres, pour les parties restaurées du moins, c'est le procédé inverse, plus économique, qui a été employé, la dorure ne venant plus que comme décoration sur le fond de couleur des étoffes.

Histoire de saint Firmin.

TRAVÉE 18-20 a (pl. XLIX). — La première travée de la clôture du côté sud, avons-nous dit, sert de monument funèbre à Ferry de Beauvoir, évêque d'Amiens, mort à Montreuil en 1472 v. s., et transféré en cet endroit en 1489.

A. Grands groupes. - A la gauche du monument, contre le pilier 18 a, s'élève une petite colonne de pierre peinte en façon de marbre, avec base et chapiteau simplement moulurés, sur laquelle le donateur, Adrien de Hénencourt, s'est fait représenter. Sa statue, à la même échelle que les autres personnages représentés dans la clôture (1), nous montre le chanoine priant, agenouillé, les mains jointes, tourné vers l'histoire de saint Firmin. Sa robe de dessous est de couleur rouge, qui était celle des chanoines de la cathédrale d'Amiens à cette époque. Par-dessus, il porte le costume canonial d'hiver : ample et longue chape de couleur rouge, tombant de toutes parts en plis nombreux, relevée par les bras et laissant apercevoir les bouts frangés des manches du rochet; l'aumusse d'hermine et de vair est posée sur le bras gauche. Il est chaussé de galoches qui n'ont pour empeigne qu'une simple lanière, de sorte qu'elles se détachent du talon. Nous retrouverons cette sorte de chaussure à un assez grand nombre de personnages de cette première partie de la clôture (2). Derrière lui, est un écu, sur lequel sont peintes ses armes : d'argent à trois 7naillets de sable, écartelé d'argent à deux bandes de gueules, sur le tout, d'or à trois maillets de gueules.

Sur le fût de la colonne est peinte une banderole blanche portant ces mots en caractères gothiques : Zoffe morne, qui sont la première partie de la devise du doyen, tandis que la seconde est inscrite de la même façon sur une banderole peinte sur le fût de la colonne qui porte la Décollation de saint Firmin, à l'autre bout de la travée : Tïocuit bitferre paratie (3).

L'artiste a peint contre le mur du fond de chacune des quatre niches différents quartiers de la ville d'Amiens, tels qu'ils étaient de son temps, c'est-à-dire vers la fin du xve siècle. On y reconnaît un grand nombre de monuments, et l'exactitude relative, très remarquable pour l'époque, avec laquelle les édifices encore existants et ceux sur lesquels nous avons des renseignements certains sont représentés, doit donner une grande confiance pour tout le reste (4). C'est donc un monument

(1) Les personnages de tout le côté sud de la clôture ont en moyenne 90 centimètres de hauteur.

(2) La tête et les mains ont été refaites.

(3) « Tolle moras, semper nocuit differre paratis ».

LUCAN., Phars., I, 281.

(4) Il est évident qu'il y a dans ces dessins de légers défauts de proportions, des fautes de perspective, des

omissions, etc., en un mot une liberté d'interprétation qui était le fait de tous les dessinateurs et de tous les artistes de ce temps, et il convient d'en tenir compte.

Cependant le trait caractéristique de chaque chose est assez nettement marqué pour la rendre parfaitement reconnaissable. Nous retrouvons la même liberté d'interprétation dans le plan d'Amiens sur parchemin de 1542

infiniment précieux, et qui n'est nullement à négliger pour l'ancienne topographie d'Amiens. Nous croyons que MM. Jourdain et Duval ne l'ont pas toujours très bien compris et partant n'en ont pas fait assez ressortir l'importance, non plus que les auteurs du Vieil Amiens qui en ont publié des dessins. Nous tâcherons de l'étudier de plus près et de le décrire avec plus de développements. Il en vaut la peine (i).

ier groupe. — Entrée de saint Firmin à Amiens.

Le sujet est expliqué par ces vers :

Ce bificme be octobre amiem, .IDont fauftinien et Cce fierté,

3aint fremin fit premiere entrer ent granbe jope betnonfttee (2).

Dans l'angle à la gauche du spectateur, tout à fait au premier plan et débordant même sur la plateforme qui sert de support à la statue d'Adrien de Hénencourt, s'élève une monumentale porte de ville, flanquée de deux grosses tours cylindriques, le tout couronné d'un rang de créneaux sur mâchicoulis.

La baie, en cintre surbaissé, s'ouvre dans un corps de bâtiment avec toit en pavillon couvert d'ardoises, et percé de lucarnes. Chacune des tours reposant sur un soubassement décoré d'une moulure, est percée du côté de la ville d'une large fenêtre carrée à croisée de pierre, et est surmontée d'une tourelle octogonale à créneaux et à mâchicoulis, qui paraît être en briques. Au-dessus de la porte et de la grande fenêtre de chacune des tours est un écu sur lequel les restaurateurs modernes ont peint les armes de France, d'azur à trois fleurs de' lis d'or (3). Des curieux, hommes et femmes coiffées de hennins, de chapeaux à plumes, etc., regardent par les fenêtres. Rivoire (4) n'a pas eu tort, à notre avis, de voir dans cette porte la porte de Beauvais, qui était une des quatre principales entrées d'Amiens. Suivant la légende, en effet, saint Firmin serait venu de Beauvais à Amiens (5). Comme, à la fin du xve siècle, c'était déjà la porte de Beauvais qui donnait accès dans la ville de ce côté (6), il est assez vraisemblable que c'est bien

conservé aux archives de la Somme; elle n'empêche pas ce plan d'être un document très précieux pour la topographie de la ville à cette époque.

(1) C'est même, à notre avis, la mauvaise interprétation qui a été donnée d'un certain nombre de monuments qui sont là représentés, qui a fait qu'on n'a pas accordé à ces tableaux toute l'importance historique qu'ils méritent.

— Rappelons à ce sujet que les peintres de cette époque peignaient assez volontiers dans le fond de leurs tableaux des édifices qu'ils avaient sous les yeux : ainsi, par exemple, dans le panneau qui représente le martyre de sainte Ursule, sur la châsse de cette sainte à Bruges, Memling a peint très fidèlement la cathédrale de Cologne, dans l'état où elle était de son temps, avec la fameuse grue sur sa tour inachevée. A Amiens même, dans le magnifique tableau de la Vierge au Palmier donné par Nicolas Lecaron, maître du Puy en 1520 (aujourd'hui à l'évêché d'Amiens), la ville d'Amiens, avec sa cathédrale

est figurée dans le fond au milieu d'un paysage de fantaisie, etc.

(2) « Deinde veniens ad oppidum Ambianensium, decimodie mensis octobris, hanc civitatem ingressus est, receptusque a Faustiniano senatore ». Vita S. Firmini, ex duobus mss., Ambianensi et Antverpiensi, collatis cum sex aliis et editione Bosqueti. Acta S. S. Boll., 25 sept. — Salmon, Hist. de saint Firmin, p. 405.

(3) D'après les mss. de Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 413), l'écu placé au-dessus de la porte était seul aux armes de France; ceux des tours, ou plutôt celui d'une seule tour, était aux armes de la ville d'Amiens; ce qui est absolument conforme à toutes les habitudes révélées par les registres de la ville.

(4) Descr. de l'église cath. d'Ain., p. 161.

(5) SALMON, Hist. de saint Firmin, p. 58.

(6) Jusqu'à l'épiscopat de François Faure, au XVIIe s.

inclusivement, la première entrée des évêques d'Amiens

cette porte, telle qu'elle existait de son temps, que l'artiste a voulu représenter.

Nous sommes dans l'intérieur de la ville. Saint Firmin vient de franchir le seuil de la porte : sa démarche est grave et digne ; il a le visage rasé et porte l'aube blanche parée d'un orfroi de drap d'or diapré de rouge et des ornements de drap d'or diapré, la dalmatique de bleu, et la chape de rouge, celle-ci aux orfrois gemmés et fermée par un riche fermail circulaire. Sa mitre d'or, aux orfrois gemmés avec crochets d'orfèvrerie le long des cornes, est posée sur la clémentine, espèce de calotte que portaient les évêques : ses gants blancs sont ornés aux poignets de glands d'or et, sur les revers, d'une broderie de même : un seul anneau au médius de la main droite. De cette main il bénit, de l'autre il tient la crosse. Il est aussi chaussé de galoches telles que nous en avons vu aux pieds du doyen de Hénencourt (i). C'est ce même costume qu'il gardera dans tous les sujets suivants, jusques et y compris sa décollation. Derrière lui, deux compagnons sont encore sous la porte. Le peuple d'Amiens vient à sa rencontre. On distingue nettement quinze hommes, une femme et un enfant, mais la foule est bien plus nombreuse, car des têtes sont encore peintes à perte de vue sur le fond.

Le premier personnage qui vient à la rencontre de saint Firmin porte une longue robe à col droit d'une étoffe d'or mouchetée et bordée de fourrures. A sa ceinture pend une bourse fort vaste sur laquelle sont peintes en diagonale les lettres ~'PQï~ (sic). Son chaperon fourré est attaché sur l'épaule gauche, la cornette en avant (2). Sa mise, les lettres gravées sur sa bourse (3), son port majestueux, révèlent un personnage de marque, un haut magistrat C'est évidemment le sénateur Faustinien. Il s'approche du saint en étendant les mains d'un geste d'accueil. A côté de lui, s'avance, plein de cordialité, un homme couvert de vêtements fourrés, la bourse à la ceinture. Son visage vieillot, petit, ramassé, un peu vulgaire mais intelligent, barbiche courte et moustaches rasées, fait briller de petits yeux vifs au fond du chaperon bordé d'hermine dont il est affublé (4). Derrière Faustinien, au premier plan, un grave personnage à longue chevelure et longue barbe frisée, s'enveloppant dans une vaste houppelande doublée de fourrure (5), détourne la tête pour causer avec sa charmante voisine. Très richement costumée, elle relève d'un geste plein de grâce et de naturel, une superbe robe de dessus de drap d'or diapré de vert et bordée d'hermine, dont les manches sont ornées de parements gemmés; fendue largement sur les côtés, la robe laisse voir une robe de dessous bordée d'une riche broderie. Le corsage est largement décolleté sous un voile blanc à rayures vertes, d'étoffe légère, qui tombe très gracieusement de la tête sur les épaules. C'est une des plus jolies figures et une des plus habilement traitées de toute cette première partie de la clôture (6). Elle tient par la main un enfant qui est, chose singulière, entièrement nu, et qui a l'air de se faire traîner. La boule

se faisait toujours par le faubourg de Beauvais (SOYEZ, Notices sur les évêques d'Am., p. 29). — Dans le plan d'Amiens de 1542, la porte de Beauvais est très clairement figurée, flanquée de deux tours cylindriques. On les retrouve encore, mais arasées à leur partie supérieure, dans le dessin donné par Duthoit (Monum. anc. et modo de la ville d'Am., 12e art.) de la porte de Beauvais telle qu'elle existait en 1705.

(1) Le menton, la main droite et le haut de la crosse

ont été refaits.

t2) La tête et les extrémités des mains sont refaites.

(3) Senatus Populusque Romanus.

(4) L'extrémité de la main gauche a été refaite.

(5) Tout le haut de la tête a été refait. Il ne restait que le bas de la barbe et de la chevelure. On lui a donné une coiffure assez peu vraisemblable.

(6) La tête est refaite.

avec laquelle il joue semble beaucoup plus l'occuper que l'arrivée de l'envoyé du Seigneur (i).

Les personnages du second plan étaient beaucoup mieux conservés, ils sont même presque intacts (2). Tous regardent le saint. Les visages sont vulgaires, laids bien souvent, mais quelles variétés d'expressions pour rendre un seul et même sentiment, la joie naïve mêlée de respect! Ce sont plusieurs jeunes gens imberbes aux cheveux bouclés. L'air ingénu, le nez retroussé, encapuchonné d'un chaperon à pèlerine fort longue, sur lequel est posé un vaste chapeau velu dont le bord est relevé par devant et abaissé par derrière, celui-ci porte des boucles d'oreilles, c'est un élégant; celui-là, un peu plus âgé, à la bouche largement fendue, aux petits yeux malins, soulève honnêtement son chapeau haut de forme, de son air le plus aimable; plus loin, un riche bourgeois porte une coiffure très originale tenant du turban et du bonnet phrygien. Voici un vieillard ridé et amaigri par l'âge : la peau de son visage rasé tombe distendue le long du cou des deux côtés de la mâchoire, mais un éclair de joie et d'espérance brille au milieu de cette décrépitude; il s'enveloppe dans un ample manteau, retenant de la main gauche la longue cornette du chaperon en bourrelet dont il est coiffé. Un autre, à la face glabre aussi, et au nez pointu, joint dévotement les mains; il est déjà presque converti.

Tout à fait dans le fond, deux hommes semblent moins avenants : le visage garni d'une longue barbe raide et en pointe, coiffé d'un chapeau velu à larges bords, le premier détourne la tête d'un air soucieux et incrédule, tandis que son compagnon le prenant par l'épaule, cherche à l'attirer, comme pour lui parler à l'oreille. Très richement vêtu, avec un bourrelet sur la tête, le nez épaté, le regard mauvais, celui-ci fait une moue bien significative. Leur mauvaise humeur contraste avec la joie exprimée sur tous les autres visages. On devine les futurs persécuteurs du saint.

Fond. — Voyons maintenant, dans la peinture qui fait le fond du sujet, le quartier de la ville d'Amiens où la scène se passe.

Étant admis que c'est par la porte de Beauvais que le saint évêque fait son entrée dans la ville, c'est le quartier avoisinant cette porte qu'il convient de reconnaître ici. Au milieu de maisons, pour la plupart en pans de bois, à pignons sur rue et couvertes en tuiles, émerge une église à trois nefs d'égales hauteurs, couverte en tuiles, et qui paraît provisoirement interrompue au chevet. Ce chevet, tourné vers le spectateur et parfaitement orienté, est percé d'une haute fenêtre à l'extrémité de chacune des nefs. Sur la façade occidentale s'élève un clocher peu élevé, couvert d'ardoises, et qui semble provisoire. Par sa situation, par ses trois nefs d'égale hauteur, telle qu'elle les avait encore au commencement du xixe siècle (3), on ne peut méconnaître l'église Saint-Jacques. Construite dans la seconde moitié du xve siècle (4), elle n'avait pas encore son chœur en 1490, puisque, au mois

(1) Les deux bras, la jambe gauche et la tête ont été refaits.

(2) Seul, celui qui est contre la porte, tout à fait à l'arrière-plan a été entièrement refait.

(3) Voy. Dusevel et Duthoit, Monum. anciens et mod.

de la ville d'Am., Soc art. — Duthoit, le Vieil Amiens, 4e série, pl. IX.

(4) En 1478, l'échevinage fit don aux marguilliers de Saint-Jacques des démolitions de la tour dite Saint-Jacques, des anciens remparts, pour les travaux de maçonnerie qu'ils avaient projet d'exécuter en leur église.

Échevin. du 19 oct. 1478. Arch. de la ville d'Am., BB 13, fol. 38, v°. — On y travaillait encore en 1488.

Échevin. du 24 janv. 1487, v. s. BB 15, fol. 144 v°.

de mai de cette même année, les marguilliers avaient présenté à l'échevinage une requête contenant que « dès environ a deux ans qu'ils avoient advisé entre eulx de faire faire en leurdite église un cœur de pierre de belle et honneste taille et fachon, avec une grant partie de ladite église », et avaient obtenu à cet effet un secours de 16 1. (i).

Tout à côté, mais plus en avant, est un grand édifice qui paraît être en briques et couvert en ardoises. Ses trois pignons en gradins sont percés de fenêtres quadrangulaires à croisées de pierres; deux tours semblables, en briques, en émergent : elles sont couvertes de flèches à deux ressauts, aussi en ardoises. Parmi les anciens monuments connus de la ville, nous n'en voyons aucun qui pourrait répondre à ce signalement. Serait-ce l'hôtel des Marconnelles, qui, après 1597, fit place à la nouvelle abbaye de Saint-Jean, et qui passait pour une des plus belles habitations d'Amiens? Une zone d'arbres verts, figurant des jardins, sépare les maisons du rempart, dont on aperçoit une notable portion circonscrivant la ville (2).

La courtine, de diverses hauteurs et diversement percée de créneaux et d'autres ouvertures, est interrompue de distance en distance par six tours carrées ou plutôt oblongues, munies de portes et de fenêtres et couvertes de toitures en tuiles en pavillons; plusieurs sont garnies de hourdages en bois. L'avant-dernière est beaucoup plus grande que les autres (3). Le rempart, cela va sans dire, est vu du coté de la ville. Tout le long de celui-ci, règne un chemin de ronde, sur lequel on aperçoit un grand nombre de promeneurs, hommes, femmes et enfants (4).

Voici une mesquine ou une nourrice avec son poupon entre ses bras, des hommes graves devisant ensemble, deux petits garçons bien élevés se promenant gentiment, la main dans la main, tandis qu'un papa tire par le bras son fils récalcitrant, et que des gamins se hissent sur les courtines pour voir ce qui se passe dans la campagne; une curieuse regarde à travers les planches du hourdage d'une tour, deux voisines caquettent, un philosophe se promène seul.

Au-delà du rempart s'étend la campagne : champs tirés au cordeau, vertes prairies, bouquets d'arbres, et, à quelque distance, un monastère aux vastes bâtiments entourés de murs, au milieu desquels s'élève une église gothique aux dimensions imposantes. Elle est inachevée ou en ruines, avec de hauts pans de murs percés de larges fenêtres privées de leurs meneaux; mais le dessin vaguement

(1) Échevin. du n mai 1490. Arch. de la ville d'Am., BB 16, fol. 77 v°. — Cette particularité peut faire supposer que cette partie de la clôture a été élevée plutôt avant qu'après la translation des restes de Ferry de Beauvoir à Amiens.

(2) C'est l'enceinte qui fut élevée à partir du XIVe siècle, appelée à l'origine forteresse des faubourgs, et qui, depuis la démolition de l'ancienne, sous Louis XI, était devenue la seule enceinte de la ville. Elle occupait l'emplacement des boulevards actuels.

(3) C'est bien une tour et non une porte, car elle n'interrompt pas le chemin de ronde : la porte dont elle est percée est tout simplement celle qui fait communiquer le chemin de ronde avec l'intérieur de la tour. C'est donc à tort, et par sa structure, et par sa situation, que MM. Duthoit ont pris cette tour pour la porte de Noyon.

(Le Vieil Amiens, 5e série, pl. I).

(4) De tout temps, les remparts, auxquels ont succédé les beaux boulevards actuels, ont été la promenade favorite des Amiénois, et c'était avec bien de la peine qu'en temps de guerre ou le dimanche pendant les offices, on parvenait à leur faire renoncer à cette distraction. 13 mars 1514: « Combien que, depuis deux ans ençà, ait esté deffendu de non hanter ne converser, sinon aux heures pour ce ordonnées, allentour des murs et fortresses de ladite ville, néantmoins mesd. seigneurs ont esté advertis que, ès jours de feste et de dimence grand nombre de menu popullaire de ladite ville, au lieu de servir Dieu, se tiennent sur lesdits murs, fortresses, bollevers et autres lieux allentour de ladite ville et illecq jouent aux jeuz de quilles, fossette et aultres jeux de sort », etc. Arch. de la ville d'Am., AA 12, fol. 120.

tracé, pour exprimer un lointain, n'est pas très clair. Le clocher semble aussi ne pas avoir sa hauteur normale et est couvert d'une toiture en ardoises, qui seule dépasse le reste de l'église; les autres bâtiments, aussi d'architecture gothique et assez curieux, sont couverts en tuiles. MM. Jourdain et Duval (i) en ont fait l'abbaye de Saint-Acheul, et après eux les frères Duthoit, dans le Vieil Amiens (2).

Mais cet édifice, ne répond en rien à ce que nous savons des anciens bâtiments de l'abbaye de Saint-Acheul (3), tandis qu'étant toujours admis que nous avons devant les yeux la partie de rempart comprise entre la porte de Beauvais et la Somme, il est tout naturel d'y voir l'abbaye de Saint-Jean, qui était située dans cette direction.

Détruite par les Navarrais lors du coup de main de 1358, l'abbaye de Saint-Jean ne fut reconstruite qu'en 1463 par l'abbé Jean le Vasseur (4). Les travaux de cette église, qui était entreprise avec un très grand luxe, allaient fort lentement et péniblement, faute de fonds. Jean de Bar, évêque de Beauvais, accorda en 1469 des indulgences à ceux qui y contribueraient par des aumônes (5). Dix ans plus tard, des religieux de l'abbaye, portant avec eux des reliques de saint Jean, allaient encore quêter dans le même but jusque dans le diocèse d'Auxerre, et obtenaient, à cet effet, un mandement des vicaires généraux de l'évêque de cette ville, enjoignant aux autorités ecclésiastiques de les recevoir honorablement (6), en même temps que les religieux de l'abbaye s'adressaient, vainement d'ailleurs, à l'échevinage d'Amiens, pour obtenir des matériaux des anciens remparts que l'on démolissait alors (7). Il n'est donc pas étonnant que, vers 1490, l'église de l'abbaye ait été dans l'état inachevé où nous la voyons, d'autant que les murs de clôture et le clocher avaient dû être abattus en 1470, lors du siège de la ville par le duc de Bourgogne (8). Le monastère est réuni à la ville par un chemin que suivent

(1) Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. IX, p, 187.

(2) Le Vieil Amiens, Se série, pl. 1.

(3) Voy. Roux, Hist. de l'abb. de S.-Acheul le" Amiens, p. 206.

(4) MAURICEDU PRÉ. Annales de l'abbaye de Saint-Jean d'Amiens, édit. Janvier et Bréard, p. 120. — 7 juin 1464 : « Noble et puissant seigneur Mons. Jehan d'Ally, vidame d'Amiens, seigneur de Picquigny recongnut comme les religieux, abbé et convent de l'église Saint-Jehan lez Amiens, de l'ordre de Prémonstré, qui sont de la fondation de ses prédécesseurs, aient entencion, au plaisir de Dieu, de rédiffier leur église, qui, longtemps a, fut destruite et abatue à l'ocasion des guerres, tant par l'aide dudit recongnoissant, comme d'aultres personnes, et, entre les aultres, de Jehan Roye, chauderonnier, bourgeois d'Amiens et Jehenne Brissette, sa femme, lesquels, meux de dévotion, ont desjà fait rédiffier une des chappelles de ladite église et le fait mettre en tel estat à leurs despens, que présentement l'on y célèbre messe et fait le service divin ». Fondât, de messes par ledit Roye et sa femme. Arch. de la Somme, abbaye de Saint-Jean, 96 carton, XXXII, H. — Voy. aussi un acte du 7 juin 1467, sur le même objet (Ibid., 6E carton, XXXI, H). — Il faut remarquer que Jean de Picquigny, un des auteurs de celui que nous voyons ici aider à la

reconstruction de l'église de l'abbaye par ses aumônes, fut le principal meneur de l'affaire de 1358, et l'abbé de Saint-J ean d'alors, un des principaux complices des Navarrais. (Voy. Froissart, chap. CCCXCVII et cccxcvml.

(5) Mandement de Jean de Bar, évêque de Beauvais, du 27 sept. 1469. « Monasterium venerabile premonstratense, a centum pluribusque annis prope et velut juxta muros predicte civitatis Ambianensis fundatum, laudabiliter et edifficiis speciosissimis constructum fuerit, quod et si per certa loci opera lapidea spectabile pulchra tamen devota que inibi habebanturecclesia longe amplius devotum extitit et solemne, verum malis per factum guerrarum supervenientibus retroactis, per nepharios ac hominum armatorum congressus, nedum ipsaecclesia ymo claustra, ac omnis habitatio religiosa antedicti monasterii igne consumpta aperte destructa (?) ac funditus corrosa, quod plurimum venit dolendum, usque in hodiernum diem palam demonstratur ». Arch. de la Somme, Abb. de St-Jean, IOe carton XLIV, O.

(6) Mandem. des vie. gén. de l'évêque d'Auxerre, du 17 octobre 1479. Arch. de la Somme, Abb. de St- Jean, 10E carton, LIX, O.

(7) Échevinage du 9 novembre 1479. Arch. de la ville d'Am., BB 13, fol. 113.

(8) MAURICE DU PRÉ, Ann. de l'Abb. de St-Jean, édit. Janvier et Bréard, p. 122. — DAIRE, Hist. de la

un cavalier et quatre piétons, et qui, venant vers le rempart, aboutit sans doute à la porte de la Hotoie. Dans le lointain, des maisons et des villages. Un de ceux-ci, dont le clocher émerge seul à travers les arbres, pourrait bien être Renancourt; vers la gauche, un groupe de maisons serait quelque chose comme le Petit-Saint-Jean, mais il faut convenir que la ressemblance n'est pas parfaite. Le paysage est d'ailleurs charmant et rend bien, du moins dans leur esprit sinon effectivement, les plaines à perte de vue de la Picardie.

Dans la clef de voûte de la niche, est un écu d'argent à deux bandes de gueules, écartelé d'or à trois maillets de gueules, posés 2 et 1, qui sont les armes de Ferry de Beauvoir.

2e groupe. — Prédication de saint Firmin.

j?u peupfc fcamicnts amicÇa (Haut que pfufeuve àeufy abrefcfja

iCa faitite fop etuiangeftqtic A tenir fa fop catfjofique.

Au milieu de la composition, et à l'arrière-plan s'élève une chaire à prêcher carrée, couverte d'un drap d'or diapré de bleu, du haut de laquelle parle saint Firmin (1). Autour de lui se pressent les Amiénois, plus nombreux encore que dans le groupe précédent, hommes, femmes, enfants, dont les visages reflètent les sentiments les plus divers. Les femmes paraissent manifester la plus grande admiration et la plus grande docilité. Elles sont toutes assises, occupant tout le milieu du groupe depuis la chaire jusqu'au premier plan. Là se prélasse une riche bourgeoise mise avec la dernière élégance : robe de drap d'or diapré de bleu, bordée par le bas d'un galon gemmé ; jupe très ample et retombant en plis multiples, tandis que le corsage épouse les formes du corps : il est décolleté en pointe sur un corset de dessous noir, galonné d'or. Sa riche coiffure se compose d'une coiffe plate de lingerie empesée, sur laquelle est posé un diadème, d'où part un petit voile carré et perlé. Une chaîne d'or fait le tour de sa taille. Elle joint les mains, la bouche entr'ouverte, les yeux au ciel, exprimant une profonde surprise (2). Un petit chien est blotti sous son escabeau. Une petite fille, à la chevelure d'un blond doré tombant en longues boucles sur ses épaules, est sagement assise à ses côtés, tournant le dos au spectateur. Sa voisine, qui porte un bourrelet orné d'un joyau, n'est pas moins attentive. D'autres femmes, moins pompeusement vêtues, écoutent presque toutes tournées vers le saint prédicateur.

L une d'elles manifeste son enthousiasme en levant les bras. Elles ont pour la plupart sur la tête de courts voiles noirs posés sur des coiffes de lingerie empesées; une seule a une sorte de petit bonnet d'or quadrillé de rouge. Les jeunes filles se distinguent par leurs têtes nues et leurs longues chevelures, tandis que les femmes mariées ont toutes des couvre-chef qui leur cachent entièrement

ville d'Ain., t. II, p. 239. - En 1472, le maréchal de Lohéac avait proposé la démolition de l'abbaye de Saint-J ean « pour ce que les Bourgueignons s'y porroient venir logier », ce à quoi les habitants d'Amiens s étaient refusés. Échevin. du 17 juillet 1472. Arch. de de la ville d'Ara., BB 11, fol. 80 vO. — La reconstruction de l'église fut reprise péniblement en 1479 par l'abbé

Jacques Le Foulon (MAURICE DU PRÉ, op. cit.. p. 131).

Ce ne fut que sous Nicolas Lagrené, abbé de Saint-Jean depuis 1513, que l'église de l'abbaye fut définitivement élevée « d'une architecture admirable et magnifique N (op. cit.. p. 140).

(1) Entièrement refait

(2) Le bras gauche refait.

les cheveux. A droite et à gauche, les hommes rangés debout, forment cercle autour du groupe des femmes. MM. Jourdain et Duval observent que tous les hommes ont la tête couverte, ainsi qu'il était d'usage de le faire au moyen âge, pendant le sermon. Au premier plan, à gauche du spectateur, deux hommes regardent vers le prédicateur, se faisant part de leurs impressions; l'un est couvert d'une houppelande d'or diaprée de rouge (i). De l'autre côté, deux importants, l'un vêtu d'un saie à large bande de fourrure, aux manches fendues par derrière, l'autre habillé de drap d'or diapré de bleu, semblent discuter avec animation.

Sont-ce les deux incrédules de tout à l'heure (2)? Les autres hommes, jeunes et vieux, dont il serait trop long de décrire les types si variés, semblent écouter avec attention.

Fond. — Le quartier de la ville représenté dans le fond paraît faire suite au premier. Saint Firmin prêchant partage le sujet en deux. A sa droite, à travers les toits des maisons, on aperçoit, tout à fait sur le côté, une église au chevet plat, sous une seule toiture d'ardoises, accompagnée d'une flèche aigÜe, aussi en ardoises. C'est vraisemblablement Saint-Firmin-à-la-Porte, que nous savons en effet n'avoir eu qu'une seule toiture pour ses trois nefs (3). Sa situation par rapport au Beffroi que nous allons voir, justifie cette identification, plutôt que celle de Saint-Firmin-en-Castillon proposée par MM. Jourdain et Duval (4) et par MM. Duthoit (5). Un peu plus vers le milieu, une énorme flèche carrée, aussi en ardoises, ornée de nombreuses lucarnes et de girouettes, sortant d'un massif carré en maçonnerie, crénelé, avec de petites poivrières dans les angles, ne peut être que le Beffroi, et répond parfaitement à ce que nous savons de celui-ci (6). Au-delà, la continuation du rempart : une courtine, une tour carrée et fermée à la gorge par une clôture à pans de bois, puis une autre courtine, puis enfin une porte. Vue naturellement du côté de la ville, cette porte se compose d'une grosse tour carrée, tout en pierres, couverte d'une toiture en tuiles, et se prolongeant beaucoup plus bas que le chemin de ronde qu'elle interrompt, c'est-à-dire jusqu'au sol des rues de la ville. Elle est percée d'une grande baie cintrée, dont les maisons du premier plan ne permettent d'apercevoir que le cintre, au-dessus duquel, dans une niche, est une statuette. Au-dessus du toit s'élève un minuscule campanile en charpente (7). C'est bien comme MM. Duthoit (8) l'ont pensé, la porte de la Hotoie (9). A partir de là, le rempart est masqué par la figure de saint Firmin prêchant, mais on sent fort bien qu'il revient brusquement, faisant un angle sortant très prononcé, puis, au moment où il reparaît à la gauche du saint, il se retourne non moins brusquement,

(1) La tête et les mains refaites. Du second, il ne restait que les pieds, il a donc été entièrement refait, mais d'une façon assez peu heureuse, à notre avis. Il détonne sur tous les autres personnages de cette partie de la clôture.

(2) Les têtes refaites.

(3) Monum. anc. et mod. de la ville d'Ain.

(4) Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., t. IX, 1848, in-Xo, p. 188.

(5) Le Vieil Amiens, 5e série, n° 2.

(6) A comparer avec le dessin du même monument dans le tableau du Puy de la Vierge au Palmier, (présent de Nicolas Lecaron, 1520) à l'évêché d'Amiens.

(7) La plupart des portes de la ville d'Amiens étaient munies de clochettes pour avertir de ce qui se passait dans la campagne dans leur rayon. Elles avaient été établies en 1412. (Arch. de la ville d'Am., BB 2, fol. 23 v°) ; en 1492, on en fit encore placer aux portes qui n'en avaient pas.

(Ibid., BB 16, fol. 210 v°). Il en est du reste souvent question dans les registres de la ville. Nous en rencontrerons encore d'autres exemples, et particulièrement dans les stalles.

(8) Le Vieil Amiens, 5e série, n° 1.

(9) Voir les anciens plans d'Amiens, notamment celui de 1542 aux Archives de la Somme.

faisant un angle rentrant, dans lequel s'élève une tour cylindrique toute différente des autres, beaucoup plus haute, moins grosse, couronnée de créneaux et de mâchicoulis et surmontée d'une toiture conique en ardoises. C'est évidemment la tour Saint-Nicolas qui, placée à l'extrémité du pont Saint-Michel, sur la rive gauche de la Somme, servait à la fois de guette et de phare à l'entrée du quai.

Elle existait encore au XVIIIe siècle. C'est donc, bien clairement exprimé, l'angle sortant formé par le rempart d'Amiens à la tour du Vidame, puis l'angle rentrant de ce même rempart au pont Saint-Michel. A côté de la tour Saint-Nicolas, on aperçoit deux espèces de petits mamelons ou coupoles en maçonnerie, très bas, que MM. Duthoit (i) ont mal interprétés dans leur dessin et pris, à tort, selon nous, pour les deux tours qui accompagnaient le pont Saint-Michel. Deux grosses tours carrées sans toitures, séparées par une courtine, terminent le rempart de ce coté. La campagne extérieure, agrémentée de bouquets d'arbres, répond bien au quartier de la ville que nous venons de décrire : de l'angle rentrant formé par le pont Saint-Michel, sort un cours d'eau, qui ne peut-être que la Somme, et qui serpente à travers la campagne. A une certaine distance, sur la rive droite du fleuve, un village avec son église à clocher carré, le tout couvert en tuiles, est évidemment Saint-Maurice (2), et, à l'arrière-plan, toujours les plaines à perte de vue de la Picardie.

Sur l'écu qui orne la clef de voûte de la niche, sont peintes les armes d'Adrien de Hénencourt.

3e groupe. — Baptême des Amiénois.

f, atictinicit fa no6fc attire Ibaptifa auec ttoie foie mitre

jfeme agrippin famiffe en fanG pour ung jour fa fop côfeffâê (3).

C'est la cuve baptismale qui occupe la place d'honneur : elle est placée à l'arrière-plan de la partie sculptée, à peu près au milieu. Posée sur une estrade à plusieurs degrés, elle est très vaste, de forme carrée, ornée à sa base d'une arcature, et, au-dessus, en encorbellement, d'une frise sculptée à trois médaillons circulaires, dans chacun desquels est un personnage en buste, traité en très bas relief. Celui du milieu porte une longue barbe, d'amples vêtements, une toque munie d'un voile, et tient un rouleau à la main; les deux autres sont imberbes, l'un encapuchonné dans le chaperon, l'autre, coiffé d'un bonnet carré. La « noble Attille » entièrement nue, est plongée à mi-corps dans la cuve, les mains jointes (4), tandis que saint Firmin lui verse l'eau sur la tête (5). Deux suivantes, ou plutôt deux compagnes, car elles sont fort élégamment vêtues : robes collantes profondément

(1) Le Vieil Amiens, 5e série, n° 2.

(2) Loc. cit.

(3) « Domum ipsius (Faustiniani senatoris) ad baptismi gratiam advocavit, ipsumque Faustinianum catechumenum fecit; domumque Ausentii Hylarii cum ipso Ausentio baptisavit ; Attilliam, Agrippini quondam clarissimam conjugem, cum liberis, famulis et famulabus eodem die baptizavit : conversique sunt in illis tribus continuis diebus per beatum Firminum episcopum tria

fere millia utriusqu-e sexus. Prasdictum vero Faustinianum catechumenum ad perfectionem gloriae baptismatis, cum magno gaudio Christianorum perduxit ». Vita sancti Firmini, ex duobus mss., etc., dans Acta S. S. Boll., 25 sept.

(4) La tête refaite.

(5) Tout le haut du corps a été refait, y compris la main droite qui verse l'eau. On se demande si ce geste est bien exact.

décolletées en pointes et coiffes d'or, tiennent ses vêtements, pour la rhabiller dès qu'elle sortira de la cuve. Il faut remarquer parmi ces vêtements la richesse de la coiffe qui est toute d'or, quadrillée de perles, et qui ressemble singulièrement à celle de la riche bourgeoise qui, dans le sujet précédent, écoutait si attentivement l'apôtre. Nombreuse est l'assistance qui s'apprête à recevoir le baptême : vingt-cinq personnes, sans compter Attille et ses deux compagnes. Plusieurs se déshabillent déjà : celui-ci se fait ôter par un varlet sa magnifique houppelande doublée d'hermine; c'est un personnage important, un sénateur, sans doute; sous sa houppelande à demi défaite, on aperçoit ses chausses collantes rouges, une espèce de justaucorps à courte jupe, sans manches et laissant sortir les manches d'un habit de dessous de drap d'or diapré de bleu; une énorme bourse pend à sa ceinture. Son varlet, presque un enfant, est non moins élégant : chausses collantes rayées de vert et de blanc, sans chaussures, justaucorps à manches courtes, laissant passer les manches longues et étroites d'un habit de dessous; à sa ceinture pend une jupe droite tombant un peu plus haut que la cheville, fendue du côté gauche, la fente retenue par un affiquet, le tout bizarrement bariolé (i). Un autre se déshabille tout seul : il a déjà, laissant voir ses jambes nues, ôté ses souliers en bec de cane et ses chausses qui gisent à côté de lui; elles sont munies d'ouvertures pour laisser passer le bout des pieds et d'aiguillettes pour les attacher au pourpoint.

Il commence à se dépouiller de son habit de dessus (2). Son voisin, qui semble s'entretenir avec lui, tourne le dos au public : il est enveloppé dans une longue houppelande traînant à terre, plissée par derrière en tuyaux d'orgue, les ouvertures des poches garnies de vair, et les manches largement fendues (3). Un troisième personnage, aux chausses flottantes et au manteau jeté bizarrement sur les épaules à la façon du manteau espagnol, se tient derrière eux (4), tandis qu'un jeune homme blond, imberbe et tête nue, délace son pourpoint. Une riche bourgeoise à la robe de damas rouge, et au corset de drap d'or diapré de bleu et doublé d'hermine, la tête couverte d'un voile blanc (5), amène par la main une petite fille dont la longue chevelure blonde flotte en boucles d'or sur ses épaules (6). Une autre dame, d'une mise plus sévère, avec sa robe de drap d'or sur laquelle est jeté un long voile noir, joint dévotement les mains (7). Les autres personnages, à l'arrière-plan, hommes et femmes, presque tous intacts, sont rangés en demi-cercle autour de la cuve baptismale, avec des attitudes et des expressions de visages analogues aux sentiments divers dont ils sont animés.

Fond. — La peinture qui fait le fond de ce troisième groupe continue le panorama de la ville d'Amiens. Comme la chaire de saint Firmin partageait en deux le précédent, ici, c'est la cuve baptismale. En avant, à la gauche du spectateur, des maisons en pans de bois, comme dans les sujets précédents, les unes couvertes en tuiles, les autres en ardoises, puis le rempart. Il est assez

(1) La tête refaite. On lui a fait une coiffure qui ressemble à celle des valets dans nos jeux de cartes modernes.

(2) La tête refaite.

(3) La tête refaite. On l'a coiffée d'une espèce de béret garni de gemmes qui n'a été en usage à aucune époque.

(4) La tête refaite.

(5) Le haut du crâne, l'avant-bras gauche et le bras droit refaits.

(6) La tête refaite.

(7) Le haut de la tête depuis la bouche, et les mains refaits.

irrégulier et comme démoli par endroits : courtines, tours de diverses formes, poternes, etc. ; quelques promeneurs se voient encore sur le chemin de ronde. A droite, sont des maisons du milieu desquelles s'élève une haute flèche carrée, couverte en ardoises, surmontée d'une croix et flanquée aux quatre angles de clochetons de même Il est assez vraisemblable, comme l'ont supposé MM. Duthoit (i), que ce soit Saint-Sulpice. Puis, sur la ligne des remparts, s'élève une monumentale porte de ville, très richement décorée et d'une structure tout à fait singulière, assez peu claire même : baie en plein cintre, tours cylindriques, toitures d'ardoises, crêtes dorées, le tout formant un fouillis indescriptible. Ce serait, comme l'ont supposé, non sans vraisemblance, MM. Duthoit (2), la porte Montrécu. On sait en effet que cette porte était extrêmement ornementée. L'église couverte en ardoises, avec clocher carré couvert de même, et que l'on aperçoit en dehors de cette porte, ne peut être que Saint-Pierre. Au-delà du rempart s'étend la campagne, s'élevant légèrement comme un vaste plateau, au milieu duquel surgit un moulin à vent.

C'est à ne pas s'y tromper le plateau qui s'étend au nord d'Amiens vers Flesselles.

Au commencement du xixe siècle, il y avait encore des moulins à vent sur ce plateau, le long de la route de Doullens.

A la clef de voûte de la niche est peint le même écu qu'à la première niche.

4e groupe. — Arrestation et décollation de saint Firmin.

Congufue et 3eBaftien Ce faint mactir par fanf> moyen due fe pœupCe en eut congnoifface Jfivet be nuit fouô? feur pniffance

Oee ybotattee a finftance emprifontrèt. <8t puie fa6 ce 3ecvetement contre vaifon fâvecÇiev jo cfjief en fa pvifon (3).

Deux sujets différents sont donc représentés : l'arrestation du saint, et sa décollation. Ce dernier ne prend qu'une faible partie de la niche, et se prolonge sur une colonne extérieure, pour faire pendant, d'une façon très heureuse, au portrait du doyen de Hénencourt et à la porte de Beauvais, qui accompagnent de la même manière le premier sujet.

Arrestation de saint Firmin. — A la gauche du spectateur et au premier plan, devant l'édifice qui, dans la peinture du fond occupe près de la moitié de la composition, est un siège à deux places monté sur une estrade à plusieurs

(1) Le Vieil Amiens, 5e série, n° 3.

(2) Loc. cit.

(3) « Audientes itaque Longulus et Sebastianus praesides quae per beatum Firminum episcopum in illo tempore gerebantur, venerunt ab urbe Treviris, ingressique civitatem Ambianensium, ante tribunal présidentes, data jussione, prseceperunt utuniversi tertia die convenirent ad praetorium Cimilianum. Ad quem Auxilius, curialis et venerabilis templorum Jovis et Mercurii sacerdos, respondens dixit : Est hic unus Christianorum pontifex, qui non solum Ambianensem urbem a deorum cultura et religione subvertit, sed pene universum orbem, imperiique Romani integritatem, ab

immortalium deorum cultu separare videtur. Audiens ergo pretiosus martyr Christi Firminus, quia rei causa agebatur, altera die procedens, accessit ad praetorium, et constanter ante tribunal in conspectu principum stetit, et Deum omnipotentem Jesum Christum Nazarenum docuit adorandum Sebastianus metuebat eum ad tormenta tradere, ne per eum tumultus inveniretur in populo. Prascepit itaque eum Sebastianus militibus suis apprehendere, et custodibus carceris commendare ; clam que eum in carcerein noctis silentio capite truncari p.

Vita sancti Firmini ex duobus mss., etc., dans Acta S. S. Boll., 25 sept.

marches. Un des bras de ce siège, le seul visible, est orné d'un petit bas-relief simulé par la peinture et représentant un combat de gladiateurs. Sur le dossier est jeté un dorsal d'une étoffe vert d'eau, avec semis de petits fleurons jaunes.

Longulus et Sebastien sont assis sur ce siège. L'un d'eux, à la face sévère et méchante, au nez busqué, la barbe s'étalant en longues boucles sur la poitrine, et les cheveux tombant sur les épaules, est coiffé d'un bonnet fort riche, orné d'un joyau; sa robe de dessus est de drap d'or diapré de rouge et ornée de galons perlés; de longues manches fendues en étoffe mouchetée à reflets d'or s'en échappent, laissant voir les manches longues et étroites d'un pourpoint en drap d'or uni. Un large col d'hermine attaché par un joyau et orné à ses pointes de glands d'or couvre ses épaules. Il tient un bâton et interroge du regard son collègue qui tient un rotulus (i). Au premier plan, saint' Firmin, les mains croisées (2), est appréhendé au col par deux soldats (3), tandis qu'un personnage civil en longue robe d'or moucheté (4), le tirant par sa chape, fait mine de le leur disputer, et qu'un autre s'éloigne en montrant le saint de la main droite. Il est en chausses collantes noires et sandales, et en riche saie de drap d'or à la bordure brodée en relief, doublé d'hermine, aux manches pendantes, et il porte la main gauche à sa bourse pendue à sa ceinture (5). Par derrière, un soldat porte un falot (6).

Au pied du prétoire, deux accusateurs (7) très richement vêtus se tiennent debout, le premier, le visage rasé, tête nue, lève les yeux vers les magistrats, en avançant le menton et la mâchoire inférieure d'un air féroce et haineux (8). Le second a été presque entièrement refait. Dans le fond, et à la gauche des juges, six personnages, des chrétiens sans doute, semblent les implorer en faveur du martyr, levant les mains et les yeux, avec des expressions de visages d'une grande vérité. Ils sont tous intacts. Notons tout particulièrement celui qui est le plus rapproché du premier plan, à côté du soldat qui tient le falot, et celui qui est immédiatement derrière lui.

Décollation de saint Firmin. — Tout le côté droit de la niche est occupé par sept soldats qui semblent garder la prison où le saint est enfermé et séparer le présent sujet de celui qui précède. Tous, y compris ceux qui arrêtent saint Firmin dans le groupe précédent, sont vêtus d'armures de plates : cottes de mailles, cuirasses à tassettes, dont quelques-unes sont ornées aux épaules de têtes de lions d'où des plumes pendent le long du bras, plates aux jambes ou seulement aux genoux, houseaux, casques fort bas, et emboitant la tête, sortes de bassinets, dont quelques-uns sont garnis d'oreillettes circulaires. Il faut remarquer parmi ceux-ci un petit vieux édenté,' dont les yeux vifs brillent sinistrement à travers sa figure ratatinée (9).

A l'extérieur, sur la colonne dont le chapiteau, très fortement évasé, est orné d'un écu aux armes du doyen, tenu par un ange, s'élève la prison, grosse tour carrée, percée d'une porte cintrée et de deux fenêtres grillées, l'une ronde

(1) La tête et la main gauche ont été refaites.

(2) La tête refaite.

(3) Leurs têtes refaites.

(4) La tête refaite.

(5) Id.

(6) Le falot refait.

(7) La Vita Sancti Firmini, ne parle que d'un seul,

le curialis Auxilius, prêtre des temples de Jupiter et de Mercure.

(8) Les mains refaites.

(9) Les trois premiers ont leurs têtes refaites. — Ces costumes de soldats ont de grandes ressemblances avec ceux que l'on voit dans les panneaux de la châsse de sainte Ursule, par Memling, à Bruges.

l'autre carrée, auxquelles se pressent des curieux. Celle-ci est accompagnée d'une autre tour cylindriaue — pour laquelle on a utilisé le fût de la colonne engagée du pilier auquel le sujet est adossé — ouverte de deux meurtrières, le tout couronné de créneaux et de mâchicoulis. A la porte de la prison, saint Firmin, toujours en chape et en mitre, comme précédemment, est à genoux, les mains jointes, prêt au supplice (i), tandis qu'un bourreau brandit une épée au-dessus de sa tête (2); un caniche noir le suit. Sur le fût de la colonne, une banderole blanche porte en caractères gothiques noirs la seconde partie de la devise du doyen de Hénenco.urt : Tïocxùt bifferre parati6.

Fond. — Le quartier de la ville d'Amiens peint sur le fond de cette quatrième niche n'est pas le moins intéressant. Cette fois, nous sommes aux environs de la cathédrale. Celle-ci est représentée d'une façon tellement fidèle, qu'elle donne confiance dans la manière dont tous les autres monuments de la ville ont été reproduits. Nous en voyons ici la façade occidentale, telle qu'elle était à la fin du xve siècle. C'est un document infiniment précieux pour en connaître l'état ancien (fig. 61). Elle n'est visible que depuis la grande rose inclusivement, toute la partie inférieure étant cachée par les maisons à pignons, les unes en bois, les autres en pierre, qui sont en avant (3). A l'étage de la grande rose, on aperçoit contre les contreforts les extrémités des petits gables qui surmontent les parties de la galerie des Rois passant par devant ceux-ci; chaque tour est percée de deux baies qui paraissent vitrées. La rose semble déjà munie d'un remplage flamboyant, mais qui n'est pas très compréhensible et qui ne ressemble nullement au remplage actuel, notamment dans le centre, qui est occupé par une petite rose à quatre lobes. Il est possible que ce soit l'ancien remplage, mais interprété par un peintre qui « voyait flamboyant ». Dans les deux écoinçons supérieurs de la rose, sont bien les deux trèfles qui s'y trouvent encore. Puis vient la corniche sculptée garnie d'une balustrade à jour qui passe devant les tours : à la tour du sud, elle garnit aussi les contreforts, à celle du nord, elle est interrompue par eux. A l'étage supérieur, les statues se voient comme aujourd'hui contre les contreforts, et contre les parties pleines des ouïes de la tour nord. La différence de hauteur entre les deux tours est parfaitement marquée; la tour du nord munie de sa balustrade supérieure et des deux pavillons de ses escaliers, celle du sud,

(1) La tête refaite.

(2) Entièrement refait. Il n'en restait que les pieds. On a beaucoup blâmé le geste donné par le restaurateur à ce personnage. Le rapport de la visite faite à la cathédrale par la Société française d'archéologie le 10 juillet 1839, (Bull. monumt. V, p. 325) formule déjà une critique qui fut plus tard développée par Goze, dans une lettre qu'il écrivit au Comité historique des arts et monuments en décembre 1847. * Le bourreau refait à neuf, dit-il, brandissait un énorme sabre de bois qu'on a volé récemment. Dans la position gênée où il se trouve, à cause de l'espace étroit, il semble devoir abattre la tour de la prison, avant d'arriver au chef du saint. Il a de plus le malheur d'avoir une jambe plus courte que l'autre. Un serviteur de l'église qui a connu ces groupes avant leur

mutilation, affirme, et son témoignage est digne de foi, que ce bourreau dégainait son glaive, ce qui est un mouvement plus noble et plus convenable pour la place qu'il occupe ». (Bibl. d'Am., ms. 818, Cathédrale). —

Voy. aussi JOURDAIN ET DUVAL, Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. IX, in-8°, p. 240.

(3) On peut contrôler ce dessin de la cathédrale, par celui, un peu postérieur en date mais peut-être un peu moins fidèle, qui est peint sur le tableau de la Vierge au Palmier, donné par Nicolas Lecaron, maître du Puy en 1520, et conservé actuellement à l'évêché d'Amiens.

Sur ce tableau, la cathédrale est représentée vue sur la façade occidentale, avec la face latérale sud en perspective (fig. 62).

dépourvue des uns et des autres, enfin, la galerie entre les deux tours est parfaitement reconnaissable, telle qu'elle était avant Viollet-le-Duc; chacun des cinq arcs de l'arcature inférieure de cette galerie abrite une statue. Enfin, renseignement très précieux, entre les deux tours s'élève le clocher central du carré du transept, tel qu'il existait avant l'incendie de i528. Sur le flanc nord de la cathédrale, on aperçoit une portion d'un petit édifice religieux, couvert d'ardoises, percé d'une fenêtre flamboyante et couronné par une balustrade du même style. Sa position — il touche entièrement à la cathédrale — et son style ne permettent guère d'en faire Saint-Firmin-le-Confesseur; ce serait plutôt quelque bâtiment de l'évêché, ou bien l'ancienne chapelle du Chef de saint Jean-Baptiste, mais cela n'est pas certain.

A quelque distance de la cathédrale, vers le sud, voici les deux tours de la collégiale Saint-Nicolas, parfaitement reconnaissables et conformes à la gravure qui en est donnée par le P. Daire (i), et à toutes les anciennes vues d'Amiens. Elles sont percées sur chacune de leurs faces de deux longues ouïes, couvertes de toitures en bâtière en ardoises, et flanquent un pignon couvert de même. A côté, s'élève l'ancienne église de l'abbaye de Saint-Martin-aux-Jumeaux, en forme de croix latine, à toiture d'ardoises, avec son élégant clocher de bois recouvert de plomb en forme de flèche découpée, sur la croisée, telle que nous la voyons aussi sur tous les anciens dessins de la ville d'Amiens, et notamment sur un dessin à l'encre de Chine, paraissant assez exact, exécuté en 1725 (2).

Par derrière, court toujours le rempart, vu du côté de la ville, ici sans créneaux et flanqué de trois tours carrées, couvertes en tuiles, avec son chemin de ronde, mais sur lequel les promeneurs font défaut. Au-delà de ce rempart, s'étend la campagne. Tout près de la ville, vers le sud, s'élève une colline, dont le sommet est planté d'arbres, et au nord, tout à fait dans le lointain, plusieurs villages.

Presque jusqu 'au milieu, tout le fond du côté gauche du spectateur est occupé par une portion d'un monument, beaucoup plus rapproché que tous les autres, et devant lequel la scène est censée se dérouler. Son angle à la droite du spectateur est muni d'un contrefort orné d'une statue d'homme, tête nue, vêtu d'une armure de plates, tenant une longue lance et s'appuyant sur un écu; elle est portée par un cul-de-lampe et abritée par un riche dais sculpté surmonté d'un haut pinacle; plus loin est une fenêtre en cintre brisé, munie d'un remplage fort simple et vitrée à losanges. Vis-à-vis, est une autre statue représentant un homme en costume civil, coiffé d'un chapeau et déroulant une banderole. Le bâtiment, coupé par la voûte de la niche, est censé se continuer par en haut et vers la gauche du spectateur. Serait-ce le prétoire que l'artiste aurait voulu ainsi figurer?

Je ne vois en effet aucun monument connu de l'ancien Amiens auquel il pourrait répondre.

Dans la clef de voûte de la niche est un écu aux armes de Mailly-Conty.

B. Soubassement. — A l'exception de la statue funéraire de l'évêque Ferry

(1) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 196.

(2) Dessin exécuté un peu avant la démolition de l'église et la construction de celle que les Célestins

firent élever à sa place. Bibl. d'Am., ms. 523. — Voy.

DUTIIOIT, le Vieil Amiens, 5e série, n° 12.

de Beauvoir, toute la décoration du soubassement de cette première partie de la clôture est de plate peinture. Dans le milieu est figuré un sarcophage quadrangulaire d'une très faible saillie, garni d'un drap mortuaire d'or diapré de bleu d'un dessin fort beau et fort riche, sur lequel est appliquée une grande croix blanche unie. A l'intersection des croisillons, est un médaillon circulaire à fond d'or où est figuré l'Agneau triomphant, debout, la tête entourée d'un nimbe crucifère; de sa patte droite de devant il tient une hampe surmontée d'une croix avec banderole blanche marquée d'une croix rouge. Aux angles du drap sont peints quatre médaillons semblables, encadrant les animaux symboliques des Évangélistes nimbés et accompagnés de banderoles blanches, où leurs noms sont écrits en caractères gothiques noirs, avec capitales rouges.

1. L'homme. Il est agenouillé, en aube de couleur perse, ailes bleu de mer, imberbe, et porte une longue chevelure. Très jolie figure. Sur la banderole, on lit : j). maijieu.

2. Le bœuf. Il est de couleur fauve et assez mal dessiné; ailes bleu de mer.

Sur la banderole : j). fuc.

3. Le lion. De même couleur, il est ailé de même. Assez mal dessiné, lui aussi, mais non sans caractère ni sans grande vivacité dans le regard. Sur la banderole : j). marc.

4. L'aigle. Il est aussi de la même couleur fauve, les ailes éployées, vu de profil. Sur la banderole : J). jeÇan.

Au-dessus de ce sarcophage, dont la partie supérieure moulurée est peinte en rouge brique, s'ouvre une longue niche surbaissée, servant d'abri à la statue funéraire de l'évêque. Celle-ci est de grandeur naturelle (1). Ferry de Beauvoir est représenté gisant, les pieds appuyés sur un lion, la tête sur un coussin de drap d'or couvert d'une housse bleue à glands d'or, dont les deux faces sont réunies par un réseau. Il porte les sandales blanches, l'aube de même couleur, une dalmatique bleue, l'amict paré de drap d'or diapré, les gants blancs avec une broderie sur le revers de la main, un seul anneau au médius de la main droite, une chape de drap d'or diapré de rouge, aux orfrois brodés de niches d'architecture flamboyante, abritant des figures d'apôtres en pied, parmi lesquels on reconnaît sans peine saint Jean tenant un calice, saint Pierre tonsuré, la barbe et les cheveux crépus et grisonnants, tenant une (ou deux) clefs, saint Paul, barbe en pointe et cheveux noirs, s'appuyant sur une longue épée nue, la pointe en bas, saint Thomas avec une équerre, saint Jacques le Mineur avec un bâton à foulon, saint Mathieu avec une lance. Cette chape est attachée par un très riche fermail en forme de quatrefeuilles, au centre duquel, dans un médaillon circulaire, sont figurés trois maillets posés 2 et 1. Il est coiffé de la clémentine, sur laquelle est posée une mitre de la plus extrême richesse, ornée de broderies en relief, perlées et gemmées et de crochets d'orfèvrerie le long des cornes; les fanons terminés chacun par trois glands sont ramenés en avant. Les mains jointes retiennent la crosse dont la volute et le nœud, qui sont d'architecture, sont seuls dorés; la hampe est de bois noir. A la crosse est attachée le sudarium. C'est une admirable statue funéraire : la figure est très remarquable. A cause du temps qui a dû s'écouler entre la mort du prélat et son exécution, on n'oserait dire que ce soit un portrait; quoi qu'il

(1) Longueur imQ5, y compris la mitre.

en soit, elle porte un caractère individuel évident : la bouche entrouverte, les yeux ouverts aussi, les rides de la vieillesse, la peau détendue, sont rendus avec un art consommé et une grande vérité (i).

L'intérieur de la niche est orné de peintures : le ciel est bleu, étoilé d'or; sur les côtés, deux pleurants en prières sont encapuchonnés dans d'amples vêtements noirs, les mains jointes, l'un d'eux a devant lui un livre ouvert (2).

Toute la paroi du fond (pl. LV) est occupée par les figures des douze apôtres vus à mi-corps, nimbés d'or, tenant chacun un attribut et une banderole blanche sur laquelle est écrit en caractères gothiques noirs un article du symbole. Suivant une habitude assez fréquente dans les anciennes représentations du collège apostolique, ils semblent s'entretenir deux par deux. Saint Paul n'y figure pas.

Admirable peinture, justement célèbre, et qui dénote un très grand talent. On ne saurait exprimer la finesse de touche avec laquelle sont tracées toutes ces figures, la variété des types et des expressions, la richesse de la palette, en même temps que l'harmonie du coloris. Le dessin est irréprochable, le modelé parfait, les mains excellentes; les gestes vrais, les attitudes pleines de vie et de naturel, sans sortir du calme nécessaire à toute peinture monumentale, les draperies souples et aisées (3).

1. — SAINT PIERRE. — Vieillard à la chevelure et à la barbe grises et crépues, avec une légère calvitie. Il tient une énorme clef de la main gauche, levant l'index de la droite, les yeux au ciel. Sur sa banderole :

tCrebo in beum patrem omnipotentem cveatovem ceCi et terre.

2. — SAINT ANDRÉ. — Longue chevelure et longue barbe en pointe, de couleur blonde, il tient une grande croix en X. Il semble écouter avec respect ce que lui dit saint Pierre.

et t iÇm ypm fifiu eru6 unicu bnm noftvu.

3. — SAINT JACQUES LE MAJEUR. — Il porte une espèce de tunique bleue, sans manches, courte barbe et cheveux blonds. De sa main droite, il tient un bourdon et une sacoche ornée d'une coquille, son chapeau pend derrière son dos retenu par deux cordons rouges à un seul gland, noués ensemble.

Qui conceptiw eft be fptritu fco, natue qp maria virgine.

4. — SAINT JEAN. — Belle et vivante figure jeune, imberbe, à la longue chevelure bouclée, dont le bel arrangement contraste avec le négligé de celles de la plupart des autres apôtres : vêtu d'une tunique vert clair et d'un manteau blanc attaché

(1) Les mains, la mitre, des parties de l'orfroi de la chape et le lion qui est aux pieds ont été refaits.

(2) Ils sont malheureusement assez effacés et peu visibles.

(3) Elles ont été restaurées par Lebel en 1847, mais avec une sobriété et une réserve qui ont valu à

celui-ci les éloges de la commission de la Société des Antiquaires de Picardie chargée de la surveillance des travaux. Voy. le rapport de ladite commission, du 8 décembre 1847, dans le Bull. de la Soc. des Ant. de Pict. III, p. 200.

par un bouton d'or, il pose sa main droite sur sa poitrine, tenant de l'autre un calice d'or d'où sort un dragon ailé.

paffue fu6 poncio pifato, crucift^u^, mortuue et fepuffue.

5. — SAINT THOMAS. — Il n'a qu'une simple tunique pourpre clair, la barbe naissante et les cheveux roux, type très étrange; les mains ramenées vers la poitrine, il tient une équerre.

Oefcenbit ab lferna terda bie, f~tf~t (sic) a mor[tuis].

6. — SAINT JACQUES LE MINEUR. — Très remarquable tête de vieillard, un peu chauve, à la barbe et aux cheveux blancs, le dos voûté et couvert d'un ample manteau. Vu de profil, il tient le bâton à foulon dont il fut martyrisé.

Rfcenbit ab cefo6 febet ab beytetam patrie oipotentie.

7- — SAINT PHILIPPE. — Le front haut, les cheveux plats et la barbe courte, de couleur châtain, il tient une croix processionnelle, à longue hampe.

Jinbe ventimw [est] inbicare vivoe et mottuoe.

8. — SAINT BARTHÉLÉMY. — Le visage rasé, longs cheveux bouclés d'un brun roux, figure assez vulgaire, mais très délicatement traitée. Il est muni du coutelas, son attribut le plus habituel, marquant qu'il a été écorché vif.

Crcbo in fpm fcm.

9. — SAINT MATHIEU. — Physionomie très singulière, aux cheveux crépus et très blonds, la barbe plus claire encore, assez jeune. Il est vêtu d'une espèce de surcot vert, sans manches et d'un chaperon à pèlerine bleu ardoise, dont le capuchon est relevé. Il tient la lance qui lui est donnée très souvent comme attribut, pour marquer qu'il fut massacré par les soldats du roi d'Ethiopie.

j)cam eccfam catqofica.

10. — SAINT JUDE. — Vieillard au nez plat et écrasé, l'air austère, barbe et cheveux d'un blond grisonnant. Un voile rouge sur la tête, il tient une hallebarde.

J>coc comunione vemiflione peccatov.

ii. — SAINT SIMON. - Visage rond et bien rempli, entièrement rasé, les cheveux courts, il s'appuie sur le manche d'une longue scie.

Carme refurrectioni.

12. — SAINT MATHIAS. — Tête longue et fine, barbiche et cheveux châtains, manteau vert attaché sur le devant par un bouton. Il lève la main comme s'il expliquait quelque chose à son voisin, s'appuyant de l'autre sur une longue épée nue, la pointe en bas.

vita eterna. amen.

Nous n'avons pas à insister sur les attributs de ces apôtres, lesquels sont parfaitement connus, non plus que sur les articles du symbole attribués à chacun d'eux. Ceux-ci ont beaucoup varié (i).

L'épitaphe du défunt attribuée par De Court au chanoine Pierre Burry (2), était gravée sur une table de cuivre devant sa tombe. De Court en a donné le texte le plus correct et le plus complet (3) :

» Hic pastor rexi Ferricus, bis datus urnae )> Monsteroli primum, rursus et Ambianis, » Quo me propositus idemque nepos Adrianus » Vexit et ornavit martyris historia.

» Exorate, meus quondam grex Ambianensis, » Prosit ut hoc celebri me jacuisse loco.

» Cognomen patrum, si curas nosse viator, » Hic est de Beauvoir, perge memento (4).

» Obiit anno domini 1472, ultima februarii : hic translatus anno 1489, » octava martii.

Cette épitaphe a disparu à la Révolution (5).

Le reste de la décoration peinte du soubassement, en dehors du tombeau proprement dit, représente à droite et à gauche deux chanoines en robes rouges, surplis blancs et chapés bleues, avec orfrois de drap d'or diapré de bleu (6), qui soulèvent deux courtines vertes, paraissant avoir recouvert le sarcophage, et sur chacune desquelles est peint un écu aux armes de Ferry de Beauvoir, timbré d'une crosse. Cette draperie verte se continue au bas du sarcophage et est ornée en cet endroit d'un écu aux armes de l'évêché d'Amiens : d'argent â la croix de gueules. A chaque extrémité de ce soubassement, deux anges de même taille, en aubes blanches, aux ailes bleues et vertes écartent un grand rideau rouge, qui, partant d'en haut et glissant sur une tringle, est supposé avoir caché le tout.

Ces quatre personnages sont très remarquables et d'un style qui rappelle celui de Memling.

Au-dessus de la niche funéraire, dans la frise qui sert de base aux groupes de l'histoire de saint Firmin, est encore un écu, d'or à trois maillets de gueules, qui est de Mailly-Conty.

Cette magnifique décoration peinte est infiniment précieuse pour l'histoire de la

(1) Voy. JOURDAIN ET DUVAL, loc. cit., et CAHIER, Caractéristiques des Saints, art. Apôtres. — Cette manière de représenter les apôtres en ligne et à mi-corps avec des attributs et les articles du symbole, était assez commune à la fin du xv, siècle : elle a été très répandue par les estampes.

(2) DE COURT, Mèm. chronol., 1. II, ch. 58.

(3) Elle a été donnée aussi par LAMORLIÈRE, Antiquités, p. 228. — G ail. Christ., t. X, col. 201. — RIVOIRE,

Descr. de l'église cath. d'Am., p. 164(4) Ces deux derniers vers ne se trouvent que dans De Court. Il est probable, que, comme pour le tombeau d'Adrien de Hénencourt, ils étaient inscrits avec la date qui suit sur une table de cuivre placée dans le dallage, sur le corps même du défunt.

(5) RIVOIRE, loc. cit.

(6) Haut. im3o, environ.

peinture à Amiens au xve siècle, et même pour celle de la peinture française en général.

TRAVÉE 20-22 a (pl. L). — La seconde partie du côté sud sert de monument funéraire à Adrien de Hénencourt (1). Nous avons vu que la sculpture de cette seconde partie, commencée après la rédaction de son testament daté de 1527, était terminée après sa mort arrivée le 3 octobre i53o, sauf la statue funéraire du défunt, qui fut exécutée aux frais de la succession, par Antoine Anquier. Antoine Anquier était-il l'auteur du reste des sculptures ? Nous ne savons, mais nous nous rappelons (2) qu'indépendamment de la statue funéraire, il fut chargé par-les exécuteurs testamentaires de tailler quatre images de docteurs pour décorer une des portes latérales du chœur laissée inachevée par le doyen au moment de sa mort. Il est donc assez vraisemblable que si les exécuteurs testamentaires se sont adressés à lui pour terminer les travaux, c'est qu'il les avait commencés du temps du défunt.

Les sujets sculptés dans cette seconde partie de la clôture se rapportent encore à l'histoire de saint Firmin.

A. Grands groupes. — Dans les quatre groupes principaux, on a figuré l'histoire de l'invention et de la translation des reliques de saint Firmin (3).

IER groupe (pl. XCIV). — Prédications de saint Sauve. En voici la légende :

J>amct faufue foit peupfe 3incitoit Oefitant fcavoiv ou eftoit

Oe faire a bieu pticte pure Or fainct fremin fa fepufture (4).

Ce premier groupe était à peu près intact : il n'y manquait que trois têtes.

Le fond simulé par la peinture représente un intérieur d'église fort simple, à deux fenêtres garnies d'un seul meneau vertical, le tout d'un ton gris foncé, peu visible. Au centre s'élève une chaire à prêcher carrée, à pans coupés, recouverte d'une très riche draperie d'or avec franges et broderies, du haut de laquelle saint Sauve, en chape et mitre (5), prêche au milieu d'un nombreux auditoire : hommes, femmes, enfants, les uns debout, les autres assis. Au milieu du premier plan, deux dames sont assises sur des pliants. L'une porte une robe de drap d'or

(1) La coloration générale de cette partie de la clôture est peu harmonieuse, le noir y domine un peu trop par endroits : il faut dire que ce défaut provient surtout de la restauration de 1847. (Voy. ci-dessus, t. II, p. 92, note 9).

(2) Voy. ci-dessus, t. II, p. II.

(3) Comme dans la première travée, des armoiries sont peintes sur la clef de voûte de chacune des niches, mais il est impossible de les distinguer.

(4) '« Gratia immensae majestatis obtinuit quidam nobilissimus vir Salvius, ut infulatum apostolatus ofâcii, sanctae sedis Ambianensium susciperet. Cœpit diligenter in arcano sui cordis volvere quo in loco sanctis-

simum ac desideratissimum thesaurum abditum quaereret. Designatum namque locum beatus Salvius sciebat, sed in quo loco beatus Firminus martir conditus esset funditus ignorabat. Quadam igitur die omnem plebem diversorum sexuum convocavit, sacerdotum scilicet, levitarum, clericorum et laicorum ac mulierum, et more solito divinum officium cum verbo sanctae praedicationis celebravit ». Relat. de l'invention des reliques de saint Firmin, publ. par Salmon (Hist. de saint Firmin, p. 423) d'après le P. Le Cointe (Annales eccl. Francor.) et le ms. 46 de la Bibl. d'Am.

(5) Le buste et les mains refaits.

diapré de rouge, doublée de fourrure noire, décolletée en carré sur un vêtement de dessous noir, avec revers blancs et manches ornées de crevés; une chaîne d'or est à son cou. Sur sa tête, la petite coiffe noire à la mode dite d'Anne de Bretagne laisse .apercevoir un peu de sa chevelure. Elle tient un énorme livre d'heures à deux fermoirs et écoute en minaudant. C'est une élégante. L'autre est beaucoup plus simplement mise d'une robe rouge unie, mais très coquettement retroussée par derrière pour laisser voir la fourrure noire dont elle est entièrement doublée.

Sa coiffe noire retombe en une longue bande le long du dos, et sur les côtés, en deux bandes plus étroites et beaucoup plus courtes (i). Toutes deux ont les manches de leurs robes de dessus très amples et relevées à larges parements de fourrure (2). A côté de la seconde est sa petite fille, coquettement habillée de vert à galons d'or, artistement coiffée, et jouant avec une patenôtre ; sa mère la tient des deux mains pour la faire rester tranquille. L'air attentif avec lequel elle écoute contraste avec celui de sa belle voisine, qui, assise elle aussi, ses heures sur ses genoux, nonchalamment accoudée et profondément endormie — on dormait déjà au sermon — ne s'aperçoit pas que, distrait et fasciné par la parole de l'orateur, l'homme qui se tient à côté d'elle lui a sans façon posé sa main sur l'épaule. C'est quelque bourgeois riche et puissant, à en juger par son costume : houseaux rouges à crevés et à revers, houppelande de drap d'or uni, dont la bordure, suivant une mode assez commune à cette époque, figure une inscription, où on peut lire seulement le mot AMIENS, et dont les manches sont ouvertes au coudes pour laisser passer les bras (3). De l'autre côté, c'est-à-dire à la droite du spectateur, un autre bourgeois encore plus richement vêtu, se tient debout, penché en avant, les mains étendues, haletant et comme suspendu aux lèvres de l'orateur. Il n'est pas moins somptueusement costumé : manches d'or bouffant aux épaules et ornées de pompons, pourpoint galonné d'or sur les coutures; manteau de brocart blanc et or jeté sur le tout (4). Son voisin lui met la main sur l'épaule, comme pour attirer son attention. Il faut renoncer à décrire en détail les personnages groupés aux arrière-plans, la diversité des costumes, des types, des expressions et des sentiments, l'énergie des figures d'hommes, la candeur et la naïveté de celles de femmes. Les têtes de vieillards, surtout, aux traits si fortement accentués, sont rendues avec un art et une finesse d'observation extraordinaires. Il faut remarquer dans la foule un moine tonsuré, le capuce sur la tête.

2e groupe. — Révélation de la sépulture de saint Firmin.

âainct Jxiufw en eftenane fe- ycttf,,v trÕffie ung cai^ bu fofcif beffue

.ftppercÇeut bu tronc biuiii Ce cocpe bu mattit fainct frcmtix (5).

Nous sommes toujours dans l'église, dont on aperçoit dans le fond le fenestrage

(1) Nous retrouverons la même coiffure dans les stalles.

(2) Entre ces deux femmes, Caudron a placé un petit chien à poil long.

(3) La tête refaite.

(4) La tête refaite.

(5) « Nec ab ecclesia per très dies recedebat, sed ibidem omnis clerus simul et populus indictum triduanum jejunium humili mente perficiebat. ln tertio autem die, dum aurora primam partem luminis extulisset, illuminatus est venerabilis Salvius prsesul claritate superni fulgoris, sursum erexit oculos ad cœlum, vidit quasi radium solis

flamboyant. D'un côté, à la gauche du spectateur, est la chaire que le prélat vient de quitter, et sur laquelle il a laissé sa chape. De l'autre, s'élève un autel, avec son retable, ses deux chandeliers, ses courtines et ses colonnes (i). Devant l'autel, saint Sauve est simplement en aube blanche ornée d'un semis de grenades d'or, mitre en tête (2). Tournant le dos à l'assemblée, il regarde un nuage radieux (3) qui apparaît à la voûte de l'église. Tous les assistants agenouillés, les mains jointes ou étendues, les hommes la tête découverte, tandis qu'au groupe précédent, ils s'étaient couverts pour entendre le sermon (4), lèvent les yeux vers l'apparition avec des manifestations de pieuse allégresse (5). Il faut remarquer le groupe qui entoure la chaire, et qui, seul, était intact, y compris le personnage qui se tient à la colonne de l'autel. Ce dernier, a un type bien remarquable et bien vivant. Toujours la même richesse et la même variété de costumes et d'étoffes : les deux femmes agenouillées au premier plan ont des patenôtres pendues à leurs ceintures. On retrouve un certain nombre de personnages du premier groupe, avec les mêmes pièces de costume, mais dont la couleur des étoffes a changé (6). Le moine y est encore : il a relevé son capuce. On ne saurait trop admirer dans ce groupe la vérité et l'aisance des attitudes, la correction du dessin, la souplesse sans recherche et sans exagération des draperies. Il est regrettable qu'il ait été si mutilé.

36 groupe. — Exhumation de saint Firmin.

Quatre euefquee Ôeauvai^ nopott Vdnbttni voir cefte Jlnïïëtion

Cam6cap tfjevouenne aibant bien &uocque$ par Cobeuv bu fien (7).

Ce groupe était encore plus maltraité que le précédent : la plus grande partie des têtes manquaient. Neuf seulement, sur vingt-huit, étaient intactes. Au premier plan, un prêtre en aube blanche semée de lfeurons d'or, étole verte croisée sur la poitrine et manipule de même couleur (8), armé d'une bêche, creuse la terre, dans laquelle apparaît sans cercueil le corps de saint Firmin, les mains jointes et couvert de tous les ornements pontificaux. Il porte trois anneaux à diverses phalanges des doigts de la main droite (9). Tout autour, la foule des spectateurs assiste à l'exhumation, avec une attention mêlée de crainte et de respect : en avant, sont les cinq évêques d'Amiens, Beauvais, Noyon, Cambrai, Térouanne, tous en dalmatiques et chapes de drap d'or diapré, mitres en têtes, crosses en mains (10),

ab arce praecelsi throni exire, et usque ad sacrum locum in quo sanctissimus martyr - Firminus requiescebat, inenarrabilitér refulgere j,. — Relat. de l'invent. des reliques de saint Firmin, loc. cil.

(i) Le retable, les chandeliers et les courtines ont été refaits. Une partie de la colonne existait encore.

(2) La tête refaite.

(3) En partie refait.

(4) Vov. ci-dessus, t. II, p. 106.

« (5) Les huit personnages qui sont au premier plan, sur deux rangs, ont tous leurs têtes refaites.

(6) Le sculpteur suivait sa pensée, le peintre se contentait d'étendre des couleurs sur le travail d'un autre.

(7) « Qui accedens ad declaratum locum cœpit

fodere ac sepulchrum almi martyris aperire. Odor quoque suavitatis illico tantus excreverat. Omnis quidem multitudo urbium Tarvanensium, Cameracensium, Noviomensium et Belvacensium repleta fuit in ipsa hora suavitate et delectatione ipsius amœnissimi odoris,

sed omnes quidem sacerdotes et clerici, populusque diversorum sexuum praefatarum urbium statim surrexerunt cum cereis et palmis », etc. Relat. de l'invent.

des reliques de saint Firmin, loc. cit.

(8) La tête refaite.

(9) La tête refaite.

(10) Toutes leurs têtes refaites, sauf celle du deuxième évêque à la droite du spectateur. Le premier évêque, de l'autre côté, au premier plan, entièrement neuf.

gantés de rouge ou de bleu, avec plusieurs anneaux à chaque main, soit à la première, soit à la deuxième phalange. Plus loin, quatre clercs, des chanoines, peut-être, en surplis et chapes de drap d'or diapré (i). Un quatrième clerc, en surplis, ayant sur le bras un objet de fourrure qui paraît bien petit pour être une aumusse, tient un livre fermé; il occupe tout à fait le milieu de la composition (2). Devant lui, trois enfants de chœur largement tonsurés, en aubes et amicts, tiennent l'un une croix processionnelle, et les deux autres chacun un flambeau (3). Ce ne sont pas eux qui regardent le miracle avec le moins de curiosité. Dans le fond, treize personnages, dont on ne voit guère que la tête et le haut du corps, représentent la foule des fidèles. Il faut remarquer qu'il n'y a plus ici que des hommes. Est-ce avec intention ? Toutes ces têtes dont neuf sont intactes, sont on ne peut plus remarquablement traitées, avec des variétés d'expressions extraordinaires (4).

4e groupe. — Translation des reliques de saint Firmin.

A faint JfcÇœuf en ctfaffc mpe pùifeut$matabee fa tvanfmye

jfut piipe en amven6 apporte iCe bepviant eurrent fante (5).

Le fond sculpté représente une ville, mais une ville idéale, et non la ville d'Amiens telle qu'elle était au XVIe siècle, comme on l'avait figurée dans la première partie de la clôture. Ce sont des édifices de style flamboyant, une porte en accolade, ornée de crochets en choux frisés et surmontée d'une balustrade, des pignons, des tourelles crénelées, une porte de ville en arc surbaissé, avec sa herse, surmontée d'un mâchicoulis, d'un fronton circulaire orné de petites boules et d'un clocheton, et accompagnée de tourelles amorties en manière de bouteilles. Des arbres couverts de feuillages, suivant la légende (6). La châsse de saint Firmin, en forme de cercueil, toute dorée, ornée de bas-reliefs et de pierres précieuses, sans doute la reproduction de celle qui existait en i53o (7), s'avance portée sur un brancart par six prêtres et diacres en aubes blanches ou perses, semées de grenades, de fleurs de lis ou d'autres motifs d'or (8). Sur le brancart de la châsse, qui est peint en rouge, on lit ces mots en caractères gothiques jaune clair : j). fremin — martir.

(1) Leurs têtes refaites.

(2) Sa tête refaite.

(3) Un des deux acolytes a la tête refaite.

(4) Au dernier rang, les trois têtes à la gauche du spectateur, et, à l'avant-dernier, celle du 2e personnage du même côté ont été refaites.

(5) « Erat enim tempus hyemis, et glacialis asperitas ac niyalis inundatio ipsa die valde imminebat. Sed repente una hora immutatis temporibus, sol in centrum contra naturam flammigeris evectus quadrigis aestivali fervore nimietatem frigoris in uno momento dissolvit

Dumque iter caperent deferentes populi martyrem Firminum ad urbem Ambianensium, obviam plurimae accurentes catervae, sternebant vestimenta sua in via, et voce magna clamabant: Osanna in excelsis, benedictus qui venit in nomine Domini. Et subito respicientes, apparuerunt omnes arbores amoenitate florum vernantes;

omnia quoque prata circumquaque Ambianis, et campi in puncto omnino momenti plena affuerunt rosis et liliis et diversis generibus olerum et florum

Plurimi infirmi et aegroti in hac die receperunt sanitatem, quia clarissimus martyr Firminus et pontifex evectus est in hanc civitatem ». Relat. de l'invent. des reliques de saint Firmin, loc. cit.

(6) Il faut remarquer la très grande analogie qui existe entre ces accessoires, ce décor, si l'on veut, et les accessoires de même nature que l'on voit sculptés dans un grand nombre de sujets des stalles : le fronton circulaire, les amortissements des tours en forme de bouteilles, notamment, sont tout à fait caractéristiques.

(7) Voy. ci-dessus, t. II, p. 42.

(8) Les têtes des trois qui sont au premier plan ont été refaites.

Sous la châsse, un paralytique est étendu par terre (i) et un mendiant déguenillé est à genoux (2). On ne peut rien voir de plus abject et de plus repoussant : la barbe inculte, la chevelure emprisonnée dans la petite coiffe en forme de béguin si usitée aux XIIIe et xive siècles, il n'a pour tout vêtement qu'une robe brune, rapiécée, tombant en lambeaux, laissant à nu ses jambes et ses épaules; une sébille est pendue à sa ceinture. On sent que l'artiste a saisi avec empressement l'occasion de se livrer à son penchant pour le naturalisme. Derrière la châsse suivent les cinq évêques (3), habillés comme précédemment, puis la foule des fidèles, que la châsse rend difficiles à apercevoir, et d'où émergent trois torches ornées d'écussons d'azur, aux chiffres de Jésus et de Marie, en or (4).

B. — Soubassement. — Comme dans la travée voisine, s'ouvre une longue niche surbaissée, accompagnée de deux pinacles et encadrée d'une moulure prismatique, dans laquelle courent de charmants rinceaux de feuillages délicatement découpés, à travers lesquels se jouent quatre animaux fantastiques et un enfant nu. Au milieu de l'arc surbaissé principal, l'encadrement de moulures s'infléchit pour former une clef pendante où est sculptée une charmante figure d'ange joignant les mains, et un écu que, lors des dernières restaurations, on a peint d'or, à trois maillets de gueules, 2 et 1. Le plafond de la niche figure deux petites voûtes sur croisées d'ogives, sur les clefs desquelles sont les chiffres de Jésus et de Marie : les nervures sont dorées et les remplissages de la voûte, d'azur semé d'étoiles d'or.

Dans le fond sont peints quatre pleurants à mi-corps, encapuchonnés de noir; peinture assez ordinaire d'ailleurs.

Cette niche sert d'abri à la statue funéraire du défunt, qui est à peu près de grandeur naturelle (5). Il a le visage rasé, les cheveux blancs tonsurés, et porte l'amict, l'aube, l'étole, le manipule et une chasuble de drap d'or diapré de bleu, les mains jointes. Il y a dans cette statue funéraire certains détails particuliers qui n'ont pas laissé que d'étonner MM. Jourdain et Duval. Le défunt est couché sur une natte enroulée à un bout pour former sous la tête une sorte de traversin, à la place où d'habitude on met un coussin (6) ; il a les pieds nus, et rien ne les soutient (7).

Autant qu'on en peut juger après les trop nombreuses mutilations et restaurations qu'elle a subies (8), c'est une fort belle statue, d'une facture excellente, et qui suffit pour faire considérer Antoine Anquier, comme un sculpteur de grand talent. Les draperies sont admirablement traitées, sans recherche, le

(1) Entièrement refait.

(2) Nous n'avons pas besoin de rappeler l'usage de faire passer les infirmes et les pèlerins sous la châsse des saints.

(3) Deux têtes refaites.

(4) Ces torches à écussons sont refaites. — Les écussons ne portaient-ils pas plutôt les armes de la ville? On sait qu'aux processions générales, l'ancien échevinage d'Amiens faisait toujours porter des torches à ses armes.

(5) Longueur : 11116-;.

(6) Cf. le gisant nu au tombeau de Charles II de Lalaing, au musée de Douai (1558).

(7) Du temps d'Adrien de Hénencourt, un grand nombre de personnes, tant ecclésiastiques que laïques, appartenaient au tiers ordre de Saint-François et se faisaient enterrer avec l'habit franciscain. La nudité des pieds pourrait bien faire penser à quelque chose de ce genre, bien que, dans le testament du doyen, rien n'y fasse allusion.

(8) Les mains, une partie des pieds, le nez et une partie du visage ont été refaits. — Il est fâcheux que, pour une statue dont l'auteur nous est connu d'une façon certaine, elle ne nous soit pas parvenue intacte.

visage plein de vérité ; elle fait aussi honneur à Guillaume Laignier, qui avait dessiné et « faict le pourtrait » du doyen sur son lit de mort.

Sur le rebord du tombeau était la lame de cuivre exécutée par Pierre de le Cauchie (i), et sur laquelle étaient inscrits les vers suivants que nous donnons d'après Lamorlière (2) :

» Flete senes, plorate viri, lugete puellæ » Vester Henencourius (3) nunc Adrianus abest.

» Ille decanus erat, populi pater, urbis amator, » Huic templo cultum religione dedit » Vixerat ut tandem moreretur (4), mortuus hic est » Ut vivat, virtus sic modo morte viret.

Indépendamment de cette épitaphe, une autre table de cuivre, exécutée aussi par Pierre de le Cauchie et placée dans un encadrement de marbre noir dû à François Beddet, tailleur de marbre à Tournai (5), était posée dans le dallage, en avant de la clôture, sur les restes mêmes du doyen. Sur cette table de cuivre étaient gravées une représentation du défunt (6) et une inscription rappelant ses noms, ses qualités et le jour de sa mort, mais le texte ne nous en a pas été conservé. Nous avons vu (7) que Jean des Béguines, prêtre, en avait tracé les caractères « en grosses lettres de forme ». Par son testament, Adrien de Hénencourt voulait que ses armes fussent « eslevées » au milieu de cette table (8).

Ces lames de cuivre, et même le marbre noir qui servait d'encadrement à la dernière, ont disparu pendant la Révolution (9).

Au mois de novembre 1896, en refaisant le dallage du pourtour du chœur, on mit à découvert les restes d'Adrien de Hénencourt. Sous le dallage, au pied de la clôture et vis-à-vis de la statue funéraire, était une grande dalle de pierre qui recouvrait un petit caveau voûté en berceau, et profond d'environ 80 centimètres du fond à l'intrados de la clef de voûte, large de 75 centimètres et long de 2mio, d'une maçonnerie peu épaisse, en petits moëllons. Dans ce caveau, le cercueil de bois était posé sur deux barres de fer scellées dans les parois de maçonnerie à quelques centimètres au-dessus du fond, la tête vers la nef. Le corps n'était enveloppé que d'un suaire de soie légère, unie et qui paraissait avoir été violette, bordé d'une orle. de satin bleu. Aux quatre coins du cercueil étaient quatre grands pots à parfums en terre cuite non vernissée, à trois pieds, munis de deux anses, d'une taille peu commune (10) et dans leur état de neuf. Contre la paroi du caveau, du côté des pieds, était clouée une plaque de plomb de 235 millimètres de large sur 160 millimètres de haut, sur laquelle l'inscription suivante est gravée en beaux caractères romains :

(1) Voy. ci-dessus, t. II. p. 88.

(2) Antiquite{, etc., p. 230. — Elle a encore été reproduite par DE COURT, AJem. chronol., 1. III, ch. i. —

RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Ibn., p. 165.

13) RIVOIRE: « Henencorius ,).

(4) RIVOIRE : « moriturus ù.

(5) Voy. ci-dessus, t. II, p. 88.

(6) DE COURT, Mém. chronol., 1. III, ch. 1.

(7) Voy. ci-dessus, t. II, p. 87.

(8) Testam. d'Adrien de Hénencourt.

(9) RIVOIRE, Descr. de l'église cath. d'Am., p. 164.

(10) Haut., 185 millim.

CHI. GIST. NOBLE. VENERABLE. ET DISCRETE. II PERSONE. MOS. ME ADRIEN.

DE. HENECOVRT. SR II DVDIT. LIEV. DE. WARLOI. DE. SAVLIS (i). BRELLIE (2). II DE. CHIPELLI (3). DV. PETIT. BAIZIEV. DE. BEAVRE II PAIRE. SVR. OISE. DOIEN. DAMIENS.

ARCH II EDIACRE. DE. NOION. LEQVEL. RENDIT. SON. II AME. A. DIEV. CE. IIIE IOVR.

DOCTOBRE. II MIL. VC. ET. XXX. A. VNE. EVRE. APRES. MI II NVIT. ET. FVT. NEPVEV.

DE. MOS. FERRI. DE. /I BEAVVOIR. EVESQUE. DAMIENS. PRIES. DIEV. II POVR. SON. AME.

ET. POVR. TOVS. LES TRESPASSE (4). II

Tout le reste du soubassement est peint en manière de tenture de damas rouge de deux tons, frangée de vert (5), sur laquelle se détachent treize quatrefeuilles, où sont sculptés en bas-reliefs entièrement peints et dorés l'histoire de saint Firmin, avant son arrivée à Amiens et les miracles qu'il accomplit dans cette ville.

Malheureusement toutes ces sculptures avaient été passablement mutilées par les patriotes de 1793, et elles ont subi de la part de Caudron, avant que MM. Jourdain et Duval aient eu le temps de les décrire, une remise à neuf que ceux-ci ont eu souvent, et avec raison, à blâmer hautement (6). Il n'y a donc pas à s'y fier absolument (7).

1. — Baptême de saint Firmin (8). — La cuve baptismale, en forme de vasque octogone, ayant pour pied deux petits personnages étendus à terre, montée sur

une estrade octogonale de deux marches, portée elle-même sur trois lions, occupe le milieu de la composition.

Dans cette cuve est plongé le jeune Firmin, fils de Firme, les mains jointes, entièrement nu et nimbé. Le prêtre Honeste, en surplis et étole, lui verse l'eau sur la tête au moyen d'une coquille.

Au premier plan, à droite et à gauche, un homme et une femme debout sem-

blent être le parrain et la marraine, plutôt que le père et la mère, comme l'ont pensé MM. Jourdain et Duval. Cinq autres personnages, hommes et femmes, assistent à la cérémonie. Dans le fond, s'élève un autel sur lequel sont posés deux chandeliers, et dont le retable trilobé a servi de modèle à Caudron, pour celui du 2e groupe de l'histoire de l'Invention de saint Firmin (9).

(1) Sic, pour Sanlis.

(2) Sic, pour Bresle.

(3) Chipilly.

(4) Voy. ci-dessus, t. II, p. 88, note 4. — Les pots à parfums, l'inscription et un morceau du suaire ont été retirés et déposés au musée d'Amiens.

(5) Cette tenture, disent MM. Gélis-Didot et Laffilée * est exécutée très librement à la pointe du pinceau, sans le secours du pochoir ni du poncif, de là cet imprévu, qui, loin d'être un défaut, ajoute à son charme N. La peinture décorative en France du xie au xvie s., maillet et grenade.

(6) Le dessin qui en est donné dans les Voyages pittoresques du baron Taylor est à une trop petite échelle et

trop sommairement exécuté pour donner une idée exacte de l'état ancien, mais' les notes prises par Goze avant la peinture de la plupart de ces bas-reliefs restaurés nous serviront de contrôle.

(7) Voy. JOURDAIN ET DUVAL, dans Mèm. de la Soc.

des Ant. de Pic., t. IX, 1848, p. 202. — Comme pour les quatre grands groupes de la travée 18-20 a, c'est vraisemblablement la Vita Sancti Firmini éditée par les Bollandistes, qui a été suivie. Voy. ci-dessus, t. II, p. 100, note 2.

(8) « Tradidit filium suum primogenitum, nomine Firminum, Honesto presbytero,. quia et antea in baptismo filius ejus erat j,. Vita S. Firm., etc.

(9) Six têtes refaites.

2. - Saint Honeste chargé d'instruire saint Firmin (i). —, Une salle d'école : le prêtre Honeste, vêtu d'une longue robe bleu ardoise, entièrement fendue par devant à la manière d'une houppelande, le chaperon sur l'épaule (2), est assis sur un banc monumental en bois dont les panneaux sont ornés de draperies plissées. A côté de lui, se tient debout un jeune enfant que MM. Jourdain et Duval ont pensé être saint Firmin, et auquel il fait lire dans un livre. L'enfant porte une longue robe de drap d'or diapré (3). Tout alentour, les autres écoliers, au nombre de six, dont plusieurs sont vêtus avec une grande recherche (4), sont assis par terre, lisant dans des livres ou écoutant la leçon. Un père (5) amène un tout jeune enfant qui tient un petit panier suspendu à son bras. Ne faut-il pas plutôt voir dans ces derniers personnages Firme amenant son fils Firmin à saint Honeste pour l'instruire ? Contre le mur, est un rayon de bibliothèque sur lequel sont rangés quatre codex.

3. — Baptême de Firme (Fig. igi A) (6). — Firme, à forte chevelure et longue barbe, est plongé nu, les mains jointes, dans une cuve baptismale en forme de coquille godronnée : l'évêque de Toulouse saint Saturnin, en dalmatique, chape et mitre, une croix à longue hampe à la main (7), lui verse l'eau sur la tête au moyen d'une coquille. L'évêque est assisté de deux diacres en dalmatiques d'or, dont l'un soulève sa chape, et dont l'autre lui présente le pontifical ouvert.

D'autres néophytes parmi lesquels se trouvent sans doute Faustin et Fortunat (8), s'apprêtent à recevoir le baptême : une mère amène son enfant entièrement nu ; au premier plan, un homme de condition se fait déshabiller par un varlet qui lui ôte son habit doublé de fourrures ; un autre est assis par terre, défaisant ses chausses : son attitude est bien naturelle et bien vraie. A côté de lui est un jeune enfant qui n'a plus d'autre vêtement que des braies.

4. — Premières prédications de saint Firmin (g). — Revêtu d'un surplis, saint Firmin, du haut d'une chaire de bois, carrée, avec panneaux à draperies plissées et sans abat-voix, parle au milieu d'un auditoire de dix personnes, hommes et femmes, presque tous assis (10).

5. — Saint Firmin sacré évêque (n), En dalmatique et chape, il est au

(1) (f. Praefatus Firmus, cum erat fide et opere catholicus, tradidit filium suum primogenitum, nomine Firminum, Honesto presbytero, ut eum litteris liberalibus et christiana disciplina imbueret ». Vita S.

Firm., etc.

(2) La tête refaite.

(3) Id-

(4) Toutes leurs têtes refaites.

(5) La tête refaite.

(6) Vita S. Firm., etc. — Il semble, comme le fait justement observer Salmon (Hist. de saint Firmin, p. 366), que, d'après les Actes de saint Firmin, le baptême de Firme aurait dû précéder celui de Firmin.

Il est probable que, comme nos quatrefeuilles ont été sculptés avant la pose, ainsi que cela se voit fort bien 'par l'appareil, il y aura eu confusion lors du montage.

Il faut remarquer d'ailleurs que l'ordre dans lequel les sujets sont placés n'est pas très logique et diffère de celui qui est le plus habituellement suivi.

(7) La tête refaite. — La croix en guise de crosse pour désigner un archevêque, et que nous retrouverons encore au cinquième quatrefeuilles, existait-elle en effet, ou date-t-elle seulement de la restauration ? Toujours est-il qu'elle constitue un anachronisme, puisque Toulouse n'est archevêché que depuis 1317.

(8) Vita S. Firm., etc.

(9) « Honestus vero praefatus presbiter, dum in senectutis tempore aggravatus esset, saepe dirigebat eum per vicos et suburbana civitatis, ubi praedicationis verbo populum jam Deo devotum confirmaret; ipse vero, quamvis in juventutis floribus existeret, cum mira gravitate et constantia, populum ad Christianae religionis studium provocabat ». Vita S. Firm., etc.

(10) On ignore ce qui a été refait dans ce quatrefeuilles.

Il était déjà repeint lorsqu'il a été vu par Goze.

(11) « Quem ut vidit Honoratus episcopus, cognovit in eo quia ad hoc praedestinatus et electus esset a Domino, ut verbum vitae et salutis gratiamin gentibus prsedicaret,

premier plan, nimbé, les mains jointes, à genoux sur un coussin. Par derrière, l'évêque de Toulouse Honorât, prélat consécrateur, en dalmatique, mitre et chape, une croix à longue hampe en guise de crosse, le bénit, tandis que les deux évêques assistants, habillés de même, lui posent la mitre sur la tête. A droite et à gauche, deux clercs en surplis, agenouillés, tiennent les crosses de ces derniers (i).

Au fond, est un autel à retable sur lequel sont posés deux chandeliers. Très jolie composition.

6. — Saint Firmin en Auvergne (2). — En mitre, dalmatique et chape, costume que nous lui verrons désormais dans les* quatrefeuilles qui suivent, saint Firmin (3) est accompagné d'un chapelain tenant un livre sous le bras, en longue robe bleu ardoise, semblable à celle du maître d'école du deuxième bas-relief, moins le chaperon (4). Nous verrons ce même chapelain accompagner saint Firmin dans tous les autres sujets. Plusieurs personnages viennent respectueusement à la rencontre du saint : une famille, père, mère et deux enfants s'agenouillent à son approche, il les bénit (5). L'arrière-plan est occupé par une hauteur dominée par un château fort (6).

7. — Saint Firmin à Angers (7). — Saint Firmin (8) est présenté au peuple Angevin par l'évêque Auxilius qui porte, comme lui, la dalmatique, la chape, la mitre et la crosse (g); on le reconnaît à ce qu'il n'a pas de nimbe, tandis que saint Firmin est orné de cet attribut de la sainteté. Les fidèles, hommes, femmes et enfants, en tout sept personnages, se pressent autour de lui en s'agenouillant et en joignant les mains (10). Dans le fond, on aperçoit l'enceinte fortifiée d'une ville (11).

8. — Saint Firmin à Beauvais (12). — Il est étonnant que MM. Jourdain et Duval, d'ordinaire si perspicaces, n'aient pas compris ce sujet, dans lequel Salmon (13) a reconnu sans peine, et avec raison, saint Firmin faisant construire a Beauvais l'église Saint-Etienne. La ville est naïvement figurée par une enceinte fortifiée faisant tout le tour du quatrefeuilles : en son milieu, trois maçons travaillent à la construction d'un édifice. L'un d'eux, armé d'un maillet et d'un ciseau, taille la pierre, un autre maçonne en frappant du manche de sa truelle la pierre mise en place, le troisième lui apporte le mortier dans un oiseau.

Saint Firmin, bénit les travaux, trois assistants sont à genoux, les mains jointes, la tête découverte. On a sans doute voulu figurer la pose de la première pierre (14).

Les cinq derniers bas-reliefs représentent les miracles opérés par saint Firmin à Amiens.

et ordinavit eum episcopum ». Vita S. Firm., etc.

(1) Toutes les têtes refaites.

(2) « Deinde Arvernicae civitatis confinia pertransiens, plurimam partem illius terrse ad Christi gratiam provocavit ». Vita S. Finn., etc.

(3) Tête et crosse refaites.

(4) C'était sans doute le costume de ville des écclésiastiques à Amiens au commencement du xvi" siècle.

(5) Huit têtes refaites.

(6) Ce décor est à rapprocher de ceux que l'on voit dans plusieurs sujets des stalles.

(7) « Postmodum ergo Ligerim transiens fluvium, ab Auxilio, Andegavinae urbis praesule, anno et tribus

mensibus in verbo praedicationis detentus est, ubi maximam partem illius provincias ad cognitionem veritatis evangeliese perduxit ». Vita S. Firm., etc.

(8) La tête refaite.

(9) Id.

fio) Sept têtes refaites.

(11) Accessoires analogues dans les stalles.

(12) « Belvacensem civitatem pervenit. Quo in loco ecclesiam beati prothomartyris Stephani constituit ».

Vila S. Firm., etc.

(13) Hist. de saint Firmin, p. 367.

(14) La tête de saint Firmin et six autres refaites.

9. — Guérison de paralytiques (1). — Saint Firmin (2) s'avance en bénissant, accompagné de son chapelain et de deux autres personnages, vers des infirmes qui l'implorent. L'un d'eux a une jambe de bois, un autre porte un enfant sur ses épaules, une femme bossue s'appuie sur un bâton, un paralytique se traîne sur un plateau à quatre roulettes (3). Dans le fond s'élève une maison de maçonnerie avec pignon en gradins.

10. — Guérison de deux lépreux à la porte Clipéenne (4). — La porte Clipéenne est figurée par une porte de ville, crénelée, flanquée de deux tours cylindriques, amorties par des toitures en forme de bouteilles (5), et d'où sort un homme. Auprès d'elle se tiennent deux lépreux encapuchonnés, dont l'un est assis sur un escabeau et tient des cliquettes. Saint Firmin, qui vient du dehors avec son chapelain et un caniche, les bénit (6).

II. — Castus recouvre l'œil qu'il avait perdu (7). — Au milieu d'une campagne, Castus, les yeux fermés, se jette à genoux, les mains jointes, son chapeau à terre devant saint Firmin, qui le bénit. Derrière Castus viennent un autre homme, le chapeau à la main (8), une femme qui joint les mains, et un enfant.

A l'arrière-plan est un édifice crénelé, à tourelles (g).

12. — Guérison de fiévreux et d'autres infirmes (10). — Saint Firmin (11) soulève d'une main le mouchoir qui sert de coiffure à un homme agenouillé devant lui, les mains jointes, et le bénit de l'autre main; son chapelain tient sa crosse. Deux hommes debout font des gestes d'étonnement; à droite et à gauche un homme et une femme sont profondément endormis (12).

13. — Guérison de possédés (13). — Saint Firmin (14) bénit un homme qui tombe à la renverse et qu'un autre personnage essaye de retenir, tandis qu'un horrible monstre (15) sort de son œil droit. Un peu plus loin, une femme est en proie aux plus affreuses convulsions; un homme vient à son secours et tâche de la calmer.

De l'autre côté, un personnage en robe rouge et col d'hermine cherche à s'enfuir (16).

Dans le fond, sur une hauteur, est un château crénelé fort riche, avec campanile muni d'une cloche (17).

Auprès du doyen Adrien de Hénencourt, on enterra Adrien de Lamet dit de Hénencourt, son petit-neveu et son successeur en la dignité de doyen du chapitre, mort le 28 août 1553 (18). C'est tout ce que nous en savons. Personne n'a pris soin, à notre connaissance, de relever son inscription, si toutefois il y en

(1) Paralyticos erigebat Vita S. Firm., etc.

(2) Tête refaite.

(3) Quatre têtes refaites.

(4) Duos a leprae morbo ad Clippianam portam mundavit ». Vila S. Firm., etc.

(5) Voy. les stalles.

(6) La tête de saint Firmin et trois autres têtes refaites.

(7) Oculum excussum Casto, Andresefilio, restituit />.

Vita S. Firm., etc.

(8) Le restaurateur distrait lui en a remis un autre sur la tête, de sorte qu'il.est pourvu de deux couvre-chef.

(g) Voy. les stalles.

(10) « Febres et plurimas infirmitates, invocato nomine

Patris et Filii et Spiritu Sancti, sanavit ¡J. Vita S. Firm., etc.

(11) Tête refaite.

(12) Cinq têtes refaites.

(13) « Obsessa a daemonibus corpora expiabat ». Vita S. Firm., etc.

(14) Tête et crosse refaites.

(15) Refait.

(16) Quatre têtes refaites.

(17) Voy. les stalles.

(18) Délibérât, capitul. du 29 août 1553, qui autorise l'inhumation d'Adrien de Hénencourt, 2e du nom, dit de Lameth », doyen du chapitre, décédé la veille, dans la

avait une. Lamorlière (i) dit seulement qu'il portait « escartelé au premier et quatriesme d'argent, à trois maillets de sable (2), au deuxiesme et troisiesme de gueulles au chevron de Bretagne (3), au premier quanton de Flandre » (4).

Histoire de saint Jean-Baptiste.

Le côté nord de la clôture du chœur était presque intact : il ne manquait dans les grands sujets qu'une ou deux têtes et un personnage entier, et, dans les bas-reliefs, il n'y avait que quelques dégradations peu importantes.

Il est entièrement consacré à la représentation de l'histoire de saint JeanBaptiste (5), depuis sa nativité jusqu'à la réception de son chef à Amiens, le tout réparti entre les huit grands sujets et les quinze petits quatrefeuilles sculptés en bas-relief dans les soubassements, dix à la première travée et cinq à la seconde.

Ce n'est pas seulement l'Évangile mais encore la légende, et très probablement la Légende dorée, qu'ont suivis les artistes ou les ecclésiastiques qui leur ont fourni les sujets et composé les légendes.

Pour suivre cette histoire dans l'ordre chronologique, il faut commencer par décrire les dix bas-reliefs qui ornent le soubassement de la première travée, puis les huit grands sujets, et enfin les cinq bas-reliefs du second soubassement.

TRAVÉE 17-19 a (pl. LI). — A. Soubassement. — Le fond du soubassement, interrompu dans son milieu par un enfoncement surmonté d'une accolade ornée de crochets (6), est peint en manière de tenture de damas rouge de deux tons bordée par le bas d'une frange multicolore (7). Sur ce fond de damas sont semés dix bas-reliefs (cinq de chaque côté), inscrits dans des carrés quadrilobés et posés sur la diagonale. Ils représentent les principaux faits de la nativité et de l'enfance de saint Jean-Baptiste. Dans chaque quatrefeuilles, le sujet se détache sur un fond guilloché, faisant tapisserie, et doré. Les sujets sont disposés de bas en haut et en allant de la droite à la gauche du spectateur.

sépulture de feu Adrien de Hénencourt, lcr du nom, Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.) G 871. - Lamorlière.

(Antiquités, p. 230), dit qu'il mourut le 24 août.

(1) Loc. cit.

(2) Hénencourt.

(3) Ghistel.

(4) Voy. aussi DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t, II, p. 176. — Bibl. d'Am., ms. 516, fol. 210. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 418. — Cet Adrien de Lamet, dit de Hénencourt, était fils de Jacques de Lamet, seigneur de Hénencourt, neveu et héritier du premier, et de Marguerite de Flandres. Le vieux doyen l'avait en grande affection. Les titres l'appellent généralement de Hénencourt, dit de Lamet.

(5) Rappelons que la cathédrale d'Amiens possède

depuis 1206 une partie du chef du Précurseur rapportée de Constantinople. Voy. ci-dessus, t. I, p. 114.

(6) Dans cette niche se plaçait autrefois, paraît-il, le siège en bois de l'écolâtre. JOURDAIN, Bull. de la Soc.

des Ant. de Pic., t. II, p. 125.

(7) Lors de la restauration des peintures de cette partie de la clôture en 1844, cette draperie avait paru trop dégradée pour être restaurée partiellement; on l'a reproduite tout entière au moyen d'un calque pris sur les anciens motifs subsistants, quoique décolorés. La frange a été également rétablie d'après les fragments qu'il a été possible de reconnaître. On a peint la niche centrale dans la même nuance, pour l'harmoniser avec le reste. (Rapp. de Jourdain à la Société des Ant. de Pic., dans le Bulletin de lad. Société, t. II, p. 124).

1. — Vision de Zacharie (i). — Dans l'intérieur du temple, figuré par trois fenêtres à remplages flamboyants, s'élève un autel recouvert d'une nappe blanche qui tombe jusqu'à terre des quatre côtés, et surmonté d'un retable. Sur le marchepied, Zacharie, vêtu d'une longue tunique rouge et d'une sorte de dalmatique verte, fendue sur les côtés et bordée d'un galon perlé, coiffé d'une sorte de mitre, dont les cornes sont posées à droite et à gauche, longue barbe et longue chevelure, est agenouillé lançant en l'air un encensoir de la chaîne duquel il tient l'extrémité.

Il est détourné de son auguste fonction par l'apparition de l'ange à la longue aube blanche et aux ailes d'or, qui lui annonce sa prochaine paternité.

2. — Zacharie sort du temple, privé de l'usage de la parole (2). — Un édifice à tourelles figure l'extérieur du temple, à la porte duquel apparaît Zacharie, dans le même costume que tout à l'heure, mais augmenté d'un col d'hermine. Le peuple vient vers lui. faisant des gestes d'étonnement. Cinq personnages sont visibles, mais on en soupçonne encore d'autres. Il y a beaucoup de finesse dans toutes ces figures.

C'est un des plus jolis de tous les bas-reliefs de cette partie de la clôture.

3. — Rencontre de Zacharie et d'Élisabeth (3). — Deux édifices voisins figurent le temple et la maison de Zacharie. Du premier sort le prêtre, qui a gardé tout son précédent costume, à l'exception de la mitre, à laquelle il a substitué un simple chapeau orné d'une enseigne. Élisabeth se tient à la porte de l'autre. Elle est richement costumée d'une robe de drap d'or, d'un manteau jeté sur l'épaule droite et retombant négligemment sous le bras gauche, d'une guimpe et d'un voile sur lequel est posé un bourrelet : elle prend doucement par l'épaule Zacharie, qui manifeste par des gestes qu'il ne peut parler.

4. — La Visitation (4). — Une campagne mouvementée et plantée d'arbres, et dans le fond, une ville « civitas Juda », avec ses remparts, ses portes et ses tours. Marie, vêtue d'une robe d'or et d'un manteau bleu, coiffée seulement d'une sorte de béret blanc, d'où s'échappe sa longue chevelure qui tombe sur ses épaules, en signe de virginité, s'avance vers Élisabeth, qui est venue à sa rencontre. Celle-ci lui met avec respect la main sur le ventre où est très visiblement marqué l'indice d'une grossesse avancée.

(1) Fuit in diebus Herodis, regis Judeae, sacerdos quidam, nomine Zacharias, de vice Abia, et uxor illius de filiabus Aaron, et nomen ejus Elisabeth. Et non erat illis filius, eo quod esset Elisabeth sterilis. Factum est autem, cum sacerdotio fungeretur in ordine vicis suas ante .Deum, secundum consuetudinem sacerdotii, sorte exiit ut incensum poneret, ingressus in templum Domini : et omnis multitudo populi erat orans foris hora incensi, apparuit autem illi angelus Domini stans a dextris altaris incensi, et Zacharias turbatus est videns, et timor irruit super eum. Ait autem ad illum angelus : Ne timeas, Zacharia, quoniam exaudita est deprecatio tua, et uxor tua Elisabeth pariet tibi filium, et vocabis nomen ejus Joannem », etc. Luc., i, 5-13. — De nativitatc saiicti Joliannis Baptistæ, Legend. Aur., édit. Graesse, P- 356.

(2) « Et dixit Zacharias ad angelum : Unde hoc sciam? Ego enim sum senex, et uxor mea processit in diebus suis. Et respondens angelus dixit ei : Ego sum

Gabriel, qui asto ante Deum, et missus sum loqui ad te et hase tibi evangelizare. Et ecce eris tacens et non poteris loqui usque in diem quo haec fiant, pro eo quod non credidisti verbis meis, quae implebuntur in tempore suo.

Et erat plebs expectans Zachariam, et mirabantur quod tardaret ipse in templo. Egressus autem, non poterat loqui ad illos, et cognoverunt quod visionem vidisset in templo. Et ipse erat innuens illis et permansit mutus ».

Luc., 1, 19-22. - Leg. aur., etc., p. 357.

(3) if Et factum est ut impleti sunt dies officii ejus, abiit in domum suam ; post hos autem dies concepit Elisabeth, uxor ejus Luc., 1, 23, 24. - Legend. allr., etc., P. 358.

(4) <? Exurgens autem Maria in diebus illis, abiit in montana cum festinatione, in civitate Juda : et intravit in domum Zachariœ et salutavit Elisabeth. Et factum est ut audivit salutationem Mariae Elisabeth, exultavit infans in utero ejus, et repleta est Spiritu Sancto Elisabeth *. Luc., 1, 39-41. - Leg. aur., etc., p. 358.

5. — Marie chez Élisabeth (i). — L'intérieur d'un appartement est marqué par deux fenêtres carrées à croisées, vitrées en losanges. Au milieu de la pièce, Marie et Élisabeth sont assises sur un banc dont le haut dossier est à draperies plissées et causent en se montrant des livres (codex).

6. — Nativité de saint Jean-Baptiste (fig. igo, A) (2). - Elisabeth, tout habillée et coiffée, comme dans les sujets précédents, est couchée dans un lit dont l'oreiller est couvert d'une taie blanche à lacets rouges et glands d'or. Marie s'approche, lui présentant un objet difficile à distinguer. D'après l'Évangile, il semblerait que la nativité de saint Jean-Baptiste n'aurait eu lieu qu'après le départ de celle-ci (3); tandis que la légende veut que Marie y ait été présente, et qu'elle aurait de ses mains levé l'enfant de terre, et rempli auprès d'Élisabeth l'office de bonne d'enfant (4).

Au premier plan, une vieille femme (la meraleresse ou sage-femme?) coiffée d'un court voile blanc qui lui couvre toute la chevelure, un tablier devant elle, plonge l'enfant tout nu dans un baquet. Une aiguière et son bassin sont posés à terre au chevet du lit.

7. — Circoncision de saint Jean (5). — La cérémonie est supposée se passer, comme un baptême chrétien, dans l'intérieur même du temple, figuré par un riche fenestrage flamboyant Une femme ayant un court voile sur la tête dépose l'enfant entièrement nu sur un autel qui n'est couvert que d'une nappe blanche tombant de toutes parts jusqu'à terre, tandis que le prêtre, longs cheveux et longue barbe, col d'hermine, mitre d'or dont les cornes sont placées à droite et à gauche, reçoit l'enfant auquel il s'apprête à faire l'incision liturgique. A côté du prêtre se tient un homme à longs cheveux et longue barbe, en tunique talaire rouge, dalmatique verte, col d'hermine, mais sans mitre. Ce doit être Zacharie.

8. — Élisabeth donne à son fils le nom de Jean (6). - Comme dans le sixième sujet, Élisabeth est dans son lit : à son chevet est un banc, sur lequel sont posés quelques ustensiles : une cruche, un pain, etc. Marie se tient près du lit; à côté d'elle, une femme coiffée d'un bourrelet pose l'enfant entièrement nu sur le lit. Élisabeth le reçoit, étendant les mains et souriant.

9. — Saint Jean nommé par son père (fig. 190, B) (7). — Une fenêtre carrée à croisées vitrées en losanges figure l'intérieur d'une maison. La femme au court voile, accompagnée d'un jeune homme qui joint les mains, apporte l'enfant enveloppé de langes à Zacharie qui, assis sur un fauteuil à tenailles devant une espèce de bahut de menuiserie dont les panneaux sont ornés de draperies plissées, tient deux tablettes blanches à tranches rouges sur lesquelles il écrit ces mots en caractères gothiques : 3ofjanee eft nom eiue.

(1) « Mansit autem Maria cum illa quasi mensibus tribus, et reversa est in domum suam ». Luc., i, 56. —

Leg. aur., etc., p. 358.

(2) « Elisabeth autem impletum est tempus pariendi, et peperit filium N. Luc., 1, 57.

(3) Luc., 1, 56, 57.

(4) « Mansit ergo Virgo beata cum cognata sua tribus mensibus ministrans ei, natumque puerum suis sanctis manibus de terra levavit, ut habetur historia scolastica, et quasi morem gerulae officiosissime peregit». Leg. aur., etc.,p 358.

(5) « Et factum est in die octavo, venerunt circumcidere puerum, et vocabant eum nomine patris sui Zachariam ». Luc., 1, 59.

(6) - Et respondens mater ejus dixit : Nequaquam, sed vocabitur Joannes ». Luc., l, 60.

(7) Et dixerunt ad illam : Quia nemo est in cognatione tua qui vocetur hoc nomine. Innuebant autem patri ejus quem vellet vocari eum. Et postulans pugillarem scripsit dicens : Joannes est nomen ejus. Et mirati sunt universi. Apertum est illico os ejus et lingua ejus Õ. Luc., 1, 61-64.

10. — Saint Jean passe sa jeunesse dans le désert (i). — Un bois touffu, à travers lequel courent des animaux sauvages : un cerf, un lion. Au milieu, le Précurseur s'avance seul, jeune, imberbe, vêtu d'une longue robe d'or, sans ceinture et tenant un livre ouvert qu'il semble montrer au public.

B. Grands groupes. — 1er groupe. — Prédications de saint Jean-Baptiste (2).

£ >ainct 3Qan ptefctfoit ait befert par confiance Jïbfw que on feict bee pefcÇetf penitance 1531.

Au milieu d'un désert, figuré par une épaisse forêt à travers laquelle courent des animaux sauvages, sangliers, cerfs, daims, oiseaux, etc., Jean-Baptiste s'est improvisé une chaire en passant un bâton à travers deux branches d'arbres (3).

Il est barbu, tête nue, sa longue chevelure bouclée tombant sur ses épaules, et est vêtu d'une tunique en peau de chameau (4), qui laisse voir ses bras et ses jambes nus. Un riche manteau d'or à la bordure brodée est jeté sur ses épaules, contrastant avec la pauvreté du reste de sa mise, costume qu'il gardera dans les trois groupes qui suivent. Remarquons en passant comment l'artiste a cherché à rendre les veines sur ses jambes et ses bras nus (5). L'auditoire, composé de douze personnes, hommes et femmes (6), et d'un enfant (7), l'écoute dans diverses attitudes. Il faut mentionner dans ce premier groupe, qui est un des meilleurs, quelques bonnes statues, notamment l'homme assis sur un escabeau au premier plan, et son voisin qui lui met la main sur l'épaule. L'homme qui se tient debout en avant, à droite du spectateur, a une pose un peu prétentieuse et recherchée.

Peut-être l'artiste a-t-il voulu figurer un pharisien.

2e groupe. - Baptême de Jésus (8).

fqeftte; entra au fTœuw be Jlovbain eu 6aptcftne eu6t be fainct 3iÇan pOli certain.

Le Jourdain court à travers un paysage planté d'arbres, au fond duquel on aperçoit une ville avec ses tours et ses remparts crénelés. Au premier plan, Jésus, entièrement nu, les reins ceints d'une draperie, est plongé à mi-jambes au milieu

(I) « Puer autem crescebat et confortabatur spiritu; et

erat in desertis usque in diem ostensionis suas ad Israël />.

Luc., 1, 80.

(2) <? Venit Joannes Baptista praedicans in deserto Judeae, et dicens : Pœnitentiam agite, appropinquavit enim regnum cœlorum^. Mattli., III, 1,2; Marc., l, 3, 4; Luc., III, 2, 3.

(3) Saint Jean prêchant dans le désert est représenté de la même manière sur un devant de coffre en bois sculpté du xvie s. appartenant à M. Boy, et qui a figuré à l'exposition universelle de 1900. Exposit. univers, de 1900. Catal. illust. offic. de l'expos. retrosp. de l'art franç., pl. 159. - Voy. aussi un bas-relief allemand de la galerie de Brunswick, publ. dans PAUL LACROIX, les

Arts au moyen âge, 1873, p. 379, etc.

(4) « Ipse autem Joannes habebat vestimentum de pilis camelorum ,). Matth., III, 4; Marc , 1, 6.

(5; Deux doigts refaits.

(6) Une tête de jeune homme et une de femme refaites.

(7) La tête refaite.

(8) « Tune venit Jésus a Galilasa in Jordanem ad Joannem, ut baptizaretur ab eo. Baptizatus autem Jésus confestim ascendit de aqua. Et ecce aperti sunt ei cœli, et vidit Spiritum Dei descendentem sicut columbam et venientem super se. Et ecce vox de cœlis dicens : Hic est filius meus dilectus, in quo mihi complacui ».

Matth., III, 13-17. — Marc., 1, 9-11.

du fleuve, et bénit. Il est barbu avec longue chevelure bouclée, figure d'ailleurs assez insignifiante. Sur la rive du fleuve, saint Jean lui verse l'eau sur la tête au moyen d'une espèce de tasse. Sur l'autre rive, un ange à la chevelure dorée, frisée et faisant comme une auréole autour de son visage, vêtu de l'amict, d'une aube d'un très joli brocart blanc et or et d'une étole posée sur l'épaule gauche à la manière des diacres, tient la robe de Jésus, pour la lui remettre après l'immersion. C'est une charmante figure, quoique un peu mièvre. Dans le ciel, Dieu le Père apparaît à mi-corps : figure étrange, aux joues creuses, aux pommettes saillantes, aux longs cheveux bouclés, à la barbe épaisse divisée en deux pointes qui descendent jusque sur la poitrine. Il porte l'étole croisée à la manière des prêtres, une chape fort riche, et est coiffé de la tiare. Il bénit de la main droite et tient le globe du monde de la gauche (i). Quatre petits anges aux visages enfantins et vêtus d'aubes blanches semées de fleurons d'or, voltigent autour de lui. Deux tiennent une banderole sur laquelle est écrit en lettres gothiques noires : Qic eft fifi9 me9 bifectue, et au milieu de laquelle plane le Saint-Esprit en forme de colombe (2).

3e groupe. — Saint Jean révélant sa mission (3).

Jintcvvosue fainct ÎÇan qup 3If eftoit Oict eftre voiy qup au bcfett pvefcfjoit

Le désert est toujours figuré par une forêt touffue remplie d'animaux sauvages.

Au milieu, saint Jean apparaît, faisant les gestes de quelqu'un qui parle.

Dix personnages s'avancent vers lui et semblent l'interroger. Leurs costumes extravagants contrastent avec la simple peau de chameau dont le Précurseur est couvert. Ce sont des Pharisiens. Celui-ci, à notre droite, un énorme cimeterre au côté, lève la tête d'un air suffisant et entendu, comme s'il lançait quelque insolente question. Il faut renoncer à décrire la complication de son costume (4). Celui qui est à côté de lui est plus simplement vêtu d'une robe de drap d'or bordée de fourrures et ornée par le bas d'une garniture de grelots, la bourse pendue à la ceinture; il lui met la main sur l'épaule. Vers la gauche du spectateur, deux hommes semblent se parler en ricanant d'un air incrédule. Leur accoutrement n'est pas moins bizarre que celui des premiers, l'un avec ses houseaux rouges à revers blancs, son habit rayé blanc et or, sa ceinture de grelots, et le mouchoir qui lui enveloppe la tête, l'autre avec sa robe longue à capuchon et son turban, la bourse et le couteau à la ceinture. Non moins bizarres sont les personnages du second plan. Malgré un peu trop de symétrie dans le groupement des personnages, c'est une fort belle composition.

(1) Les doigts refaits.

(2) Refait.

(3) « Et hoc est testimonium Joannis, quando miserunt Judaei ab Jerosolymis sacerdotes et levitas ad eum ut interrogarent eum : Tu quis es? Et confessus est : Quia non sum ego Christus. Et interrogaverunt eum : Quid ergo? Elias es tu? Et dixit : Non sum. Propheta es tu?

Et respondit : Non. Dixerunt ergo ei : Quis es, ut responsum demus his qui miserunt nos ? Quid dicis de te ipso? Ait : Ego vox clamantis in deserto : Dirigite viam Domini, sicut dixit Isaia propheta. Et qui missi fuerant erant ex Phariseis » Joan.. i, 19-24.

(4) La tête et une main refaites.

4e groupe. - Saint Jean montrant l'Agneau de Dieu (i).

Jxrinct IQan voyant 3îÇefue veve fup mavcfjev Vlecy fe agneau bc bien (bict if) ttefcfjet

Au milieu d'une forêt (2) que domine un château fort avec ses murailles, ses tours, ses créneaux, ses mâchicoulis, etc., saint Jean se tient debout montrant de la main droite Jésus qui, vêtu d'une simple tunique de brocart blanc et or, s'avance sur la droite du spectateur, en bénissant. Cette statue est encore moins bonne que celle du Baptême au groupe n° 2. Au premier plan, six personnages le regardent avec étonnement. Ceux qui sont à la droite du spectateur semblent pleins de respect. Une femme s'agenouille : elle est coiffée d'un couvre-chef fort riche, espèce de résille avec une corne relevée terminée par un grelot; auprès d'elle est sa petite fille, vêtue d'une simple chemise de brocart blanc et or qui, fendue du haut en bas, laisse apercevoir ses membres nus (3). De l'autre côté (fig. 192), un gros homme à longue barbe, coiffé d'un turban, enveloppé dans un manteau rouge broché d'or, dont le dessin est composé d'animaux fantastiques dans des roues, est assis sur un escabeau, et semble regarder Jésus d'un air insolent.

Deux autres sont debout derrière lui. Un caniche est accroupi au premier plan.

TRAVÉE 19-21 a. - A. Grands groupes. - L'histoire de saint Jean-Baptiste se poursuit dans les grands sujets, pour ,. se terminer dans les bas-reliefs du soubassement de cette seconde travée.

Ier groupe. — Saint Jean devant Hérode. Son emprisonnement (4).

pour arguer (5) Çetrobe be abuftere 3ainct 3îfjan fut mi6 en prifon fort aufterc.

La composition tout entière a pour fond une montagne rocheuse, plantée d'arbres, au sommet de laquelle s'élève un château fort. Deux sujets sont figurés sous la même niche. Dans le premier, qui occupe la partie à droite du spectateur, saint Jean qui, dans toute cette seconde partie de la clôture, n'a plus le riche manteau que nous lui avons vu dans la première, mais qui n'est plus couvert que de sa peau de chameau, s'avance vers Hérode. Assis dans une chaire à bas dossier, celui-ci semble entendre avec impatience les dures vérités qui sortent de la bouche du Précurseur. La richesse du costume d'Hérode est opposée au dénuement de celui de Jean : robe de drap d'or doublée de fourrures, chaîne d'or au cou. Son chapeau, dont le bord est relevé par devant en forme de corne retenue parune

(1) - À Itéra die vidit Joannes Jesum venîentern ad se, et ait : Ecce Agnus Dei, ecce quitollit peccata mundi jJ.

Joan., 1, 29.

(21 Un arbre refait-.

(3) La tète refaite, -

(4) *■ Herodes enim tenuit-Joarmem et alligavit eum, et posuit in carcerem, propter Herodiadem, uxorem

fratris sui. Dicebat enim illi Joannes : Non licet tibi habere eam. Et volens illum occidere, timuit poinirum, -quia sicut prophetam eum habebant d. Matth., xiv, .3-5.

-— Marc., vi, 17, 18. — De decollatione sancti Johamiiç Baptistæ. Leg. aur.. édit. Graesse, p. 567.

15) "Johannes autem eum de hoc argutbat Leg. dur., toc. cit.

enseigne, est orné d'une couronne royale. Trois personnages se tiennent près de lui, une femme, Hérodiade sans doute, et trois conseillers, dont les visages manifestent un mécontentement plus grand encore que celui du tétrarque.

Dans la seconde partie, saint Jean est mené en prison par un varlet à la saie de drap d'or diapré, dont les manches bouillonnées le long du bras et serrées à l'avant-bras, sont déboutonnées; une espèce de toque est posée sur sa longue chevelure bouclée qui retombe sur ses épaules; à son côté est pendue une épée dans la gaine de laquelle en est pratiquée une autre plus petite, où est passé un couteau. Il pousse saint Jean par le bras, tandis qu'au seuil de la prison, édifice flanqué de tours crénelées avec sa lourde porte aux pentures de fer, le geôlier le saisit pour l'y faire entrer. Les traits énergiquement accusés de ce geôlier, son visage rasé, sa longue moustache, qui retombe à droite et à gauche, en font un type bien étrange, type de soudard cruellement jovial.

2e groupe. — Le festin d'Hérode (i).

Or Çecobiae fa fiOte betnanba Ce cÇef fainct Jifjan Çet:oî>e fe acorba

Dans une salle du palais d'Hérode, figurée par une accolade d'architecture flamboyante ornée de crochets, Hérode et Hérodiade sont assis l'un près de l'autre à une table servie et semblent s'entretenir des talents chorégraphiques de la fille de celle-ci, qui danse au premier plan. Ce n'est plus la danse acrobatique comme celle que les artistes du XIIIe siècle lui faisaient exécuter, mais une de ces danses posées et un peu solennelles du XVIe siècle. Elle est vêtue avec la dernière élégance : robe de dessus de brocart blanc, or et bleu, doublée de fourrures, sur laquelle s'étalent de nombreux colliers et une ceinture terminée par une longue - chaîne d'or qui pend par devant. Sa coiffure est d'une richesse et d'une complication qui défient toute description. D'une main elle tient une longue mèche de sa blonde chevelure, qu'elle semble vouloir faire admirer, tandis que, de l'autre, ,elle. retrousse coquettement sa robe pour laisser voir une jupe de dessous tout en drap d'or. Un singe grimace à côté d'elle (2). Le costume d'Hérodiade n'est pas moins somptueux : Hérode l'a traitée en favorite et lui a fait mettre une couronne royale sur la tête. Le personnage qui se tenait à gauche, au premier plan, avait disparu : on l'a remplacé, lors de la dernière restauration, par le même varlet qui, au 4e groupe tient un plat de volaille, mais dans une attitude différente (3).

A droite et à gauche, trois femmes diversement costumées, jeunes et vieilles, assistent au festin sans y prendre part. Il faut remarquer la figure de la vieille femme coiffée d'un bourrelet, qui se tient à gauche, à côté d'Hérode.

(1) « Die autem natalis Herodis, saltavit filia Herodiadis in medio, et placuit Herodi. Unde, cumjuramento pollicitus est ei dare quodcumque postulàsset ab eo. At illa praemonita a matre sua : Da mihi, inquit, hic in disco, caput Joannis Baptistas. Et contristàtus est rex : propter juramentum autem et eos qui pariter recumbebant, jussit dari j,. Matth., xiv, 6-9. — Marc., vi, 1-27. — Leg. altr., loc. cit.

(2) Latêterefaite.

(3) Caudron dut le refaire par deux fois, la première n'ayant pas été trouvée satisfaisante lors delà réception des travaux. Procès-verbal de réception du 30 mars 1839.

Arch. de la Somme, série V, Edif. diocés. — JOÙRDÁTN ET DUVAL, dans Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., ,LIX, P. 240.

p. 240. ;

3e groupe. — Décollation de saint Jean-Baptiste (i).

en ptifon fut fainct 3fÇan becapite pour auoir bict et pvefcQe verite.

La prison est figurée par une énorme tour cylindrique garnie de meurtrières, créneaux, mâchicoulis et lucarnes d'où sortent des têtes de curieux; elle est flanquée de deux tourelles polygonales, et percée d'une grande porte en accolade ornée de crochets et de choux frisés et surmontée d'un lion qui tient un écu. En avant de cette porte est le corps de saint Jean décapité, agenouillé, les bras garrottés, le haut du corps, qui n'est plus soutenu par la vie, penché vers la terre. A sa droite, se tient le bourreau — une des meilleures figures de tous les groupes - accoutré d'un justaucorps attaché sur la poitrine par trois énormes boutons et festonné par en bas, son chapeau rejeté en arrière lui dégageant le visage. L'épée nue dans une main, il tient de l'autre par la chevelure la tête de saint Jean qu'il vient de trancher, et la pose sur un plat que lui présente la fille d'Hérodiade (2). Celle-ci, accompagnée d'une suivante, a assisté à la scène sans broncher. Derrière le bourreau est un soldat armé d'une hallebarde et costumé encore plus bizarrement que lui.

4e groupe. — Vengeance d'Hérodiade (3).

Ce cfjef fainct 3l(jan fut a ta6fe pofe puitî bun coulteau beffue f'œuf incife.

Nous nous retrouvons dans la salle du festin, avec les mêmes personnages qu'au n° 2. On a mis sur la table devant Hérodiade le plat sur lequel le chef de saint Jean est servi. Elle lui enfonce avec une expression de haine satisfaite la pointe d'un couteau dans le front (4), tandis qu'Hérode lui montre de la main la vieille qui ricane à côté de lui. Au premier plan, la fille d'Hérodiade, dont le triste courage ne peut aller jusqu'au bout, tombe en pâmoison entre les bras d'un serviteur, tandis qu'un varlet, qui vient d'entrer apportant une volaille rôtie sur un plat, fait un geste d'horreur. Son accoutrement est très extraordinaire : nous retrouverons cependant les différentes pièces de son vêtement sur plusieurs personnages des stalles. La plus caractéristique consiste en une espèce de tunique raide, assez courte, fendue des deux côtés et arrondie par devant et par derrière, de dessous laquelle sortent les pans d'une robe traînante fendue à droite et à gauche. Une petite bourse et un couteau sont passés dans sa ceinture (5).

B. — Soubassement. — Le sou bassement de cette seconde travée est orné d'une sorte de fenestrage aveugle de style flamboyant, où sont intercalés, sur une seule ligne, cinq quatrefeuilles sculptés en bas-relief, dont les sujets, qui se

(1) « Misitque et decollavit Joannem in carcere, et allatum est caput ejus in disco et datum est puellae ».

Matth., xiv, 10, u. — Marc., vi, 27, 28. — Leg. aur., loc. cit.

(2) La barbe, le chapeau et l'épée du bourreau refaits.

(3) « Herodiadem, sicut Hieronymo, in fine Apologiac

contra Rufinum, attestante, linguam veriloquam acu discriminali confixit, ita impegisse etiam cuspidem cultri in supercilium sancti ». Acta Saiictor. Boll., 24 jun.

(4) La couronne d Hérodiade et le couteau refaits.

(5) La main gauche refaite.

rapportent tous à l'histoire des reliques de saint Jean, sont disposés en allant de la droite à la gauche du spectateur. Les quatrefeuilles ont toujours le même fond guilloché et doré qu'à la première travée, mais il est moins visible et les sujets sont un peu plus chargés de détails. Seuls ils sont peints et dorés : dans le reste du soubassement, la pierre est laissée à nu.

1. — Le corps de saint Jean enseveli par ses disciples (i). — Le corps de saint Jean décapité, toujours couvert de sa peau de chameau, les mains liées, est déjà à moitié enfoui dans la terre, sans cercueil et sans linceul. Deux disciples armés de pelles le recouvrent de terre; une pioche gît à leurs pieds.

Un troisième joint les mains, un quatrième sem ble soutenir le corps par les épaules. Dans le fond, une ville forte avec ses tours et ses divers bâtiments, représente sans doute la ville de Sébaste, dont parle la Légende dorée, 2. — Guérisons au tombeau de saint Jean (2). - Le tombeau est figuré par un grand sarcophage, autour duquel se pressent des indigents et des infirmes.

L'un deux joint les mains, un autre étend les bras vers le tombeau, un troisième se traîne en s'appuyant sur des béquilles. Le dernier est un mendiant déguenillé, les jambes nues, une escarcelle à la ceinture : il met un genou en terre en joignant les mains. Comme témoins des nombreux miracles opérés par l'intercession du saint, des béquilles sont pendues à la muraille ; d'autres gisent à terre (3).

3. - Les ossements du saint livrés aux flammes (4). - Au pied d'une colline dominée par une ville forte aux remparts crénelés, est allumé un grand feu, au milieu duquel brûlent les ossements. Deux individus armés de fourches attisent le feu. L'un porte un cimeterre pendu à la ceinture, l'autre se roule par terre en riant. Un troisième personnage, richement vêtu, la bourse au côté, s amuse à jeter des ossements dans le feu en ricanant.

4. — Les cendres jetées au vent (fig. 191, B) (5). — Même décor, même ville dans le fond. Le feu est éteint : il n'en reste qu'un monceau de cendres qu'un homme remue avec une pelle, tandis qu'un autre secoue un grand van rempli des cendres encore chaudes et que l'air agité fait se rallumer. Un troisième personnage jette les cendres au vent avec les mains. Tous trois semblent accomplir leur besogne avec une joie féroce.

5. — Réception du chef de saint Jean à Amiens (6). — Walon de Sarton, en surplis (7), accompagné d'un clerc en robe noire, tient un plat d'or sur lequel le visage de saint Jean est posé, et le présente à l'évêque d'Amiens qui s'avance

(1) « Et accedentes discipuli ejus, tulerunt corpus ejus et sepelierunt illud H. Alatth., XIV, 12. — Marc., vi, 29.

- Cum discipuli Johannis corpus ej us apud Sebasten, urbem Palaestinae, inter Elisacum et Abdiam sepelivissent j). Leg. aur., loc. cit., p. 569.

(2) MM. Jourdain et Duval (Mèm. de la Soc. des Ant.

de Pic., in-8°, t. IX, p. 230) ont cherché à expliquer ce sujet par un texte de saint Jérôme qui n'est ni très clair ni très explicite. Il est beaucoup plus simple de s'en rapporter tout simplement à la Légende dorée qui dit en propres termes : « Et ad ejus tumulum multa miracula fierent ». Leg. aur., loc. cit., p. 569.

(3) Quelques portions de têtes refaites.

(4) « Jubente Juliano Apostata, gentiles ejus ossa sparserunt, et cum miracula non cessarent, post collecta et igne concremata in pulverem redegerunt ». Leg. aur., loc. cit., p. 569. — Voy. sur ce quatrefeuilles et le suivant la dissertation de MM. Jourdain et Duval; Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. IX, p. 232, et aussi sur les feux de la saint Jean et les feux d'os, dans Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. I, p. 344.

(5) « Et per agros ventilaverunt ». Leg. aur., loc. cit., p. 569. — Remarquons la traduction littérale du mot « ventilaverunt », par un homme qui secoue un van.

(6) Voy. Acta Sanctor. Boll., 24 jun.

(7) La tête refaite.

vers lui en aube, dalmatique, mitre et chape, la crosse à la main (i), accompagné de deux chapelains en robes noires. Dans le fond, la ville d'Amiens est simulée par des remparts crénelés, une porte, des arbres, des pignons de maisons.

(i) La tête refaite.

J'ig. J!)2—Tfistoire de saint , D était

II

CLOTURES DES CHAPELLES AU TRANSEPT.

Indépendamment des quatre travées de clôture du chœur que nous venons de décrire, il reste encore les monuments placés sur le glacis des fenêtres privées de leurs vitraux, entre le transept et les chapelles xi et xn, en i3 bc et 14 bc.

A cette seule différence qu'ils ont pour soubassement l'ancien mur d'appui des fenêtres, qui a été conservé avec l'arcature du XIIIe siècle dont il est décoré, ils sont disposés comme les clôtures du chœur et datent de la même époque, formant avec elles un seul et même ensemble. Ils doivent par conséquent être décrits à leur suite. Ces clôtures ont sur les premières, le grand avantage d'être absolument intactes, sans aucunes restaurations, et presque sans mutilations (1) : il y a à peine quelques membres brisés, quelques accessoires détruits, mais 1 ensemble n'en souffre nullement, et c'est avec raison qu'en 1839, le conseil général de la Somme refusa les crédits qu'on lui demandait pour leur restauration (2).

Il faut remarquer que l'ornementation architecturale en style flamboyant qui les surmonte a la plus grande analogie avec celle des stalles.

Histoire de Jésus chassant les vendeurs du Temple.

(Travée 13 bc. — Pl. LIII).

L'épitaphe du chanoine Jean Wytz, peinte en noir sur fond blanc dans 1 écoinçon central de l'arcature du XIIIe siècle, au-dessous de la représentation qui nous occupe, est ainsi conçue :

Cp gift venetaôfe et bifetete petfonne monr; Il maiflve Jlfîan wyt- pbre cÇanoe be cean; Il c§ax\tw et cÇanôc bc feoffife noftre bame be CaffeC Il fequef. (3) faire cefte IRePrefentation et trerpaffa Il fe. (4) tour be novemève /i an mif (5) pviee bien = pour fon ame. patev Il nr Jïw ma || amen Il

Comme on le voit, plusieurs mots sont entièrement effacés. Pour comble d'infortune, Rivoire, Gilbert et Guilhermy, qui ont vu apparemment cette

(1) Ces groupes de sculptures n'ont jamais eu, à notre connaissance, de description détaillée, MM. Jourdain et Duval n'ayant pas jugé à propos de les adjoindre à leur notice sur les clôtures du chœur.

(2) Voy. ci-dessus, t. II, p. 91.

(3) Rivoire (Descr. de l'église cathéd. d'Am., p. 149)

a lu i{. fit N; Gilbert (Descr. de l'église cath. d'Am., p. 214), « fist »; Guilhermy (Notes mss. ; Bibl. nat., ms. fr. Nouv. acquis. 6094, p. 259), « feict N.

(41 Guilhermy (loc. cit.) a lu « vme N.

(5) Rivoire et Gilbert (loc. cit.) ont lu « MVC xxiii » ; Guilhermy (loc. cit.), n mcccccxxii ».

inscription alors qu'elle était en meilleur état, ne sont pas d'accord dans leurs lectures.

Les quatre groupes qui composent cette clôture représentent Jésus chassant les vendeurs du temple (i). On se demande qui a pu déterminer Jean Wytz à choisir un pareil sujet, si rarement usité dans l'iconographie du moyen âge, et à lui faire donner un pareil développement. A-t-il voulu donner une leçon aux simoniaques, ou bien protester contre les nombreux marchands de toute espèce qui encombraient alors le parvis de la cathédrale d'Amiens, envahissant même parfois jusqu'à l'intérieur de l'édifice? N'était-ce pas plutôt un prétexte pour faire étalage d'érudition en reproduisant, par une sorte de reconstitution archéologique le temple dans toutes ses parties, ce qui, au commencement du XVIe siècle, était assez de mode ? Les principaux meubles du temple et le costume du grand prêtre ont été presque absolument copiés sur les essais de restitution qui en avaient été faits dans la Chronique de Nuremberg (édit. de 1493). D'autre part, les diverses particularités du récit évangélique ont été scrupuleusement suivies.

C'est un morceau de sculpture très remarquable et très intéressant.

La scène se déroule dans quatre grandes niches qui correspondent à chacune des quatre principales parties du temple : Y Atrium, le Tabernacle, le Saint, le Saint des Saints, dont les noms sont inscrits en caractères gothiques noirs à capitales rouges, au-dessous de chaque groupe. Chacune de ces niches, qui sont surmontées d'une dentelle de pierre continue, très haute et d'une architecture flamboyante très compliquée (2), est subdivisée en deux petites voûtes sur croisées d'ogives, aux clefs sculptées, et dont les nervures sont peintes en rouge et or, et les remplissages d'azur semé d'étoiles d'or. Cette subdivision est marquée à chaque niche dans la décoration extérieure par deux arcs brisés garnis dans leur intrados d'ornements flamboyants et retombant sur un pendentif sculpté de feuillages peints en rouge, azur et or. Les montants séparatifs des niches sont garnis de culs-de-lampe (3) surmontés de dais et servant de supports à cinq statuettes, dont il ne subsiste qu'une seule, contre le montant qui se trouve entre les deux premières niches.

Elle représente saint Jean-Baptiste, sculpture très remarquable. Du temps de Rivoire, il y en avait encore une autre représentant saint Jean l'Évangéliste (4).

Ces cinq montants ont pour supports de petits hommes accroupis, véritables merveilles de finesse et d'esprit, qui lisent dans des livres ou déroulent des banderoles. Entre ces cinq supports, la gorge qui sert de base à chacune des niches, cintrant un peu en avant, est ornée d'une charmante guirlande de pampres sculptés au naturel, dont les deux extrémités s'enfoncent dans la gueule de deux monstres, et dont les fruits sont becquetés par des oiseaux ou léchés par des escargots (5).

(1) ''- Et prope erat Pascha Judaeorum, et ascendit Jésus Jerosolymam, et invenit in templo vendentes boves, et oves, et columbas, et numularios sedentes; et cum fecisset quasi flagellum de funiculis, omnes ejecit de templo, oves quoque, et boves, et numulariorum effudit ses, et mensas subvertit. Et his qui columbas vendebant dixit : Auferte ista hinc et nolite facere domum Patris mei domum negotiationis j). Joan., II, 13, 16 ; Jfatth., xxi, 12, 13; Marc., xi, 15, 17; Luc., xix, 45, 46.

(2) Elle est mutilée à sa partie supérieure.

(3) Deux de ces culs-de-lampe sont formés de deux enfants soutenant un écu découpé, motif que nous retrouverons dans les stalles. Les autres sont feuillagés.

(4) RIVOIRE, Descr. de l'èglise cathid. d'Am., p. 149.

— Saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste étaient les patrons de Jean Wytz, donateur de la clôture.

(5) Cette guirlande a une grande analogie avec celle qui court au bas du haut dossier des stalles.

Dans toute cette partie décorative, qui sert d'encadrement aux principaux sujets, la pierre est à nu, à l'exception des petites figures servant de supports aux cinq montants, des statuettes qui ornent ceux-ci et de la voûte de chaque niche, qui sont les seules parties peintes et dorées (i).

Les personnages ont généralement 90 centimètres de hauteur moyenne.

Après avoir décrit cette sculpture, Rivoire (2) ajoute : ce L'ecclésiastique en surplis, dont on voit le buste placé au milieu de ce monument, est sans doute celui qui le fit ériger à ses frais, et non, comme quelques-uns l'assurent, celui du chanoine de Picquigny qui apporta le chef de saint Jean-Baptiste ». On ne voit plus trace aujourd'hui d'un buste de ce genre, à moins que Rivoire n'ait voulu parler du petit personnage accroupi, imberbe, en bonnet carré et' lisant dans un livre, qui sert de support au montant du milieu. Cependant Dusevel (3) répète la même chose, tandis que Goze (4) dit que ce buste aurait été détruit « il y a quelques années ». Tout cela n'est pas très clair.

ier groupe. — Jïtrium.

C'est la place devant le temple, garnie de maisons en pierre avec pignons, tourelles, balcons, lucarnes, fenêtres à croisées, auxquelles se montrent des curieux.

Une enceinte entourée d'un mur bas, élevée de plusieurs marches au-dessus de la voie publique, figure le parvis, dont l'entrée est ornée de deux animaux accroupis, un lion et un chien, entièrement dorés. Mise en scène évidemment inspirée de ce que devait être le parvis d'une ancienne cathédrale (5). Dans cette enceinte se pressent de nombreux marchands somptueusement costumés. Celui-ci, en robe de damas blanc et or est assis sur le mur : celui-là, à son banc sur lequel se répandent des pièces de monnaie. Des cages d'osier remplies de colombes sont à côté de lui (6). Deux marchands de bestiaux discutent le prix d'un* bélier dont ils examinent la mâchoire. Un valet s'en va, un panier sous son bas et un'veau sur les épaules (7); une mesquine retourne à la maison avec ses provisions dans une manne qu'elle porte sur la tête. Il y a encore d'autres marchands dans le fond (8). Tous détournent la tête et semblent subitement interrompus dans leurs occupations mercantiles par l'apparition de Jésus qui, armé d'un fouet (9), s'avance à l'entrée du temple, sui vi de ses disciples, et qui leur lance cette apostrophe inscrite sur une banderole en caractères gothiques :

(1) Au-dessus de ce couronnement, à en croire le manuscrit de Machart, il y aurait eu la représentation de l'histoire de Moïse et d'Abraham. On n'en voit plus trace aujourd'hui, et c'est le seul auteur qui en parle.

Bibl. d'Am. ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 299. Cela n'est guère vraisemblable.

(2) Descr. de l'église cath. d'Am., p. 149.

(3) .Notice sur la cath. d'Am., p. 61.

(4) Eglises, châteaux, beffrois, etc., t. II, p. 14.

(5) Voy. VIOLLET-LE-Duc, Dict. rais. d archit.,t. Vil, p. 50, art. Parvis. — Est-il besoin de rappeler que, de tout temps, le parvis de la cathédrale d'Amiens fut le rendezvous de marchands d'objets de toute espèce, non seulement dans les logettes dont il était garni, mais aussi sur

des étaux volants qui l'encombraient ?j Citons seulement ce texte de 1366, qui semble avoir tant de rapport avec la scène que nous décrivons : 'f. Quorum unus in capite muri dicti parvisii, ubi venditores pullorum et avium stant et sedent communiter. ubi mercerii stant communiter ». Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G. 653.

(6) « Cathedras vendentium columbas». Matth., xxi, 12; Joan., 11, 14.

(7) « Vendentes boves et oves ». Joan., 11, 14.

(8) La tête d'un de ces derniers manque.

(9) « Flagellum de funiculis ». Joan., 11, 15. Ce bras est cassé, mais Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 155), dit positivement qu'il était armé d'un fouet, et Rivoire (Descr.

de l'église cath. d'Am,., pp. 147, 148) l'a encore vu.

Jfufettfe ifta Çinc, et nofite face bomn prie met bomum negotiatiome (1).

2e groupe. — f€a6ernacufum.

L'enceinte du temple est figurée par un riche portique de style Renaissance (2), composé d'un entablement sculpté porté sur des pilastres et auquel pendent des courtines qui sont tirées de manière à laisser voir ce qui s'y passe. Il se continue dans les deux groupes qui suivent (3). A travers ce portique, on aperçoit l'intérieur du temple, qui ressemble à un intérieur d'église du moyen âge, avec ses voûtes sur croisées d'ogives et ses fenêtres aux remplages flamboyants. Jésus vient sans doute d'offrir un sacrifice, car un agneau achève de se consumer sur un autel orné de quadrillages et muni d'anneaux à ses quatre angles (4). Il s'éloigne, environné de lévites et de disciples et se dirige vers Y atrium qui se continue jusque dans cette seconde niche, et où les marchands ne pullulent pas moins que dans la première. L'un, à la saie bordée d'un galon à légende, la bourse au côté, a ouvert devant lui deux gros sacs remplis de poires; un autre est assis par terre à côté de lui (5). Une femme, dont la robe de dessus, fort courte, de brocart vert et or, est ornée par en bas de grelots et de bouffettes, s'approche, un petit panier à la main; une autre a un faucon sur le poing. Un homme s'en va, emportant une corbeille de raisin noir. Voici un banquier qui pose un sac d'écus sur un banc (6). Enfin, pour faire contraste avec tout cet étalage de richesses et de marchandises, voilà clopin-clopant, appuyé sur une béquille, l'inévitable mendiant déguenillé, les pieds nus, les jambes garnies de curieuses molletières en toile, sa sébille à la ceinture.

3e groupe. — J)ancta.

Nous sommes tout à fait dans l'intérieur du temple. Il n'y a plus de marchands, mais seulement des prêtres et des lévites occupés aux plus augustes fonctions. Au premier plan, la table des pains de proposition, garnie tout alentour d'une sorte de galerie sculptée et crénelée, dont les pieds découpés dans d'épaisses pièces de bois, sont munis d'anneaux. Sur cette table sont posés douze pains (7). Un lévite, accroupi, en aube de brocart blanc et or, verse de l'encens dans un encensoir à même la navette. Deux prêtres en aubes et chapes garnies de chaperons terminés par un gland, encensent l'autel des parfums, qui est orné d'une frise dorée en style Renaissance (8). Un jeune lévite, en tunique blanche fendue sur les côtés, relève

(1) Joan., 11, 16.

(2) « Et porticus erat ante templum ». III Reg., vli 3.

(3) Au n° 3 ce portique a été détruit, mais on en voit fort bien la trace. Il ne reste que la partie inférieure de la draperie.

(4) « Facies et altare de lignis setim. Craticulamque in modum retis aeneam, per cujus quatuor angulos erunt quatuor annuli aenei », etc. Exod. xxvii, 1-8. — Cet autel est fidélement copié sur l'estampe de la Chronique de Nuremberg, 1493 in-fol., fol. XXXIII.

(5) La tête manque.

(6) « Numularios sedentes z.Joan,. 11, 14.

(7) « Facies et mensam de lignis setim. Et ipsi labio coronam interrasilem altam quatuor digitis, et super illam, alteram coronam aureolam. Subter coronam erunt circuli aurei, ut mittantur vectes per eos, et possit mensa portari. Et pones super mensam panes propositionis in conspectu meo semper ». Exod., xxv, 23-30. — Cette table est absolument reproduite d'après l'estampe de la Chronique de Nuremberg, édit. 1493 in-fol., fol. xxxi, sauf que les pains sont ici en trois piles au lieu de deux et que les vases à encens ne sont pas figurés.

(81 « Faciesque ei coronam aureolam per gyrum ».

Exod., xxx, 1-6.

la chape du premier, pour faciliter ses mouvements. Au premier plan, à la droite du spectateur, un personnage barbu, en costume civil, vient d'écarter la draperie qui pend au portique (i). Suivant Pagès on voyait aussi dans ce groupe, qui a d'ailleurs subi quelques mutilations, le chandelier d'or à sept branches. Il n'en reste plus trace (2).

4e groupe. — âancta âanctotum.

Dans le fond, toujours garni de son fenestrage flamboyant, on aperçoit une crédence, sur laquelle deux burettes sont posées. L'Arche d'alliance est figurée par un grand coffre quadrangulaire, dont la partie supérieure est ornée d'une petite galerie sculptée à jour. Au-dessus sont les deux chérubins, sous la forme de deux anges en aubes de brocart blanc et or, aux ailes éployées, qui, debout sur le coffre, soulèvent le couvercle, propitiatoire ou oracle. A chaque extrémité du coffre sont des anneaux où les brancards sont passés (3). Un vase, qui ressemble à un bénitier, est posé par terre à *côté de l'Arche (4). Le grand prêtre, de beaucoup plus haute stature que les autres personnages (5), s'approche de l'Arche qu'il encense. Comme les principaux meubles du temple, son costume a été copié sur l'estampe de la Chronique de Nuremberg (6). La barbe entière, il porte premièrement la tunique de lin étroite, qui traîne à terre (7), puis la tunique de dessous, plus courte, d'un brocart blanc et or, bordée à sa partie inférieure d'un* très riche galon, avec une garniture de clochettes et de petites grenades alternant de deux en deux (8), puis rEphod, tunique encore plus courte, d'un brocart plus riche, rouge et or, galonnée par en bas, fendue sur les côtés et sans manches (9).

Un triple cordon terminé par quatre glands, lui sert de ceinture (10). Le Rational est fixé par-dessus l'ephod au moyen de quatre chaînes qui sont attachées au-dessus et au-dessous des bras. Il est de forme carrée et orné des douze pierres

(1) Nous avons dit que, dans cette niche, le portique avait disparu, mais il reste encore toute la partie basse de la draperie entre les mains du personnage qui la soulève.

(2) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 156.

(3) « Arcam de ligno setim compingite. faciesque supra coronam auream per circuitum, et quatuor cirCuitos aureos, quos pones per quatuor arcae angulos : duo circuli sint in latere uno, et duo in altero. Facies quoque vectes de lignis setim et operies eos auro, inducesque per circulos qui sunt in arcae lateribus, ut portetur in eis, qui sempererunt in circulis, nec unquam extrahentur ab eis. Facies et propitiatorium de auro mundissimo. duos quoque cherubim aureos et productiles faciès, ex utraque parte oraculi : cherub unus sit in latere uno, et alter in altero. Utrumque latus propitiatorii tegant expandentes alas, et operientes oraculum ; respiciantque se mutuo, versis vultibus in propitiatorium quo operienda est arca ». Exod., xxv, 10-20. — Voy.

aussi, Exodxxxvn, 1-9. — L'arche est aussi exactement reproduite d'après l'estampe de la Chronique de Nuremberg, 1493, in-fol., fol. xxxi 4°. - - Il faut remarquer que, dans la miséricorde 98 des stalles, l'arche

est figurée d'une toute autre façon, en forme de chasse du moyen âge.

(4) Pagès (édit. Douchet, t. V, p. 156) pense que ce serait l'urne pleine de manne. Ce n'est guère probable

(5) Haut., l m. 25. — Ce personnage d'une taille disproportionnée à celle des autres n'est pas d'un heureux effet.

(6) Fol. XXXIII.

(7) « Lineam strictam ». Exod., XXVIII, 4. — Stringesque tunicam bysso ». Ibid., XXVIII, 39.

(8) « Facies et tunicam superhumeralis totam hyacinthinam, in cujus medio supra erit capitium, et ora per gyrum ejus textilis, sicut fieri solet in extremis vestium partibus, ne facile rumpatur. Deorsum vero, ad pedes ejus tunicae, per circuitum, quasi mala punica faciès, ex hyacintho et purpura, et cocco bis tincto, mixtis in medio tintinnabulis », etc. Exod. XXVIII, ~t-~

(9) Facient autem superhumerale de auro et hyacintho et purpura, coccoque bis tincto et bysso retorta, opere polymito. Duas oras junctas habebit in utroque latere summitatum, ut in unum redeant », etc.

Exod. XXVIII, 6-12.

(10) « Balteum ». Exod., xxvm,4.

liturgiques (1). Sur sa tête est posée la tiare de forme conique, avec sa plaque d'or sur laquelle on aperçoit des lettres qui ne paraissent avoir aucun sens (2).

Les '9reilles du bonnet, qu'à l'instar des évêques du xvie siècle, le grand prêtre porte sous sa sa tiare, sont démesurément longues et descendent jusqu'à la ceinture dans laquelle elles sont passées. Un instrument de forme bizarre, et dont il ne paraît pas être question dans la Bible, est attaché à sa ceinture, pendant le long de la tunique de dessous l'ephod. C'est une espèce de petite grille carrée, fixée à l'extrémité inférieure de deux tiges réunies par une traverse horizontale (3). A en croire Pagès, on voyait encore dans ce groupe les tables de la loi et la verge d'Aaron qui avait fleuri (4). Il n'en reste plus trace.

Histoire de saint Jacques le Majeur.

(Travée 14 bc. — Pl. XLIV).

Au-dessous de cette sculpture, dans l'écoinçon central de l'arcature de soubassement du XIIIe siècle, on voit encore des crampons en fer qui, très probablement, maintenaient la plaque de marbre ou de pierre sur laquelle était gravée l'épitaphe du donateur, le chanoine Guillaume Aux Cousteaux.

Au dire de Pagès (5), le défunt était représenté en sculpture, avec ses armes de gueules à trois couteaux d'argent garnis ou emmanchés d'or, mis en pal.

Cette épitaphe n'existe plus, mais son texte nous a été conservé par les épitaphiers (6) : » Cy devant, dessous une petite lame (7) gist le corps de vénérable persone » mos maistre Guill. Aux Cousteaux, luy vivant bachelier en théologie, chanoe de » cette egle, large et magnifique bienfacteur de la fabrique d'icelle, et aussi des » povres, lequel en sa vie a fait (8) enchâsser le menton Mons. saint Jacques » le Majeur (9), fondé procession solemnelle le jour de la feste dud. S., distribution » aux chanes, chappelains et vicaires d'icelle église, par son testament a ordonné » faire ceste pnte hystoire de St Jacques, trépassa l'an de grâce mil cincq cens » et unze, le second jour de décembre. Priez Dieu pour luy, ses parens, amis et » bienfacteurs.

L'histoire, ou plutôt un épisode de l'histoire de l'apôtre saint Jacques le Majeur se développe sous une quadruple arcature d'architecture flamboyante, moins élevée et beaucoup moins compliquée que celle qui sert d'encadrement à l'histoire de Jésus chassant les vendeurs du temple, qui lui fait pendant. Chaque niche est couverte d'une petite voûte sur croisée d'ogives simple, dont les ogives et les

(1) t Rationaie quoque judicii facies opere polymito, juxta texturam superhumeralis, ex auro; hyacintho et purpura, coccoque bis tincto et bysso retorta. Quadrangulum erit et duplex, mensuram palmi habebit tam in longitudine quam in latitudine. Ponesque in eo quatuor ordines lapidum », etc. Exod., XXVIII, 15-30.

(2) « Facies et laminam de auro purissimo in qua sculpes opere caelatoris SANCTUM DOMINO, ligabisque eam vitta hyacinthina et erit super tiaram imminens fronti pontificis û. Exod., XXVIIf, 36-38.

- (3) Cet instrument n'existe pas dans l'estampe de la Chronique de Nuremberg.

(4) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 156.

- (5) Op. cit., p. 325. — D'après l'épitaphier B, (p. 30), le champ serait d'azur.

(6) Nous le donnons d'après l'épitaphier A, fol. 69. —

Voy. aussi les épitaphiers B, p. 30; C, fol. 38 v°.

(7) Épit. B et C : « Cy dessous une petite lame ».

(8) Épit. B : « a fait en sa vie j).

(9) Voy. ci-dessus, t. II, p. 9.

clefs sont dorées et les remplissages peints d'azur. L'arcature repose directement sur la moulure en forme de boudin qui termine le glacis de la fenêtre. Elle est tout entière en pierre nue; seuls les groupes de personnages étaient peints, mais les peintures sont fort atténuées par le temps (i).

Pour l'intelligence du sujet, il est, croyons-nous, nécessaire de rappeler aussi brièvement que possible le fait de la légende de saint Jacques qui en a fourni le thème (2). h Saint Jacques étant allé évangéliser l'Espagne avec un médiocre succès, y laissa deux de ses disciples et retourna en Judée avec les sept autres. Comme il y prêchait la parole de Dieu, un mage du nom d'Hermogène, lui envoya son disciple Philetus avec les Pharisiens, pour le confondre. Mais Philetus fut au contraire converti par la parole persuasive et les miracles de l'apôtre. Hermogène irrité jeta sur son ancien disciple un sortilège qui le priva de tout mouvement.

Averti par Philetus, saint Jacques lui envoya son manteau, (3), et dès que celui-ci en fut touché, il fut délivré. Ce miracle excita encore davantage la colère d'Hermogène qui, cette fois, évoqua des démons, leur ordonnant de lui amener Jacques et Philetus garrottés ; mais lorsque les démons vinrent vers saint Jacques, un ange les tint enchaînés par des chaînes de fer, en proie à d'affreux tourments. Ils imploraient la protection de l'apôtre. Celui-ci leur dit : L'ange vous délivrera, mais vous m'amènerez Hermogène garrotté, sans lui faire aucun mal. Ils s'en retournèrent donc, et le lui amenèrent les mains liées derrière le dos. Et Jacques dit à Philetus : Suivant les préceptes du Christ, il faut rendre le bien pour le mal. Hermogène t'a lié, à toi de le délier.

Hermogène ainsi délivré demeura confus, fit détruire ses livres de magie, se convertit et saint Jacques lui donna son bâton pour échapper à la vengeance du démon.

Cette légende est écrite en vers, en caractères gothiques noirs à capitales rouges, sous la moulure qui sert de base à fa sculpture, mais les premiers vers sont presque entièrement effacés. Comme ces vers ne correspondent pas toujours exactement avec les sujets sculptés au-dessous desquels ils sont placés, nous les donnerons d'ensemble.

Jmint Jacque I I I I I I 0 maubit fyetmo$cne I I I I I I I à>cac§ant quif 5aint 3lacquee pop fe befiurer Oot [philetus] reuf vint ttouuet

Com fynoçenee orbona Jl'urquef> J>. 3acqe commanba

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OpaBfee pop pvebve pfjiCetw Oe pvebve tfetmosenee fafpfue

(1) Les personnages ont environ i m. de hauteur, en moyenne.

(2) Voy. Leg. aur., édit. Graesse, p. 422.

(3) Dans la Légende dorée, il y a sudarium.

yfetmoçcnce fyc fc fut foeve fapoftfe fe Çumi j £ tui cralboit îce bpaôfce cÇnue 13iii6 pÇ

Le fond général des quatre sujets représente en sculpture, toute une ville avec ses maisons, ses remparts crénelés, ses tourelles, ses clochers, ses fenêtres flamboyantes, ses pignons, ses lucarnes, etc.

Ier groupe..- Philetus à la prédication de saint Jacques. — Au milieu d'une place publique, au fond de laquelle est un vaste édifice aux fenêtres garnies de remplages flamboyants, saint Jacques barbu, vêtu non en apôtre, mais en pèlerin : robe de brocart à col rabattu, manteau jeté sur les épaules, chapeau dont le bord de devant est relevé par une coquille, costume qu'il gardera dans tous les sujets qui suivent (i), est debout dans une chaire à prêcher polygonale, sans abat-voix, exposant la doctrine chrétienne à un nombreux auditoire d'hommes et de femmes, les uns debout, les autres assis, dans des attitudes et des costumes très divers. Il faut remarquer une femme dont la coiffure consiste en un mouchoir très bizarrement entortillé en deux cornes terminées par des glands. A côté d'elle est un homme assis, coiffé d'un turban et qui semble écouter avec une très grande attention (2). Un autre, à longue barbe, drapé dans une toge, les pieds nus, vêtu à l'antique — est-ce un des disciples de saint Jacques ? — se tient debout paraissant commenter les paroles de l'apôtre. Derrière lui, un personnage barbu, coiffé d'un bonnet à oreilles, détourne la tête en roulant des yeux féroces. On le retrouvera dans les trois autres groupes. Des curieux s'avancent aux fenêtres des maisons. Sur la droite du spectateur, et au premier plan, Philetus, à longue barbe noire, accoutré de deux robes l'une sur l'autre, celle de dessus relevée dans la ceinture, un bonnet et un chapeau pointu très singulier sur la tête, se tient debout, le corps penché en avant, comme suspendu aux lèvres de l'orateur et subissant le charme de sa parole, tandis qu'Hermogène, vieillard à la barbe et aux cheveux blancs, coiffé d'un turban et à demi caché par le montant qui sépare ce groupe du suivant, lui parle à l'oreille.

2e groupe. - Philetus délivré par l'imposition du manteau de saint Jacques.

- En avant et au milieu, Philetus terrassé, paraît en proie à une violente douleur et semble faire effort pour se dégager de liens invisibles, tandis qu'un jeune homme imberbe, chapeau à bords relevés sur la tête, lui jette sur les épaules le manteau de saint Jacques. A la gauche du spectateur, l'apôtre accompagné du personnage vêtu à l'antique que nous avons vu au groupe précédent, s'avance vers Philetus faisant le geste de le bénir. De l'autre côté, Hermogène recule de frayeur et de dépit. Il est accompagné d'un homme barbu, coiffé d'un chapeau, et qui pourrait bien être aussi son disciple. Dans le fond, huit autres personnages sont témoins du miracle, avec des expressions diverses de joie ou de colère. Des édifices variés et fort curieux forment le fond du tableau.

(1) Ici on ne voit pas ses pieds, mais dans les autres groupes, il est chaussé de forts souliers. Lorsque saint Jacques est représenté dans ce costume, il est généralement chaussé, alors même qu'il figure au milieu du

collège apostolique et que les autres apôtres ne le sont pas, comme, par exemple, dans les vitraux de la cathédrale d'Auch datés de 1513.

(2) Le visage fruste.

3e groupe. — Saint Jacques commande aux diables évoqués par Hermogène de garrotter celui-ci. — Parmi les bâtiments qui garnissent le fond, on aperçoit une maison crénelée par en haut, et ouverte sur une salle voûtée éclairée par une fenêtre à remplage flamboyant ; au milieu est un pupitre sur lequel est posé un livre ouvert. Est-ce la maison d'Hermogène? Au premier plan, à gauche du spectateur, Hermogène se tient debout, la bourse au côté. Il vient d'évoquer des démons qui surgissent devant lui (i). Deux autres diables (2) voltigent au-dessus des remparts de la ville. Sur la droite, saint Jacques s'avance faisant paisiblement des signes de croix sur les démons, d'un air d'autorité, et tirant par la main Philetus qui n'ose approcher. Six spectateurs suivent la scène.

4e groupe. — Hermogène garrotté, délivré et pardonné. — Trois sujets bien distincts remplissent cette dernière niche.

Hermogène garrotté. — A la gauche du spectateur, Hermogène s'avance piteusement les mains liées, tandis qu'un diable ricane derrière lui (3), et que Philetus le prenant doucement par l'épaule, semble l'exhorter au repentir. Derrière eux se tient un personnage à grosse face imberbe, coiffé d'un turban : on ne sait si c'est un homme ou une femme.

Hermogène délivré. — Hermogène est tombé à genoux, les mains jointes et déliées cette fois, aux pieds de saint Jacques qui l'accueille avec bonté : sa main droite fermée devait tenir un bâton qu'il présentait au magicien. Philetus et beaucoup d'autres personnes sortant d'une maison, assistent à la scène.

Hermogène pardonné — Tout à fait dans le fond de la niche, le Christ apparaît dans le ciel, à mi-corps, au milieu d'un nuage. Il est nu-tête et nimbé, vêtu d'une chape, le globe du monde dans la main gauche, et bénissant de la droite. Hermogène et saint Jacques réconciliés sont agenouillés devant lui, les mains jointes.

(1) Il n'en reste plus que des débris. L'artiste leur aura donné des laideurs un peu brutales qui auront offusqué quelque âme délicate des derniers siècles. Ces mutilations existaient déjà du temps de Rivoire (p. 117).

— L'abbé Roze (Visite, p. 45) explique cette mutilation par l'anecdote suivante : « S'il faut en croire une tradition, on aurait proposé aux meuniers de prendre

pour patron celui des saints sur lequel une colombe làchée dans la cathédrale irait se poser. La mal avisée volatile aurait choisi le diable. Inde irce. Nous donnons ce récit pour le peu que cela vaut ».

(2) L'un d'eux a la tête brisée.

(3) La tête de ce diable manque.

z Fitj-193.Eliézjsr et Rebecca 1: ', , i L<;iard:n. rNisêricordex rj et JJ )

CHAPITRE VII

STALLES

1

HISTORIQUE.

D

E temps immémorial, le choeur de la cathédrale d'Amiens a été garni de stalles, et l'édifice qui a précédé la cathédrale actuelle en possédait déjà (i).

Celle-ci dut en être pourvue dès que l'office divin a pu y être célébré (2). Il

y avait déjà des stalles hautes et des stalles basses (3).

Les stalles tiennent d'ailleurs une trop grande place dans la liturgie catholique pour que la cathédrale d'Amiens n'en ait pas de tout temps possédé pour placer

(1) 1190 : « Ut predicti sacerdotes stallum in choro, vocem in capitulo. semper ibidem deserviant j). Érection de deux prébendes sacerdotales dans la cath.

d'Am. par l'évêque Thibaut d'Heilly. Cartul du Chapit.

d'Am., publ. dans Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., in-40, t. XIV, p. 103. — Veille de Pâques 1218, v. s. :

« Precentor proximum stallum post decanum, cantor proximum stallum post precentorem habebunt. Precentor in superiori stallo canonicos installabit, cantor in inferiori. Magister vero scolarum proximum stallum juxta archidiaconum Ambianensem, penitentiarius proximum juxta Pontivensem habebunt o. Charte de l'évêque Évrard de Fouilloy pour les dignités de chantre, d'écolàtre et de pénitencier. Op. cit., p. 197-

(2) De nombreux textes y font allusion. Ainsi le règlement sur la police du chœur, du 5 avril 1233, v. s., prescrit, entre autres choses, que ceux qui s'absenteront pour les affaires de l'église, sur l'ordre du doyen ou de son lieutenant, « habeant portionem quam haberent présentes in stallo ». Cartul. du Chapit. d'Am., publ.

dans Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., in-40, t. XIV, p. 282. — Mars 1260: c Cum non est acceptabile Deo servitium quod ex corde non procedit. statuimus ut capellani, cum présentes in choro fuerint, cum mente de vota cum aliis psallant, ne si muti in stallo fuerint,

effigiem' statue représentent ». Arch. de la Somme, (Évêché d'Am.) G 378; Chapit. d'Am., cartul. I. fol. 310.

— Liber ordinarius de 1291 : « Ab uno puero revestito juxta stallum », fol. 14. « Ab episcopo et decano, cui defertur capa serica deaurata in stallo suo », fol. 67.

« Oratio. ab ipso episcopo in stallo decani, sive a decano, si celebret in stallo suo », fol. 230. « Sacerdos ebdomadarius, indutus vestimentis sollempnibus, scilicet alba parata, cum diacono et subdiacono. cum processione stat ad aquilam in medio choro, quos comitantur omnes subdiaconi de stallis suis exeuntes », fol. 142 v°.

« Ab uno in stallo suo », passim. — 26 sept. 1416 : « Jaque de la Crois et aultres sergens et officiers desdits de chapitle avoyent pris Baulduin Vere, sergent de Chastelet, ou cœur de ladicte église, entre la closture vers les chaières et le grant autel n. Composit. entre l'évêque Philibert de Saulx et le chapitre. Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Cartul VI, fol. 30 vo, et VII, fol. 32, — etc. — Cf. JOURDAIN ET DUVAL, les Stalles, dans Mém. de la Soc. des Antiq. de Pic., t. VII, p. 110.

(3) 1484, 18 déc. : « Mandaverunt sibi stallum in parte dextra chory in sedibus bassis ». Récept. et install. de Jean Lenglaché dans la prébende théobaldienne subdiaconale. Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G. 912.

ses dignitaires, ses quarante-trois chanoines et ses soixante-douze chapelains, mais elles avaient dû se ressentir de l'épuisement des ressources après la construction de l'édifice; établies à la hâte et avec économie, elles ne répondaient sans doute pas à la splendeur du monument.., Les malheurs des xive et xve siècles, les grandes dépenses de réparations et d'entretien que- la - cathédrale avait exigées, quelques autres travaux urgents, tels que l'achèvement des tours, avaient fait conserver ces stalles quasi provisoires pendant près de deux siècles et demi. Mais, depuis la seconde moitié du xve siècle, la paix et la prospérité étaient revenues et avec elles le goût pour les arts. Comme les autres, le chapitre d'Amiens subit cette bienfaisante influence et entreprit de nombreux travaux d'embellissements dans son église.

Celui de la réfection des stalles fut un des plus importants. Il n'eut pas à aller chercher au loin ses artistes; la ville d'Amiens lui en fournissait toute une pléiade du plus incontestable mérite. Le chef-d'œuvre de menuiserie et de sculpture qu'ils nous ont laissé, en serait la preuve à lui seul.

Moins heureuse que la cathédrale de Rouen et que d'autres, la cathédrale d'Amiens n'a conservé ni ses délibérations capitulaires ni ses comptes de fabrique, qui nous eussent renseignés sur la construction des stalles et sur les ouvriers qui y ont travaillé. Nous en sommes réduits aux quelques extraits très incomplets, parfois peu précis et même discordants, qu'en ont faits les auteurs anciens qui ont eu le bonheur de les avoir entre les mains. De Court (1), Pagès (2), les manuscrits 510 (3) et 517 (4) de la bibliothèque d'Amiens, le manuscrit de Machart à la même bibliothèque (5), les papiers du chanoine Villeman, aux archives de la Somme, un recueil factice intitulé Manuscrit de Riencourt et de Masclef (6), et le P. Daire (7); tels sont les principaux auteurs de seconde main qui nous apprennent quelque chose sur la construction des stalles.

Le chapitre délégua quelques-uns de ses membres, Jean du Mas, Jean Fabus, Pierre Waille et Jean Lenglaché, pour être les directeurs et les inspecteurs de l'ouvrage; Pierre Waille et Robert Lenglès, notaire du chapitre, furent en outre chargés de faire la recette et dépense des deniers qui devaient y être employés (8).

Après l'achèvement des travaux, en 1522, les comptes généraux ont été rendus par-devant une commission composée d'Antoine de Rocourt, Jean Fabus, Jean Favrin. et Baudouin de Lagrenée, chanoines, et du greffier Anglicy (9).

D'après la plupart des auteurs (10), le travail commença le 3 juillet i5o8, et pourtant ce ne serait qu'au mois de mai i5og que le chapitre aurait passé marché pour leur confection avec ARNOULD BOULIN, hucher à Amiens (11). Arnould Boulin

II) iJémoires, Liv. III, chap. i.

(2) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 443.

(3) Fol. 8. Ce ms. ne mérite pas la même confiance que les autres. Son auteur ne paraît pas avoir vu les documents originaux.

(4) P-. 39.

(5) Ms. 836 (Machart, t. VIII) fol. 331 et 373.

(6) Bibl. de M. Jean Masson, à Amiens.

(7) Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 120.

(8) DE COURT, Memoires, loc. cit. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 448. — Ms. de Riencourt et de Masclef.

19) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 40.

(10) DE COURT, Mémoires, loc. cit. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 447. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p, 120. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 331. — Ms. de Riencourt et de Masclef.

(11) En 1516-1517, « Ernoul Boullin » et sa femme paient 35 s. 6 d. de droits seigneuriaux à la ville d'Amiens, pour une maison achetée par eux à l'entrée de la rue de Metz, moyennant 34 1. (Arch. de la ville d'Am., CC 94, fol. 169 v°). — En 1519-1520, « Ernoul Boullin» vend une maison et tènement à Amiens, rue Mehault Fournière, aujourd'hui rue des Huchers (Ibid., CC 97, fol. 139 v°).

Voilà tout ce que j'ai pu recueillir sur ce personnage, encore sa qualité de hucher n'y est-elle pas mentionnée,

devait travailler conformément au devis, et gagner 7 s. t. (1) par jour, y compris son serviteur ou apprenti. Pour la conduite entière de l'ouvrage, on lui accorda 12 écus par an, à 24 s. pour écu (2). Le 10 septembre de la même année, ALEXANDRE HUET (3) fut associé au premier, aux mêmes gages et conditions. Les ouvriers gagnaient 3 s. par jour (4). Le manuscrit de Riencourt et de Masclef nous fait connaître les noms de trois serviteurs d'Arnould Boulin. Je ne crois pas qu'ils aient jamais été relevés : ils méritent d'être connus. C'étaient LINARD LE CLERC, GUILLAUME QUENTIN et PIERRE MEURISSE (5).

Alexandre Huet aurait, dit-on, exécuté le côté droit des stalles, et Arnould Boulin le côté gauche (6).

Pour l'exécution de soixante-douze histoires des sellettes ou miséricordes, il en aurait été fait marché à part avec ANTOINE AVERNIER (7), tailleur d'images demeurant

de sorte qu'il n'est pas absolument certain, quoique très probable, que ce soit de lui qu'il y est question.

(1) Est-il nécessaire de faire observer qu'en 1508 le sol tournois représentait une valeur relative de plus d'un franc de notre monnaie?

(2) DE COURT, Mémoires, loc. cit. — Ms. de Pages, édit. Douchet, t. V, p. 447. — Bibl. d'Am., ms. 836 (Machart, t. VIII) p. 331. — DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 120. — Ms. de Riencourt et de Masclef.

(3) Nous sommes mieux documentés sur Alexandre Huet. Le 7 décembre 1502, Alexandre Huet et Binet Roche, huchers, furent reçus nouveaux bourgeois à Amiens (Arch. de la ville d'Am., CC 82, fol. 62 va).

L'année suivante, Alexandre Huet était égard des huchers d'Amiens. En compagnie des autres égards de son métier, Louis de Louvencourt, Binet Roche et Jean Lerond, il se rendit coupable envers la femme de Toussaint Lequien, aussi hucher, de voies de fait si violentes, que l'infortunée, qui était grosse, accoucha d'un enfant mort. Huet fut emprisonné au Beffroi, les autres purent se réfugier à l'abbaye de Saint-Jean (Échevin.

du 19 nov. 1504, Arch. de la ville d'Am. BB 20, fol. 69).

On ignore la suite qu'eut cette affaire. Le 28 avril 1507, Alexandre Huet fut chargé par Alphonse Le Quieux, abbé de Saint-Riquier, avec Adam Debellemes et Bernard Lebartier, aussi ouvriers d'Amiens, d'exécuter seize stalles dans l'église de cette abbaye. Elles « furent travaillées avec tant de soin et d'habileté que, dans les provinces voisines on ne pouvait rien voir de plus remarquable., de plus élégant, de plus achevé ». (Continuat.

de la Chron. de Saint-Riquier par dom Cotron, publ. par RozE, dans Bull, de la Soc. des Ant. de Pic., t. X, 1870, P- 353). Alexandre Huet payait une rente à la ville d'Amiens, pour sept pieds de terre joints à sa maison, rue Tapeplomb (Comptes de la ville d'Am.). Au compte de la ville de 1544 (Arch. de la ville d'Am., CC 142, fol. 1 VO), l'article concernant ladite rente est ainsi libellé : « De François Bullot, sayeteur, au lieu de Alexandre Huet, pour sept piedz de terre joinctz à sa maison j), etc. C'est la dernière mention que j'aie rencontrée du personnage qui nous occupe, et cela pourrait bien marquer la date de sa mort. En 1488, 1503 et 1508, un

nommé Jean Huet de la Neuville sous Oudeul vendit des bois au maître des ouvrages de la ville d'Amiens (Arch.

de la ville d'Am. CC 66, fol. 101 ; CC 81, fol. 30 VO et 31 ; CC 85, fol. 30 VOIe Eut-il quelque lien de parenté avec Alexandre ?

(4) DE COURT, Mémoires, loc. cil,. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 448. — Bibl. d'Am. ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 331. — Ms. de Riencourt et de Masclef.

(5) « A Linard Le Clerc, Guillemin Quentin et Pierre Meurisse, à raison de 3 s. par jour, chacun huchiers, et serviteurs dudit Arnoul, et les autres de même

Ms. de Riencourt et de Masclef. — Les Quentin étaient une assez nombreuse famille de huchers à Amiens. Les comptes de la ville de la fin du Xve siècle et du commencement du XVIe mentionnent les noms de Laurent Quentin, de Guillaume Quentin et de Pasquier Quentin. Ce dernier paraît avoir été beaucoup plus fréquemment employé que les autres.

(6) Arch. la Somme. Papiers du chan. Villeman. —

Bibl. d'Amiens, ms. 517, p. 40. — Il s'agit de savoir ce que l'on entend par côté droit et côté gauche. Il est probable que l'on prend la droite et la gauche du spectateur.

Nous constaterons en effet quelques très légères différences entre les deux côtés des stalles.

(7) Je n'ai pu jusqu'ici mettre la main sur aucun document relatif à cet Antoine Avernier. Faut-il supposer avec Mgr Dehaisnes (L'Art à Am., vers la fin du moyen âge dans Revue de l'Art Chrèt., t. VIII, 1889), qu'il ne ferait qu'un seul et même personnage avec Antoine Anquier ou Ancquier, dont nous avons parlé ci-dessus (t. II, pp. 11 et 87) et dont les auteurs de seconde main qui nous renseignent sur les stalles auraient mal lu le nom? Il est certain, et nous aurons l'occasion de le constater, que l'imagerie des stalles présente de grandes analogies, avec celle de la seconde partie de l'histoire de saint Firmin dans la clôture du chœur. Or nous avons vu qu'Antoine Anquier exécuta la statue funéraire d'Adrien de Hénencourt qui fait partie de cette seconde travée de la clôture, et qu'il est assez vraisemblable qu'il est l'auteur de toute cette travée, mais ce n'est pas absolument certain, et il n'est guère facile d'admettre que

à Amiens, moyennant 32 s. la pièce (i). Une note du manuscrit de Riencourt et de Masclef laisse entrevoir que, d'après le marché primitif, le dessous des miséricordes devait être simplement garni « de feuillaige ou manequins et petis bestiaux et autre chose à plaisance ». On se sera plus tard décidé à en faire une suite de sujets bibliques, ce qui est d'ailleurs assez rare.

Un seul ouvrier, JEAN TRUPIN, OU plutôt Turpin (2), a voulu laisser son nom à la postérité, en l'inscrivant par deux fois sur les stalles mêmes (3). Son nom ne figurait sur les registres du chapitre qu'à partir du mois de décembre 1516 : il n'était mentionné qu'entre les ouvriers, sous les maîtres, et à raison de 3 s.

par jour (4). Ce n'était donc, qu'un simple ouvrier, et non le principal auteur des stalles et le chef de l'entreprise, comme on ne cesse, maintenant encore, de le répéter (5). On ne sait même s'il était hucher ou tailleur d'images, car les auteurs qui ont relevé son nom sur les registres du chapitre ont négligé d'indiquer sous quel maître il travaillait. L'accoudoir 85-86 qui correspond à une des parcloses sur lesquelles Trupin a écrit son nom représente un imagier en train de sculpter une statuette : on en a induit que c'était le portrait de l'ouvrier fait par lui-même et qu'il avait par là révélé sa profession. C'est assez vraisemblable, mais on ne peut l'affirmer avec une certitude absolue.

Enfin des pièces de procédure des environs de 1535, sur de vieilles contestations entre l'évêque et le chapitre, nous font encore connaître le nom d'un ouvrier ayant

tous les auteurs qui ont dépouillé les registres du chapitre auraient également mal lu son nom. Mieux vaut donc laisser la question indécise jusqu'à plus ample informé.

(1) Bibl. d'Am., ms. 517, p. 40. — Arch. de la Somme, papier du chan. Villeman.

- (2) On connaît la propension très commune parmi le peuple, et particulièrement en Picardie, à transposer les consonnes, en disant, par exemple, « une blouque j; pour une « boucle ». — Je n'ai trouvé aucun renseignement sur ce Jean Turpin, mais le nom de Turpin ou Trupin est très commun en Picardie et notamment à Amiens aux xve et XVIC siècles. Il y avait dans cette ville une famille de maçons de ce nom, dont le plus ancien est un nommé Jean Turpin, dit V Escuier des naves : je l'ai rencontré dans les registres de la ville de 1400 à 1435. Un autre Jean Turpin, inanouvrier, fut envoyé en 1486 comme pionnier au siège de Thérouanne où il fut fait prisonnier, etc. (Arch. de la ville d'Am., BB 15, fol. 64 v°, et CC 1486-87, fol. 24). Jacques Turpin, maçon, fut reçu bourgeois d'Amiens en 1487-88 (Arch. de la ville d'Am., CC 66, fol. 2 v°), etc. D'autres Turpin étaient aussi carriers à Amiens, dans la seconde moitié du xve siècle : Joubert Turpin, Simon, son fils, Laurent Turpin, etc. (Comptes de la ville d'Am., passim ). Sire Godefroy Truppin était chapelain de la cathédrale d'Am. en 1443-1444 (Arch. de la ville d'Am., CC 33, fol.

79 v°). D'un autre côté il y avait un Jean Turpin, maçon à Péronne, qui fut plusieurs fois consulté, de 1459 à 1465 pour des travaux à faire à la cathédrale de Noyon (Regist. de la fabr. de la cath. de Noyon aux Arch. de l'Oise. — QUICIIERAT dans Revue des Soc. Sav. 2e série,

t. VIII, 1862, 2e sem. pp. 83, 84. — MATHON, même rev., 3e série, t. III 1864, pp. 591 et 597. — E. LEFÈVREPONTALIS, Hist. de la cath. de Noyon, dans Bibl. de l'École des Chartes, t. LXI, 1900, pp. 132 et suiv.).

François Turpin, peintre, mourut à Rome en 1543.

Jean Turpin, artiste français, vivait dans cette même ville en 1592 (DE MARSY, dans le Cabinet histor. d'Artois et de Picardie, 1887, p. 265) Parmi les nombreux Jean Turpin dont j'ai rencontré le, nom dans les registres de la ville d'Amiens de la fin du xve siècle et du commencement du xvie, pas un seul n'est qualifié hucher ou tailleur d'images. Beaucoup, il est vrai, n'ont pas de profession indiquée. Un Jean Turpin fut reçu bourgeois d'Amiens en 1519-1520 (Arch. de la ville d'Am., CC 97, fol. 132), mais à cette époque il y avait un maître Jean Turpin, marchand à Amiens. Est-ce lui? (Arch. hospital.

d'Am., Mémoires d'Antoine Deschamps, maître de l'hôtelDieu, fol. 79 v°).

- (3) Parcloses, 85-86 et 91-92.

(4) DE COURT, lac. cit. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 449. — Ms. de Riencourt et de Masclef.

(5) Il y a pourtant déjà bien longtemps que MM. Jourdain et Duval ont rétabli très clairement les choses dans la vérité (Les stalles de la cath. d'Am., dans Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., t. VII, p. 120).

J'y suis revenu il y a quelques années (L'ameublement civil au XVIe s. dans les stalles de la cath. d'Am., dans Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., t. XXXI, p. 299), cela n'a pas empêché la plupart des auteurs, et non des moindres (Viollet-le-Duc, Palustre, de Champeaux, Courajod, etc.) , de faire à Jean Trupin l'honneur d'avoir conçu nos admirables stalles et d'en avoir conduit les

travaillé aux stalles. Il y est question d' « ung nommé BRETON, menuisier, besongnant aux chaielles de l'église d'Amiens » (i).

En résumé, des auteurs des stalles de la cathédrale d'Amiens, nous connaissons en tout huit noms : ARNOULD BOULIN, hucher, et trois de ses serviteurs : LINARD LE CLERC, GUILLAUME QUENTIN et PIERRE MEURISSE; ALEXANDRE HUET, aussi hucher; ANTOINE AVERNIER, tailleur d'images; JEAN TRUPIN, probablement ouvrier tailleur d'images, et BRETON, menuisier.

Il faut y ajouter deux frères convers Cordeliers « habils menuisiers », que l'on fit venir en i5io « pour travailler aux chaires et conduire l'ouvrage » (2).

Comme le supposent avec raison MM. Jourdain et Duval (3), il devait y en avoir beaucoup d'autres, à en juger par ce qui s'est passé là où nous avons des renseignements plus complets, comme par exemple à Rouen, mais leur modeste qualification d'ouvriers ne les aura pas fait juger dignes d'être transmis à la postérité par ceux qui ont pu consulter les documents originaux. Ainsi on a bien su retrouver dans les registres du chapitre le nom de Jean Trupin; de même on nous a fait connaître le traité passé avec Antoine Avernier pour soixante-douze sellettes, mais le reste, qui l'a fait?

L'atelier des ouvriers travaillant aux stalles était, paraît-il, dans la salle de l'évêché (4). Il résulte des pièces de procédure des environs de 1535 dont nous venons de parler, qu'on y aurait aussi travaillé dans le cloître de la cathédrale (5).

Le 5 novembre 1509, Arnould Boulin partit pour Beauvais et pour Saint-Riquier (6), afin d'y voir les « chaires » des églises, et, en juillet 1511, il fit un nouveau voyage, en compagnie d'Alexandre Huet, pour voir celles de la cathédrale de Rouen (7). Les stalles de Beauvais et de Saint-Riquier n'existant plus, nous ne

travaux. Telle est la force des légendes. Puis-je me flatter d'avoir une bonne fois détruit celle-là? J'ai peur que non.

(1) Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G. 656.

(2) « Le 28 juin 1510, on fait venir d'Abbeville deux Cordeliers, frères convers, habils menuisiers, pour travailler aux chaires et conduire l'ouvrage. Au mois d'octobre 1510, pour avoir deffrayé deux Cordeliers du couvent d'Abbeville, lesquels Mess. envoièrent quère et faire à venir à Amiens, à veoir l'ouvrage des chaielles, xx s. ». Ms. de Riencourt et de Masclef. — DE COURT, loc. cit.

(3) Les Stalles, etc., dans Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. VII, in 8°., p. 121. —

MM. Jourdain et Duval ont aussi lu derrière les lambris des stalles, sur la pierre du mur de clôture, le nom de Vincent Jacob, mais ils font observer que l'absence de toute qualification ne permet pas d'affirmer que ce soit celui d'un ouvrier (ibid.).

(4) DE COURT, loc. cit. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 448. - Ms. de Riencourt et de Masclef.

(5) « Ils (les doyen et chapitre) ont en ceste ville d'Amiens. et entre autres leur appartient ung certain lieu que l'on nomme le Cloistre Nostre-Dame, qui fait closture de le chimentière de ladite église Notre-Dame, auquel lieu ilz ont toute auctorité et justice, tant en

espirituel que de temporel; et de ce joyr et y faire par eulx tous actes et exploictz de justice, y establir menuysiers et autres ouvriers à besongnier aux chaielles et autres ouvrages nécessaire à repairier ladicte église Nostre-Dame, iceulx doien et chappitre sont en bonne possession et saisine. Ung nommé Jehan de Coisy, soy disant appariteur de R. P. en Dieu Monseigneur l'évesque d'Amiens, de sa vollunté indeue. s'est ingéré entrer èsdis cloistres. et illec cité et admonesté un nommé Breston, menuysier, besongnant ausdites chaielles ». — « Item, une doléance contre Jehan de Coisy, appariteur, pour avoir cité ou admonesté de par ledit R., (François de Halluin, évêque d'Amiens) ung nommé Breton, menuisier, besongnant aux chaielles de l'église d'Amiens aux cloistres près le chimentière, auquel lieu ledit R. n'a juridiction aucune, mais appartient ausdits de chapitle, et ce, sans la licence desdits de chapitle ». Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G 656.

(6) Nous venons de voir (Voy. ci-dessus, t. II, p. 149, note 3) que les stalles de Saint-Riquier avaient été commencées en 1507, précisément par Alexandre Huet et deux autres ouvriers d'Amiens et qu'elles passaient pour fort belles.

(7) DE COURT. loc. cit. — Mss. de Pagès, édit.

Douchet, t. V, p, 448. — Le ms. de Riencourt et de Masclef dit 1510.

pouvons savoir quelle a pu être leur influence sur celles d'Amiens. Quant à celles de la cathédrale de Rouen, il en reste assez pour nous faire voir qu'elle a dû être à peu près nulle : à peine nos menuisiers en ont-ils rapporté quelques sujefs de fantaisie, mais encore les ont-ils traités avec infiniment plus de savoir, de finesse et d'esprit (i).

La plus grande partie des bois provenait de la Neuville en Hez. d'autres des censes du chapitre. On fit aussi venir du « bois d'Illande » (2) d'Abbeville et de Saint-Valery (3).

Le total de la dépense s'éleva à 9.488 livres, 11 sols, 3 deniers, obole (4), dont la plus grande partie fut fournie par les offices de la fabrique et des marances et le reste par des dons volontaires (5). Le chanoine Robert de Cocquerel donna du bois, et le préchantre, un chêne (6). A ce propos, De Court et Pagès (7) observent que, si les armes d'Adrien de Hénencourt, alors doyen du chapitre, ont été sculptées dans les stalles, ce n'est pas à dire qu'il y ait beaucoup plus contribué que les autres chanoines.

De l'évêque François de Halluin, il n'est aucunement question parmi les donateurs dont les noms nous ont été conservés, et il y a tout lieu de croire qu'il a dû rester en dehors de l'entreprise. Ce n'est pas que son goût pour la chasse et les plaisirs l'ait fait se désintéresser de sa cathédrale, mais on s'explique assez bien qu'il ne se soit pas cru obligé de contribuer à la construction d'un meuble où il n'était admis à prendre place que dans une simple stalle, presque par tolérance, et en quittant ses insignes épiscopaux, alors qu'aux fêtes solennelles, en son absence il est vrai, le doyen se prélassait au lieu le plus honorable.

A peu près en même temps que les stalles, on fit une clôture pour séparer le chœur du sanctuaire, et, en I522, des lutrins pour les chantres, le tout exécuté par Arnould Boulin et Alexandre Huet (8).

La plupart des auteurs qui ont eu les registres du chapitre sous les yeux assignent l'année 1519 comme date de l'achèvement des stalles (9). Seuls, le

(1) Les stalles de la cathédrale de Rouen ont été faites de 1457 à 1469. Il n'en reste que de faibles débris, mais qui suffisent pour montrer à quel degré elles étaient inférieures à celles d'Amiens.

(2) Sur le bois ou bort d'Illallde, voy. ce mot dans GAY, Gloss. Arcltéol. — L. DE LABORDE, Gloss. jranç. du moyen âge, etc.

(3) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 449. —

Ms. de Riencourt et de Masclef.

(4) Viollet-le-Duc a calculé qu'elles auraient coûté de son temps plus de 500.000 fr. (Dict. d'archit., t. VIII, p. 465). Ce chiffre serait dépassé aujourd'hui.

(5) « La despence a esté faite par l'office des marances, des deniers du chapitre, et par la contribution volontaire de plusieurs chanoines, arrêtée le 27 mars 1510, sçavoir : MM, Dhénencourt, doien, 100 1. ; Dumas, prévost, 50 1.; Briois, archidiacre de Ponthieu, son demi gros d'une année; Delaforge, pénitencier, 10 1. ; Beauvais, c solidos, Aux Cousteaux, 80 1., de Cocquerel, outre d'autres dons, 20 1.. à condition que l'ouvrage se poursuivra sans délay ; J. Dumas, 30 1. en 3 ans ; Fabus, 16 1.; de Rocourt, 10 1. ; de Wisques, 20 1.; WitZ, ici.;

de Belleval, 20 1. ; \Vaille, 10 1. ; Lenglacé, 20 1. ; de Bouflers, 40 1. ; Le Borgne, c solidos, le chancelier Le Clerc 100 1. ; Le Clerc, ancien archidiacre d'Amiens, 120 1. *. Ms. de Riencourt et de Masclef. — DE COURT, loc. cit. — Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V. p. 448.

— DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 120.

(6) Ms. de Riencourt et de Masclef.

(7) Loc. cit.

(8) c La closture du chœur de Nostre-Dame, qui sépare le sanctuaire, a esté faite en même temps que les chaires. Les lutrains des chantres pareillement, tant des costés que du milieu du chœur, en l'année 1522, par les maîtres Alexandre Huet et Antoine du (sic) Boulin, menuisier, ce qui a esté compris dans la somme de 11.230 1. 5 s. à quoy monte toutte (blanc) n. Bibl. d'Am., ms. 517, p. 40. — Arch. de la Somme, papiers du chan.

Villeman.

(9) DE COURT, loc. cit. — Mss. de Pagès, édit Douchet, t. V, p. 449. - Ms. de Riencourt et de Masclef. —

DAIRE, Hist. de la ville d'Am., t. II, p. 120. —Bibl.

d'Am., ms. 510, loc. cit.

manuscrit 517 de la Bibliothèque d'Amiens (1) et les notes du chanoine Villeman en reculent la date à la Saint Jean-Baptiste I522. Il est probable que, comme il l'a fait pour le prix total (2), l'auteur du manuscrit 517 a pris pour date extrême celle de l'achèvement de la clôture du sanctuaire et des lutrins, tandis que les autres s'en sont tenus à la date de l'achèvement des stalles seules (3).

Le 16 mai 1615 (4) ce magnifique ouvrage faillit être détruit. « Le feu prit à la piramide qui est proche la petite orloge, par la négligence d'un des sonneurs qui couche la nuit en cet endroit pour la garde de l'église, et qui s'étoit endormi sans éteindre sa chandelle. Le domage auroit été grand, sans le secours du peuple, toujours prompt et officieux en pareilles occasions, qui y accourut en grand nombre. Ce qui avoit été brûlé fut réparé par une autre piramide qui venoit de ce qu'on appelle en cette ville un may. Il convint si bien qu'il n'y parut pas » (5). MM. Jourdain et Duval n'ont pas paru prendre garde à la dernière phrase de ce texte de De Court (6), car ils disent tout simplement que : « le dommage ne parut pas assez grave à l'évêque et au chapitre pour exiger une réparation complète : on se contenta de rajuster tant bien que mal la pyramide sur ses pieds droits à demi brûlés, comme on les voit encore, sans prendre même le soin de la replacer sur ses bases naturelles, de sorte que la statuette qui la surmonte tourne actuellement le dos au sanctuaire, au lieu de le regarder en face, ainsi que le font les personnages correspondants des trois autres aiguilles » (7).

Mais en y regardant de près on s'aperçoit facilement que, sur la base à demi consumée de l'ancienne, on a posé une pyramide en bois sculpté de même façon, sans doute, mais qui présente avec les trois autres d'assez notables différences : elle est à cinq pans tandis que la base de l'ancienne flèche, comme d'ailleurs celle des trois autres, n'en a que quatre, et de plus, alors que la base est à demi carbonisée, cette partie rapportée ne porte pas la moindre trace de feu. Il faut remarquer au surplus que la pyramide de l'autre côté est surmontée d'une statuette de saint Paul, qui, suivant les règles de l'iconographie la plus élémentaire, devrait avoir saint Pierre pour pendant, tandis qu'ici, nous avons un saint Michel.

Cet accouplement un peu insolite de saint Paul avec saint Michel n'a pas laissé que d'embarrasser MM. Jourdain et Duval (8), qui en ont fait le thème d'une dissertation fort savante, trop savante pour un ensemble iconographique aussi peu profond et aussi terre à terre que l'est généralement celui de nos stalles. Il n'est donc pas douteux que cette flèche n'ait été entièrement consumée, et qu'elle n'ait été remplacée par le couronnement d'un mai de procession de la même époque.

(1) P. 40.

(2) Voy. ci-desus, t. II. p. 152, note 8.

'3) MM. Jourdain et Duval ont soutenu la date de 1522 par ce fait que, s'étant glissés au prix de grandes difficultés, et grâce à la maigreur que leur donnait la jeunesse, entre le dossier des stalles et la clôture du chœur, ils ont vu gravée à la pointe sur deux pierres contigües au revers de celle-ci, derrière la stalle 69, une inscription ainsi conçue ; « L'an mille Ve et XXI le deux, jours de may fut frappé le. » Ils en ont conclu que les stalles n'avaient pu être mises en place qu'après la date de cette inscription. Mais ils n'ont pas réfléchi que, à supposer qu'ils aient bien lu l'inscription, cet

argument ne prouve rien, parce qu'il prouve trop : la travée de la clôture du chœur qui porte l'inscription, qui est la première partie de l'histoire de saint JeanBaptiste, est datée de 1531, date de beaucoup postérieure à IS22.

(4) Ou plutôt dans la nuit du 15 au 16.

15) DE COURT, loc. cit. — Voy. aussi Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V., p. 44g. — Bibl. d'Am. ms. 836, (Machart, t. VIII), p. 331. — Bibl. d'Am. ms. 517, p. 216.

(6) Voy. aussi Pagès et le ms. de Machart, loc. cit.

(7) Mém. de la Soc. des Antiq. de Pic. t. VII, in-8°, p. 130.

(8) Op. cit., p. 345.

Ce mai est d'ailleurs fort beau et d'une sculpture aussi délicate que celle des stalles.

Nous avons vu (i) qu'au xviiie siècle, pour élargir l'entrée du chœur, on avait enlevé à droite et à gauche de cette entrée, quatre stalles hautes et quatre stalles basses, en tout huit. La suppression ne se fit que sur des stalles ordinaires, et l'on se borna à déplacer les deux maîtresses stalles et à les rapprocher de celles qui furent conservées (2).

MM. Jourdain et Duval pensent avec raison qu'à une époque qu'on ne saurait préciser, une stalle basse de chaque côté, près des entrées latérales du chœur a été supprimée et que le passage se trouvait jadis parallèle aux stalles hautes, et non perpendiculaire comme aujourd'hui. La rampe se trouvait sur le prolongement de la jouée des stalles hautes. Il en est résulté que la dernière haute stalle de ce côté manque d'appui devant elle. On s'aperçoit fort bien de cette suppression au raccord de la rampe avec le dossier. Il est d'ailleurs évident que l'arcature en bois ornée de deux anges tenant des écussons aux armes du chapitre et datée de 1521 a été rajustée après coup pour clore le passage aux stalles hautes, mais qu'elle ne fait pas partie de l'oeuvre primitive : elle est loin d'en avoir la finesse d'exécution. Nous avons vu que cette arcature provient très probablement de l'ancienne balustrade de bois sculpté qui séparait le chœur du sanctuaire, et qui fut supprimée en 1689. Il est assez vraisemblable que c'est à cette époque qu'aura été faite dans les stalles la modification dont nous parlons (3). D'un autre côté, l'usure très prononcée qui se remarque sur les sculptures de la rampe des stalles basses de ce côté, montre qu'elle s'est trouvée longtemps sans protection et exposée au frottement des gens qui, pendant les offices, se pressaient entre les stalles et le sanctuaire. Il en est de même aux bas-reliefs inférieurs des jouées des stalles hautes (4).

Nous ignorons ce qu'on a fait des débris des stalles ainsi supprimées : Gilbert (5) prétend qu'ils ont été mis en dépôt dans la chapelle des Macchabées; toujours est-il qu'il n'en reste plus trace (6).

(1) Voy. ci-dessus, t. II, p. 62.

(2) Rivoire (Descript. de l'église cath. d'Am., p. 159) dit que la suppression frappa sur les deux stalles qui avoisinent les angles, afin de pouvoir conserver les deux grandes pyramides à droite et à gauche de la porte. En effet, les museaux des accoudoirs sont assemblés dans une longue pièce de bois horizontale dans laquelle sont pris tous les raccords, de sorte qu'une partie des moulures et surtout des sculptures qui ornent la tranche du museau, et qui ont du être faits après la pose, se prolongent jusque sur la grande pièce de bois ; c'est donc en s'assurant si ce raccord est exact ou non, que l'on verra quelles ont été les stalles supprimées. Or dans les stalles hautes le mauvais raccord se trouve entre les stalles 3 et 4, d'une part, et entre les stalles 59 et 60, de l'autre. Mais dans les stalles basses où il n'y avait rien de tel à conserver, le mauvais raccord se fait des deux côtés contre la rampe elle-même, de sorte que là, ce sont bien les deux premières stalles de chaque côté qui ont été enlevées, et la rampe repoussée contre les autres.

(3) Voy. ci-dessus, t. II, p. 31.

(4) MM. Jourdain et Duval ont aussi cité à l'appui de ce fait un ancien dessin d'une partie des stalles, conservé aux archives de la Somme, fonds du chapitre d'Amiens, et qui a été exécuté pour servir au procès entre l'évêque François Lefèvre de Caumartin et le chapitre au sujet du siège épiscopal dans les stalles (Arch. de la Somme, (Chapit. d'Am.), G. 661). Mais ce dessin qui, par parenthèse, est daté de 1654 et non de 1642, est trop sommairement exécuté pour fournir quelques renseignements; il n'a d'intérêt que parce qu'il figure le siège épiscopal avec son dais de drap d'or, tel que François Lefèvre de Caumartin l'avait fait établir.

(5) Descr. de l'église cath. N.-D, d'Am., p. 237.

(6) Il y en avait encore trois panneaux aux archives de la cathédrale en 1814. Ils furent alors donnés comme modèles à l'ouvrier chargé de refaire les fleurs de lis des dossiers (Arch. de la fabr. de la cath. d'Am. Reg. aux délibér. Séance du 18 déc. 1814). — Suivant une note des mss. de Goze (Bibl. d'Am., ms. 818), on aurait donné ces débris à un amateur de la ville, et un vicaire ayant eu besoin d'une cloison dans ses appartements,

L'ancien chapitre prit toujours grand soin de ses stalles, dont il était justement fier (i). Nous avons vu (2) qu'au xvinc siècle, il avait résisté aux sollicitations de Laugier qui l'exhortait à les supprimer, pour mieux dégager l'édifice. En 1682, alors que l'on posait des tentures dans la cathédrale pour le service de la duchesse de Chaulnes, les chanoines avaient prié « MM. les maistres de fabrique et de marance de tenir la main à ce que leur église et leurs chaires ne soient endommagées, et de ne pas souffrir qu'il soit frappé aucuns clous à leursdites chaires » (3). Le suisse était chargé de les frotter de temps à autre (4).

Sous l'ancien régime, les chanoines occupaient les stalles hautes et les chapelains, les stalles basses. Les stalles hautes à droite et à gauche de l'entrée du chœur, faisant face à l'autel, étaient réservées aux dignités : doyen, prévôt, chancelier, préchantre et chantre (5). Les jours de grandes solennités, lorsque le doyen officiait en l'absence de l'évêque, il se plaçait dans la maîtresse stalle à droite en entrant dans le chœur (n° 1). On étendait alors devant lui sur la stalle basse, un tapis jaune, long de cinq quartiers et demi et large de trois quartiers, aune de Paris. En temps ordinaire, il prenait la stalle voisine (n° 2) et la maîtresse stalle demeurait inoccupée (6). L'autre maîtresse stalle (n° 56) était la stalle du Roi. Les gouverneurs ou commandants pour le Roi y prenaient séance (7).

L'évêque n'avait pas de place marquée dans les stalles. Il avait sa chaire dans le sanctuaire (8) mais il ne l'occupait que lorsqu'il officiait. Les jours où il n'officiait pas, s'il voulait assister à l'office, il n'avait à sa disposition que la stalle du trésorier, parce que la trésorerie avait été unie à l'évêché en 1149. C'était une simple stalle, celle qui porte le n° 84 de notre plan. Un jour l'évêque François Lefèvre de Caumartin fit enlever la séparation entre cette stalle et la voisine (n° 85), pour, dans l'espace ainsi élargi, se faire mettre un siège plus honorable : d'où procès.

interminable (9) qui, arrêté pendant l'épiscopat de François Faure, reprit sous son successeur Pierre Sabatier. On ne sait exactement quelle en fut l'issue (10).

Depuis le Concordat, la plupart des évêques d'Amiens, sauf quelques exceptions, ont occupé la maîtresse stalle n° 1, lorsqu'ils n'officiaient pas (11), l'autre étant réservée pour les évêques étrangers lorsqu'il s'en trouve.

aurait pris des colonnettes des stalles ainsi supprimées et les aurait dégrossies avec une serpe, pour qu'on pût y clouer les lattes. Nous ne savons où Goze a puisé ce renseignement. — C'est par erreur que le Bulletin de la Soc. dts Ant. de Pic. (t. III, p. 217), a mentionné comme provenant des stalles de la cathédrale d'Amiens, des fragments de sculpture sur bois donnés en 1848 par l'abbé E. Jourdain au musée d'Amiens: ces sculptures ne s'y rapportent ni par leur style ni par leurs sujets.

(1) La date de leur construction était rappelée sur la table du cierge pascal : « Anno. ab exstructis novis in choro cathedris. * Suppl. aux mss. de Pages, édit.

Douchet, p. 140.

(2) Voy. ci-dessus, t. I, p. 01.

(3) Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Délib. capit. du 24 avril 1682.

(4) 1757. « En avril, j'ai fourni au suisse de la cathédrale une demye douzaine de torchons de forte toile neuve, pour frotter les stalles du chœur ». Arch. de la Somme, Chapit. d'Am., Comptes de la fabrique. — Le

chapitre actuel prit aussi plusieurs décisions conservatoires des stalles, mais qui n'ont pas toujours été scrupuleusement observées. Voy. ms. de Baron, édit. Soyez, p. 128.

(5) Bibl. d'Am , ms. 836 (Machart, t. VIII), p. 331.

(6) Mss. de Pagès, édit. Douchet, t. V, p. 444. — Bibl.

d'Am., ms. 517, p. 54(7) Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 127.

(8) Voy. ci-dessus, t. II, p. 52.

(9) Cette affaire se rattache aux efforts faits par l'évêque François Lefèvre de Caumartin pour introduire le Cérémonial des évêques dans sa cathédrale, innovation qui fut vivement combattue par le chapitre. (Voy.

Arch. de la Somme, G. 659, 660, 661).

(10) Arch. de la Somme (Chapit. d'Am.), G. 661 et 666.

Nous ne pouvons entrer dans les détails de ce procès, d'ailleurs assez curieux, mais comme il y en avait tant sous l'ancien régime. — Voy. ci-dessus, t. II, p. 154, note 4.

(II) Voy. Ms. de Baron, édit. Soyez, p. 130.

Comme nous le verrons plus loin, un semis de fleurs de lis ornait jadis le fond des dossiers des stalles. A l'époque de la Révolution, ces fleurs de lis ont été enlevées, puis rétablies dès le retour de Louis XVIII, en 1814. Ce travail exécuté par les frères Duthoit aux frais d'un anonyme (1), fut interrompu pendant les Cent Jours, puis repris au mois de septembre 1815 (2). Nous avons dit ailleurs comment, en 1831, elles furent une seconde fois supprimées (3).

Sous le premier empire, un essai de vernis, qui, fort heureusement, n'a pas été continué, fut tenté sur les stalles. On en voit encore des traces à la base de la jouée de la stalle 3i.

Pendant une nuit de mars 1839, alors que l'on faisait dans le chœur de la cathédrale les préparatifs de l'inhumation de Mgr de Gallien de Chabons, évêque démissionnaire d'Amiens (4), d'audacieux malfaiteurs dérobèrent plusieurs groupes de statuettes qui remplissaient les niches garnissant les montants des stalles maîtresses. Plus de quarante statuettes auraient ainsi disparu (5); mais écoutons MM. Jourdain et Duval contemporains des faits : « A l'aide d'une parfaite connaissance des lieux, d'un coup d'œil sùr jeté à l'avance, et sans doute aussi d'une main exercée, les audacieux déprédateurs s'emparèrent, sans aucun dommage pour les parties voisines, de toutes les statuettes qui ne tenaient à la boiserie que par des chevilles. Dès le lendemain, les plaintes éclatèrent, la justice informa; mais ce zèle lui-même, en donnant à l'événement une publicité inévitable quoique toujours trop prompte en pareille circonstance, n'amena qu'un résultat opposé à celui qu'on avait en vue. L'éveil était donné, les détenteurs avertis, et les objets volés devenus, par le besoin de les cacher et peut-être même de les détruire, désormais impossibles à recouvrer » (6). Depuis ce temps, on n'en a jamais retrouvé la trace.

En 1847, l'architecte anglais Barry, chargé de la reconstruction des salles du Parlement à Londres fut autorisé à prendre des moulages « de quelques boiseries de la cathédrale d'Amiens » (7). Avec un sans-gêne peu scrupuleux, Barry s'était mis en devoir d'user de cette permission en faisant entreprendre par Pugin un moulage complet des stalles. Une telle opération pleine de dangers pour un monument dont certaines parties sont d'une délicatesse infinie, souleva de la part de la Société des Antiquaires de Picardie de si vives protestations, qu'il fallut bien l'interrompre (8).

(1) JOURDAIN ET DUVAL, dans Méin. de laSoc. des Antiq.

de Pic. t. VII, p. 140. — Arch. de la fabr. de la cath.

d'Am., Reg. aux délib., séance du 18 déc. 1814.

(2) Arch. de la fabr. de la cath. d'Am., Reg. aux délib., séance du 3 sept. 181=5.

13) Voy. ci-dessus, 1. 1, p. 165.

(4) L'inhumation de Mgr de Chabons eut lieu le 15 mars 1839.

(5) GOZE, Eglises, Châteaux, Beffrois, t. II, p. 21.

(6) JOURDAIN ET DUVAL, dans Mem. de la Soc. des Aut.

de Pic. t. VII, p. 141. —Voy. aussi la Galette de Picardie du 20 mars et la Sentinelle Picarde du 2; mars 18?o.

(7) Lettre du ministre de la Justice au préfet de la Somme, du 21 août 1847. Arch. de la Somme, série V, Edif. diocés.

(8) Rapport adressé à cette occasion par la Société des Antiquaires de Picardie au préfet de la Somme et àl'évêque d'Amiens, dans Bullet. de la Soc. des Antiq.

de Pic., t. III, 1847-1849, p. 137.

II

DESCRIPTION.

Les stalles, disposées sur deux rangées, stalles hautes et stalles basses, occupent, des deux côtés du chœur, les travées 17-1 9 a, 19-21 a, 18-20 a, 20-22 a, et un

peu plus de la moitié des travées 21-23 a et 22-24 a. En avant, face au sanctuaire, elles se retournent à droite et à gauche de l'entrée principale du chœur.

Avant les travaux du XVIIIC siècle, il y avait en tout cent vingt stalles : soixante-six hautes et cinquante - quatre basses. Depuis la suppression de huit stalles quatre hautes et quatre basses) pour élargir l'entrée du chœur, et des deux dernières stalles basses du côté du sanctuaire (1), il n'en reste plus que cent dix, soixantedeux hautes et quarante-huit basses.

Derrière les stalles hautes s'élève un haut dorsal couronné par un dais continu qui les abrite toutes. On a donné une plus grande importance aux deux premières stalles de la rangée supérieure à droite et à gauche de l'entrée principale du chœur (2), et qui avaient une destination spéciale (3).

Elles sont plus larges : leur dais est distinct et avance plus

FIG. 194. - - Stalles. Plan général.

que le dais continu qui s'étend au-dessus des autres, et est surmonté d'une pyramide fort élevée. Leur ornementation a reçu une plus grande richesse. Les

(1) Voy. ci-dessus, t. II, p. 154.

(2) Stalles r et 56.

(3) Voy. ci-dessus, t. II, p. 155.

deux dernières hautes stalles vers le sanctuaire (i) n.'ont pas de dais spéciaux, mais sont surmontées de pyramides moins importantes que celles qui couronnent les deux maîtresses stalles i et 56.

Les stalles basses sont élevées d'une marche au-dessus du dallage du chœur, et les stalles hautes, de trois. Il y a entre les deux rangées de stalles un espace large de plus de 80 centimètres, qui rend la circulation extrêmement facile.

A tous les points de vue, les stalles de la cathédrale d'Amiens sont une œuvre de menuiserie absolument prodigieuse. Elles sont aussi remarquables « par la variété des détails, l'extrême élégance de la composition, le nombre prodigieux des figures, que par la délicatesse achevée du travail et la perfection des assemblages dont pas un ne s'est démenti » (2). C'est aussi bien un chef-d'œuvre de menuiserie que de sculpture sur bois.

Il est impossible de rendre compte de tous leurs ingénieux assemblages. Malgré la complication extrême de l'ornementation, ils sont généralement assez simples mais toujours logiques et d'une précision qui confond les hommes du métier. Il y a lieu de remarquer principalement l'habileté avec laquelle les différentes pièces sont contreprofilées. Il a fallu que certaines aient été sculptées avant l'assemblage, d'autres après. Les assemblages à joints vifs sont absolument invisibles, et le fil du bois est seul pour révéler leur présence. On est surpris que des panneaux qui ont parfois de sept à huit centimètres d'épaisseur, comme par exemple ceux des rampes qui accompagnent les passages à travers les stalles basses, aient pu être dressés au point d'adhérer exactement d'un bout à l'autre. Ces panneaux semblent tout d'une pièce, et il faut les examiner minutieusement pour apercevoir les joints, et encore les perd-on souvent de vue.

Une des grandes habiletés des menuisiers a été en effet de dissimuler ces joints, souvent dans de profondes moulures, d'autres fois dans l'ingénieux arrangement des sujets sculptés. Ainsi les panneaux à jour des jouées des quatre hautes stalles extrêmes (A, F, G, L, fig. 194) (3), sont composés de deux et même de trois pièces sculptées à part et appliquées ensuite l'une sur l'autre. On ne comprend pas comment les menuisiers ont pu obtenir des enchevêtrements de lignes si compliqués dans des pièces distinctes, pour que tout tombe exactement à sa place sans aucune déviation, sans aucun gauchissement. Il faut admirer surtout l'exécution, la combinaison et l'assemblage des hautes pyramides qui surmontent les deux maîtresses stalles 1 et 56. Ce sont des merveilles de menuiserie : elles sont uniques.

Tout est naturellement exécuté en plein bois, souvent avec une saillie énorme : les parties planes sont d'une égalité, les moulures d'une netteté et d'une précision admirables. Bien entendu, les moulures sont toutes faites au ciseau et à la gouge : certaines moulures creuses ont des profils presque impossibles à exécuter de nos jours.

Pour ne pas entrer dans des détails qui nous mèneraient beaucoup trop loin,

(1) Stalles 31 et 86.

* (2) BONNAFFE, Le meuble en France au XVIC s., p. 40.

(3) Cette figure 194 qui représente le plan général des stalles nous servira de référence dans toute la descrip-

tion de celles-ci. C'est à elle que renverront les numéros et les lettres de notre texte, à moins d'indication contraire.

nous ne pouvons que donner une idée de leur structure générale. Elle est en somme assez simple.

Soit (fig. 195) la coupe sur le milieu d'une stalle haute et d'une stalle basse. De distance en distance, environ tous les deux mètres, on a établi par terre, un peu plus bas que le dallage du chœur, les solives AA'.

Sur les extrémités A' de ces solives, on a assemblé à tenons et mortaises les pièces de bois C, épaisses d'environ 15 centimètres, destinées à supporter tout le haut dorsal des stalles. Par en haut, ces pièces de bois sont assemblées de même à la pièce horizontale D, d'où partent les accoudoirs. Dans une encoche pratiquée dans la pièce C, vient s'emboîter la pièce longitudinale E, qui est également d'une très forte épaisseur (i5 centimètres). Cette énorme pièce forme le fond de chaque stalle sous la miséricorde, et on lui a donné extérieurement l'aspect d'un simple feuillet embrevé dans un bâtis. De semblables pièces F, emboîtées dans les solives AA', remplissent le même rôle pour les stalles basses. Des solives GG, correspondant à toutes les parcloses des stalles hautes et assemblées à tenons et mortaises à la partie inférieure des pièces E et à la partie supérieure des pièces F, sont destinées à supporter le plancher des stalles hautes. Celles qui se trouvent au-dessus des solives AA, sont soulagées par des potelets I.

Les parcloses B des stalles hautes s'élèvent au droit de ces solives GG, dans lesquelles elles sont assemblées. Elles sont entaillées pour laisser filer les grosses ■ pièces E.

Comme les parcloses des stalles basses ne sont pas sur le même prolongement que celles des stalles hautes, leur plancher a été établi sur un système de soliveaux JJ, correspondant à chaque parclose des stalles basses et assemblées à tenons et mortaises d'une part aux

grosses pièces F, et de l'autre aux pièces longitudinales M qui ferment l'élévation du plancher des stalles basses au-dessus du dallage du chœur.

Les parcloses H des stalles basses sont placées

de la même manière que celles des stalles hautes, au droit des soli-

FIG. 195. — Coupe des Stalles.

veaux JJ', en emboîtant les pièces F. De grosses pièces horizontales K, analogues aux pièces D des stalles hautes, et d'où partent les museaux des accoudoirs des stalles basses, sont assemblées aux rampes placées aux extrémités des stalles basses et dans les passages à travers celles-ci. Elles sont soulagées de distance en distancepar de petites colonnes polygonales N.

Aux stalles hautes, comme aux stalles basses, les dossiers sont formés de minces feuillets embrevés par en haut dans les pièces horizontales D et K, et par

FIG. 196. — Dessin des dais des stalles.

en bas dans les pièces E, F. De petits goussets a, a' adoucissent les angles sous les départs des museaux. Les sellettes 0, 0, exécutent leur révolution au moyen de charnières attachées à la partie supérieure des madriers E et F.

Lorsqu'elles sont relevées (0), elles s'appuient au dossier des stalles; lorsqu'elles sont abaissées (0,), elles sont retenues par des moulures horizontales b b' ménagées dans les parcloses.

Le long de la grosse pièce horizontale D règne la traverse L qui est légèrement en feuillure dans celle-ci, et qui file tout le long de la rangée des stalles hautes. Vis-à-vis chacune des parcloses s'élève le poteau P pt. qui est entaillé à sa partie inférieure pour enfourcher la traverse L. La traverse supérieure Q, qui, à chaque stalle, est assemblée à tenons et mortaises dans les montants PP', forme avec la traverse L et les montants PP' un bâtis dans lequel les panneaux RR, sont assemblés. Ce système de panneaux, qui constitue le haut dorsal des stalles, est maintenu par derrière

par un robage de planches clouées horizontalement.

La devanture des dais se compose d'une série de montants en pendentifs SS' correspondant aux montants PP,. Chacun de ces montants SS' est doublé jusqu'à une certaine hauteur d'un potelet dd'. Ces montants sont réunis dans le sens longitudinal par les traverses T, U (fig. 196) qui sont assemblées dans chacun d'eux à tenons et mortaises. Des pièces horizontales V réunissent les montants SS' aux montants PP' et sont soulagées par les pièces courbes W formant consoles. Au-dessus de chaque stalle, les pièces diagonales X maintiennent l'écartement. Un plancher est posé sur les traverses V (1).

De deux en deux, les montants PP' sont prolongés d'environ 80 centimètres, et sont réunis à leur partie supérieure Pli aux montants SS' par les traverses Y qui maintiennent la devanture des dais dans un plan vertical.

Par la suite, on a complété et renforcé ce système de suspension des dais au moyen de barres de fer rattachées à une poutre Z (fig. 195) que l'on a fait courir sur le mur de fond des clôtures extérieures en pierre.

(1) La fig. 196 suppose ce plancher enlevè.

L'assemblage des museaux c, c' avec les pièces horizontales D, K et les parcloses B, H, est à la fois très simple, très ingénieux et d'une solidité parfaite, sans le secours de chevilles ni de colle. Soit (fig. 197) V, la coupe sur une des parcloses, le museau supposé enlevé, X, le plan supérieur du museau assemblé

à la grande pièce horizontale, Y, sa coupe transversale sur la ligne C C, et Z, sa coupe longitudinale sur la ligne E E'. Les profils B, B' des accoudoirs sont amorcés sur la grande pièce horizontale D, la place du museau étant ménagée entre deux amorces. D'une part, celui-ci tient à la parclose dont la trace est en A, par la queue d'aronde F qui s'engage dans la rainure F,. D'autre part, le tenon G, qui est fort long, vient pénétrer dans la mortaise G'. A la partie supérieure du museau, on a laissé la languette H, qui vient s'engager en biseau à recouvrement dans une entaille ménagée à la partie supérieure de la grande pièce D, donnant avec celle-ci un joint visible qui a la forme de la ligne brisée courbe K L E L, K'.

A chaque miséricorde est sculpté un sujet à personnages emprunté à la Bible; les parcloses sont garnies d'appuie-mains formés chacun d'une figurine de fantaisie. Le long de la traverse L (fig. 195) court un ruban enroulé d'un très bel effet. La partie visible des montants PP' est formée d'une série de moulures prismatiques servant de supports aux retombées

FIG. 197. — Assemblage des accoudoirs.

des petites voûtes qui forment le ciel des dais. Les panneaux RR' simulent une arcature flamboyante dont le fond est semé de fleurs de lis en relief (1). A leur partie inférieure règne une ravissante frise de feuillage dont le dessin varie à chaque panneau.

Le ciel des dais se compose d'une suite de petites voûtes sur croisées d'ogives.

Sur les ogives, qui ont une forme ondulée, viennent s'appliquer les remplissages formées de petites planchettes assez semblables à des douves de tonneaux. Les clefs de ces petites voûtes sont fixées aux rencontres des pièces diagonales X (fig. 196).

f 1 ) Nous avons vu (tome II, p. 156) comment ces fleurs de lis avaient été enlevées pendant la Révolution, puis rétablies, enfin supprimées de nouveau.

A la partie antérieure, chaque dais s'ouvre entre les montants SS' (fig. 196) par un arc polylobé surmonté d'une haute accolade qui se profile sur un système d'ornements flamboyants à jour terminés en dentelle à leur partie supérieure. Les montants SS, sont amortis en forme de clochetons, et terminés par en bas par les doubles pendentifs e e, (fig. 195) qui sont d'une seule pièce rapportée.

En A, F, G, L (fig. 194), la série des stalles hautes est terminée par des jouées qui, partant du sol, vont rejoindre les dais dont elles forment comme les points d'appui principaux. Elles se composent de deux montants réunis par des traverses dans lesquels des panneaux sont embrevés, le tout entièrement sculpté, à plein dans la partie inférieure jusqu'à la hauteur de la pièce horizontale D (fig. 195) et à jour, à la partie supérieure.

En C, D, I, J (fig. 194), les stalles basses sont interrompues par des passages donnant accès aux stalles hautes. Ces passages sont accompagnés de rampes qui marquent l'arrêt des stalles. Des rampes analogues existent aux extrémités des rangées de stalles basses, en B, E, H, K. Ces rampes sont formés de panneaux sculptés de sujets à personnages en bas-relief, embrevés dans un bâtis dont la traverse supérieure a une forme ondulée. De petits groupes de personnages sont sculptés aux extrémités supérieures des montants et le long de la traverse supérieure, suivant un même galbe général.

Le flamboyant des stalles d'Amiens n'a ni la réserve un peu banale qu'a souvent le flamboyant français, ni la sèche précision du flamand, ni l'extravagance du germanique. Beaucoup de courbes et contrecourbes, qui ne sont pas toutes des portions de cercles, semblent tracées à main levée, sans le secours du compas (1), d'où il résulte une grande aisance. Il est d'une extrême richesse. D'incomparables motifs d'ornementation végétale sont répandus à profusion le long de tous les principaux motifs d'architecture. La plante - est traitée au naturel avec une délicatesse, un fouillé invraisemblables, une variété infinie, une verve endiablée, qui donnent à l'architecture des allures de plante grimpante.

Bien que la végétation ne soit pas ornemanisée, et qu'elle se comporte toujours comme si elle était naturelle, mais arrangée par un habile fleuriste, la précision botanique est loin d'être toujours scrupuleusement observée, et certaines plantes sont absolument de fantaisie. Il ne faut donc pas vouloir à toute force chercher à établir une botanique de nos stalles et à nommer toutes les fleurs, tous les enroulements de feuillage qui y figurent. Souvent les fleurs ou les fruits n'ont pas le feuillage qui leur convient. Cependant certaines plantes sont bien reconnaissables, telles la variété de pissenlit dite laitron (2), l'acanthe, la passiflore, la vigne (3), le lis, le chou frisé, le houblon (4), un chêne un peu fantaisiste, le lierre, plusieurs variétés de chardon, l'œillet sauvage, la renoncule, l'ancolie, l'aubépine (5), l'osier, des espèces de lanières dentelées qui rappellent certaines plantes marines telles

(1) Nous avons déjà constaté que c'était le même flamboyant que celui du couronnement des clôtures des chapelles XI et XII (travées 13 bc, 14 bc). Voy.

ci-dessus, t. II, p. 137. — On peut en rapprocher également plusieurs cadres du Puy et les jolis dais en bois sculpté provenant de mais de procession, qui se trouvent au musée d'Amiens. Le grand portail de l'église SaintGermain d'Amiens appartient aussi à la même famille.

(2) En picard, lancheron.

(3) C'est une des plantes rendues avec le plus d'exactitude.

(4) Id.

(5) Le long des moulures étroites, il y a souvent des branches d'épine qui serpentent dépouillées de leur feuillage.

que le varech. Les pl. LXXXVI et LXXXIX peuvent donner une idée de la délicatesse de l'ornementation végétale et de la manière dont elle se marie à l'architecture. Nous devons une mention particulière à la ravissante guirlande qui court au bas des panneaux du dorsal des stalles hautes, et dont le dessin varie à chaque stalle (pl. LXI à LXV, LXIX à LXXIII), ainsi qu'aux pendentifs feuillus qui alternent avec des pendentifs à personnages le long du dais des stalles hautes, et dans lesquels les bouquets de feuillages sont si habilement et si délicatement chiffonnés (pl. LXXXVI à XCI).

Fig. 198. — Stalles. Frise de ÚljOuæL.

Parfois de petits personnages, des animaux réels ou fantastiques viennent se mêler à l'ornementation végétale, à laquelle ils contribuent à donner de la vie. Un des plus remarquables exemples de ce mélange est le ravissant petit bout de frise sculpté à l'une des traverses de la jouée L au niveau des accoudoirs des stalles hautes (fig. 198). C'est un arrangement absolument exquis, à faire envie à nos bijoutiers d'art nouveau.

On peut dire que l'ornementation végétale de nos stalles est le point d'arrivée de l'ornement gothique parti de la plante ornemanisée du XIIe siècle pour se rapprocher de plus en plus de l'imitation de la nature. On ne peut rien voir de plus délicieusement échevelé. A côté de cette exubérante et capricieuse fantaisie, l'ornementation Renaissance est venue s'implanter avec son allure solennelle, et cela à des places déterminées, toujours les mêmes, partant d'une façon parfaitement voulue et réfléchie. Nous en ferons une étude particulière.

Le mélange des deux styles est encore plus grand dans les accessoires des scènes figurées : là, les édifices et les meubles de style gothique sont juxtaposés aux meubles et aux édifices de la Renaissance, à peu près dans une égale proportion. Nous avons vu (1) qu'il n'en est pas de même pour la statuaire : elle est pour ainsi dire encore exclusivement gothique.

V1 ) Voy. ci-dessus, t. II, p. 94.

Cette richesse extrême ne nuit en rien à la clarté. Au milieu des contorsions capricieuses d'un style flamboyant poussé à ses dernières limites, au milieu de cette luxuriante végétation, les lignes principales :qui marquent la structure du meuble sont suffisamment accusées : l'échelle; générale est toujours scrupuleusement observée (1). Il en résulte une clarté, une grâce;, une harmonie que l'on ne rencontre pas toujours dans les monuments du même genre. On dirait que nos stalles ont gardé quelque chose de ce qui est une des qualités maîtresses de l'architecture même de notre cathédrale.

Notons une légère nuance entre le côté nord et le côté sud : le dessin de la grande arcature qui orne les panneaux du dorsal des stalles hautes diffère d'un côté à l'autre : le ruban qui court le long de la traverse L (fig. 195) n'est pas non plus le même des deux côtés (2). Du côté nord les accoudoirs sont souvent ornés de banderoles avec inscriptions : il n'y a pas une seule inscription du côté sud. Du côté nord, les gaines de bois dont on a entouré les colonnes antérieures des principaux piliers de l'église, qui passent à travers les stalles, sont encore de pur style gothique; du côté sud, elles sont en style de la Renaissance et mal raccordées. Mais ce sont des nuances de peu de valeur.

Dans l'imagerie des stalles, on peut distinguer cinq séries différentes. La première, qui s'étend sur la partie haute des jouées des deux maîtresses stalles 1 et 56, sur les parcloses qui séparent ces deux stalles de leurs voisines, dans les petits groupes qui décorent la partie supérieure de toutes les rampes des passages à travers les stalles basses et enfin sur toutes les miséricordes (3), est consacrée à l'histoire de l'Ancien Testament, de la Création du monde à David, plus l'histoire de Job. Le choix des sujets ne paraît pas avoir été fait avec une méthode bien rigoureuse : certains, comme par exemple l'histoire de Joseph, ont été donnés avec un luxe de détails qui suivent parfois la Bible verset par verset, d'autres sont à peine indiqués, d'autres enfin, et non des moins connus, sont passés sous silence (4).

Dans une deuxième série, formée des bas-reliefs qui garnissent la partie inférieure des jouées des maîtresses stalles 1 et 56 et le dossier de ces mêmes stalles, des. bas-reliefs qui garnissent les jouées extrêmes des stalles hautes vers le sanctuaire en F et L, et de ceux qui sont sculptés sur les rampes des passages

(1) Nos artistes ont évité avec raison de placer dans les panneaux du dorsal des stalles hautes de ces grandes figures qui font beaucoup d'effet dans d'autres stalles, comme celle d'Auch, par exemple, mais qui détonnent absolument avec ce qui les entoure. Le semis de fleurs de lis qu'ils avaient mis à la place, mais qui malheureusement n'existe plus, produisait une note calme, reposant le regard et faisant valoir la richesse du reste.

(2) Du côté sud, le ruban est tailladé. Du côté nord, il ne l'est pas, et il est plus chiffonné.

(3) Il est assez rare de voir des sujets sacrés représentés sur les miséricordes des stalles. Généralement,

même dans les plus riches et les plus belles, les miséricordes, comme les appuie-mains des parcloses, ne sont ornées que de sujets de genre ou de fantaisie.

(4) En général, les sujets sur lesquels on s'est le plus étendu, sont les plus populaires, les plus dramatiques et les plus symboliques, ceux qui fournissaient le plus souvent le thème des mystères. L'histoire de Joseph, notamment, eut beaucoup de succès à l'époque où les stalles ont été faites. Elle est aussi développée avec grands détails dans les vignettes des Heures de Simon Vostre et d'Antoine Vérard, desquelles les auteurs de nos stalles n'ont pas été sans s'inspirer.

entre les stalles basses, se déroule l'histoire de la Vierge Marie, de sa Conception à son Couronnement, empruntée à la légende et au Nouveau Testament (i).

La troisième comprend tous les appuie-mains des parcloses entre les stalles.

Ce sont de petits sujets de genre ou de fantaisie laissés au choix de l'artiste.

A la quatrième série, appartiennent les pendentifs et les culs-de-lampe qui reçoivent en avant les retombées des petites voûtes formant le dais continu au-dessus des stalles hautes. Des bouquets de feuillages alternent avec des groupes de personnages dont le choix a aussi été laissé au caprice de l'artiste. L'alternance est combinée de telle sorte qu'à un pendentif de feuillages correspond un cul-de-lampe à personnages et réciproquement.

Enfin une infinité de figurines, religieuses ou profanes, jetées çà et là à travers l'ornementation des stalles, constituent une cinquième série.

Il est peu de stalles où la partie iconographique soit développée avec autant d'ampleur. Sauf quelques rares exceptions, les sujets bibliques ou légendaires ne sont pris que dans leur sens littéral, en suivant l'ordre chronologique. Nous n'aurons donc, en général, qu'à les décrire purement et simplement, sans leur chercher d'intentions mystiques ou symboliques.

S'il est difficile d'admettre qu'un seul artiste ait pu être l'auteur de toute l'imagerie des stalles, il l'est bien plus encore de rechercher par des nuances de styles et de manières à discerner les différentes mains qui ont pu y travailler.

On distinguera peut-être des inégalités, quoique bien faibles, dans l'exécution, mais l'homogénéité est telle, aussi bien dans le parti général que dans les moindres détails, qu'il est plus prudent de s'abstenir de toute attribution. A travers la merveilleuse sculpture décorative qui couvre toute l'ossature de la menuiserie, à travers ces inimitables enroulements de feuillages, se mêlent de petites figures traitées avec la même perfection et de la même manière que les sujets historiés des miséricordes ou des culs-de-lampe. Cette sculpture décorative s'allie à l'assemblage de la menuiserie de la manière la plus intime et la plus logique.

Nous savons que les huchers sculptaient le bois, et certains dans la plus grande perfection. Mais on ne saurait dire où finit le travail du hucher, où commence celui du tailleur d'images.

Il est intéressant de remarquer que nous avons constaté une discipline à peu près aussi grande dans l'atelier qui a exécuté la statuaire du grand portail au XIIIe siècle.

Nous avons déjà mentionné (2) la parenté évidente de l'imagerie de nos stalles avec celle de la seconde partie de l'histoire de saint Firmin (3) et celle des Vendeurs du temple (4), dans les clôtures. Mêmes proportions, ou à peu près, dans les personnages, même souplesse dans les mouvements et dans les draperies, mêmes types de figures, mêmes costumes, même recherche de l'accessoire et du pittoresque (5). La composition est toutefois généralement meilleure. Il y a notamment dans les bas-reliefs si justement célèbres qui composent l'histoire de la

(1) L'histoire de Marie est aussi développée à peu près de la même façon dans les vignettes des Heures de Simon Vostre et d'Antoine Vérard..

(2) Voy. ci-dessus, t. II, pp. 94 et 95.

(3) Travée 20-22 a.

(4) Travée 13 b c.

(5) Sur l'identité possible entre Antoine Avernier et Antoine Anquier, voy. ci-dessus, t. II, p. 149, note 7.

Vierge, quelques petits intérieurs d'un charme indicible et qui font penser aux peintres flamands primitifs.

Dans tous les sujets, bibliques ou non, tous les accessoires, tous les costumes (i), tous les types des personnages, toutes leurs habitudes, tous leurs gestes, sont du temps où les stalles ont été exécutées, c'est-à-dire du premier quart du XVIe siècle.

Il en résulte une sorte de travestissement, une bonhomie qui ne détonne pourtant pas avec le texte sacré. Nos artistes ont même été assez loin dans cette voie et, en bons Français, en bons Picards, ils ont placé parfois, même dans les scènes les plus graves, le petit côté comique, « le petit mot pour rire ». Pendant què Melchisédech offre son solennel et prophétique sacrifice, Abraham est occupé à faire taire un petit chien qui aboie; Pharaon est à table, cérémonieusement servi par le grand échanson, des chiens (2) et des chats lèchent les assiettes qui gisent à terre; à la mort de la Vierge, plusieurs apôtres, pour mieux voir, ou plutôt pour mieux être vus, sont montés sur un banc sous lequel trottinent rats et souris (3).

Copiant ce qu'ils voyaient autour d'eux, nos artistes nous fournissent donc une mine inépuisable de renseignements sur les mœurs, les costumes et les types de leur temps, les types même, car chaque époque a les siens.

Mais c'est surtout dans les innombrables sujets de genre répandus dans les appuie-mains, dans les pendentifs et de tous côtés dans l'ornementation des stalles, que nos artistes livrés à eux-mêmes, se sont laissés aller à toute leur verve à tout leur esprit. C'est merveille comme ils ont su exprimer la caractéristique de chaque type, trouver la note juste pour définir un caractère ou une situation, plier le corps humain dans le galbe commandé par la forme du meuble, avec les contorsions les plus variées et parfois les plus cocasses, sans nuire à la correction du dessin, sans cesser d'être vraisemblables. Et ils ont su le faire non seulement pour les sujets de genre laissés à leur choix, mais même pour des sujets bibliques imposés, notamment le long de la traverse supérieure des rampes des passages à travers les stalles basses. En disposant habilement les personnages, les uns debout, les autres assis par terre ou sur des sièges, d'autres couchés, en composant ingénieusement leurs gestes, en leur donnant des tailles inégales, mais jamais disproportionnées, ils ont trouvé moyen de faire rentrer dans le galbe uniforme imposé à toutes ces rampes, des groupes d'une vérité étonnante, d'une variété infinie, d'un pittoresque charmant.

Il est curieux d'observer que les sujets de genre choisis par nos artistes sont à peu près les mêmes que l'on retrouve dans les poésies légères du temps, dans les fableaux surtout, sujets populaires, connus et affectionnés du public. Les métiers, les ménestrels, les gens d'église, la mort et les sujets macabres, le vin, la mangeaille, les sots, le mariage et ses misères, les femmes et leurs défauts, les mesquines ou chambrières, les nourrices, les méraleresses ou sages-femmes, les étuves ou établissements de bains, les grivoiseries souvent grossières et ordurières qui faisaient le bonheur de nos pères, presque tout cela figure dans nos stalles.

(1) Il n'y a guère d'exception que pour le Christ et les Apôtres.

(2) Dans les stalles, aussi bien que dans les clôtures du chœur, les artistes ont aimé à représenter des chiens.

Le chien était très affectionné de nos pères.

(3) A rapprocher la dame endormie au sermon de saint Sauve, dans la clôture du chœur (travée 20-22 a).

La plupart de ces motifs se retrouvent, il est vrai, un peu partout, mais rarement avec une telle virtuosité, une telle perfection, un tel esprit d'observation.

Le frottement des mains et des habits a, malheureusement, émoussé les appuie-mains, mais cette usure n'a rien enlevé, dans les lignes générales, de leur crânerie et de leur expression. Les culs-de-lampe, les pendentifs et les autres motifs hors de portée sont conservés à l'état neuf et dans toute la netteté, toute la fleur de leur dernier coup de gouge. Et qu'il est ferme, nerveux, précis, serré, sûr de lui (i)!

Ancien Testament.

L'histoire de l'Ancien testament se déroule, avons-nous dit, sur toutes les miséricordes, contre les parois des deux maîtresses stalles et enfin à la partie supérieure des rampes qui arrêtent les stalles basses à l'endroit des passages.

Il est bon d'observer, avant de co-mmencer la description, que, soit par suite d'une erreur dans le placement primitif des miséricordes, soit par un remaniement fait on ne sait quand, peut-être lors de la suppression de plusieurs stalles au XVIIIe siècle, quelques miséricordes se sont trouvées interverties. Celle qui devrait occuper le n° 43 se trouve au n° 110; celle qui est au n° 43 doit provenir d'une des stalles enlevées au XVIIIe siècle. Cette particularité laisse supposer que ce serait bien à ce moment que le changement aurait eu lieu (2).

Le point de départ pour tous les sujets est la stalle maîtresse à droite en entrant dans le chœur (n° 1) : de là, on suit toutes les miséricordes des stalles hautes du côté sud, en allant de l'entrée du chœur au sanctuaire, puis les miséricordes des stalles basses avec les passages du même côté, mais en sens inverse, c'est-à-dire en allant du sanctuaire à l'entrée du chœur; on passe ensuite à la stalle maîtresse à gauche en entrant dans le chœur et aux stalles hautes du côté nord et enfin aux stalles basses et aux passages du même côté, de la même manière qu'il a été dit pour le côté sud, en finissant par la dernière stalle basse à gauche en entrant dans le chœur, et qui porte le n° 110 de notre plan.

MAITRESSE STALLE I. — Les huit premiers chapitres de la Genèse se déroulent sur différentes parties de la stalle maîtresse à droite en entrant.

Jouée extérieure A. — Elle peut se diviser en deux parties principales : la partie basse, depuis le sol jusqu'à la hauteur de l'accoudoir de la stalle, soubassement entièrement plein et contenant un sujet sculpté en bas-relief, mais

(1) Ajoutons, pour être complet, que de petites sellettes Pour les enfants de chœur étaient fixées jadis le long du plancher en avant des stalles basses. Elles n'étaient sans doute pas contemporaines des stalles, et avaient dû être placées après coup. L'une d'elles portait gravé au couteau, le nom du compositeur Lesueur qui fut enfant de chœur de la cathédrale d'Amiens. Elles ont été

supprimées il y a une cinquantaine d'années.

(2) Il y en avait davantage du temps de MM. Jourdain et Duval, mais depuis elles ont été remises en place.

Les autres n'ont pu l'être : celle qui est au n° 43, parce qu'elle provient d'une stalle qui n'existe plus, et l'autre, parce qu'ayant été ajustée à sa nouvelle place, elle n'entrait plus exactement dans l'ancienne.

qui appartient à une autre série que nous décrirons plus loin, et la partie haute montant jusqu'à la base de la flèche qui lui sert de couronnement. Celle-ci est entièrement sculptée à jour et garnie de sujets à personnages visibles pour la plupart aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. C'est là que commence l'histoire de la Genèse (Pl. LIX, en Y).

A la partie inférieure, sur quatre petites niches a, b, c, d que l'on aperçoit du dehors, les trois premières, a, b, c, ont perdu les sujets qu'elles renfermaient.

Celui qui remplit la quatrième, d, représente des flots à travers lesquels nagent des poissons. Il est visible à la fois de l'extérieur et de l'intérieur, de même que celui qui lui faisait pendant, en a. Les deux autres au contraire, b et c, n'avaient face que sur l'extérieur; ils étaient adossés à un sujet unique regardant l'intérieur de la stalle et qui existe encore. Il représente des arbustes et des plantes croissant sur une sorte de monticule au sommet duquel s'élève l'arbre de la science du bien et du mal. Dans ce dernier sujet MM. Jourdain et Duval ont cru voir le Paradis Terrestre; des quatre autres, ils n'ont absolument rien dit. Je penserais plutôt que ces cinq sujets représentaient l'œuvre de chacun des cinq premiers jours de la Création : a aurait contenu la création de la lumière, œuvre du premier jour (i); b, celle du firmament, ou deuxième jour (2). Tel que nous l'avons décrit, le sujet central visible seulement de l'intérieur, se rapporte bien à la création des plantes, principal ouvrage du troisième jour (3). Le quatrième jour ou création des astres, avait sans doute sa place en c (4), et enfin le sujet d qui, nous l'avons vu, représente des poissons nageant au milieu des flots, s'applique naturellement à l'oeuvre du cinquième jour (5). Cette manière de représenter la Création est d'ailleurs parfaitement conforme aux habitudes iconographiques du moyen âge (6), et il aurait été fort extraordinaire que, dans une représentation aussi développée de la Genèse, on ait omis l'œuvre des cinq premiers jours, et commencé à la création de l'homme. Il est très regrettable que la plupart de ces sujets aient disparu; il eût été fort curieux de voir comment le sculpteur s'en était tiré pour figurer des sujets abstraits tels que la création de la lumière ou celle du firmament, privé qu'il était de la ressource des combinaisons de couleurs dont usaient les peintres et les miniaturistes en pareil cas.

Le reste de la jouée, sur l'extérieur, est consacré au grand œuvre du sixième jour, à la création de l'homme et à celle de la femme. Elle occupe deux sujets, ou plutôt deux groupes de plus grandes dimensions que les précédents. Dans le premier, Adam, entièrement nu, debout, dans la force de l'âge, barbu, les mains jointes, les yeux tournés vers le ciel, vient de recevoir le souffle de vie et rend grâces à son Créateur (7). Dans l'autre, Adam endormi, pendant que la femme, nue comme lui, les mains jointes (8), sort de son côté (9). L'un et l'autre sujet se détache sur une prairie plantée d'arbres et émaillée de fleurs représentant sans

(i) Gen., 1, 3-5.

(2) Gen., 1, 6-8.

(3) Gen., 1, 9-13.

(4) Gen., 1, 14-19.

(5) Gen., 1, 20-23.

(6) Cf. les miniatures des Bibles, et notamment celles du ms. 107 de la Bibl. d'Am. (Parch., 26 feuillets, 272 sur

188 mill.). Nous citerons souvent ce beau ms. qui est à peu près contemporain de nos stalles et qui présente avec elles de nombreuses analogies iconographiques.

(7) Gen., 1, 26-27.

(8) Les mains sont brisées.

(91 Gen., 1, 27-30; II, 21-25.

doute le Paradis Terrestre. Ils étaient jadis abrités par de petits dais qui ont été brisés.

Enfin en haut de la jouée, et dominant toute la scène de la Création, le Seigneur dans sa gloire, debout, bénissant et entouré d'une auréole formée de nuages et de petits anges. Il porte une longue barbe et de longs cheveux, et il est nu-tête, drapé dans un ample manteau aux plis magnifiques, attaché par un fermail.

Il n'a aucun insigne ni attribut. A ses côtés sont deux petites niches vides.

Tournons la page, ou plutôt entrons dans l'intérieur de la stalle, et, sur le revers des mêmes sujets, nous verrons l'histoire de la faute. Au sommet du monticule où nous avons vu le troisième jour de la Création s'élève droit le tronc de l'Arbre de la science du bien et du mal, très curieusement agencé dans les motifs d'architecture qui font comme le fond du panneau, de sorte qu'on peut 1 apercevoir de l'extérieur, à travers les pillettes qui servent de support au Créateur.

Autour de ce tronc est enroulé le Serpent à tête de femme et muni de bras; à sa droite, Adam portant la main gauche à la gorge comme s'il sentait quelque chose qui ne peut passer (i); de l'autre côté, sa femme, faisant un geste de la main droite (2). Tous deux essaient de cacher leur nudité avec des feuilles de figuier (3).

Ces deux sujets, qui forment la contrepartie de la création de l'homme et de la femme, étaient aussi abrités par de petits dais qui n'existent plus. Tout en haut de l'arbre, adossée au Créateur, est une délicieuse image de la Vierge Marie, debout au milieu d'une gloire rayonnante, les mains jointes, la chevelure tombant sur les épaules et posant le pied sur la tête féminine du serpent (4).

Il était impossible d'imaginer un arrangement plus ingénieux, plus décoratif et en même temps plus expressif dans sa saisissante concision, pour rendre par la sculpture, sur une partie de meuble, les mystérieux débuts du genre humain.

Le long du montant, et du pendentif qui soutiennent le dais de cette stalle maîtresse, quatorze petites niches abritaient jadis autant de sujets sculptés à personnages, qui devaient se rapporter aux événements qui ont accompagné ou suivi le péché d'Adam et d'Ève et leur expulsion du Paradis (pl. LXXXVI). Deux seuls subsistent. Dans le premier, au milieu d'une campagne, au fond de laquelle on aperçoit un fort joli château, Adam, couvert de la tunique de peaux de bêtes dont Dieu lui-même l'a revêtu (5), moissonne un champ de blé. L'autre (6) représente Dieu le Père, barbu, coiffé de la triple couronne, couvert d'une chape à fermail, assis, bénissant d'une main, et tenant le globe du monde dans l'autre.

La partie inférieure de quelques autres sujets subsiste encore, mais cela est insuffisant pour permettre de les identifier (7).

L'histoire des fils d'Adam est racontée sur la plinthe du haut dorsal de cette même stalle et sur la rampe qui la sépare de la suivante.

Haut dorsal..- La plinthe sculptée en demi-relief (pl. LX, en Y) représente

(1) Nous avons vu au XIIIe siècle, dans les sculptures du trumeau de la porte de la Mère Dieu, Adam faire exactement le même geste. Voy. ci-dessus, t. I, p. 387.

(2) Elle est brisée.

(3) Gen., m, 1-7.

(4) Gen., ni, 15.

(5) Gen., m, 21.

(6) N'est pas visible sur la pl. LXXXVI.

(7) MM. Jourdain et Duval ont supposé qu'il y avait : Dieu interdisant à Adam et à Ève de toucher au fruit de l'arbre ; Ève cueillant le fruit, en offrant à son mari ; les coupables chassés du Paradis; Ève occupée à filer.

un champ planté d'arbres, où paissent un bœuf, un cheval et un troupeau de moutons. Caïn les pieds nus et vêtu de peaux de bêtes, semble s'enfuir, armé d'une mâchoire d'âne ou de cheval dont il vient de frapper Abel. Celui-ci, une énorme blessure au front, le visage marqué d'une grande expression de douleur, tombe à terre. Comme son frère, il a les pieds nus, mais sa robe est d'étoffe avec manches; une sacoche est pendue à sa ceinture, signe d'un progrès vers la civilisation; sa barbe est naissante pour marquer qu'il est le plus jeune : Caïn la porte tout entière et bien fournie (i). MM. Jourdain et Duval font observer avec raison que le troupeau de moutons est du côté d'Abel, tandis que le bœuf et le cheval, animaux nécessaires à la culture, semblent accompagner Caïn (2).

, Parclose 1-2. — Sur la rampe qui sépare la stalle maîtresse de sa voisine, trois groupes de personnages se rapportent à la condamnation et au châtiment de Caïn (pl. LX, en Y).

Ier groupe (3). — Le Seigneur debout (4), parle d'un air sévère à Caïn, qui l'écoute à demi agenouillé et tenant toujours l'instrument de son crime (5).

2e et 3e groupes. — Sur le rapprochement de deux textes de la Genèse (6) les rabbins et quelques auteurs chrétiens ont édifié une légende à laquelle sont consacrés les deux derniers groupes de la rampe qui nous occupe. Lamech, descendant de Caïn à la cinquième génération, était devenu aveugle. Un jour que, conduit par un enfant, il chassait aux bêtes, il tira une flèche sur Caïn, qui, fuyant toujours le contact des hommes, était caché dans un buisson. Il l'avait pris pour une bête fauve. Après avoir maudit Caïn, Dieu avait ajouté que celui qui le tuerait serait puni sept fois (7).

A la partie supérieure de la rampe, Caïn, vêtu de sa peau de bête, est blotti dans un buisson, tandis qu'un lapin, le vrai gibier, sort paisiblement de son terrier.

Un peu plus bas, on voit Lamech, barbu, vêtu d'une longue robe avec crevés aux emmanchures, souliers en bec de cane, chapeau sur la tête. Accompagné d'un jeune enfant habillé d'une façon analogue, une bourse à la ceinture, il bande son arc (8) et vise son aïeul qu'il prend pour une bête sauvage. Dorénavant, tous les personnages seront vêtus à la moderne.

Stalle. — A la partie haute de la parclose A, à gauche de l'occupant, un bas-relief représente Noé construisant l'arche, aidé de deux ouvriers. Richement

(1) Gen., iv, 8.

(2) « Fuit autem Abelpastor ovium et Cain agricola ».

Gen., IV, 2.

(3) En commençant parle bas.

(4) Son bras droit est brisé.

(5) Gen., iv, 9-15.

(b) « Dixitque Cain ad Dominum : Major est îniquitas mea quam ut veniam merear. Ecce ejicis me hodie a facie terrae et a facie tua abscondar, et ero vagus et profugus in terra, omnis igitur qui invenerit me, occidet me. Dixitque ei Dominus : Nequaquam ita fiet, sed omnis qui occiderit Cain septuplum punietur. Dixit-

que Lamech uxoribus suis Adae et Sellae : Audite vocem meam, uxores Lamech, auscultate sermonem meum : quoniam occidi virum in vulnus meum et adolescentulum in livorem meum. Septuplum ultio dabitur de Cain, de Lamech vero septuagies septies ». Gen., IV, 13-15; 23, 24.

— Voy. MALE, L'Art relig. dux 111E s., p. 268.

(7) Cette légende est racontée tout au long dans la Mer des histoires (Paris, Pierre Lerouge, 1488 ; i" âge, chap. XX, fol. XXVIII, VO). — Cf. JOURDAIN ET DUVAL, op. cit.

(8) L'arc est brisé.

vêtu d'une longue robe ornée de houppettes, fendue sur les côtés avec collet crénelé et coiffé d'un chapeau aux bords découpés, costume qu'il gardera dans toutes les autres scènes, il frappe à coups de maillet sur une planche qu'un ouvrier ajuste (i).

Sur la miséricorde (pl. LX, en Y), des flots impétueux, dans lesquels s'abîment maisons, clochers et édifices et où l'on voit flotter des cadavres humains, rendent la scène terrible du Déluge. Au milieu des eaux agitées vogue paisiblement l'arche, figurée par un bateau crénelé et surmonté d'un charmant édifice en pans de bois orné de moulures et de pignons garnis de crochets (2).

Sacrifice de JSfoé

Au bas de la parclose de gauche A, sous le siège, le corbeau envoyé par Noé hors de l'arche, se repaît du cadavre d'un animal roulé par les eaux; à travers celles-ci on aperçoit encore des cadavres humains (3).

Vis-à-vis, contre la parclose de droite, on a figuré la colombe lâchée une seconde fois par Noé, rapportant un rameau d'olivier. Les eaux sont presque entièrement retirées, et la terre commence à apparaître riante et plantée d'arbres (4).

Noé sorti de l'arche et offrant un sacrifice au Seigneur (5) forme le bas-relief supérieur de cette même parclose (fig. igg). Sur l'autel se consument deux brebis et deux oiseaux, pendant que Noé est agenouillé, les mains jointes, la tête découverte, son chapeau à ses pieds, les yeux fixés vers l'autel. Derrière lui, deux de ses fils ont pris la même attitude respectueuse; le troisième, Cham sans doute,

(1) Gen., vi.

(2) Gen., vu.

(3) Gen., vin, 5-7.

(4) Gen., viii, 10, II.

(5) Genvin, 20, 21.

est debout, chapeau crénelé sur la tête, s'appuyant d'une main sur un bâton, d'un air distrait.

RAMPE B 55 (pl. LXXVIII, en Y). — C'est dans les groupes qui garnissent la partie supérieure de la rampe contre la dernière stalle basse de ce côté, qu'il faut aller chercher l'histoire, trop populaire pour avoir été oubliée, de la culture de la vigne par le patriarche et des suites fâcheuses qu'eurent pour lui les premières fumées du vin (i). Ses principales phases sont pittoresquement campées et divisées en trois groupes, malheureusement mutilés par endroits.

1 er groupe. - Noé, la serpe pendue à la ceinture, enfonce un cep de vigne dans la terre.

2E groupe. - Ayant bu du vin, il s'enivra et parut nu dans sa tente, dit la Genèse. Ici l'artiste, sans doute par un sentiment de pudeur, n'a pas pris à la lettre le texte sacré comme on le faisait souvent au moyen âge, mais il a supposé Noé, endormi par l'effet de la boisson, étendu au milieu de pampres, un gobelet rempli de la perfide liqueur à côté de lui. Il n'est point nu, comme dit l'Écriture, mais couvert de tous ses vêtements qui sont seulement censés s'être relevés d'une façon indécente. Sem et Japhet arrivent à temps pour le couvrir d'un manteau. Leurs têtes sont brisées, mais la position de leurs épaules indique qu'ils devaient se détourner, pour ne pas voir leur père dans une posture honteuse. La Bible dit qu'ils étaient entrés à reculons. Cham, qui n'a pas craint d'affronter le déshonneur de son père, se tient accroupi près de la tête de celui-ci.

3e groupe. — Revenu à la raison et ayant appris ce qui s'était passé, Noé chargea de malédictions Chanaan, fils de Cham. Debout, une main passée dans sa ceinture (2), Noé semble parler d'un air sévère; Cham se tient devant lui, chapeau sur la tête, une main sur la hanche (3) et détournant la tête d'un air insolent. Un troisième personnage, aujourd'hui brisé, mais dont on voit très bien les arrachements, était sans doute le jeune Chanaan, à qui, suivant l'Écriture, Noé a adressé ses malédictions.

MISÉRICORDES. — Pl. LXI. 2. — Les miséricordes des deux stalles hautes du côté sud, qui ont été supprimées au XVIIIe siècle, se rapportaient sans doute aux commencements de l'histoire d'Abraham, et dans celle qui porte le n° 2 de notre plan, nous trouvons cette histoire au moment où Abraham vient de tailler en pièces les rois conjurés qui avaient pris son frère Loth dans Sodome, et où Melchisedech, roi de Salem et prêtre du Très Haut, offre du pain et du vin en actions de grâces et bénit Abraham (4). Vers un autel à retable, couvert d'une nappe, tel qu'on en pouvait voir dans les églises de France au commencement du xvie siècle, et sur lequel sont placés un pain et un riche calice, Melchisedech s'avance les mains jointes : il est imberbe, tonsuré, vêtu d'une longue robe fendue par devant, à larges manches et serrée à la taille par une courroie à laquelle pend

(1) Geti., ix, 20-27.

(2) L'autre est brisée.

(3) L'autre est brisée.

(4) Gen., xiv, 18-20.

une bourse. Une mitre épiscopale est posée à ses pieds (1), tandis que Dieu le Père, le globe crucifère dans la main et bénissant, apparaît dans le ciel. A droite et à gauche, deux personnages assistent à la cérémonie; d'un côté, un homme barbu, sans doute Abraham, occupé à faire taire un petit chien qui aboie, et de l'autre, un homme plus jeune, imberbe, Loth apparemment, vêtu d'une robe à longues manches fendues et joignant les mains d'un air recueilli.

3. — Trois anges s'approchent de la maison d'Abraham et, cordialement reçus par lui, lui annoncent que Sara, dont la stérilité le désolait, enfantera un fils (2).

Abraham s'avance vers eux et leur fait un geste accueillant. Les tailleurs d'images ont traduit le « tabernaculum » de l'Écriture par une maison en maçonnerie accompagnée d'arbres.

4. — C'est évidemment Dieu renouvelant à Abraham, au moment où Sara demeurait incrédule à la prédiction des trois anges, la promesse que toutes les nations seront bénies en lui (3). La scène se passe dans la campagne. Le Seigneur est debout à gauche du spectateur : il semble parler à Abraham qui, placé au centre de la composition, l'écoute plein d'effroi, posant un genou en terre. Du côté droit, se tient un troisième personnage jeune et imberbe, aux longs vêtements, paraissant s'éloigner comme à regret. MM. Jourdain et Duval ont pensé que ce devait être le fils du serviteur qu'Abraham regrettait de laisser pour héritier (4).

5. — Dieu ayant voulu éprouver Abraham, lui a demandé son fils Isaac en sacrifice. Abraham s'est levé la nuit, il a préparé son âne et l'a chargé du bois du sacrifice. Deux fagots sont attachés par des cordes aux flancs de l'animal.

Suivant le texte sacré, Isaac et deux jeunes gens l'accompagnent (5).

6. — Au bout de trois jours de marche, étant arrivé en vue du lieu que Dieu lui avait désigné, Abraham a laissé là les deux jeunes gens, et continue sa route seul avec son fils. Appuyé d'une main sur un bâton, et tenant de l'autre une torche allumée, le glaive à la ceinture et non à la main comme le dit la Bible, il montre le chemin à Isaac qui a chargé le bois sur ses épaules (6). On aperçoit une maison dans le lointain.

7. — Les deux jeunes gens et l'âne qu'Abraham a laissés à l'écart. L'un des deux jeunes gens montre du doigt la montagne que le patriarche et son fils ont sans doute commencé à gravir. L'âne est débarrassé de son fardeau.

Pl. LXII. 8. — Abraham est parvenu au lieu du sacrifice et y a dressé un autel. Sur cet autel, qui est en maçonnerie et orné de moulures, le bois est disposé pour le feu qui consumera la victime, et le jeune Isaac est agenouillé sur ce bûcher. Il joint les mains et ses yeux sont couverts d'un bandeau (7) qu'Abraham

(1) La liturgie catholique interdit de rester couvert en présence du Saint-Sacrement, dont le sacrifice de Melchisedech est le symbole.

(2) « Apparuit autem ei Dominus in convalle Mambre sedenti in ostio tabernaculi sui in ipso fervore diei.

Cumque elevasset oculos, apparuerunt ei très viri stantes prope eum », etc. Gen., XVIII, i, 2. Se basant sur ces mots de saint Paul : «• Latuerunt quidam, angelis hospitio receptis » (Hebr., XIII, 2), les commentateurs ont généralement considéré les « très viri » dont parle la Genèse comme des anges.

(3) Gen., xvin, 17, 18. —Cette promesse, Dieu la lui a faite à plusieurs reprises ; celle-ci fut la plus solennelle. — Du temps de MM. Jourdain et Duval cette miséricorde avait été changée de place. Elle a été réintégrée depuis où elle doit être.

(4) Gen., xv, 2, 3. Passage de la Bible qui d'ailleurs, n'est pas clair et doit être incomplet.

(5) Gen., xxii, 1-3.

(6) Gen., XXII, 4-8.

(7) Rappelons qu'au moyen âge les criminels avaient généralement les yeux bandés pour être décapités.

tient d'une main, pendant que, de l'autre, il brandit son glaive pour trancher la tête de son fils. Mais un ange descendant du ciel saisit le glaive par la lame et l'arrache des mains du patriarche. Le bélier qui prendra bientôt la place d'Isaac est blotti dans un buisson (i).

g. - Abraham ayant aperçu ce bélier, l'a pris et l'a placé sur le bûcher : il le frappe de son glaive, pendant qu'Isaac, pieusement agenouillé, les mains jointes, assiste au sacrifice (2).

10. — Les années se sont écoulées, Abraham est devenu vieux et Isaac, parvenu à l'âge de se marier. Ayant donc appelé le plus ancien de ses serviteurs (3), Abraham lui fit placer la main sur sa cuisse et jurer de choisir pour Isaac une épouse, non dans le pays de Chanaan qu'il habite, mais d'en aller chercher une dans sa terre d'origine et dans sa propre famille (4). Au milieu d'un paysage où l'on aperçoit un château crénelé et une jolie maison ornée d'une élégante petite frise sculptée, Abraham est assis dans un fauteuil, la main droite levée ; le serviteur, vêtu d'une ample houppelande à revers, le couteau et la bourse à la ceinture, est agenouillé, la tête découverte, tenant son chapeau d'une main et posant l'autre sur la cuisse du patriarche.

11. — Et ayant pris dix chameaux du troupeau de son maître, le serviteur partit pour la Mésopotamie emportant avec lui de nombreux bagages (5). Les chameaux y sont bien tous les dix, chargés chacun de deux malles ou coffres très curieux ou de deux paniers d'osier. Un petit homme encapuchonné est monté sur l'un d'eux. Le serviteur, qu'à la suite des commentateurs nous appellerons Éliézer, l'épée au côté et marchant à pied, conduit la caravane.

12 (fig. 193, Y). — Un soir qu'il avait fait reposer ses chameaux près d'un puits, aux abords de la ville ou demeurait Nachor, frère d'Abraham, à l'heure où les femmes avaient l'habitude de sortir pour tirer de l'eau, Éliézer pria le Seigneur de lui faire connaître par un signe l'épouse qu'il destinait à Isaac. On ne saurait trop admirer la façon charmante dont l'entailleur a su rendre dans des groupes pleins de vie et d'expression les différents épisodes de ce récit, un des plus poétiques et un des plus populaires de l'Ancien Testament. Sur le bord du puits qu'accompagne une petite auge de pierre, Éliézer fléchissant le genou, les mains jointes, la tête découverte, fait dévotement sa prière au Dieu d'Abraham, tandis que les chameaux gardés par leur petit conducteur, sont arrêtés derrière lui.

Rebecca s'approche, une cruche à la main. Elle est richement vêtue, sa robe ornée de bouffettes est ouverte en carré à la gorge, laissant voir une chemisette plissée; une élégante coiffe couvre sa tête, « puella decora nimis, virgoque pulcherrima x. Elle vient de quitter la maison paternelle qu'on aperçoit à l'arrière-plan (6).

i3. — Éliézer a demandé à boire à Rebecca, et celle-ci a approché sa cruche

(1) Gen., XXII, 9-12.

(2) Gen., XXII, 13.

(3) La Bible dit « servum seniorem domus suae qui praeerat omnibus quae habebat » (Gen., xxiv, 2), sans le nommer. Les commentateurs en ont fait Éliézer, dont il n'est parlé que lorsqu'Abraham se lamentait de rester sans enfants : « Ego vadam absque liberis, et filius

procuratoris domus meae iste Damascus Eliezer Et ecce vernaculus meus haeres meus erit j,. (Gen., xv, 2, 3).

Voy. ci-dessus, t. II, p. 173, note 4.

(4) Genxxiv, 1-9.

(5) Gen., xxiv, 10.

(6) Gen., xxiv, 11-16.

des lèvres du serviteur, la penchant doucement elle-même pour l'aider à boire.

Les chameaux, le puits, l'auge et la maison sont toujours là (1).Pl. LXIII. 14. — La jeune fille a encore offert d'abreuver les chameaux. De sa cruche, elle remplit l'auge qui accompagne le puits, et dans laquelle les chameaux viennent se désaltérer. Reconnaissant le signe qu'il a demandé à Dieu, Éliézer a fait décharger un des coffres et l'a ouvert pour en tirer des présents (2).

15. — Mais les chameaux ont fini de boire et se sont retirés conduits par un piqueur armé d'un fouet. Éliézer s'étant approché de celle qui venait de lui faire un si gracieux accueil, lui offre des bracelets et des pendants d'oreilles en or, lui demandant de qui elle est fille, et si dans la maison de son père il y a place pour le recevoir. « Je suis fille de Bathuel, répondit-elle, fils lui-même de Melcha et de Nachor », et ajoutant : « Il y a bien de la paille et du foin chez nous, et de vastes locaux pour y demeurer » (3).

16. — Rebecca a couru raconter à sa mère ce qui venait de se passer; Laban, son frère, est allé trouver l'étranger pour le presser d'accepter l'hospitalité chez son père, et nous voici chez Bathuel (4). C'est bien l'intérieur d'un bourgeois qui a « beaucoup de foin et beaucoup de paille ». La salle est meublée d'un joli dressoir chargé de vaisselle. Le maître de la maison en longue robe, comme il convient à un homme grave, et sa femme (5) coiffée d'un bourrelet, sont assis côte à côte sur un banc à haut dossier, devant une table couverte d'une nappe et de pains (6), près de laquelle un escabeau semble attendre un convive. Laban, jeune homme imberbe, aux vêtements courts, introduit en le poussant par l'épaule Éliézer qui semble faire des façons pour entrer. Il s'est respectueusement découvert, et porte la main à la poignée de son épée pour l'empêcher de frapper le sol et de s'embarrasser dans ses jambes. Son attitude et l'expression de son visage, son air gêné, sont bien d'un homme d'un rang inférieur introduit pour la première fois dans la maison d'un gros personnage. Bathuel lui fait signe amicalement de se mettre à table, mais Éliézer ne veut rien accepter avant de s'être acquitté de sa mission (7).

17 (fig. 193, Z). — Les parents et la jeune fille ont donné leur consentement, et le départ est décidé (8). Rien de plus vrai et de plus naturellement simple que la manière dont l'artiste a su rendre cette scène touchante du départ de Rebecca.

Il y est arrivé non par des effets exagérés, mais par je ne sais quel air de mélancolie pénétrante répandu sur tous les visages et dans tous les gestes. On est devant la maison de Bathuel qui se voit à gauche, à l'arrière-plan. C'est Rebecca qui occupe le milieu de la composition. Elle a toujours son riche costume, mais son volumineux couvre-chef aurait été trop lourd et trop gênant pour un si long voyage : elle l'a donc enlevé et, avec un geste d'une coquetterie et d'un sentiment

(1) Gen., xxiv, 17, 18.

(2) Gen., xxiv, 19-21.

(3) Gen., XXIV, 22-25.

(4) Gen., xxiv, 26-^u.

(5) MM. Jourdain et Duval ont pensé que la femme assise à côté de Bathuel était Rebecca. Nous croyons plus volontiers que c'est la femme de Bathuel : c'est la place de la maîtresse de la maison : son visage est bien celui d'une femme âgée, tandis que Rebecca a une

figure qui respire la jeunesse. La différence de costume doit être aussi intentionnelle, car, dans tous les autres sujets où elle est représentée, Rebecca est vêtue d'une façon identique; il serait bien étonnant que dans celui-là seul on lui ait donné un costume différent.

(6) Appositus est in conspectu ejus panis. ù Gen.

xxiv, 33.

(7) Gen., xxiv, 32-54.

(8) Gen., xxiv, 55-58.

inexprimables, elle jette sur sa tête un voile qui lui couvre tout le haut du visage, soit pour le protéger contre les regards indiscrets, soit pour cacher ses larmes, car on sent bien qu'elle pleure. Elle tourne tristement la tête vers Éliézer qui la prend respectueusement par la main pour l'aider à monter sur le chameau qui attend à côté d'elle. Derrière Rebecca, une femme âgée, coiffée d'un bourrelet, sa nourrice peut-être, qui va partir avec elle, semble lui faire entendre des paroles de consolation, tandis qu'un jeune homme, Laban, sans doute, s'avance pour lui dire adieu. Dans le fond, le petit piqueur armé de son fouet, s'apprête à faire partir les chameaux (1).

18. — L'entailleur a passé sous silence l'arrivée de Rebecca près d'Isaac et son mariage (2), et nous la montre tout de suite prête à devenir mère. Les deux enfants dont elle était grosse s'entrechoquaient dans son sein. Effrayée, Rebecca consulta le Seigneur, et celui-ci lui répondit : « Deux races sont dans tes entrailles, et deux peuples en sortiront dont l'un surmontera l'autre, et le plus grand servira le plus petit » (3). Au milieu d'un lieu clos de murs, aux angles duquel s'élèvent deux maisons gothiques à pignons et à perrons, Rebecca, dans un état de grossesse très visible, est seule, agenouillée, les mains jointes, devant un autel à retable, semblable à celui sur lequel nous avons vu Melchisedech offrir son sacrifice (4), et couvert seulement d'une nappe.

19. - Les deux enfants sont nés et ont grandi. Esaü, homme rustique et velu, revient de la chasse à laquelle il était fort habile, ce qui l'avait fait préférer par son père, parce qu'il lui faisait manger du gibier qu'il tuait. Il est vêtu d'une saie fortement décolletée, à travers les ouvertures de laquelle on aperçoit les poils qui lui couvrent le corps ; il a la bourse et le carquois à la ceinture, et tient un arc. Trois chiens à poil ras l'accompagnent. Homme d'intérieur, de mœurs plus douces, et chéri de Rebecca, Jacob vient de franchir le seuil de la maison de son père que l'on aperçoit derrière lui. Sa plus petite taille, son air ingénu marquent bien son infériorité d'âge. Il tient un plat de lentilles; la Bible dit « pulmentum ». Esaû, qui est fatigué et meurt de faim, va vers lui d'un air qui montre bien que son estomac est prêt à toutes les concessions, et lève la main comme pour jurer qu'il abandonne à son frère son droit d'aînesse pour le ragoût. Un des chiens qui a flairé le mets, vient se frotter d'un air câlin contre la jambe de Jacob (5).

Pl. LXIV. 20. — Isaac devenu vieux et aveugle envoie son fils Esaü à la chasse, pour lui chercher quelque gibier, après quoi il le bénira avant de mourir (6).

Comme il aime à le faire, l'entailleur a représenté cette scène en plein air avec une maison dans le lointain. Au milieu de la composition, Isaac est assis dans un fauteuil : sa longue barbe dénote son grand âge, et il est vêtu d'une robe ample et traînante à la manière des personnes âgées, la tête couverte d'un chapeau à gourmettes. Esaü, s'approche de son père en se découvrant, et semble lui dire cc Adsum ». Derrière le siège du patriarche, Rebecca, vêtue comme précédemment, semble écouter ses paroles (7).

(1) Gen., xxiv, 59-61.

(2) Gen., xxiv, 62-67.

13) Gen., xxv, 21-23.

(4) Mis. 2.

(5) Gen., xxv, 27-34.

(6) Gen., xxvn, 1-5.

(7) « Quod cumaudisset Rebecca », etc. Gen., xxvn, 5.

21. — Après le départ d'Esaii Rebecca alla tout raconter à Jacob. « Va vite me chercher deux des meilleurs chevreaux du troupeau, afin que j'en fasse un plat du goût de ton père, et qu'en ayant mangé, il te bénisse avant de mourir M.

Vainement Jacob a-t-il objecté que, son frère étant velu, Isaac le reconnaîtra facilement, il faut obéir (1). La scène se passe encore au dehors, dans un lieu planté d'arbres, où l'on aperçoit une maison et, plus loin, une espèce de clocher.

Rebecca debout parle à Jacob qui manifeste son étonnement d'un air scandalisé.

Il a derrière lui un troupeau de boucs et de brebis.

22. — Jacob rapporte les deux chevreaux à sa mère : celle-ci s'est armée d'un grand couteau et s'est mise à en dépecer un sur une table, tandis que Jacob tire l'autre d'un sac. Dans le fond est un banc à haut dossier, dont les panneaux sont à draperies plissées, et derrière lequel on aperçoit la campagne et des maisons, ainsi que le troupeau diminué de deux chevreaux (2).

23. — « Et elle le revêtit des habits d'Esau, les meilleurs qu'elle avait à la maison, et couvrit avec les peaux des chevreaux ses mains et les parties nues de son cou » (3). Cette scène et les quatre suivantes se passent à l'entrée d'un vaste château que nous voyons successivement sous ses différents aspects : pignons de diverses formes, toitures en tuiles ou en ardoises, tours crénelées, clochetons, portes à pentures de fer, perrons, etc. Jacob a revêtu les plus beaux habits de son frère, ses habits de fête : c'est un long manteau traînant, ouvert par devant, à larges manches et muni d'une pèlerine de fourrures avec riche fermail; il est coiffé d un large chapeau. Rebecca achève de lui recouvrir les mains avec la peau des chevreaux taillée en forme de gants.

24. — Isaac est assis dans un fauteuil en forme d'X, à la porte du château.

Jacob travesti, la tête découverte, s'est approché de lui avec le fameux cc pulmentum » dressé sur un plat qu'il lui présente en fléchissant le genou.

Rebecca vient derrière lui, apportant, surcroît d'attention, une énorme cruche et une écuelle (4).

25. — Isaac s'est bien un peu étonné de ce que son fils soit revenu si tôt de la chasse, mais on lui a répondu que la Providence lui avait fait tout de suite rencontrer le gibier qu'il cherchait, et, pour calmer ses soupçons, on lui a fait toucher les mains recouvertes des peaux de chevreaux, et Jacob et Rebecca se sont agenouillés, les mains jointes, pour recevoir la bénédiction paternelle. Isaac, à demi levé de son siège, plaçant sa main gauche sur la tête de son fils, le bénit de la droite, mais tout en semblant répéter : « Vox quidem, vox Jacob est, sed manus, manus sunt Esau » (5).

Pl. LXV. 26. — « Jacob parti, arrive Esaü » (6). Le carquois encore au côté, il vient vers son père, la tête découverte, et lui présente, en fléchissant le genou, le produit de sa chasse servi sur un plat. Isaac se renverse sur son fauteuil, les mains étendues, de surprise et d'indignation (7). Jacob, agenouillé à l'écart, rend grâces au Seigneur (8).

(1) Gen., xxvir, 5-13.

(2) Gen., xxvir, 14.

(3) Gen., xxvii, 15, 16.

(4) Gen., XXVII, 17-19.

(5) Gen., XXVII, 20, 21.

(6) « Et egresso Jacob foras, venit Esau >. Gen., XXVII, 30.

(7) « Expavit Isaac stupore vehementi ». Gen., XXVII, 33.

(8) Gen., XXVII, 30-34.

27. — La colère dEsaü fut terrible, « irrugiit clamore magno », menaçant de tuer Jacob dès qu'Isaac aurait rendu le dernier soupir. Mais Rebecca fit fuir Jacob à Haran auprès de Laban, son frère, sous prétexte d'aller chercher une femme (1). Jacob, vêtu d'une saie à plastron, la bourse au côté, et le chapeau à la main, se présente devant son père, avec un geste qui indique qu'il va partir. Isaac, assis dans un fauteuil à haut dossier, étend sa main vers lui pour lui donner encore une fois avant de partir la bénédiction d'Abraham. Rebecca est debout à côté de lui, le visage tourné vers Jacob; Esau se tient à l'écart faisant vers son frère un geste menaçant.

28. — Jacob arriva un soir auprès d'une ville, et ayant posé sa tête sur une pierre, il s'endormit. Pendant son sommeil, il vit en songe une échelle qui allait de la terre au ciel, et le long de laquelle des anges montaient et descendaient; au haut de l'échelle il aperçut le Seigneur qui lui fit les solennelles promesses que l'on sait (2). Raconter cette histoire si connue, c'est décrire la miséricorde.

Jacob est endormi accoudé sur une pierre, vêtu comme nous l'avons vu lorsqu'il prit congé de son père, le chapeau sur la tête. Devant lui, des anges montent et descendent le long d'une échelle au haut de laquelle on aperçoit le Père Eternel, tenant le globe du monde et bénissant. Dans le fond, sur une hauteur, se dresse l'enceinte fortifiée de la ville de Luza, flanquée de tours carrées.

29. — A son réveil, Jacob s'écria plein de frayeur : « Oui, le Seigneur était ici et je ne le savais point. Que ce lieu est terrible! C'est la maison de Dieu et la porte du ciel ». Il s'est donc levé et, une. fiole à la main, il répand de l'huile sur la pierre qu'il a érigée comme un titulus. Ici, la ville de Luza, que Jacob a désormais appelée Bethel, est figurée par plusieurs bâtiments à tourelles et à pignons, et beaucoup plus rapprochés que dans la scène précédente (3).

30. — Jacob a poursuivi sa route vers l'Orient, et est arrivé dans un champ où pâturaient trois troupeaux auprès d'un puits couvert d'une pierre, et s'étant adressé aux bergers, il leur demanda d'où ils étaient. De Haran, répondirent-ils.

— Connaissez-vous Laban, fils de Nachor? Certainement. — Est-il en bonne santé? — Il se porte bien, et voici sa fille Rachel qui arrive avec son troupeau (4).

Nous sommes au moment où, à ces mots, Jacob s'approche de sa cousine. Dans un lieu planté d'arbres, est un puits couvert d'une pierre et accompagné d'une auge. Jacob, appuyé sur un bâton, semble parler à Rachel, qui, vêtue d'une robe fort élégante, ouverte en carré et laissant voir les fins plis de la chemise sur la poitrine, un bourrelet sur la tête, la houlette à la main et accompagnée de ses moutons, va vers Jacob qu'elle prend par le poignet. De l'autre côté, sont deux bergers vêtus de saies et ayant sur les épaules le chaperon tel que le portaient encore les gens de la campagne et du commun au commencement du XVIe siècle; l'un d'eux tient une houlette, l'autre joue de la musette. Une brebis et un chien sont à leurs pieds.

31. — Prévenu par sa fille, Laban est venu lui-même chercher le fils de sa sœur. Ce n'est plus le fils de famille jeune et alerte que nous avons vu remplir avec Éliézer le même devoir d'hospitalité, mais un respectable vieillard à longue

(1) Gen., XXVII, 34-46; XXVIII, 1-4.

(2) Gen., XXVIII, 5-15.

(3) Gen., XXVIII, 16-22.

(4) Gen., xxix, 1-9.

barbe, vêtu d'une robe traînante à pèlerine de fourrures, coiffé du chaperon rigide à longue cornette, la bourse au côté et s'appuyant sur un bâton. Jadis il poussait amicalement, mais sans façon, Éliézer par l'épaule, tandis que son neveu, il l'a pris par la main avec bonté, et le mène doucement vers le seuil de sa maison, apparaît Rachel, souriante et aimable, la houlette à la main et deux brebis à ses pieds. Dans le lointain on aperçoit le puits maintenant découvert, parce que Jacob a enlevé la pierre qui le fermait, pour aider sa cousine à abreuver son troupeau (1).

»

RAMPE E 32 (pl. LXXXI, en Y). — L'artiste a passé sous silence le double mariage de Jacob avec les deux filles de son oncle, Lia et Rachel, la naissance de ses douze fils, ainsi que le stratagème dont il usa pour s'attribuer une grande partie des troupeaux de son beau-père, et il nous conduit tout de suite au moment où, mécontent du peu de sympathie qu'il trouvait auprès de Laban et de ses fils, pressé d'ailleurs par Dieu de retourner dans son pays, il a fait venir ses deux femmes dans le champ où il faisait paître ses troupeaux, et s'enfuit avec elles, ses enfants et tous ses biens (2). Le tout est distribué en quatre groupes.

1er groupe. — Dans le premier, au bas de la montée, Jacob s'entretient avec Rachel et Lia de son projet de départ. Tous trois sont debout. Jacob, encore tout jeune homme dans la miséricorde qui précède, a vieilli et est devenu patriarche : sa barbe a poussé, sa robe qui tombe jusqu'à la cheville est munie d'un collet à capuchon, une bourse pend à sa courroie, il est coiffé d'un chapeau.

Rachel porte une chaîne à la ceinture, et, sur la tête, un bourrelet maintenu par une gourmette. Lia n'est pas moins élégamment habillée : robe ornée de retroussis à bouffettes et relevée des deux côtés par des affiquets, sur la tête, une espèce de fichu. Elle tient à la main un mouchoir, comme si elle allait pleurer.

Deux moutons sont près d'elles.

2e et 3e groupes. — Le départ de Jacob avec tous ses biens forme le sujet des deux groupes suivants. Dans le premier, deux chevaux chargés chacun de deux coffres, sont conduits à la main par deux serviteurs, vêtus de saies et coiffés de chapeaux; l'un d'eux, détail rare dans les stalles, porte encore des chaussures à la poulaine. Un chameau, deux bœufs et un bélier conduits de même par deux serviteurs, forment le second groupe. Le long de la rampe, un bœuf, un bouc, cinq brebis, un chien et un animal mutilé suivent la caravane.

4e groupe (fig. 202, en Y). — Au haut de la rampe, sur le montant le plus élevé, MM. Jourdain et Duval ont vu Jacob faisant part à Laban de ses projets de départ. Nous ne sommes pas de cet avis. Outre que le groupe en question ne serait pas à sa place chronologique, il comporte deux personnages : le premier, est un vieillard à longue barbe, vêtu d'une robe traînante à pèlerine de fourrures, la tête couverte d'un bonnet tombant carrément sur les épaules et terminé dans les angles par des bouffettes; par-dessus ce bonnet est posé un chapeau orné d'une enseigne et d'une longue cornette qui, passant sous l'aisselle, est portée sur l'avant-bras droit. Il s'appuie sur un bâton. Il n'y a pas de difficulté à reconnaître Laban dans ce grave et majestueux personnage, dont le costume diffère peu de celui qu'il portait dans la miséricorde qui précède. Mais nous ne pouvons nous

(1) Gen., xxix, 10-13.

(2) Gen., XXXI, 1-22.

décider à identifier avec Jacob le personnage au visage rasé qui s'avance vers lui en se découvrant et en fléchissant légèrement le genou. Il porte un costume très particulier et bien, différent de celui des autres : houseaux avec crevés à hauteur de la cheville, saie descendant un peu plus bas que le genou, rattachée sur les épaules par des aiguillettes et ornée de bandes horizontales par-dessous lesquelles le vêtement est plissé à hauteur du buste; dépourvue de manches, cette saie laisse sortir entièrement celles d'un habit de dessous. Ces manches sont extrêmement bouffantes depuis l'épaule jusqu'au coude, et plus serrées avec un rang de crevés vers le poignet. Une longue épée est pendue à sa ceinture, et toute sa chevelure est enfermée dans un filet. Si nous nous reportons au premier groupe, nous nous demanderons pourquoi cette différence de costumes, pourquoi ici l'artiste aurait représenté Jacob sans barbe, avec un accoutrement si peu sérieux, si peu conforme à sa dignité de patriarche, déjà père de douze enfants.

D'un autre côté, si Jacob, en effet, avait fait part à son beau-père de son premier projet de retourner dans son pays (i), la Bible ajoute aussitôt que, sur les instances de Laban, Jacob avait fini par promettre de rester à son service, sous certaines conditions (2), tandis que, beaucoup plus tard, lorsque Jacob est décidé à partir, il se garde d'en prévenir son beau-père (3). C'est un petit détail du costume de l'interlocuteur de Laban, détail qui a si fort étonné MM. Jourdain et Duval, qui va précisément nous le faire reconnaître. « Nuntiatum est Laban die tertio quod fugeret Jacob », ajoute la Bible (4). Or notre personnage porte sur sa poitrine, du côté gauche, une petite plaque en forme d'écusson (5). C'est tout simplement une plaque de messager. Les messagers officiels des villes et des grands personnages étaient, en effet, dès le xve siècle, peut-être avant, revêtus de cet insigne. C'était souvent, et dans les premiers temps, une boîte en forme d'écu, mais souvent aussi une simple plaque (6). Il n'y a donc pas de doute, c'est bien le messager qui vient annoncer à Laban la fuite de son gendre, et nous voyons dans toute l'originalité et tout le pittoresque de son costume officiel, un messager du temps de Louis XII. Nous trouverons encore d'autres messagers porteurs du même insigne.

Nous savons qu'il manque ici une stalle basse. Peut-être représentait-elle Laban à la poursuite de Jacob et Dieu lui apparaissant pour lui défendre de rien dire d'offensant à son gendre.

MISÉRICORDES..— Pl. LXVI. 32. - Toujours est-il que la miséricorde 32 nous

(i) Gen., xxx, 25, 26.

(2) Gen., xxx, 27-34.

(3) « Noluitque Jacob confiteri socero suo quod fugeret ». Gen., xxxi, 20.

(4) Gen., xxxi, 22.

(5) Suivant MM. Jourdain et Duval, cet écu était aux armes de France. Il est absolument vide aujourd'hui, et ne paraît même avoir été chargé d'aucunes pièces héraldiques, ce qui eût d'ailleurs été bien difficile, vu

ses minuscules dimensions.

(6) 28 oct. 1424 : ordonn. par l'échevin. d'Am.,'« que

Jaquot de Revelle, en alant et chevauchant ès voyageset besongnes de la ville, aura et lui sera livré, aux despens d'icelle ville, un escuchon ou boîte d'argent armoié des

armes de ladicte ville, du poix d'un marc d'argent ✓>.

(Arch. de la ville d'Am. BB 3, fol. 3 et suiv.). — Dans le même registre, le même Jacquot de Revelle est souvent qualifié de sergent et messager de la ville. — 1455 : Thomas Dubuisson, messager, reçoit de la ville d'Amiens 40 s., pour l'aider à payer « ung esmail ou enseigne d'argent doré, pour porter à sapoitrine, comme messagier, ouquel esmail estoient empraintes et pourtraictes les armes de ladite villes. (Ibid., BB 7, fol. 253 v°). —

En 1492, v. s., Jean Godhart, messager, est autorisé à porter un écu aux armes de la ville d'Am. (Ibid., BB 16, fol. 231), et, en 1520, même permission est accordée à Nicolas Davesnes (Ibid., BB 22, fol. 44 va), — etc.

met au pied du mont Galaad, où Laban a atteint Jacob, lui reprochant sa fuite (i).

Laban, reconnaissable à son costume, la. main levée d'un geste de reproche, parle à Jacob. Celui-ci a la barbe et la robe un peu moins longues que dans le groupe qui précède, et porte une espèce de gibecière pendue à la ceinture. Il met sa main droite sur sa poitrine, comme pour se justifier. Tous deux paraissent très animés.

Rachel et Lia, que Jacob montre de la main gauche à son beau-père, se parlent à l'écart. Laban est accompagné de trois hommes armés, coiffés d'espèces de barbutes ou salades à jugulaires relevées, et portant des cuirasses de plates; l'un d'eux tient la hampe d'une arme dont l'extrémité supérieure est brisée, et qui devait être une hallebarde.

33. — Après avoir vainement scruté les bagages et les tentes de Jacob pour y retrouver ses dieux que Rachel avait emportés et soigneusement cachés sous la litière d'un chameau, après avoir essuyé les reproches de son gendre qui ignorait le larcin, Laban a proposé à Jacob un pacte d'alliance. Ayant donc pris une pierre qu'il éleva comme un « titulus », il fit faire de même à tous ses parents; ils en formèrent un. « tumulus » sur lequel tous prêtèrent serment. Puis, ayant offert un sacrifice et mangé le pain, ils se séparèrent (2). Des pierres entassées au milieu de la composition représentent le « tumulus », sur lequel Jacob et Laban étendent la main pour jurer. Laban est toujours accompagné de ses deux suivants armés. Près de Jacob se tiennent un homme imberbe, à robe courte, et drapé dans un manteau, et Rachel seule, reconnaissable au bourrelet dont elle est coiffée et tenant un bâton.

34. — Jacob poursuivant son chemin, des anges vinrent au-devant de lui.

« Voilà les armées de Dieu », dit-il en les apercevant, et il appela ce lieu Mahanaïm, c est-à-dire le camp (3). Sur le seuil d'une jolie maison toute en style de la Renaissance, Jacob, la tête découverte, fait une profonde révérence à trois anges vêtus d'aubes et d'amicts, les pieds nus, qui s'avancent vers lui. Le premier semble parler à Jacob, un autre est dévotement agenouillé, les mains jointes. Il faut remarquer que Jacob est plus vieux que dans les compositions précédentes et que sa barbe est devenue sensiblement plus longue.

35. — Près d'atteindre le sol natal, Jacob envoie des messagers vers son frère pour lui porter des propositions de paix et pour lui offrir des présents (4).

A l'extérieur d'un château, le patriarche est assis dans un fauteuil en X à haut dossier, ayant à ses côtés un homme imberbe, coiffé d'un chapeau. Il donne des ordres à deux messagers, vêtus chacun d'une saie et l'épée au côté. Celui qui est le plus proche de Jacob est imberbe, les cheveux longs; un petit manteau est jeté sur ses épaules. Il a complètement enlevé son chapeau qu'il tient à la main, et semble écouter attentivement ce qui lui est dit. L'autre fait le geste de se découvrir : il porte les cheveux courts et la barbe entière et n'a point de manteau, laissant voir sur sa poitrine la plaque en forme d'écu, insigne des messagers (5).

36. — Mais les messagers sont retournés vers Jacob pour lui annoncer qu'Esàü marche sur lui à la tête de quatre cents hommes (6). Jacob est assis dans une chaire à bas dossier. Son costume diffère un peu de celui qu'il portait dans les

(1) Gen., xxxi, 23-31.

(2) Gen., xxxi, 44-55.

(3) Gen., XXXII, 1, 2.

(4) Gell.. XXXII, 3-5.

(5) Voy. ci-dessus, t. II, p. 180.

^9) Gen., xxxii, 6 et seq.

sujets précédents : sa robe, à collet festonné, est un peu moins longue et est fendue et relevée par devant. Un des deux messagers, la tête découverte, s'avance vers lui. Le patriarche fait un geste d'effroi et d'étonnement (i). Ses gens, déjà armés pour se défendre, se tiennent derrière lui. Ils sont figurés par quatre personnages dont trois portent des saies, cuirasses, et casques semblables à ceux que nous avons vus aux compagnons de Laban; ils ont l'épée au côté et un bâton à la main. Dans le fond, on aperçoit d'un côté une maison, et de l'autre, un moulin à vent en bois, monté sur pivot.

37. - Jacob a pris ses dispositions de défense; il a mis de côté des présents pour apaiser le courroux de son frère, il a prié le Dieu d'Abraham, puis « il demeura seul, et voilà qu'un homme lutta contre lui jusqu'au matin « (2). Cet homme n'ayant pu le terrasser l'appela Israël, parce qu'il avait été fort contre Dieu (3). Suivant l'interprétation du prophète Osée (4), qui est universellement admise, on a représenté un ange luttant corps à corps contre Jacob, au milieu d'un paysage où l'on voit des arbres, des châteaux et des maisons.

38. — Rassuré sur sa force, Jacob a repris sa route et a bientôt atteint son frère Esaü. Il a placé en avant ses deux femmes et leurs servantes avec leurs enfants et s'est prosterné sept fois devant son frère. Alors Esaii courut au-devant de lui et l'embrassa étroitement en pleurant (5). Au centre de la miséricorde, les deux patriarches s'embrassent avec effusion la tête découverte. Il est difficile de les distinguer : mais il est vraisemblable que c'est Jacob qui se trouve à la gauche du spectateur. L'un et l'autre est accompagné d'un personnage en costume civil et de trois hommes armés qui tiennent des épées nues et des hallebardes.

39. — Passant par-dessus plusieurs chapitres de la Genèse, d'ailleurs moins connus, nous arrivons tout de suite à l'histoire de Joseph, qui sera longuement développée. Elle est prise au moment où Joseph raconte à ses frères qu'il a vu en songe sa gerbe se dresser, tandis que les leurs l'entouraient et paraissaient l'adorer (6). Sur un côté de la miséricorde, Joseph, dont la robe traînante (7) lui donne une gravité qui contraste avec son jeune âge, parle debout à ses onze frères qui l'écoutent avec des mouvements divers. Derrière Joseph, le songe est matérialisé par deux gerbes placées l'une les épis en haut, et l'autre les épis en bas.

40. — Dans cette miséricorde, disposée à peu près de la même manière que la précédente, Joseph raconte à ses frères une autre vision qu'il eut durant son sommeil. Le soleil (8), la lune et onze étoiles sont figurés derrière lui, pour marquer qu'il s'est vu adoré par ces astres (9).

RAMPE D 40 (pl. LXXX, en Z). — i" groupe (10). — Un jour que ses. fils aînés étaient allés faire paître leurs troupeaux à Sichem, Jacob envoya Joseph s'enquérir de leurs nouvelles (11). Jacob est debout, drapé dans de longs et amples vêtements;

(1) « Timuit Jacob valde ». G en., XXXII, 7.

(2) « Mansit solus, et ecce vir luctabatur cum eo usque mane ». Gen., XXXII, 24.

(3) Gen., XXXII, 23-32.

(4) Osee, XII, 2-4.

(5) Gen., XXXIII.

(6) Gen., XXXVII, 6-8.

(7; Sans doute la « tunica talaris et polymita » que

son père lui avait donnée. Gen., XXXVII, 3, 23.

(8) MM. Jourdain et Duval n'ont pas vu le soleil, mais il y est effectivement quoique à demi caché par le chapeau de Joseph.

(9) Gen., XXXVII, 9.

(10) Celui qui surmonte le plus bas montant.

(11) Gen., XXXVII, 12-14.

il parle à Joseph figuré par un tout jeune homme, presque un enfant, à l'air simple et ingénu. Sa robe talaire à longues manches fendues, serrée par une courroie, est ouverte en pointe par le haut, laissant apercevoir l'encolure d'un vêtement de dessous décolleté et le haut d'une chemise plissée. Il tient son chapeau à la main, et semble écouter son père avec attention et respect.

2E groupe. — Arrivé à Sichem, Joseph a appris d'un homme qui errait dans un champ que ses frères étaient à Dothaïn (i). A travers un pays planté d'arbres, Joseph et l'inconnu s'avancent vers ce lieu. Joseph, reconnaissable à son air juvénile et à son costume qui n'a pas changé et dont les longues manches fendues flottent au vent de la façon la plus originalement élégante, marche à grands pas à côté de l'inconnu qui s'appuie sur un bâton.

1 er et 4E groupes. — Les dix frères aînés, distribués dans les deux derniers groupes, regardent leur frère arriver. Les expressions de leurs visages sentent l'ironie mêlée de dépit et ils semblent se dire : « Voici notre songeur, venez, tuons-le » (2). Les six frères qui composent le troisième groupe sont accroupis les regards dirigés vers Joseph. Un seul détourne la tête; les quatre autres, qui surmontent le montant le plus élevé, sont debout et semblent se concerter. Il faut remarquer dans ces deux groupes pleins de vie et d'expression, une variété extraordinaire d'attitudes et de costumes : habits tailladés, coiffures diverses, chapeaux (3) avec ou sans plumes, capuchon, turbans. Les uns sont entièrement rasés, d'autres portent la barbe entière, d'autres la moustache seulement. Des moutons pâturent le long de la traverse supérieure de la rampe.

RAMPE D 41 (pl. LXXX, en Y). - Ruben a dissuadé ses frères de tuer Joseph.

Ils le mettront seulement dans une vieille citerne desséchée et abandonnée (4).

ier groupe. — Trois frères de Joseph lui enlèvent sa longue tunique, laissant voir une saie serrée à la taille par une courroie à laquelle une jolie bourse est suspendue (5).

2e groupe. — Deux autres frères l'enfoncent dans la citerne, à côté de laquelle la tunique gît par terre. Joseph joint les mains d'un air innocent et résigné (6).

3e et 4e groupes. — Pour plus de commodité, sans doute, et pour en finir avec la robe de Joseph, l'ordre des événements se trouve légèrement interverti : on a figuré ici un fait qui, chronologiquement, n'a eu lieu qu'après ce qui va suivre. D'une part deux frères de Joseph sont accroupis près d'un chevreau écorché, le long duquel ils promènent la tunique. D'autre part, la robe sanglante est apportée à Jacob pour lui faire croire qu'une bête féroce a dévoré son fils. Jacob est debout, faisant un geste de surprise et de douleur, à la vue de la tunique que deux envoyés de ses fils lui présentent d'un air hypocritement consterné (7).

Comme dans la rampe précédente, des moutons paissent le long de la traverse supérieure.

(1) Gen., xxxvii. 15-17.

(2) Gen., XXXVII, lq, 20.

(3) Un de ces chapeaux est porté sur le dos, retenu sur la poitrine par les gourmettes qui peuvent se serrer ou se desserrer à volonté.

(4) Gen., XXXVII, 21,22.

(5) « Nudaverunt eum tunica talari et polymita ».

Gen., XXXVII, 23. — Le visage entier de deux frères et

le haut de celui de Joseph sont brisés.

(6) Gen., XXXVII, 24. — Un des deux frères a la tête entièrement enlevée.

(7) Gen., XXXVII, 31-33.

Ne quittons pas les rampes de ce passage, sans admirer le pittoresque avec lequel les groupes sont arrangés, la variété extrême des attitudes, en même temps que le mouvement et la vie que l'artiste y a répandus, sans jamais sortir de la silhouette générale de cette partie du meuble.

MISÉRICORDES. — Pl. LXVII. 41. — S'étant assis pour manger, les frères de Joseph virent arriver des marchands Ismaëlites qui venaient de Galaad et qui portaient en Égypte des aromates, de la résine et de la myrrhe (i). Neuf frères de Joseph — Ruben était absent — ont pris place autour d'une table couverte d'une nappe, et au milieu de laquelle un plat est posé. L'un d'eux tient une tasse dans laquelle il s'apprête à boire; deux sont assis sur des escabeaux. Deux marchands drapés dans d'amples manteaux, s'approchent avec un chameau chargé de deux paniers. Dans le lointain, on aperçoit une petite maison.

42. — Sur le conseil de Juda, et pour ne pas souiller leurs mains d'un crime, ils traitent avec les marchands pour vingt pièces d'argent et leur livrent Joseph (2). Un des frères de Joseph, Juda sans doute, reçoit une pièce de monnaie d'un des marchands, pendant que deux autres retirent Joseph de la citerne. Trois autres personnages assistent à la scène. Dans le fond, on aperçoit des arbres et une maison.

43. - La miséricorde qui, par la suite des événements, devrait venir ici, occupe maintenant le n° 110, c'est-à-dire le dernier, mais, pour ne pas interrompre l'ordre chronologique, nous la décrirons à cette place. Celle qui se trouve au n° 43 sera décrite sous le n° 87.

Elle représente les marchands emmenant Joseph en Égypte (3). Joseph retiré de la citerne, qu'on voit encore à l'arrière plan, à gauche du spectateur, marche entre les deux marchands accompagnés d'un chameau chargé de deux corbeilles d'osier.

44. — Ruben revient à la citerne pour en retirer Joseph en secret, et ne l'y trouvant plus, déchire ses vêtements (4). Au milieu d'un charmant paysage agrémenté d'arbres, de maisons et d'un moulin à vent sur pivot, la citerne est vide, et auprès d'elle, Ruben désespéré, arrache sa robe d'un geste plein de vérité et d'énergie.

45. — Retourné vers ses frères, Ruben, le visage bouleversé, leur montre la citerne comme pour leur demander ce qu'est devenu l'enfant (5). Tous les neuf sont présents : l'un d'eux prenant amicalement Ruben par le bras, lui fait part sans doute, pour le tranquilliser, du moyen qu'ils ont imaginé pour expliquer à Jacob la disparition de Joseph; les autres frères l'appuient du geste.

46. — Emmené en Egypte, Joseph est vendu à Putiphar, eunuque du pharaon et chef de son armée (6). Putiphar est richement vêtu, mais sa robe, dont le collet est orné d'affiquets, est relativement courte, comme pour marquer son infériorité sur le pharaon; il tient d'une main un sceptre ou un bâton de commandement, et de l'autre, il remet une pièce de monnaie à l'un des deux marchands qui lui présente Joseph. Celui-ci, que le marchand a pris par la main, se découvre

(1) Gen., XXXVII, 25.

(2) Gen., XXXVII, 26-28.

(3) Gen , XXXVII, 20.

(4) Gen., XXXVII, 29, 30.

(5) Gen., XXXVII, 30.

(6) Gen., XXXVII, 36 et xxxix, r.

honnêtement et humblement devant son nouveau maître. L'autre marchand suit par derrière. Putiphar est accompagné d'un suivant qui porte l'épée au côté et qui est drapé dans un manteau. Dans le lointain, on aperçoit une maison ou un château.

47. — Le Seigneur était avec Joseph qui réussissait dans toutes ses actions.

Celui-ci gagna promptement la faveur de Putiphar qui le mit à la tête de toute sa maison. Mais il eut le malheur d'avoir un trop joli visage (i) et de fai re naître de mauvais désirs dans le cœur de la femme de son maître (2). Nous voilà donc dans la chambre de cette dame, que l'Écriture n'a point nommée. Le fond de la pièce est garni par un banc à haut dossier, dont les panneaux sont à draperies plissées; à gauche est un grand lit dont le chevet est décoré d'une petite crête sculptée, sans dais ni courtines, mais muni de deux oreillers provocateurs; à l'extérieur, on aperçoit une maison. « Madame Putiphar » se tient au pied du lit. Elle est mise comme les élégantes du temps d'Anne de Bretagne : robe traînante, ouverte en carré à la gorge, larges manches à parements fourrés, petite coiffe plate et bourse pendue à la ceinture. Prenant doucement Joseph par la manche, elle lui montre le lit d'un geste qui semble bien dire, dans leur laconisme tout antique ces simples mots : « Dormi mecum ». Joseph, toujours jeune et imberbe, mais pourtant plus âgé que dans les groupes qui précèdent, chapeau sur la tête, et retroussant légèrement son manteau, fait un geste scandalisé.

48. — Même décor. Joseph a résisté avec indignation, mais un jour les sollicitations de sa maîtresse sont devenues plus pressantes. Elle a déjà ôté ses chaussures qui gisent à côté d'elle, et, assise au pied du lit, elle l'a pris par le bord de son manteau, et lui a réitéré son « dormi mecum ». Joseph, chapeau à la main, s'enfuit, laissant son manteau entre les mains de la séductrice (3). Cette circonstance permet de voir le vêtement de dessous de Joseph : c'est une saie à col droit, serrée à la taille, et ornée d'une espèce de plastron attaché sur l'épaule gauche par un bouton; son épée est pendue à un baudrier qui tombe sur les cuisses de droite à gauche.

Pl. LXVIII. 49. — Se sentant compromise, la femme de Putiphar a appelé les gens de la maison. Ils sont là au nombre de trois, dont l'un a l'épée au côté.

Leurs gestes témoignent de leur surprise en entendant leur maîtresse raconter que l'hébreu introduit par son époux a tenté de la séduire, et que, effrayé par ses cris, il s'est enfui, lui laissant entre les mains son manteau qu'elle leur montre (4). Un palais forme le fond de la composition.

50. — Suivant une habitude assez fréquente, l'artiste a réuni en un seul sujet deux actions consécutives, mais connexes. Dans la première moitié de la miséricorde, c'est encore la chambre de la femme de Putiphar meublée comme précédemment. Elle tient toujours le fameux manteau qu'elle présente à son mari.

Celui-ci, l'écoute d'un air peiné et indigné à la fois et fait un signe de son bâton à deux satellites qui entraînent Joseph dans une prison crénelée. Ce dernier groupe occupe la seconde moitié de la miséricorde.

51. — Vers le même temps, deux eunuques du roi d'Egypte, son grand échanson et son grand panetier offensèrent leur maître, qui les fit mettre dans la

(1) « Pulchra facie et decorus aspectu ».

(2) Gen., xxxix, 2-7.

(3) Gen., XXXIX, 11, 12.

(4) Gen., xxxix, 13-15.

maison du princeps militum où était Joseph (i). Le pharaon est assis dans un riche fauteuil en X à haut dossier, de style Renaissance. Sa robe, élégamment drapée et serrée par une ceinture à pendeloques, est relevée sur les genoux, laissant voir ses pieds chaussés de houseaux; il est coiffé d'un turban surmonté d'une couronne et tient un sceptre fleurdelysé. Il gardera à peu près le même costume dans toutes les compositions qui vont suivre. D'un geste, il donne des ordres à deux gardes qui entraînent les deux officiers dans la prison. A côté du pharaon se tient un valet imberbe, à figure réjouie et coiffé d'un chaperon en bourrelet.

Derrière lui est une jolie crédence couverte de vaisselle.

RAMPE C 51 (pl. LXXIX, en Z). — On sait ce qui se passa dans la prison.

Joseph mis par le gardien au service des deux eunuques du Roi, leur donna l'explication de songes qu'ils avaient eus. Il prédit à l'échanson que, dans trois jours, il serait rétabli dans sa charge; quant au panetier, il serait, dans le même délai, attaché à une croix et mis à mort, ce qui arriva en effet (2). Ces différentes scènes sont distribuées sur les quatre groupes dont le haut de la rampe est orné.

ier groupe (3). — Joseph, explique les songes aux deux eunuques. Il est coiffé d'un chapeau et vêtu d'une longue robe à manches fendues, analogue à celle qu'il portait dans sa jeunesse. Il est encore jeune et imberbe. Les deux eunuques l'écoutent en manifestant des sentiments de surprise. La richesse de leurs costumes contraste avec la simplicité de celui de Joseph. L'un d'eux porte par-dessus une robe traînante une seconde robe beaucoup plus courte et taillée en rond par devant et par derrière; serrée à la taille par une courroie, elle est ornée d'un riche galon et d'une sorte de frange; les manches sont bouffantes, étroites aux poignets; il est coiffé d'une espèce de mouchoir formant turban avec un affiquet sur le front, et tient à la main son chapeau à longs poils. C'est l'échanson, car il est à peu près vêtu comme nous le verrons dans le sujet suivant. Les habits de l'autre sont disposés d'une façon inverse : c'est la robe de dessus qui est traînante.

Munie d'un col droit peu élevé et de manches bouffantes froncées aux épaules et tailladées aux poignets, elle est fendue des deux côtés avec un affiquet à l'extrémité

de la fente, à hauteur de la cuisse, laissant voir une saie qui ne descend que jusqu'aux genoux et qui est bordée d'un très riche galon, tandis que la robe de dessus ne l'est que d'une simple ganse. Il semble avoir deux chapeaux superposés; celui de dessus est à longs poils.

2e groupe. - L'échanson rétabli dans sa charge. C'est un des plus jolis et un des plus curieux de tous les groupes qui, dans les stalles, occupent la même situation. Le pharaon est assis dans un élégant fauteuil devant une table couverte d'une nappe et servie. L'échanson (4) est vêtu à peu près comme précédemment, sauf que la robe de dessous est plus courte et qu'il a une bourse pendue à la ceinture et un couteau passé par-dessous. Son chapeau à la main, il sert à boire au pharaon dans un hanap couvert. Le long de la rampe, autour de la table du roi, divers objets accessoires d'un repas gisent à terre : piles d'assiettes dont un chat lèche le contenu, corbeille remplie de pains, flacon avec sa courroie, pot à

(1) Gen., XL, 1-3.

(2) Gen., XL, 4-23.

(3) Celui qui correspond au montant le moins élevé.

(4) Sa tête est brisée.

anse couvert. Le monarque est entouré de trois chiens, dont un (1) s'approche de la table en levant une patte de devant, comme pour solliciter quelque friandise.

Un singe (2) attaché par une ceinture et une chaîne, porte un morceau à sa bouche, avec sa main, d'un geste bien naturel. Tout cela est -vulgaire, bourgeois, mais c'est charmant.

3e et 4e groupes. — Le supplice du panetier occupe les deux derniers groupes.

A l'extrémité supérieure du plus haut montant de la rampe, entre deux arbres, se dresse un gibet de bois brut en forme de tau, auquel l'eunuque est suspendu par une corde. Il n'a pour tout vêtement qu'une chemise qui flotte au gré du vent, laissant apercevoir ses jambes et ses pieds nus. On voit par terre une tête de mort et des ossements humains, restes de ceux qui ont précédé. C'était la coutume, au moyen âge, de laisser les corps des suppliciés au gibet jusqu'à ce qu'ils tombent d'eux-mêmes. Le bourreau, ou, pour mieux dire l'exécuteur de la haute justice, est accroupi par derrière, mettant dans une espèce de sac ou de vêtement à manches un objet dont la forme est difficile à distinguer, et que MM. Jourdain et Duval ont pris pour la bourse du condamné. Il est vêtu de chausses garnies d'un rang de crevés à mi-cuisses et serrées à la taille par une coulisse, et d'un pourpoint très court et décolleté, laissant apercevoir la chemise entre les chausses et son bord inférieur; sur sa tête est un chapeau tailladé, par-dessus lequel la gourmette est relevée. Il a le visage rasé, mais paraît âgé.

Une corde passée en bandoulière est l'insigne de sa profession (3).

Trois personnages composent le troisième groupe, et représentent sans doute le public ou les gardes, qui assistent à l'exécution. Celui-ci est vêtu d'une longue robe fendue par devant, à grand col rabattu garni de petites boules, et serrée à la taille par un baudrier de cuir avec boucle et appendices découpés en forme d'écussons (4). Il tient un long bâton noueux. Celui-là, chaussé de houseaux à crevés, porte une saie serrée à la taille, fendue sur les côtés et laissant voir un vêtement de dessous beaucoup plus court. Le troisième, qui est à cheval, est vêtu a peu près de même. Il a une plume au chapeau et tient un bâton.

RAMPE C 52 (pl. LXXIX, en Y). — « Deux ans plus tard, le pharaon eut un songe. Il lui semblait être sur le bord du fleuve, d'où sortaient sept vaches belles et grasses, qui pâturaient dans les marécages; puis il en sortit sept autres, laides et d'une maigreur extrême, qui allèrent paître dans les herbages sur la même rive du fleuve et qui dévorèrent les premières. Le pharaon s'étant alors éveillé, se rendormit et eut un autre songe. Sept épis pleins et beaux sortaient d'une même tige, qui furent dévorés par autant d'épis maigres et desséchés » (5).

Contrairement au parti généralement adopté, c'est le songe des vaches, le premier en date, qui occupe les trois groupes les plus élevés de la rampe, tandis que celui des épis est tout entier sur le plus bas montant. La raison en est que

(1) La tête brisée.

(2) La tête en partie brisée. 11 -

(3) Caudron a donne un costume à peu près semblable au bourreau qui décolle saint Firmin dans la clôture du chœur, et qu'il a refait de toutes pièces. Celui qui, dans l'autre partie de la clôture du chœur, tranche la tête à saint Jean-Baptiste, et celui qui, dans les stalles, préside

au Crucifiement. de Jésus (panneau de la rampe J 96) sont vêtus d'une façon beaucoup plus riche.

(4) 1509 * Deux baudrez à boucle et morgan, l'un sur ung tissu de velours .noir, et l'autre batu à l'or ».

Arch. de la ville d'Am., BB 21, fol. 28 v°.

(51 Gen., XLI, 1-7.

le premier devant occuper trois groupes, il était plus naturel de lui faire suivre une marche ascendante. L'artiste n'a pas hésité à sacrifier la vérité à la beauté du coup d'oeil.

IER groupe (i). — Le pharaon est assis, accoudé et endormi dans une chaire dont le dossier est orné de draperies plissées. Un dais polygonal, d'une étoffe brodée, orné de franges et de courtines troussées, est placé au-dessus de sa tête et accroché à un édicule triangulaire couvert en tuiles ou en ardoises et de style Renaissance. Dans sa décoration figurent des coquilles, des médailles, etc. De cet édicule sort un personnage imberbe, coiffé d'un casque plat, en robe courte, bourse à la ceinture, sans doute un garde. Remarquons l'opposition très bien trouvée entre le pharaon dans sa gloire et le supplice du panetier qui lui fait pendant sur la rampe voisine.

2E groupe. — Sept vaches grasses pressées les unes contre les autres semblent se diriger vers le pharaon endormi.

3e groupe. — Sept vaches maigres entassées de même, dans la même direction.

Il faut admirer l'habileté avec laquelle le tailleur d'images a su disposer ces deux groupes pour conserver le galbe général de la rampe, sans nuire au naturel et au mouvement.

4° groupe. — Le pharaon est encore endormi assis dans une chaire à haut dossier surmonté d'un fronton dans le goût de la Renaissance, mais sans dais.

Sept épis pleins et sept épis vides croissent autour de la chaire (2).

NhsÉRICORDES. — Pl. LXVIII. 52. — Plein de terreur, le pharaon a fait venir tous les devins de l'Egypte (3). Il est assis dans un fauteuil en X, à haut dossier de style Renaissance, et parle à un devin qui est debout près de lui. Ce personnage à figure grave et ornée d'une forte barbe, fait un geste qui manifeste son embarras.

Longue robe serrée à la taille et retombant sur la ceinture, avec un affiquet sur la poitrine, capuchon couvrant la tête par-dessus le chapeau, bourse pendue à la ceinture, tel est son costume. Derrière lui, deux autres devins sans barbes, font également des signes d'inintelligence. Deux autres personnages se tiennent du côté du pharaon, dont ils figurent sans doute la suite.

53. — Les devins n'ayant rien pu expliquer, l'échanson vint raconter au roi ce qui s'était passé dans la prison (4). Le pharaon est toujours assis dans le même fauteuil, en dehors de son palais qui forme le fond de la miséricorde; un personnage imberbe coiffé d'un chapeau se tient derrière lui. L'échanson, reconnaissable à son costume, est debout et semble adresser au roi des paroles que celui-ci écoute attentivement et avec intérêt. Deux autres personnages, l'un barbu et paraissant âgé, l'autre, le visage rasé et coiffé d'un casque, occupent la partie de la miséricorde à la droite du spectateur.

54. — « Aussitôt Joseph fut tiré de la prison, par ordre du roi » (5). Debout, le sceptre à la main, et accompagné de deux personnages de sa suite, le pharaon s'avance vers la prison, dont un geôlier ouvre la porte, tandis qu'un autre, vêtu

(1) Le plus élevé.

(2) Plusieurs sont brisés.

(3) Gen., XLX, 8.

(4) Gen., XLI, 9-13.

(5) Gen., XLI, 14.

d'une robe courte, tailladée sur la poitrine, et tenant un trousseau de clefs, fait sortir Joseph. Les cheveux et la barbe de celui-ci ont fortement poussé (1).

55. — La miséricorde qui se trouve à cette place devait évidemment occuper le n° 110, qui se trouve de l'autre côté : elle est la suite du fait représenté sur le n° 109. Nous la décrirons en son temps.

Amené devant le pharaon, Joseph a expliqué les songes. Les sept vaches grasses et les sept épis pleins représentent sept années d'abondance, et les sept vaches maigres et les sept épis vides, sept années de disette qui suivront immédiatement.

Le roi fera donc bien d'établir un homme sage et habile pour amasser des provisions pendant les années d'abondance. Émerveillé, le pharaon dit à ses ministres : « Où pourrions-nous trouver un homme plus rempli de Dieu? » Il établit donc Joseph sur toute la terre d'Égypte, le premier après lui-même (2).

Il est vraisemblable que les miséricordes des deux stalles basses faisant suite à celles que nous venons de décrire et qui ont été supprimées au XVIIIe siècle, devaient se rapporter à ces faits.

MAITRESSE STALLE G. 56. — Jouée extérieure G (pl. LIX, en Z). — « Et il prit un anneau de sa main et le mit dans celle de Joseph, puis le vêtit d'une étole de fin lin et plaça autour de son cou un collier d'or » (3). C'est ce qui est réparti en trois groupes principaux au milieu des enchevêtrements d'architectures qui composent la partie haute de la jouée.

ier groupe, a (4). — Ici et dans les sujets suivants, Joseph est de nouveau imberbe, mais gardant toujours les cheveux longs. Il porte une robe courte ne descendant que jusqu'au-dessous des genoux, formant plastron attaché sous les épaules par des aiguillettes et serrée à la taille par une courroie à laquelle est pendue une bourse ornée de glands. Il a un chapeau sur la tête. Un des suivants du pharaon, chaussé de houseaux, en robe demi longue, fendue sur le côté, une bourse à la ceinture, ayant sur la tête un mouchoir par-dessus lequel est un chapeau, fait endosser à Joseph une ample robe à manches, « stola byssina ».

Deux autres suivants accompagnent le pharaon, qui préside à la scène.

2e groupe, b (5). — Le pharaon, accompagné des trois mêmes suivants, met le collier d'or au cou de Joseph qui, revêtu de la longue robe à col rabattu et manches fendues, tient respectueusement son chapeau à la main. Remarquons que l'artiste a traduit le « torquem auream » de l'Écriture, par une chaîne analogue à celles dont les rois de son époque avaient l'habitude de décorer les personnes qu'ils voulaient honorer ou récompenser.

3e groupe, c (6). — Toujours accompagné de même, le pharaon passe un anneau au doigt de Joseph, qui, vêtu de la robe de lin, la chaîne au cou, le chapeau à la main, pose un genou en terre.

(1) La Bible (loc. cit.) dit que Joseph fut tondu avant d'être présenté au pharaon.

(2) Gen., XLI, 15-41.

(3) « Tulitque annulum de manu sua et dedit eum in manu ejus, vestivitque eum stola byssina et collo torquem auream circumposuit ». Gell., XLI, 42.

(4) A gauche du spectateur. — L'ordre chronologique est interverti. D'après l'Écriture, l'anneau a été donné à Toseph avant la robe et le collier.

(5) A droite du spectateur.

(6) Groupe central.

Indépendamment de ces trois principaux groupes, trois statuettes, — une d'elles a disparu (i)., — ornent encore la jouée extérieure de la stalle, mais, faute d'attributs, il n'est pas possible de les identifier. La seule description des trois qui subsistent suffira, je crois, à montrer que MM. Jourdain et Duval ont eu tort de voir dans les deux premières le pharaon donnant à Joseph le pouvoir de commander à toute l'Egypte.

1°, d. Un homme imberbe, vêtu d'une robe qu'il retrousse, laissant apercevoir ses pieds chaussés de houseaux. Il est coiffé d'un chapeau orné d'une enseigne.

2°, e. A côté de lui est un homme à très longue barbe, vêtu d'une tunique talaire, par-dessus laquelle est une espèce de dalmatique fendue sur les côtés, bordée d'un galon perlé et serré à la taille par un morceau d'étoffe noué par devant. Il est coiffé d'une espèce de bonnet, sur lequel est placé un haut chapeau pointu à oreilles, à deux étages tailladés, et surmonté d'une houppe. Serait-ce un prêtre?

- 3°. Un homme barbu, en longue robe par-dessus laquelle en est une autre plus courte fendue sur les côtés et serrée par une courroie. Il porte sur la tête un chapeau et dans les mains une banderole.

Haut dorsal. — Puis le pharaon fit monter Joseph dans le second de ses chars, et fit crier par un héraut que tous aient à fléchir le genou devant lui, et sachent qu'il l'a préposé à toute la terre d'Egypte (2). C'est ce qui est représenté sur la plinthe du haut dorsal de la stalle (pl. LX, en Z).

Vêtu de la longue robe, imberbe, chapeau sur la tête, mais, sans doute par un oubli de l'artiste, ne portant ni l'anneau ni le collier, quoi qu'en aient dit MM. Jourdain et Duval. Joseph est assis dans un chariot de forme oblongue, orné de sculptures et à chacun des quatre angles duquel est une espèce de montant carré sommé d'un petit animal. Les deux chevaux sont attelés d'une facon fort simple, avec des cordes en guise de traits. Le conducteur est monté sans étriers, sur un des chevaux. En avant du char marche un homme imberbe en souliers, chausses, court pourpoint, laissant passer la chemise entre ces deux dernières pièces du vêtement, et coiffé d'un mouchoir attaché sur le front par un affiquet; il tient dans la main gauche un objet brisé, qui paraît avoir été une épée. C'est sans doute le héraut, « clamante praecone ». Quatre individus diversement costumés, mais dont aucun ne fléchit le genou, sont les témoins du triomphe.

'- Miséricorde (pl. LX, en Z). - Non content de ces honneurs, et, après avoir changé le nom de Joseph contre un vocable égyptien signifiant « Sauveur du monde », Pharaon lui fit épouser Azeneth, fille de Putiphar, prêtre d'Héliopolis (3).

Les grandes dimensions de la miséricorde ont permis à l'entailleur de donner à la scène du mariage un certain développement. Au milieu d'une salle lambrissée de panneaux à draperies plissées, le grand prêtre est debout. Il porte une longue barbe. Son costume est fort riche et fort curieux : tunique traînante, sur laquelle est une espèce de dalmatique plus courte, fendue, ornée de franges, serrée à la taille, ample manteau rattaché sur la poitrine par un fermail; sur la tête une espèce

(1) Il semble qu'il devait y en avoir encore d'autres.

(2) Gen., XLI, 43.

(3) Gen., XLI, 45,

de mitre assez haute, dont les cornes, fortement évasées, sont placées à droite et à gauche. Il prend, pour les unir, les mains des deux époux qui se tiennent à sa droite et à sa gauche. Joseph, toujours imberbe, tête nue, vêtu de la robe, de lin, la chaîne au cou, met un genou en terre. Aseneth porte la petite coiffe à la mode d'Anne de Bretagne et une longue robe à larges manches fourrées dont une suivante tient la queue; elle a aussi une chaîne au cou et, de plus, une patenôtre à la ceinture. A droite du grand prêtre, trois hommes, parmi lesquels le pharaon, et, à sa gauche, quatre femmes, forment l'assistance. Il faut remarquer la variété des coiffures de ces femmes et leur grande richesse. La symétrie voulue dans l'arrangement des personnages contribue pour beaucoup à donner à l'ensemble une grande solennité.

Parclose 56-57. — Joseph profita des sept années d'abondance pour faire remplir les greniers de l'Égypte (1). C'est ce qui est figuré dans les trois groupes qui ornent la partie supérieure de la parclose (pl. LX, en Z).

ier groupe (2). — Trois hommes vêtus comme les gens de la campagne : l'un bat le blé avec un fléau, le second vanne, et le troisième entrouvre un sac pour y recevoir les grains.

2e groupe. — Quatre hommes en longues robes : le premier porte un sac de blé sur sa tête, un autre remplit de grains un boisseau avec une grande cuiller, il a les jambes et les pieds nus; le troisième, au moyen d'un morceau de bois, égalise le grain dans un boisseau, faisant tomber l'excédant dans un sac ouvert; le dernier dénoue un sac.

3e groupe. - A l'extrémité du montant qui termine la parclose, s'élève un joli édicule à pans de bois. Ce sont les greniers, vers lesquels s'avance un homme barbu portant avec effort sur sa tête un sac de grains. Ses chausses sont attachées à son pourpoint par des aiguillettes et sa chemise bouffe entre ces deux vêtements.

Joseph préside à ces diverses opérations.

Le long de la rampe gisent des épis, des gerbes, des grains de blé, des sacs.

MISÉRICORDES. - Pl. LXIX. 5j. — Sur cette miséricorde, la seule dans son genre, sont sculptées les armes d'Adrien de Hénencourt, doyen du chapitre à l'époque de la confection des stalles. L'écu est écartelé, aux 1 et 4 à trois maillets posés 2 et 1, qui est de Hénencourt, aux 2 et 3 à deux bandes, qui est de Beauvoir, sur le tout à trois maillets posés 2 et l, qui est de Mailly-Conty (3).

Il est tenu par deux anges à demi agenouillés et aux ailes éployées. Il est probable que cette miséricorde a été changée de place lors de la suppression des stalles, voisines de l'entrée du chœur au XVIIIe siècle, car la place habituelle du doyen était la première après la maîtresse stalle 1, à droite en entrant, par conséquent une de celles qui disparurent à cette époque. Il convient de placer ici la description d'une miséricorde qui occupe aujourd'hui

(1) Gen., XLI, 47-49.

(2) En commençant par en haut.

(3) Voici les émaux rétablis d'après Lamorlière : « escartelé au premier et quatrième de Hénencourt, d'argent à trois maillets de sable, au deuxième et troi-

sième, de Beauvoir, d'argent à trois bandes de gueules.

(Remarquons que dans notre miséricorde, il n'y a que deux bandes); sur le tout, de Mailly-Conty, d'or, à trois maillets de gueules ». Lamorlière, Recueil des .illustres maisons, p. 303.

la stalle n° 87 (pl. LXXIV), et qui provient certainement d'une des deux stalles hautes de ce côté, supprimées au XVIU6 siècle pour élargir la porte du chœur, car c'est sa vraie place dans l'histoire de Joseph. Elle ne peut représenter autre chose que Joseph distribuant le blé aux Égyptiens pendant les années de disette (1).

Devant un groupe de maisons figurant sans doute les greniers, Joseph vêtu comme ci-dessus, donne des ordres à un ouvrier qui mesure des grains dans un boisseau, en les égalisant avec un morceau de bois. Le boisseau est placé sur une espèce de plateau dans lequel tombe l'excédent. Un acheteur, la bourse pendue à la ceinture, s'approche en se découvrant devant Joseph, et entr'ouvre un sac pour y recevoir sa ration de blé. Un autre acheteur s'avance : il est pieds nus et vêtu d'un pourpoint festonné par le bas, ouvert en cœur sur la poitrine et laissant voir une espèce de chemise tailladée, il porte un sac vide sur son épaule. - 58. — La famine s'est fait sentir jusque dans la terre de Chanaan habitée par Jacob. Ayant ouï dire, qu'on vendait du blé en Egypte, il envoya ses fils en acheter (2). Le patriarche est assis dans un fauteuil en X .à haut dossier : longue barbe, robe talaire: à collet -et vaste turban sur la tête. Il tire de sa bourse des pièces de monnaie qu'il donne à ses dix fils aînés. Ceux-ci se présentent devant lui diversement vêtus; plusieurs se découvrent avec respect. Un tout jeune enfant, Benjamin, se tient près du fauteuil paternel (3).

5g. — Les dix frères sont arrivés en Égypte et : présentés à Joseph. Loin de leur laisser voir qu'il les reconnaissait, il leur parla durement comme à des étrangers, et, malgré leurs dénégations, feignit de les prendre pour des espions (4).

Tous les dix sont présents, plusieurs portent des sacs vides; deux ânes les suivent (5).

Comme pour bien démontrer l'honnêteté de leurs intentions, l'un des frères soulevant son chapeau, présente un sac d'écus à Joseph, qui, debout devant un escabeau, fait un geste de doute et d'incrédulité. Dans le lointain, on aperçoit une maisonnette sur un rocher.

60. — Les frères de Joseph lui ont conté leur histoire tout au long, mais il n'en a rien voulu croire, répétant toujours : « Vous êtes des espions ». Comme preuve de ce qu'ils avancent, l'un d'eux ira chercher leur plus jeune frère qu'ils disent être resté près de leur père; en attendant, les autres seront retenus en prison (6). Joseph (fig. 200), est debout comme ci-devant près de son escabeau, avec la petite maisonnette dans le lointain. Un garde à l'air rébarbatif, vêtu d'une saie bizarre, tailladée aux manches, coiffé d'un chapeau difficile à décrire, chaussé de poulaines, pousse les étrangers, qui ont les mains liées, vers une prison crénelée, où un autre garde en fait entrer un de force.

61. — Après les avoir gardés trois jours enfermés, Joseph consent à ce qu'ils partent avec le grain qu'ils ont acheté, à condition de lui ramener leur plus jeune frère. Un seul restera en prison comme otage (7). Sortis de prison et délivrés de

(il Gen., XLI, 54-57.

(2) Gen., XLII, 1-4.

(3) Il faut remarquer dans cette miséricorde et dans les suivantes l'habile groupement de tant de personnages sur un si petit espace.

(4) Gen., XLII, 5-13.

(5) « Portantes frumenta in asinis suis ». Gen., XLII, 26.

— « Et violenter subjiciat servituti et nos et asinos nostros ». Gen., XLIII, 18.

(6) Gen., XLII, 15, 16.

(7) Gen., XLII, 17-25.

leurs liens, ils font des démonstrations de reconnaissance : l'un d'eux, soulevant son chapeau, fléchit le genou devant Joseph, qui, toujours debout devant son escabeau, les écoute d'un air de bonté, mais encore méfiant. Siméon qui restera pour répondre des autres, est réintégré en prison par le garde à habit tailladé.

Toujours la maisonnette dans le lointain.

Fig.200.-Tes Jrères de* Joseph mis en prison, (Miséricorde 60)

62. — Avant le départ de ses frères, Joseph fait remplir leurs sacs de blé et de vivres pour la route, et y fait replacer l'argent (i). Toujours debout devant son escabeau, avec la maisonnette dans le lointain, à la porte des greniers, qui sont figurés par une maison à pans de bois, il donne des ordres à trois serviteurs : deux remplissent de blé les sacs avec un boisseau; le troisième cache un sac d'écus au milieu du grain.

Pl. LXX. 63. — Ils sont partis, portant le grain sur leurs ânes (2). Les neuf frères vont à pied, conduisant deux ânes chargés de 'sacs de blés. L'un d'eux les excite avec un fouet à deux lanières.

64. — Un des sacs ayant été ouvert dans une hôtellerie pour donner à manger à un âne, l'argent fut découvert (3). La caravane est arrêtée : un des sacs est ouvert, dans lequel apparaît un sac d'écus. Tous font des gestes de surprise.

65. — Les neuf frères sont arrivés dans la maison de Jacob; ils lui racontent ce qui leur est advenu et la volonté exprimée par le gouverneur de l'Égypte de voir leur plus jeune frère. L'un d'eux parle à son père, chapeau bas et fléchissant le genou. Jacob assis dans un fauteuil à la porte de sa maison, met sa main droite

(1) Gen., XLII, 25.

(2) Gen., XLII, 26.

(3) Gen., XLII, 27, 28.

sur sa poitrine, et semble dire : « Non descendet filius meus vobiscum » (i).

Benjamin se cramponne à son père comme pour - refuser de partir.

66. — Mais la famine s'est accrue, et Jacob, qui a fini par consentir à laisser partir Benjamin, renvoie ses fils avec des présents pour Joseph et une double somme d'argent, afin de restituer celle qui a été trouvée dans les sacs, de peur d'une méprise (2). Les neuf frères sont devant leur père, qui est toujours assis dans un fauteuil. Le patriarche présentant d'une main deux sacs d'écus, prend de l'autre Benjamin qui fait mine de résister, tandis que Juda debout, tête découverte, parle à son père pour répondre de la vie de l'enfant.

67. — Les fils de Jacob partent une seconde fois pour l'Egypte, emmenant Benjamin (3). Soit manque de place, soit inadvertance de l'imagier, ils ne sont que huit, plus Benjamin. Ils conduisent un âne. Juda, sans doute, tient l'enfant par la main, comme pour montrer qu'il l'a sous sa protection et sous sa responsabilité.

68. — Benjamin est présenté à Joseph (4). Toujours debout devant le même escabeau et la même maisonnette, celui-ci regarde d'un air affectueux son jeune frère qui fléchit le genou, tandis que Juda, au milieu des huit autres, pousse doucement l'enfant par l'épaule en soulevant son chapeau.

Pl. LXXI. 69. — Joseph les ayant vus et Benjamin avec eux, dit à l'intendant de sa maison : Fais entrer ces hommes chez moi, tue des victimes et prépare un festin, car ils mangeront avec moi à midi. (5). Tout le fond de la miséricorde est occupé par la maison de Joseph figurée par un vaste palais. Les frères y sont déjà presque tous entrés; le dernier franchit le seuil, tenant Benjamin par la main, tandis que Joseph parle à l'intendant, qui, en vêtements courts, l'écoute la tête découverte et pousse doucement Benjamin par l'épaule.

70. — Ils furent alors saisis de crainte et pensaient être de nouveau incarcérés à cause de l'argent trouvé dans les sacs. S'étant donc approchés de l'intendant, ils s'excusèrent comme ils purent (6). Ils ne sont que six, plus Benjamin, et semblent parler à l'intendant en avec des gestes suppliants. Presque tous ont les mains jointes; Benjamin est agenouillé. L'intendant les regarde avec bonté comme pour leur dire ; « Votre Dieu et le Dieu de votre père vous a donné des trésors dans vos sacs; pour moi, je me tiens content de l'argent que vous m'avez donné » (7). Dans le fond, on aperçoit des maisons.

71. -— Siméon tiré de la prison est amené avec eux, et on apporte de l'eau pour laver leurs pieds (8). Quatre frères de Joseph se tiennent debout à la porte du palais, figuré par un grand bâtiment crénelé; un cinquième est assis ayant devant lui un baquet plein d'eau, dans lequel un petit serviteur imberbe et pieds nus lui lave les pieds.

72. — Joseph étant entré, ils lui offrent des présents (9) et adorent prosternés jusqu'à terre (10). Joseph se tient debout à l'extérieur du palais crénelé qui occupe toute la largeur de la miséricorde ; cinq de ses frères lui présentent

(1) Gen., XLII, 29-38.

(2) G en., XLIII, r-i 5.

(3; Gell., XLIII, 8, 9, 15.

(4! Gen., XLIII, 15.

(5) Gen., XLIII, 16, 17.

(6) Gen., XLIII, 19-22.

(7) Gen., XLIII, 23. -

(8) Gen., XLIII, 23, 24.

(9) Gen., XLIII, 11.

(10) Et adoraverunt proni in terram />. Gell., XLIII, 26.

humblement et en fléchissant le genou, des plats chargés de fruits : raisins, poires, figues, etc. (i).

73. — On servit Joseph à part, ses frères à part et les Égyptiens qui étaient avec eux encore à part, car il n'était pas permis aux Égyptiens de manger avec des Hébreux. Ils s'assirent par rang d'âge, et furent très surpris de voir que la part de Benjamin était cinq fois plus forte que celle des autres (2). Nous sommes toujours à l'extérieur du palais crénelé : Joseph est assis seul à une table servie.

Ses frères mangent à une autre. Faute de place, ils ne sont que quatre, parmi lesquels Benjamin, placé au haut bout de la table, et paraissant écouter Joseph qui lui parle.

74. — Le festin terminé, Joseph fait remplir les sacs de ses frères, et remettre comme la première fois l'argent au-dessus de chacun d'eux, plus sa coupe d'argent dans le sac du plus jeune (3). Toujours le palais crénelé faisant fond. Joseph debout, commande à trois serviteurs dont deux remplissent les sacs avec un boisseau; le troisième cache dans un sac plein la coupe (4) et un sac d'écus.

Pl. LXII. 75. — Dès le matin, Joseph les a fait partir. Quand ils furent sortis de la ville et un peu éloignés, il envoya son intendant à leur poursuite (5). Même décor. Joseph debout parle à l'intendant qui, armé d'un bâton, s'apprête à partir avec trois gardes coiffés de casques, vêtus et cuirassés à la romaine, dont l'un tient une hallebarde et un autre un objet brisé difficile à reconnaître.

76. — L'intendant et les gardes ont rejoint la caravane : trois sacs sont ouverts. Dans celui de Benjamin, on trouve le sac d'écus et la coupe de Joseph : elle a la forme d'un hanap couvert, analogue à celui qui est présenté au pharaon par le grand échanson, sur la rampe C 5i (6). L'intendant fait un geste à la fois surpris et peiné. Les cinq frères présents, plus Benjamin, qui joint les mains, semblent consternés, tandis qu'un des gardes étend les mains sur les deux premiers sacs, comme pour les saisir (7).

77. — Les fils de Jacob (8) sont retournés vers Joseph ; leurs protestations n'ont pas été entendues, Benjamin restera comme esclave; Juda s'est offert à sa place, car le vieux Jacob ne survivra pas à une telle douleur. On est à l'entrée du palais, dont les murailles crénelées forment comme précédemment le fond de la composition. Joseph est debout étendant la main gauche et posant la droite sur sa poitrine. Aux dernières paroles de Juda, au souvenir de son père, il ne peut plus retenir ses larmes et crie le fameux « Ego sum Joseph » qui retentit dans toute la maison du pharaon. Ses frères l'entendent d'un air terrifié : trois, dont Benjamin, sont tombés à genoux, les autres joignent les mains (9).

(1) « Modicum resinae et mellis, et storacis, stactes et therebinthi, et amygdalarum », dit la Genèse (LXIII, II).

(2) Gen., XLiri, 31-34.

(3) Gen., xliv, 1, 2.

(4) Elle est brisée.

(5) Gen., XLIV, 4, 5.

(6) L'écriture appelle scyphus la coupe de Joseph, qui a été ainsi interprétée par nos artistes.

(7) Gen., XLIV, 6-13.

(8) Il n'y en a que sept, faute de place. Il fallait avant tout éviter l'encombrement dans cette scène, afin de bien

faire ressortir la figure de Joseph.

(9) Gen., XLIV, 14-34 ; XLV, 1-3. — C'est à tort, à notre avis, que MM. Jourdain et Duval n'ont pas voulu voir dans cette scène l' « Ego sum Joseph » lui-même, mais seulement Joseph accusant ses frères de vol. Le geste que fait Joseph, en mettant sa main sur sa poitrine est tout à fait significatif. Quant à dire que les artistes auraient craint de rester au-dessous du pathétique, nous ne pouvons l'admettre; ils n'ont pas reculé devant d'autres scènes plus dramatiques et plus difficiles à traduire.

78. — Alors Joseph embrassa tous ses frères, en commençant par Benjamin (ij.

Tendrement penché sur le cou de Benjamin qu'il embrasse avec effusion, Joseph relève doucement l'enfant, les bras enlacés. Six autres frères sont présents dans des attitudes qui expriment les sentiments divers dont ils sont animés. Les murailles crénelées du palais se voient toujours à l'arrière-plan.

79. — Les enfants d'Israël sont retournés dans la terre de Chanaan auprès de leur père, et lui racontent ce qui s'est passé (2). Est-ce par inadvertance, est-ce intentionnellement ? l'entailleur a encore ici placé le vaste palais crénelé qui sert de fond aux précédents sujets, mais qui n'exprime guère la pacifique demeure d'un patriarche. Les fils de Jacob, au nombre de cinq seulement, s'approchent de leur père avec respect : Juda, le chapeau bas, tient par la main le jeune Benjamin et le ramène au patriarche à qui il semble parler. Au nom de Joseph, Jacob s'est tout d'un coup dressé sur son fauteuil (3), mettant la main sur l'épaule de Juda, comme pour lui dire : « Est-ce bien vrai ? »

80. — Joseph avait demandé à ses frères de lui amener leur père, et celui-ci n'a pas hésité à partir (4). Il est arrivé devant le palais du pharaon, dont les murailles et les hautes tours crénelées occupent toujours le fond de la composition.

Par une délicatesse exquise, Joseph qui, dans toutes les scènes précédentes, avait gardé fièrement son chapeau sur la tête, se découvre avec respect pour embrasser son père, tandis que le patriarche demeure couvert. Trois personnages diversement costumés, sans doute des frères de Joseph, sont des témoins émus.

Pl. LXXIII. 81. — Joseph présenta ensuite son père et ses frères au pharaon, qui les fit établir dans la terre de Gessen, le pays le plus fertile de l'Égypte (5).

A la porte d'un palais, le pharaon, le sceptre à la main, est assis dans un fauteuil en X à haut et riche dossier. Le vieux Jacob, tête découverte, fléchit le genou devant lui (6); il est accompagné de Joseph qui, debout, se découvre également. A droite et à gauche se tiennent deux personnages en costumes civils; peut-être des frères de Joseph ou des suivants du pharaon.

82. — Israël sentant sa fin prochaine, fit jurer à Joseph de ne point l'ensevelir en Égypte, mais, après sa mort, de le transporter dans le sépulcre de ses ancêtres (7).

A la porte d'un palais crénelé, le patriarche est assis dans un fauteuil en X à haut et riche dossier de style Renaissance et lève la main. Joseph est près. de lui, un genou en terre, soulevant son chapeau et posant sa main droite sur la cuisse de son père, pour jurer (8). A côté d'eux se tient un homme imberbe.

83. — Quelque temps après, Jacob étant tombé malade, Joseph lui amena Ephraïm et Manassé, les deux fils qu'il avait eus en Égypte (9). Dans une pièce

(1) Gen., XLV, 14, 15.

(2) Gen., XLV, 25-28.

(3) il Quasi de gravi somno evigilans ,, dit l'Écriture.

Gen., XLV, 26.

(4) Gen., XLV, 13, 25-28; XLVI, 29.

(5) Gen., XLVII, 7-10.

(6) MM. Jourdain et Duval ont pensé que, par une interprétation littérale du « benedicens illi » de la Bible (Gen., XLVII, 7), l'artiste avait représenté Jacob bénissant le pharaon. Le geste du patriarche ne nous paraît pas suffisamment caractérisé pour nous faire adopter

cette explication. Il semble que si l'artiste avait voulu montrer clairement Jacob bénissant, il lui aurait fait lever davantage la main. Le geste qu'il fait est un geste que les artistes du moyen âge font faire souvent à un personnage qui parle à un autre avec déférence. Une autre raison nous paraît péremptoire, c'est que c'est la main gauche qui fait le geste susdit.

(7) Gell., XLVII, 29-31.

(8) La Bible dit: « Pone manum tuam sub femore meo h.

Gen., XLVII, 29.

(9) Gen., XLVIII, 1-2.

dont le lambris est orné d'une jolie crête, et à l'extérieur de laquelle on aperçoit un édifice crénelé, Jacob est étendu tout habillé sur un lit (i); à côté est un dressoir sur lequel un plat est posé. A l'arrivée de Joseph, qui entre tenant un de ses enfants de chaque main, le patriarche semble se ranimer et se dresse sur son séant (2). Une femme coiffée d'un bourrelet paraît assister le malade.

84 (fig. 201). — Ces deux enfants, Jacob les a assimilés aux siens propres;

IV>i~Og. IlFig. 201.—Miséricorde. 84.

puis il les a baisés et embrassés (3). Dans une pièce lambrissée à draperies plissées, en dehors de laquelle on aperçoit une maison avec pignon à gradins, Jacob est toujours étendu tout habillé sur son lit, à côté duquel se dresse une chaire à haut dossier. Près de lui se tient la femme à bourrelet. Il embrasse affectueusement l'un des enfants de Joseph, tandis que l'autre attend avec son père au pied du lit.

85 (fig. 189). — Alors Joseph ayant placé Ephraïm à sa droite, c'est-à-dire à la gauche d'Israël, et Manassé à sa gauche, soit à la droite de son père, les approcha tous deux de Jacob, lequel étendant sa main droite, la mit sur la tête d'Ephraïm qui était le plus jeune, et sa gauche sur la tête de Manassé qui était l'aîné, changeant ainsi ses mains de place (4). L'artiste ne s'est pas occupé de la manière dont il avait commencé à représenter Jacob, en tâchant de se conformer à la vérité historique; mais, pour cette scène où tout le moyen âge a vu le symbole de la croix de Jésus-Christ et de la préférence future donnée aux Gentils sur les Juifs (5), il a suivi la tradition iconographique la plus habituelle. A l'extérieur d'un vaste édifice qui tient toute la largeur de la miséricorde, avec un arbre à chaque extrémité. Jacob n'est plus au lit, mais assis dans une chaire monumentale.

Manassé, reconnaissable à sa plus grande taille, cheveux longs et lisses, longue robe à larges manches fendues, est à genoux à la droite du patriarche, à sa gauche, Ephraïm, beaucoup plus petit, est debout, pour avoir sa tête à la même hauteur

(1) Il faut remarquer dans cette miséricorde et dans la suivante, la manière dont le lit est traité en raccourci.

(2) <?. Confortatus sedit in lectulo d. Gell., XLVIII, 2.

(3) Gen., XLVIII, 3-10.

(4) Gen., XLVIII, 13-20.

(5) Voy. CAHIER ET MARTIN, Les Vitraux de Bourges, pp. 19-25.

que celle de son frère. Il a les cheveux crépus, et est vêtu d'une saie, avec bourse pendue à la ceinture. Le patriarche les bénit en croisant les mains, de sorte que la droite est sur la tête d'Ephraïm, tandis que la gauche est sur celle de Manassé. Joseph debout contemple la scène.

86. — Après quoi, Jacob dit à Joseph : Voilà que je vais mourir, et Dieu sera avec vous et il vous ramènera sur la terre de vos ancêtres. En plus de tes frères, je te donne la part de mes biens que de mon glaive et de mon arc j'ai prise sur les Amorrhéens (i). C'est très probablement cette promesse de Jacob que l'artiste a voulu figurer en nous montrant à l'extérieur d'un très joli et très curieux château, Jacob assis dans un fauteuil à haut dossier, parlant d'un air inspiré, et paraissant désigner du doigt quelque chose dans le lointain, à Joseph qui l'écoute respectueusement découvert, ses deux enfants derrière lui.

RAMPE K 87 (pl. LXXXI, en Z). - Les circonstances solennelles de la mort de Jacob et de la célèbre prophétie qui l'a précédée (2) sont réparties sur les quatre groupes qui ornent le haut de cette rampe. Il est inutile d'en rappeler les détails, tout le monde les connaît.

1er groupe (3). — Coiffé d'un turban par-dessus un bonnet et vêtu d'une longue robe à collet, Jacob (4) est assis dans un riche fauteuil en X, à haut dossier. Il parle : « Juda, tes frères te loueront, tu subjugueras tes ennemis, les enfants de ton père t'adoreront. Juda est un lionceau. Le sceptre ne sera point ôté de Juda ni le prince de sa postérité jusqu'à ce qu'il soit venu celui qui doit être envoyé, et il sera l'attente des nations », etc. A ses côtés se tiennent un jeune enfant, Benjamin sans doute, tenant son chapeau à la main et un autre des fils de Jacob, que MM. Jourdain et Duval ont pensé être Joseph, mais qu'aucun insigne ne fait reconnaître. Ne serait-ce pas plutôt Juda, à qui s'adresse la plus importante partie de la prophétie d'Israël?

2E groupe. — Six des enfants de Jacob, diversement vêtus et dans diverses attitudes, deux à genoux les mains jointes, d'autres assis (5), écoutent leur père avec respect.

Les deux derniers groupes, consacrés à la mort de Jacob, sont disposés en sens inverse.

3e groupe (6). — Jacob, entièrement nu et coiffé seulement d'un mouchoir, amaigri par l'âge et la maladie (7), est couché dans un lit dont le haut dossier est à panneaux sculptés de draperies plissées et d'autres ornements; il est appuyé sur un coussin. A ses côtés se tient un de ses fils qui le soutient sous les épaules, en le regardant avec une profonde tristesse. Ce pourrait être Joseph, qui, dès que son père eut rendu le dernier soupir, se jeta en pleurant sur son visage qu'il couvrit de baisers (8). Au pied du lit, le jeune Benjamin, agenouillé et accablé de douleur; baise avec effusion les pieds du moribond.

4e groupe. — Quatre autres fils de Jacob agenouillés et dans des attitudes marquant une profonde douleur, assistent à la mort de leur père.

(1) G en., XLVIII, 21, 22.

(2) Gen., XLIX.

(3) Au haut du plus bas montant.

(4) Son bras gauche est brisé.

(5) Deux ont la tête brisée.

(6) Sur le plus haut montant.

(7) Le nu est traité d'une façon très remarquable.

(8) Gen., L, 1.

Le long de la traverse supérieure de la rampe on a figuré des plantes, à travers lesquelles courent des chiens.

MISÉRICORDES. — Pl. LXXIV. 87. — Nous avons vu (1) que la miséricorde qui occupe cette place devait se trouver primitivement parmi les stalles hautes supprimées au xvine siècle à la suite de la stalle 56. Suivant MM. Jourdain et Duval, il faudrait placer ici la miséricorde qui occupe aujourd'hui le n° 43.

Au centre de la composition est un maçon qui construit une grosse tour cylindrique en carreaux de pierre de taille qu'il fixe sur le mortier en les frappant du manche de sa truelle. Il travaille dans l'intérieur même de la tour, sans échafaudages. Un manœuvre montant sur un plan incliné lui apporte du mortier dans un oiseau ; un autre apporte des pierres toutes taillées. A droite et à gauche, sont quatre tailleurs de pierres. Tel est le sujet dans lequel MM. Jourdain et Duval ont voulu voir les Israélites multipliés en Égypte et occupés par le successeur du pharaon à de durs travaux de maçonnerie, et notamment à la construction des villes de Phiton et de Ramesses (2). C'est possible. Toutes les autres miséricordes qui ont été dérangées peuvent en effet retrouver leur place d'une façon précise, et c'est la seule qui reste pour remplir le n° 87. Cependant il est extraordinaire que les auteurs des stalles aient choisi une tour pour figurer les constructions élevées en Égypte par les Hébreux. Il est - certain que, prise isolément, la miséricorde qui nous occupe ferait du premier coup penser à la construction- de la tour de Babel (3). Elle pourrait fort bien provenir d'une des stalles supprimées au XVIIIe siècle, d'autant que l'histoire de la tour de Babel trouve sa place chronologique entre le Déluge, qui occupe la miséricorde n° 1, et le sacrifice de Melchisedech, qui se trouve au n02 actuel, et qu'il est plus que probable que les auteurs des stalles n'ont eu garde de l'omettre.

88. — Quoi qu'il en soit, les miséricordes qui suivent sont consacrées à l'histoire de Moïse. N'ayant pu obtenir que les sage-femmes fissent périr à leur naissance tous les enfants mâles des Hébreux, le pharaon fit jeter ceux-ci dans le Nil (4). Du haut d'un pont à deux arches, deux soldats coiffés de barbutes ou de salades précipitent dans le fleuve deux enfants hébreux, l'un entièrement nu, l'autre emmaillotté. Les flots roulent des cadavres d'autres enfants. Le roi, costumé comme son prédécesseur, sceptre à la main et flanqué de deux graves personnages, assiste à l'exécution de ses ordres. Dans le fond, une grande muraille flanquée de tourelles * figure les remparts d'une ville.

89. — Une femme de la tribu de Lévi enfanta un fils. Après l'avoir caché pendant trois mois, elle le mit dans une corbeille de jonc enduite de bitume et de poix, et l'exposa sur le Nil au milieu des roseaux du rivage. La sœur de l'enfant se tenait à distance, pour voir ce qui adviendrait (5). Le Nil serpente au milieu d'une campagne pittoresque, plantée d'arbres, dans laquelle on aperçoit un château et une - maisonnette. La mère, coiffée d'un bourrelet, est agenouillée sur le rivage, et essuyant une larme, dépose sur les eaux une corbeille oblongue,

(D Vov. ci-dessus, t. II, p. loi.

(2) Exod.. 1. II-IA.

(3) Gen., xi, 1-9.

(4) Exod" 1, 22.

•5) Exod11, 1-4.

dans laquelle est étendu un enfant au maillot. La sœur de l'enfant, portant la petite coiffure à la mode d'Anne de Bretagne, se tient sur l'autre rive.

go. — La fille du pharaon est venue avec ses compagnes se laver dans le fleuve : apercevant la corbeille au milieu des papyrus, elle se la fit apporter par une suivante. L'ayant ouverte, elle vit l'enfant qui criait, et elle en eut pitié, disant : « C'est quelque enfant des Hébreux » (i). Le fond de paysage diffère du précédent : arbres, maisons, châteaux sont répandus çà et là.

La princesse s'avance sur le bord du fleuve. Elle a un costume fort élégant : robe à manches bouillonnées et décolletée en carré, avec un double rang de chaînes à la ceinture; riche coiffure à deux cornes ornée sur les oreilles de volutes terminées en ailes d'oiseaux. Trois suivantes l'accompagnent : deux sont coiffées à la mode d'Anne de Bretagne. Agenouillée sur la rive, la troisième porte une coiffe qui fait penser à ce que nous appelons le bonnet à la Charlotte Corday. Elle tire l'enfant de la corbeille, sur l'ordre que la princesse paraît lui en donner. La sœur de l'enfant se tient à quelque distance.

91. — Celle-ci s'est approchée et a offert de procurer à l'enfant une nourrice israélite. C'est sa propre mère qu'elle amène au palais du pharaon (2). La chambre où elle est introduite est garnie d'un lambris à draperies plissées. Coiffée d'un mouchoir, elle porte à la ceinture un petit sac qui ressemble beaucoup à ce que de nos jours on appelle vulgairement un ridicule. Elle présente son sein à l'enfant qui le saisit. L'enfant est nu et porté par une femme élégamment vêtue d'une double jupe et coiffée du même bonnet que nous avons vu porter par une des suivantes de la princesse. Une autre femme coiffée à peu près de même entre derrière la mère de l'enfant. Accompagnée de trois suivantes s'avance la fille du pharaon qui semble dire à la mère : « Prends cet enfant et nourris-le pour moi : je te donnerai ta récompense ».

92. — Il semble que nos artistes se complaisent dans ces scènes intimes, sans penser que la place va leur manquer. Le charmant et naïf sujet que nous voyons fait évidemment double emploi, et il sort tout entier de l'imagination du tailleur d'images. Toujours la même pièce lambrissée, à l'extérieur de laquelle on aperçoit des maisons et des arbres. La mère de Moïse tient son enfant nu, qui suce sa mamelle avec appétit. Les trois suivantes et la fille du pharaon, qui met sa main sur le cou de la nourrice comme pour lui parler, semblent suivre l'opération avec le plus vif intérêt.

93. — Au milieu d'une campagne rocheuse et aride, où l'on aperçoit deux châteaux dont l'un est flanqué de tours carrées, l'enfant, déjà grandi et sur ses pieds, est rendu par sa mère à sa protectrice, devant qui il ôte poliment son petit chapeau. La fille du pharaon, le caressant doucement, l'adopte pour son fils, et lui donne le nom de Moïse, parce qu'elle l'a fait sortir de l'eau (3). Trois suivantes accompagnent la princesse; la sœur de l'enfant vient derrière sa mère, portant un petit panier à anse.

94. — Moïse devenu grand, retourna vers ses frères dont il vit l'affliction.

Un Égyptien ayant un jour frappé devant lui un Hébreu, il le mit à mort et le cacha dans le sable (4). Deux actions consécutives sont figurées sur la même

(1) Exod., 11, 5-6.

(2) Exod., 11, 7-9.

(3) Exod., 11, q, 10.

(4) Exod., 11, 11, 12.

miséricorde. Au milieu d'un paysage planté d'arbres, d'un côté Moïse devenu jeune homme, mais encore imberbe, plonge un couteau (1) dans la gorge d'un Égyptien de grande stature, à longue barbe, coiffé d'un turban. Il est étendu à terre et Moïse lui pose le pied sur les reins. L'Hébreu, que l'Égyptien avait maltraité, semble s'éloigner en se tenant les reins et les côtes, comme s'il souffrait. Dans la seconde partie, Moïse enfouit dans le sable l'Égyptien dont on n'aperçoit déjà plus que la tête et les épaules.

95. — Le fait étant venu à la connaissance du pharaon, il chercha à faire périr Moïse, mais celui-ci s'enfuit au pays de Madian (2). C'est encore un double sujet. La moitié de la miséricorde, à la gauche du spectateur, représente une salle lambrissée au milieu de laquelle le pharaon est assis dans un fauteuil à riche et haut dossier. Un ministre se tient derrière lui, tandis qu'un autre, l'épée au côté, debout à la gauche du roi, semble lui parler, en soulevant son chapeau et en montrant de la main Moïse qui, dans la seconde moitié de la composition, s'enfuit à travers un pays planté d'arbres, au fond duquel on aperçoit deux châteaux. Il est tête nue, un bâton à la main, et relève légèrement son habit (3).

RAMPE J 95 (pl. LXXXIV, en Z, et fig. 206). — 1er groupe (4). — Inspiré par Dieu, Aaron est allé au-devant de Moïse, et les deux frères se sont rencontrés sur une montagne (5). Moïse, beaucoup plus âgé que dans les sujets précédents, portant une longue barbe, et tête nue, est déjà, par un anachronisme qu'on ne s'explique pas, muni de deux cornes figurées par deux excroissances qui lui poussent au haut de la tête (6). Il est vêtu d'une robe traînante, par-dessus laquelle en est une autre moins longue, à manches courtes et larges, fendue sur les côtés, ornée de franges et de galons et serrée à la taille par une écharpe. Aaron, ayant aussi une forte barbe, porte une longue robe, à pèlerine bordée d'un galon et de houppettes, une bourse à la ceinture et un riche collier de besants sur les épaules; il tient son chapeau à la main. Les deux patriarches, la main dans la main (7), s'embrassent en se tenant par l'épaule. Un caniche aboie à leurs pieds.

Ils vinrent ensemble et rassemblèrent les « anciens » d'Israël. Aaron leur répéta les paroles que le Seigneur avait dites à Moïse dans le Buisson ardent, fit des signes devant le peuple, et le peuple crut (8). C'est ce qui est figuré dans les trois derniers groupes.

2e groupe (9). — Moïse et Aaron sont debout : Aaron, le chapeau sur la tête, Moïse toujours découvert et tenant sa verge (10). Aaron semble parler aux anciens d'Israël qui forment les deux groupes suivants.

3e et 4e groupes. — Dix personnages, en deux groupes de cinq chacun, représentent les anciens d'Israël, dans diverses attitudes, les uns à genoux, d'autres assis, d'autres accroupis; tous ont la tête tournée vers le groupe précédent et

(1) Il est brisé.

(2) Exod., 11, ic.

(3) Le fait si connu et si important du Buisson ardent ne figure pas ici. Il a été réservé, suivant la tradition, pour faire partie des quatre figures prophétiques de la Vierge Marie, en tête de l'histoire de celle-ci.

(4) Au haut du plus bas montant.

(5) Exod., IV, 27, 28.

(6) Ce n'est, on le sait, qu'à la seconde descente du Sinaï, que laface de Moïse parut « cornuta».^o^.,xxxiv, 29 et seq. Les artistes ont pris à la lettre le texte de la Vulgate. Voy. JOURDAIN ET DUVAL, op. cit.

(71 Elles sont brisées.

(8) Exod., iv, 29, 30.

(9) A l'extrémité du plus haut montant.

(10) Elle est brisée.

paraissent écouter avec attention Aaron qui leur parle. Grande variété de coiffures : chapeaux, turbans, bonnets carrés ; il faut particulièrement noter un chapeau muni de ce que nous appellerions un couvre-nuque.

Le long de la traverse supérieure, on voit des plantes, un caniche, une espèce de monstre à deux pattes et longue queue enroulée.

RAMPE J. 96 (pl. LXXXIV, en Y). - Suivant l'ordre donné par Dieu, Moïse, Aaron et les « anciens » d'Israël sont allés trouver le pharaon, et lui ont demandé de laisser partir Israël pour sacrifier à son Dieu dans le désert (1).

Ier groupe (2). — Le pharaon est assis dans un fauteuil dont le dossier est couvert d'une draperie. Il n'a plus le même costume : il porte une longue robe à manches amples et col rabattu et, sur la tête, un bonnet à longues oreilles pointues terminées chacune par un gland; par-dessus ce bonnet est posé un chapeau à larges bords, orné d'une enseigne et d'une couronne. De la main droite, il tient un sceptre (3). Il faut remarquer la coupe de sa barbe : il a le menton entièrement rasé, la moustache, qui est très forte, et le collier sont seuls conservés. Près de lui se tient un homme âgé, imberbe, robe fendue sur les côtés, avec un affiquet au haut de la fente, encapuchonné dans un chaperon à ample pèlerine, sur lequel est un chapeau.

26 groupe. — Moïse, costumé comme précédemment, et Aaron beaucoup plus simplement vêtu, chapeau à enseigne sur la tête, sont agenouillés devant le roi figuré dans le groupe précédent, et à qui ils semblent parler. Un arbuste est entre eux deux, artifice habile pour remettre le groupe dans son galbe général et pour lui donner du corps.

3e groupe. — Les « anciens » d'Israël assistant à l'entrevue (4). Ils sont au nombre de quatre : trois à genoux et un assis. Prenant le terme « seniores » de la Bible dans son sens littéral, l'artiste leur a donné l'air âgé. Deux ont le visage entièrement rasé; les deux autres ne portent que la moustache. Ils sont diversement vêtus et coiffés l'un d'un turban, un autre d'un mouchoir, les deux derniers de chapeaux.

4e groupe. (5). — Nos artistes, vu le peu de place qui leur reste, sont obligés d'aller beaucoup plus vite. Ils passeront souvent par-dessus les événements les plus saillants, les plus connus et les plus symboliques, pour en donner parfois de plus secondaires. Des plaies d'Egypte, par exemple, il n'est pas question, et nous arrivons tout de suite à la manducation de l'Agneau pascal (6). Trois Israélites mangent la Pâque debout autour d'une table rectangulaire portée sur des tréteaux, couverte d'une nappe, et au milieu de laquelle l'agneau entier est servi sur un plat rond; le reste du couvert se compose d'un tranchoir carré sur lequel sont posés deux morceaux de viande, une coupe pleine de vin et une écuelle. Les convives sont diversement vêtus : l'un est chaussé de galoches à semelles épaisses, sans talons ni quartiers, dans lesquelles il a des chaussons; un autre, de houseaux.

les robes sont longues, diversement fendues et découpées ; ils sont coiffés de

fi) Exod., m, 18; v, 1.

(2) A l'extrémité du plus haut montant.

(3) La partie supérieure du sceptre et la main gauche sont brisées.

(4) « Ingredierisque tu et seniores Israël ad regem Ægypti ô. Exod., in, 18.

(5) Au haut du plus bas montant.

(6) Exod., xii.

chapeaux ou de bonnets et, suivant le texte biblique, ils tiennent des bâtons (i).

Le long de la traverse supérieure se répandent des plantes, cinq monstres à deux pattes et longues queues, qui s'entrelacent et s'entremordent et deux autres à quatre pattes, dont l'un est muni d'une triple queue.

MISÉRICORDES. — Pl. LXXV. 96. - Dieu ayant donc fait périr tous les premiers nés des Égyptiens, et celui du pharaon lui-même, celui-ci s'est enfin décidé à laisser partir les Israélites. Le peuple de Dieu s'est immédiatement mis en route. « Et le Seigneur marchait devant eux pour leur montrer le chemin; paraissant de jour comme une colonne de nuée, et de nuit comme une colonne de feu » (2). L'artiste a pris le texte sacré à la lettre et a représenté la « columna nubis » par une véritable colonne matérielle, de pierre ou de bois, avec base et chapiteau, posée horizontalement dans un nuage, au-dessus d'un désert sablonneux. Moïse se tient debout, sa verge à la main; de l'autre côté, un autre personnage, Aaron sans doute, en moustaches seulement, vêtu d'un manteau à pèlerine fendu sur le devant, retroussé sur le bras, et coiffé d'un chapeau, dont le bord postérieur est rabattu sur la nuque, regarde la colonne descendre du ciel. A l'arrière-plan, quatre personnages munis de bâtons représentent les Israélites, parmi lesquels une femme coiffée d'un bourrelet tient d'une façon fort originale un enfant nu, à la mamelle, dans les plis de son manteau.

97. — Omettant le Passage de la Mer Rouge, nos artistes nous montrent tout de suite les Israélites occupés à ramasser la manne dans le désert (3). Dans le ciel apparaît une nuée : au milieu d'un désert aride, la manne est tombée figurée par de petits grains ronds comme des grêlons. Trois Israélites, deux hommes et une femme, la recueillent dans des pots à peu près de même dimension, qui figurent le « gomor » de l'Écriture. La femme, regardant la nuée mystérieuse, en emplit également sa robe, mais c'est en vain; tout ce qu'on aura pris en plus de sa ration disparaîtra. Un quatrième personnage, Aaron, sans doute, en emplit un vase à deux anses beaucoup plus grand que les autres. C'est la manne qui sera conservée pour les générations futures.

98. — Aaron dépose dans le Tabernacle la manne qu'il a recueillie (4). A l'extérieur d'un grand édifice crénelé et flanqué de tours, Aaron est debout. Vêtu d'une longue robe à pèlerine, bordée d'un galon perlé, une espèce de turban sur la tête, il introduit l'urne remplie de manne dans l'Arche figurée par une véritable châsse en forme de cercueil, ornée de caissons sculptés et d'une crête. Cette châsse est posée sur un autel garni par en bas d'une plinthe moulurée, couvert d'une nappe et surmonté d'un retable. Deux personnages, l'un à la pèlerine déchiquetée et ôtant son chapeau à haute forme, l'autre coiffé d'une espèce de bonnet carré et tenant un livre fermé, assistent à genoux à la cérémonie.

99. — Les Hébreux sont parvenus et ont campé au pied du mont Sinaï.

Moïse y est monté et a reçu la loi sur deux tables de pierre (5). Impatients de ne point le voir revenir, les Israélites ont forcé Aaron à fabriquer un veau

(1) La tête d'un de ces personnages est en partie brisée.

(2) Exod , XII, XIII.

(3) Exod., xvi.

(4) Exod., xvi, 34.

(5) Exod., XIX-XXXI.

d'or, à mettre devant lui un autel et à lui offrir des victimes (i). Ces deux actions simultanées sont représentées sur la même miséricorde.

A la droite du spectateur, Moïse sur la montagne, est à genoux devant le Seigneur, qui apparaît à mi-corps dans un nuage. Le Père Éternel est barbu, vêtu d'une chape attachée par un riche fermail, nimbé et tenant un globe surmonté d'une croix. Moïse reçoit deux tables de ses mains. Elles ne paraissent pas être en pierre (2), mais elles ressemblent aux tablettes de bois enduites de cire dont on se servait au moyen âge : elles sont de forme oblongue, cintrées par en haut, et entourées d'un encadrement.

A gauche, les Israélites murmurent contre le retard de Moïse. Quatre individus diversement vêtus et dans diverses attitudes. L'un — est-ce Aaron? — a son manteau attaché sur le devant par une olive, avec robe découpée, bordée d'un galon et de bouffettes, chapeau sur la tête; un autre, en saie découpée par le bas, coiffé d'un bonnet par-dessus lequel est posé un chapeau, paraît parler au premier; un troisième est tête nue. Le quatrième personnage est une femme à demi couchée, corset ouvert en carré, manteau rattaché sur l'épaule droite, bourrelet sur la tête.

Un rocher surmonté d'un arbre sépare les deux sujets.

100. — Le Veau d'or (3). Sur un autel carré, porté par quatre colonnettes, s'élève une colonne cylindrique assez courte, au haut de laquelle le Veau d'or est placé. Deux hommes sont agenouillés les mains jointes aux deux extrémités de l'autel. L'un d'eux, portant une espèce de pèlerine à capuchon, est tête nue, l'autre a sur la tête un bonnet à oreilles terminées par de petits glands, et par-dessus, un chapeau orné d'un affiquet sur le devant, et d'un gland à son sommet. Un autre homme et une femme sont debout. Dans le fond, un ménestrel accroupi bat du tambourin. De l'autre côté de la miséricorde, Moïse descend de la montagne, et, apercevant le sacrilège, jette par terre les deux tables qui se brisent (4).

101. — « Et arrachant le veau qu'ils avaient fait, il le mit au feu, le réduisit en une poudre qu'il mélangea dans l'eau et la donna à boire aux enfants d'Israël » (5). Au milieu d'une campagne aride, à travers laquelle serpente un ruisseau, le Veau d'or descendu de son piédestal est posé directement sur l'autel, tandis que Moïse, armé d'un marteau, le met en pièces. Il donne les morceaux à un individu, qui les met dans un pli de son vêtement, pour les jeter ensuite dans un feu allumé derrière lui. Un autre personnage retire les cendres avec une pelle et les jette dans le ruisseau. Sur l'autre rive, deux Israélites (6), recueillent cette eau dans des écuelles et dans des pots, pour la boire.

102. - Dieu apaisé écrit la loi sur les nouvelles tables que Moïse lui a apportées (7). Bien que l'Ecriture dise formellement « duas tabulas », Moïse en tient quatre, deux dans une main et deux dans l'autre. Elles sont faites exactement comme les premières, mais elles ne sont point écrites. Dieu apparaît à mi-corps au milieu d'un nuage. Séparés de Moïse, comme tout à l'heure, par un rocher surmonté d'un arbre, les Israélites figurés par trois personnages, deux hommes et une femme, semblent attendre, cette fois patiemment.

(1) Exod., xxxir, 1-6.

(2) Duas tabulastestimoniilapideas ». Exod., xxxi, 18.

- Deut., IX, 10, IL

(3) Exod., XXXII, 15-19.

(4) '< Vidit vitulum et choros, iratusque valde, projecit

de manu tabulas et confregit eas ad radicem montis ».

Exod., XXXII, 19.

(5) Exod., XXXII, 20.

(6) L'un d'eux a la tête brisée.

(7) Exod., xxxiv.

La fin de l'Exode, notamment la construction et la consécration du Tabernacle n'ont pu trouver place, et nous arrivons tout de suite au Lévitique auquel d'ailleurs ne seront faits que fort peu d'emprunts.

103. — « Nadab et Abiu, fils d'Aaron, ayant pris leurs encensoirs, y mirent du feu et de l'encens dessus, offrant devant le Seigneur un îeu étranger qui ne leur avait point été commandé. Et un feu sorti du Seigneur les dévora et ils moururent devant le Seigneur » (i). Devant un grand édifice crénelé, flanqué de tours, à côté duquel on aperçoit une maisonnette, est placé un autel à retable couvert d'une nappe et orné de deux jolis chandeliers à piques, sans cierges. Deux flammes partent du milieu de l'autel, aux deux côtés duquel Nadab et Abiu, tous deux imberbes et vêtus de l'amict et de l'aube serrée à la taille (2), coiffés l'un d'un turban, l'autre d'un bonnet qui ressemble assez à un béret, et tenant des encensoirs, tombent à la renverse. L'un d'eux reçoit une flamme dans la poitrine.

104. — Plusieurs passages des livres saints font allusion au culte idolâtre que certains Israélites rendaient à Moloch, divinité des Ammonites. D'après l'opinion la plus répandue, Moloch était une colossale statue en métal creux, représentant un veau, que l'on faisait chauffer jusqu'à l'incandescence, et dans la gueule de laquelle on précipitait des enfants (3). Nous voyons donc une énorme tête de veau ou plutôt de bœuf cornu, la gueule largement ouverte, garnie d'une rangée de dents, et vomissant des flammes. Elle engloutit un jeune enfant tête nue, et chaussé de poulaines, qui joint les mains. Une mère amène un gentil petit garçon, tête et pieds nus et qui joint aussi les mains d'un air innocent et candide. Le père les suit les mains jointes. Une autre mère accourt apportant un petit enfant au maillot qu'elle semble regarder avec amour et regret. Comme MM. Jourdain et Duval le font très justement observer, l'idole a une très grande analogie avec l'entrée de l'enfer telle qu'on la représentait dans les Jugements derniers, au XIIIe siècle (4).

Pour plusieurs des derniers sujets, l'ordre chronologique n'est plus, on ne sait pourquoi, suivi d'une façon rigoureuse.

Pl. XLVI. io5. — Israël avait encore murmuré contre Dieu et contre Moïse, « c'est pourquoi Dieu envoya contre le peuple des serpents enflammés : plusieurs en furent tués et blessés, et ils vinrent à Moïse et lui dirent : Nous avons péché en parlant contre Dieu et contre toi; prie-le qu'il nous délivre des serpents. Et Moïse pria pour le peuple ». Sur l'ordre du Seigneur, il fit un serpent d'airain, et le plaça comme un signe. Ceux qui le regardaient étaient guéris de leurs morsures (5). Le serpent d'airain, figuré par un dragon à deux pattes et ailé, est placé au haut d'une colonne posée elle-même sur un autel carré porté par quatre colonnettes. Moïse le montre de sa verge à des Hébreux qui s'approchent, se débattant contre des serpents qui cherchent à les mordre. Un autre Israélite — on ne sait si c'est par hasard ou avec intention, mais il a un type sémitique admirablement réussi — s'approche du serpent en étendant les bras et fléchissant le genou d'un air qui

(1) Lèvit., x, 1, 2.

(2j Vestitos lineis tunicis /1. Levit.. x, 5.

(3) De semine tuo non dabis ut consecretur idolo Moloch />. Lèvit., XVIII, 21. - Voy. aussi Lèvit., xx, 2-5.

— « Ut nemo consecraret filium suum aut filiam per

ignem Moloch n. IV Reg., xxiii, 10. — E\ccli., xvi, 20. 21, etc.

(4) Voy. ci-dessus, t. I, p. 375.

(5) Num., xxi, 5-9.

exprime la reconnaissance. Une femme lui met la main sur l'épaule. La scène se passe au milieu d'une campagne plantée d'arbres, dans le fond de laquelle on aperçoit deux châteaux flanqués de tours.

106. — C'est au chapitre précédent du livre des Nombres, que se trouve le récit du fait bien connu qui fait le sujet de cette miséricorde. Les Israélites arrivés au désert de Sin murmuraient de manquer d'eau. Sur l'ordre de Dieu, Moïse frappa une pierre de sa verge, et l'eau en sortit avec abondance (i). Dans une campagne plantée d'arbres, Moïse frappe de sa verge une pierre quadrangulaire, qui a presque la forme d'un autel, et d'où jaillissent trois courants d'eau. Six personnages diversement vêtus, trois de chaque côté, contemplent la scène avec des expressions de surprise.

RAMPE 1 106 (pl. LXXXIII, en Z). — IER groupe (2). — Il faut remonter encore plus haut dans le livre des Nombres pour trouver le sujet ici représenté. Pas n'est besoin de rappeler comment Moïse envoya un homme de chaque tribu explorer la Terre promise, et comment ceux-ci revinrent rapportant, entre autres fruits magnifiques, une branche de vigne avec sa grappe portée par deux hommes sur un brancard (3). L'un des deux hommes est vêtu d'une double robe richement galonnée et gemmée. La robe de l'autre est traînante et serrée à la taille. Ils portent sur leurs épaules un gros bâton noueux auquel une grappe colossale est suspendue. Deux arbustes croissent à leurs pieds.

Le reste de cette rampe et la suivante sont consacrés à l'histoire de Samson (4).

2" groupe. — Le sujet figuré n'est pas à sa place chronologique, qui devrait être entre les 2e et 3e groupes de la rampe 1 107; c'est probablement pour faire pendant au dernier de ceux-ci qu'il a été mis à cet endroit. Pour ne pas interrompre la suite des sujets, nous le décrirons à son temps.

3e groupe. — Samson met en pièces un jeune lion qui se jetait sur lui (5).

Barbu, bras et jambes nus, il n'a pour vêtement qu'une longue tunique fendue par devant, à larges manches et serrée à la taille, sans doute pour montrer qu'il ne tirait sa force que de l'esprit du Seigneur. Sa longue chevelure est retenue par un bandeau noué par derrière. Il vient de terrasser le lion dont il écarte de ses mains les deux mâchoires.

4e groupe (6). — Samson avait détruit les moissons des Philistins en y lâchant des renards dont il avait enflammé les queues. Pour se venger, les Philistins sont montés dans la terre de Juda afin de s'emparer de lui, mais Samson, armé d'une mâchoire d'âne, leur tua mille hommes (7). Un bras levé (8), Samson s'apprête à frapper sur un Philistin qu'il tient terrassé, en s'appuyant sur un autre à l'air jeune, richement vêtu, et déjà mort. Deux cadavres gisent sous lui.

Le long de la traverse supérieure croissent diverses plantes.

RAMPE 1 107 (pl. LXXXIII, en Y). — IER groupe (9). — Samson souffrit alors

(1) Num., xx, 1-11.

(2) Sur le plus bas montant.

(3) Num., xiii, 24.

(4) Jud., XIII-XVI.

(5) Jud., xiv, 5, 6.

(6) Sur le plus haut montant.

(7) Jud., xv, 9-17.

(8) Il est brisé. C'est celui qui tenait la mâchoire d'âne dont on voit encore un morceau attaché à la robe de Samson.

(9) Sur le montant le plus élevé.

d'une soif ardente : le Seigneur ouvrit une molaire de la mâchoire d'âne, des eaux en sortirent et Samson put en boire et reprendre des forces (1). Samson (2), est à genoux, en prières devant un rocher planté d'arbres, sur lequel est posée la mâchoire d'âne, de la molaire de laquelle s'échappe un filet d'eau.

2e groupe. — Samson était allé passer la nuit chez une courtisane dans la ville de Gaza; avertis de sa présence, les Philistins fermèrent les portes et y placèrent des gardes afin de le tuer lorsqu'il sortirait. Samson dormit jusqu'à minuit, et s'étant levé, saisit les deux battants de la porte avec les jambages et la serrure ; les ayant chargés sur ses épaules, il alla les porter au haut de la montagne qui regarde Hébron (3). Fléchissant les genoux et portant sous chaque bras un vantail de porte solidement bâti avec ses gonds, pentures, boulons, etc., Samson se dirige vers le haut de la rampe.

Samson aima une femme, appelée Dalila. Les princes des Philistins tâchèrent de savoir par elle le secret de la force extraordinaire dont il était doué. Après plusieurs fausses réponses, Samson dit à Dalila : Si tu enlaces sept cheveux de ma tête avec de la trame et si tu les attaches à un clou fiché en terre, je serai faible.

Dalila l'expérimenta vainement (4). C'est évidemment cette tentative infructueuse qui est représentée dans le groupe de la rampe 1 106 (pl. LXXXIII, en Z), faisant pendant à celui que nous allons décrire (5). Dalila est très richement costumée comme une « femme de vie dissolute » qu'elle est : robe à traîne couverte d'une seconde jupe beaucoup plus courte, d'une étoffe raide, taillée en écusson par devant et par derrière, bordée d'un large galon, avec un affiquet dans l'angle formé par la rencontre des deux écussons; corset ouvert en pointe devant et derrière avec bouillons aux emmanchures; sur sa tête un couvre-chef qui cache entièrement sa chevelure, et par-dessus lequel est posé un chapeau à larges bords orné de deux enseignes. Elle est à demi couchée, et Samson est étendu sur ses genoux : longue chevelure, forte barbe, traits énergiques, il n'a pas ce vêtement sommaire que nous lui voyons dans les autres groupes mais il est entièrement couvert d'une armure de plates, avec gantelets et solerets à bec de cane; par-dessus cette armure est drapé un manteau. Il est endormi, ivre sans doute, car deux pots sont à côté de lui, l'un couvert, l'autre sans couvercle et rempli de vin.

D'une main, Dalila lui pose sur la tête un instrument qui est malheureusement brisé; son autre bras a aussi disparu. Elle était sans doute occupée à entortiller sept cheveux de son amant dans une trame et à les attacher à un clou.

3° groupe (pl. LXXXIII, en Y). — Plusieurs fois déçue, Dalila a renouvelé ses instances et a fini par arracher à Samson la vérité. Si sa tête vient à être rasée toute sa force s'en ira. Elle le fait donc dormir sur ses genoux, la tête penchée sur son sein, elle fait venir un barbier, fait raser sept cheveux de son amant et appelle les Philistins (6). Samson a repris son premier costume. Il est endormi couché à plat ventre sur les genoux de sa maîtresse qui, sans s'être donné la peine de faire venir un barbier (7), fait elle-même l'opération au moyen d'un rasoir dont la forme est assez curieuse. Le costume de Dalila, toujours fort élégant,

(1) Jud., xv, 17-19.

(2) Une partie du bas du visage est brisée.

(3) Jud., xvi. 1-3.

(4) Jud., xvi, 4-13.

(5) Voy. ci-dessus, t. II, p. 206.

(6) Judic., xvi, 16-19.

(7) '( Vocavitque tonsorem Jud., xvr, 19.

diffère du précédent. Sa longue robe serrée à la taille, est ouverte en carré sur la poitrine, laissant voir les plis d'une chemisette, et en pointe avec revers dans le dos; elle a des manches à gigot tailladées aux poignets. Sa coiffure n'a pas changé.

4e groupe (i). — Les Philistins se sont sans peine emparés de Samson, lui ont crevé les yeux et l'ont emmené enchaîné prisonnier à Gaza (2). Ce ne sont pas sept cheveux, ni même sept mèches de cheveux (3) qui ont été coupés à Samson, mais toute la chevelure. Il est debout, le crâne complètement dénudé, mais la barbe encore entière, les yeux crevés; il fait réellement pitié. Les mains et les bras liés par des cordes, il est tenu par deux soldats : l'un porte par-dessus une robe fort riche qui descend jusqu'aux mollets, une cuirasse avec épaulières et lanières retombant sur les avant-bras, et est coiffé d'un casque. L'autre vêtu à peu près de même, est drapé dans un ample manteau.

Le long de la traverse supérieure croissent diverses plantes, à travers lesquelles se promènent un chien, un oiseau à longue queue et un escargot.

Les quatre dernières miséricordes sont consacrées à l'histoire de David, ou plutôt de sa victoire sur Goliath. Rappelons brièvement les faits. Les Philistins avaient assemblé toutes leurs troupes pour combattre, et campaient entre Socho et Azeca. Saül et les enfants d'Israël vinrent dans la vallée de Térébinthe et disposèrent leur armée pour les combattre. Les Philistins étaient d'un côté sur une montagne, et Israël de l'autre, sur une autre hauteur. Un bâtard sortit du camp des Philistins. Il s'appelait Goliath, il avait six coudées et une palme de haut, et il défiait tous les Hébreux en combat singulier, mais nul n'osait se mesurer avec lui. David, le plus jeune des enfants d'Isaï, avait été envoyé par son père vers ses frères qui étaient au camp de Saül, pour leur apporter des vivres et savoir de leurs nouvelles. Il vit alors Goliath sortir du camp des Philistins pour réitérer son défi et tous les Israélites s'enfuir à sa vue transis de peur. Il s'offrit à aller le combattre. Saûl lui objectant sa jeunesse, il lui répondit : Ton serviteur faisait paître le troupeau de son père; venait un lion ou un ours qui enlevait un bélier, je les poursuivais, je les frappais, je leur arrachais leur proie, s'ils se retournaient contre moi, je les attrapais au menton et les étranglais. Saül revêtit David de ses propres armes, mais David peu accoutumé à une telle charge ne pouvait plus marcher; il s'en défit donc et marcha sur le Philistin armé seulement de son bâton, de sa fronde et de cinq pierres bien polies qu'il avait prises dans le torrent et mises dans sa besace de berger. Lorsque Goliath aperçut David, il le méprisa : c'était un jeune homme roux, d'une belle figure. Mais David mit la main à sa besace, en tira une pierre, la lança avec sa fronde, et frappa le Philistin au front; la pierre s'y enfonça et le géant tomba le visage contre terreMais comme David n'avait point d'épée, il courut sur le Philistin dont il tira l'épée du fourreau, et lui trancha la tête. Les Philistins voyant que le plus fort d'entre eux n'était plus, prirent la fuite (4).

MISÉRICORDES. — Pl. LXXVI. 107. - Au milieu d'une prairie plantée d'arbres, où l'on aperçoit châteaux et maisons, David, jeune et imberbe, chaussé de houseaux

(1) Sur le plus bas montant.

(2) Jud., xvi, 21.

(3) « Rasit septem crines ejus ». Jud., xvi, 10.

(4) I, Reg., XVII.

et vêtu d'une saie fendue sur le côté avec plastron attaché sous les épaules par des aiguillettes, besace frangée à la ceinture (i), sa houlette à terre à côté de lui, lutte contre un lion dont il écarte les mâchoires (2), à peu près de la même manière que nous avons vu le faire par Samson (3). Dans l'ardeur de la lutte, son chapeau tombe à terre. Survient un ours qui aura bientôt le même sort. Les moutons d'Isaï paissent tranquillement à droite et à gauche; deux béliers luttent du front.

108. — David en présence de Saül s'offre pour aller combattre le Philistin.

Une salle du palais de � Saûl, à l'extérieur de laquelle on aperçoit un arbre; d'un côté une porte, de l'autre, un joli dressoir sur lequel sont placées deux écuelles.

Saûl, vieillard à longue barbe, vêtu d'une robe traînante à collet festonné et coiffé d'un haut chapeau orné de la couronne royale et surmonté d'un rang de crevés et d'une boule, le sceptre à la main, est assis dans un fauteuil, accompagné de deux suivants ou ministres debout. Il étend la main gauche et semble écouter les paroles de David qui vient d'entrer, tenant son chapeau d'une main et sa houlette de l'autre.

109. — Goliath est frappé par la pierre. Au milieu d'un paysage avec arbres, châteaux et maisons, David, sa houlette d'une main et sa fronde de l'autre, regarde placidement Goliath qui, frappé à la tête, tombe à la renverse, soutenu par un guerrier. Le géant porte un costume de guerre extrêmement compliqué où l'on a évidemment cherché à rendre la description détaillée qu'en donne l'Écriture : armures de plates aux jambes (4), long haubergeon par-dessus lequel est une grande cuirasse imbriquée, articulée (une brigandine?) et garnie de tassettes (5), avec brassards, gantelets et spallières, casque à rosettes sur les tempes (6), ceinturon et épée au fourreau, pendue au côté (7). Il porte un longue barbe. Un soldat le soutient dans ses bras.

IIO (8). — Le décor est à peu près semblable au précédent. Le Philistin est étendu à terre, la tête découverte, son casque roulant à côté de lui. Ce casque diffère légèrement de celui de la précédente miséricorde : il est agrémenté d'espèces d'ailes sur les côtés. David prenant le géant par la chevelure, lui tranche la tête avec la propre épée de celui-ci (9). Les Philistins, figurés par deux guerriers vêtus d'armures, de casques et de manteaux, armés de lances et d'épées, prennent la fuite.

Il est impossible de deviner ce qui pouvait être représenté sur les deux dernières miséricordes supprimées au XVIIIe siècle. Quoi qu'il en soit, l'histoire de l'Ancien Testament se termine par celle de Job qui occupe les cinq groupes de la rampe H 110.

RAMPE H 110 .(pl. LXXVIII, en Z). — ier groupe (10). — Job et sa famille dans la prospérité (fig. 202, en Z) (11). Respectable père de famille avec sa longue barbe et ses longs cheveux, une robe traînante à collet bordé d'un riche galon,

(1) « Pera pastoralis », I. Reg., XVII, 40.

(2) « Apprehendebam mentum eorum ». 1 Reg., XVII, 35.

(3) Rampe J 106, 3e groupe.

(4) « Ocreas aereas in cruribus ». I Reg., xvn, 6.

(5) « Lorica squamata ». I Reg., xvn, 5.

(6) « Cassis aerea super caput ejus ». 1 Reg., xvn, 5*

(7) MM. Jourdain et Duval, op. cit., parlent aussi de

sa lance, mais nous n'en avons point vu.

(8) Cette miséricorde a été déplacée; elle occupe

aujourd'hui le n° 55. — Celle qui se trouve ici devrait occuper le n° 43. (Voy. ci-dessus, t. II, pp. 184 et 189).

(9) Cf. une gravure sur bois du Josèphe, de la Guerre judaïque édité par Antoine Vérard, 1492.

(10) Sur le montant à gauche du spectateur.

(11) Job, 1, 1-3.

son chapeau à mèche orné d'une enseigne, Job s'avance accompagné de son épouse, qui porte une élégante robe décolletée en carré par devant, et un bourrelet rattaché par une large gourmette ou écharpe. Autour d'eux se pressent leurs sept fils et leurs trois filles (i), de toutes les tailles et diversement costumés. Une des filles porte autour de la. tête un bandeau orné de petits affiquets, une autre est coiffée à la

Y.. Puimpe E 32.

Z,_Rampe Hno.

Fi(j. 202

mode d'Anne de Bretagne, la troisième d'un mouchoir. Deux bœufs et trois moutons couchés à leurs pieds synthétisent les sept mille brebis, les trois mille chameaux, les cinq cents paires de bœufs et les cinq cents ânesses qui composaient la fortune du saint homme (2). On est surpris que l'entailleur ait pu grouper sur un si petit espace douze personnages et cinq animaux qui n'y paraissent pas trop à l'étroit.

2° groupe (3). — Satan a obtenu de Dieu le pouvoir d'éprouver Job. Il a perdu tous ses biens et tous ses enfants; une lèpre effroyable s'est emparée de tout son corps, et il est étendu sur un fumier, raclant ses plaies avec un tesson (4).

(1) « Natique sunt ei. septem filii et très filial ô. Job, i, 2.

(2) Job, 1, 3.

(3) Sur la traverse.

(4I Job, 1, 0-22 ; II, 1-0. — Les pauvres malades couchés

sur des fumiers n'étaient pas chose inouie au xvie s.

En 1558, durant une peste, des échevins d'Amiens furent commis « pour faire loger ès hospitaulx. les pauvres gens malades, lesquelz sont couchez sur plusieurs fumiers

Job, couvert d'ulcères, entièrement nu, est assis sur un tas de fumier. Ses mains jointes et l'expression de son visage tourné vers le Père Éternel qui est au groupe suivant, peignent les sentiments de résignation dont il est animé. Derrière le fumier, ricane Satan, monstre entièrement nu, à figure humaine horriblement grimaçante, le corps couvert de verrues, cornes de bœuf, oreilles d'âne, ailes de chauve-souris, visages monstrueux au bas du ventre et aux genoux, poils sur les reins et les cuisses, griffes d'oiseau en guise de pieds. Il tient dans ses mains une espèce de massue.

3e groupe. — Le Père Éternel à mi-corps, au milieu de nuages, tête nue, longs cheveux, longue barbe, chape attachée sur la poitrine par un riche fermail, le globe du monde dans une main, étendant l'autre vers Job, au groupe précédent, qu'il regarde avec bienveillance.

4e et 56 groupes. — Job tenté par sa femme et visité par ses amis (i).

Job (2) est encore sur son fumier, mais accablé de tristesse. La main sur son visage, son attitude contraste avec l'air résigné qu'il avait précédemment. Il a le visage tourné vers ses amis et sa femme qui occupent le groupe suivant.

Par derrière, Satan, exprime sa satisfaction par un rire effrayant, et s'apprête à frapper encore de son bâton noueux (3).

La femme de Job (4) est vêtue d'une façon aussi riche que précédemment (5).

Les amis du saint homme l'accompagnent au nombre de quatre. Diversement et somptueusement costumés, ils sont debout et regardent Job d'un air de pitié.

Histoire de la Vierge Marie.

Nous nous rappelons que l'histoire de la Vierge Marie est disposée dans les bas-reliefs sculptés à la partie inférieure des jouées des deux maîtresses stalles sur leur dorsal et sur les rampes qui terminent les stalles basses aux extrémités et dans les passages.

MAITRESSE STALLE, 1 (pl. LXXVII, en Y). — Jouée Ai. — Comme l'histoire du Christ, celle de la Vierge Marie commence à sa conception. Elle remonte même plus haut que sa conception matérielle dans le sein de sainte Anne. On sait que, de très bonne heure, les Pères ont appliqué à Marie, à sa maternité virginale et à toutes les faveurs spirituelles qu'ils se sont plus à lui reconnaître en conséquence de sa haute dignité de mère de Dieu, les images les plus poétiques que l'Écriture Sainte prodigue à la Sagesse divine et à l'Épouse des Cantiques. Ces délicieuses métaphores, d'une richesse tout orientale, ont passé dans la liturgie, et l'office des fêtes de la Sainte-Vierge en est presque exclusivement composé. Déjà nous avons

et venelles de celliers en diverses rues de ceste ville, par grand pauvreté ». Arch. de la ville d'Am., BB 31, fol. 157.

(1) Job, 11, 9-13.

(2) Sur la traverse.

(3) Il est curieux de remarquer que cette tradition de représenter le diable ricanant derrière Job sur son

fumier, s'est perpétuée jusqu'en plein xvnic s., comme on peut le voir dans la vignette placée en tête du livre de Job dans la Bible en latin et en français par Lemaistre de Sacy, (Paris, 1717, 4 vol. in-fol ), t. I, p. 830.

(4) Sur le montant, à droite du spectateur.

(5) La ruine de son mari ne paraît pas l'avoir atteinte.

rencontré au XIIIe siècle, dans l'imagerie du grand portail (i), des allusions que nous allons retrouver. Mais nos artistes du XVIe siècle, ou plutôt ceux qui leur ont donné leur programme, ont mis en tête de l'histoire de Marie, dans le bas-relief qui occupe la partie inférieure de la jouée de la première stalle, une représentation symbolique qui avait alors une très grande vogue.

« Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies, avant qu'il créât aucune chose au commencement. J'ai été établie dès l'éternité et de toute antiquité.

Les abîmes n'étaient pas encore, et j'étais déjà conçue; l'eau des fontaines n'avait pas encore jailli; la pesante masse des montagnes ne s'était pas encore assise.

Lorsqu'il préparait les cieux, j'étais là », etc. (2). C'est par ces paroles du livre des Proverbes que l'on a voulu marquer la prédestination de Marie, sa conception, pour ainsi dire, dans les desseins éternels de Dieu.

Depuis le xve siècle on avait pris l'habitude de figurer cette prédestination éternelle de Marie en représentant la Vierge, seule au milieu d'attributs tirés des métaphores de l'Ancien Testament qui convenaient le mieux pour symboliser non seulement sa maternité virginale, mais encore et surtout son immaculée conception, déjà depuis longtemps l'objet d'une croyance très répandue, bien avant que Pie IX ne l'ait définie comme dogme en 1854 (3).

La représentation que nous allons décrire ne diffère pas des autres, si nombreuses, du même genre. Sur un nuage qui occupe tout le bas de la composition, Marie est debout, les mains jointes, sans l'Enfant Jésus. Elle est chaussée de sandales et porte une robe de dessous tombant à la cheville.

Par-dessus est une autre robe beaucoup plus longue qu'elle retrousse fort élégamment sur son bras gauche, de manière à laisser voir la première. Un peu plus bas que la taille est une courroie attachée par une boucle. Elle est nu-tête, sa chevelure tombant en longues tresses sur ses épaules (4). L'ensemble de la figure et des draperies est fort gracieux; mais le visage, d'après ce qui en reste (5), paraît avoir été assez banal. Autour d'elle sont rangés les emblèmes, placés sur des nuages et accompagnés chacun d'une banderole sur laquelle devait être inscrit le texte de l'Écriture s'y rapportant, mais qui est restée muette. On peut facilement y suppléer au moyen des monuments similaires, et notamment des estampes qui,

(1) Voy. ci-dessus, t. I, p. 388.

(2) «• Dominus possedit me in initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio. Nondurn erant abyssi et ego jam concepta eram ; necdum fontes aquarum eruperant, necdum montes gravi mole constiterant.

Quando praeparabat cœlos, aderam », etc. Prov., vin, 22 et seq. — Dans le missel romain actuel, ce passage du livre des Proverbes sert d'épître aux fêtes de l'Immaculée Conception et de la Nativité de la Sainte-Vierge. — Une gravure du XVIe s. publiée par l'abbé Crosnier (Bull. monum., t. XXIII, p. 70) représente sainte Anne ayant dans son sein la Vierge Marie, qui porte elle-même l'Enfant Jésus dans ses flancs. Elle est entourée des mêmes attributs que ceux que nous allons décrire. La gravure a pour légende « Necdttm erant abyssi et ego jam concepta eram ».

(3) Ce n'est pas, croyons-nous, par une circonstance fortuite que nous avons vu dans la partie haute de la

même jouée Marie dominer dans sa gloire la scène de la faute d'Adam et d'Ève.

(4) Rappelons qu'au moyen âge, la coiffure en cheveux était un signe de virginité. Les femmes mariées et les filles prostituées avaient la tête couverte. Les jeunes filles se mettaient en cheveux pour se marier; mais il fallait qu'elles fussent vierges. « Pour paroles injurieuses qu'on lui imposait (à une femme) avoir dites à une nommée Buion, fille d'une merchière. lequele Buion avoit dit que la fille dont on faisoit la feste pour son mariage., n'estoitpas bonne fille et ne deveroit pas aller en cheveux à l'église à sondict mariage H. Échevin. du 19 avril 1456.

Arch. de la ville d'Am., BB 8, fol. 23 v°. — Nous verrons que la Vierge Marie dans la scène des fiançailles et que la mariée des Noces de Cana sont aussi en cheveux.

(5) Le visage et les mains de la Vierge sont usés par le frottement.

dans les Heures de Simon Vostre accompagnent l'office de la Conception, et sur lesquelles notre bas-relief paraît avoir été copié. Elles nous fourniront les textes qui nous manquent (i).

En bas et à la droite de Marie, un petit jardin entièrement entouré d'une palissade en treillis, et divisé en quatre carrés par deux allées, est l' « Hortus conclusus » (2), symbolisant dans Marie la double qualité de mère et de vierge.

Un peu plus haut, et tout à côté de la Vierge, une branche fleurie (3) autour de laquelle la banderole est enroulée, rappelle la verge fleurie de Jessé. « Virga Jesse floruit » (4).

A côté est le puits d'eaux vives, qui, avec la fontaine que nous allons rencontrer, symbolise l'abondance des grâces dont Marie fut comblée. « Puteus aquarum viventium » (5). C'est un charmant puits adossé à une maison, comme il s'en faisait beaucoup au commencement du XVIe siècle. La margelle, qui est carrée à pans coupés, est ornée de moulures. La poulie, à laquelle une seille de bois pend par une corde, est abritée par un joli appentis ou « huvrelas » en charpente, à double rampant et couvert en tuiles. C'est un charmant petit modèle de ces puits comme il y en avait tant alors dans Amiens.

Entre le puits et le bord du bas-relief, s'élève un arbre autour duquel est enroulée la banderole qui devrait porter l'inscription : « Exaltata cedrus » (6).

On s'aperçoit que nos artistes occidentaux n'avaient jamais vu de cèdre. C'est un arbre quelconque, dont les feuilles ressemblent à peu près à celles du pommier.

Plus haut, est une branche de rosier avec ses fleurs, qui sont doubles, ses boutons et ses feuilles. « Plantatio rose » (7).

Près de la tête de la Vierge, et à sa droite, se dresse une porte de ville fermée. La baie est en plein cintre, flanquée de deux tourelles cylindriques dont les combles ont la forme de petits dômes et sont couverts de tuiles arrondies (8).

En haut, règne une suite de créneaux et de mâchicoulis, au-dessus desquels s'élève un pignon qui est percé de petites fenêtres et dont les rampants sont ornés de crochets. Le comble est couvert d'ardoises quadrangulaires. « Porta celi » (9).

Plus vers la droite sont la lune et le soleil : la lune figurée par une grosse face humaine imberbe, vue de profil et sortant d'un croissant; le soleil, par une grosse étoile à huit rais flamboyants. « Pulcra ut lima; electa ut sol » (10).

(1) Il faut remarquer que ce sont des textes de l'Écriture et non des invocations des litanies de la Sainte-Vierge comme on le croit parfois. Tels sont du moins les textes que l'on rencontre dans les représentations les plus anciennes. Toutefois, dans celles qui sont plus récentes, de la seconde moitié du XVIe siècle, par exemple, alors que l'on commençait à perdre de vue le sens exact du sujet qui nous occupe, il n'est pas rare de rencontrer des invocations inspirées par les litanies lorétaines, telles que « Rosa mystica », au lieu de « plantatio rosae »; « spéculum justitiae » au lieu de f speculum sine macula », etc.

(2) Cant., iv, 12, 13. — Brév. d'Am. impr. de 1528, In Nativ. B. M., 5e ant. de vêpres.

(3) Un peu mutilée.

(4) « Et egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice ejus ascendet ». Is., xi, 1. La racine est le peuple juif, la tige, la Vierge Marie, et la fleur, le Christ. Voy-

ci-dessus, 1.1, p. 382.

(5) Cant. IV, 15. — Brév. d'Am. impr. de 1528, In Concept. B. M., 8e ant. de matines.

(6) « Quasi cedrus exaltata sum in Libano ». Eccli., xxiv, 17. Missel d'Am. impr. de 1506, In Concept. B. M.; épitre.

(7) « Quasi plantatio rose in Hierico ». Ibid.

(8) Nous en avons déjà rencontré de semblables dans les clôtures ; nous en retrouverons encore dans les stalles.

(9) Il est inutile de rappeler les nombreuses pièces liturgiques dans lesquelles la Vierge Marie est comparée

à la porte du Ciel. Qu'il nous suffise de citer le vers <r Felix cœli porta » de l'hymne A ve maris stella, qui fait partie de l'office de toutes les fêtes de la Sainte-Vierge.

(10) Cant., vi, 9. — Ces paroles ont toujours été appliquées par les Pères à Marie.

De l'autre côté, une étoile à six rais droits et aigus. « Stella maris » (i).

Un lis avec ses fleurs, boutons et feuilles (2) symbolise ces paroles : « Sicut lilium inter spinas » (3).

« Oliva speciosa » (4). C'est un olivier chargé de feuilles et de fruits. La banderole est enroulée autour du tronc.

- Entre cet arbre et la Vierge s'élève une tour, ou plutôt tout un château avec son enceinte crénelée, flanquée de tours carrées couvertes en dômes, et sans porte apparente. Au centre on aperçoit des constructions avec pignons à crochets, clochetons, etc. « Turris David cum propugnaculis » (5).

Une ravissante fontaine, mi-gothique mi-Renaissance, rappelle ces mots dont l'Epoux des Cantiques qualifie sa bien aimée : « Fons ortorum » (6). Au centre d'une auge octogonale décorée dans le style de la Renaissance, est une vasque de même forme, à chaque angle de laquelle les eaux sont crachées par une tête de monstre. La vasque est surmontée d'un clocheton en style gothique flamboyant.

Entre cette fontaine et la Vierge, est un petit miroir circulaire, bombé, dont le cadre est orné de perles et de feuilles de refend. « Spéculum sine macula » (7).

Tout en bas et à gauche de la Vierge, s'élève la Cité de Dieu « Civitas Dei » (8). C'est toute une ville, avec son enceinte fortifiée, flanquée de tours octogonales couvertes en dômes. La porte, comme presque toutes les portes de ville du moyen âge, est accostée de deux grosses tours cylindriques à deux étages, surmontées de toitures en tuiles, et sommées de fleurons. Au-dessus de la porte, est un pignon percé de trois ouvertures circulaires et orné de crochets le long de ses deux rampants. A l'intérieur se pressent toits, pignons, cheminées, clochers, sans oublier le beffroi flanqué de quatre échauguettes.

Dans le haut du bas-relief, sous un ciel étoilé, le Père Éternel apparaît à mi-corps, le visage orné d'une longue barbe, coiffé d'une tiare à trois couronnes, une chape sur les épaules.. Il tient le globe du monde d'une main et bénit de l'autre. A ses côtés, six anges volent les ailes éployées, déroulant devant lui une longue banderole qui devrait porter cette inscription : « Tota pulcra es arnica mea et macula non est in te » (9).

L'arrangement de la partie haute du dorsal comprend trois sujets principaux et quatre accessoires. Dans les quatre sujets accessoires, nous reconnaîtrons les quatre faits de l'Ancien Testament que nous avons déjà vus dans quatre des

(1) Beaucoup d'anciens commentateurs ont considéré le nom hébreu de Marie comme l'équivalent de stella maris, « étoile de la mer ». D'où le premier vers de l'hymne Ave maris stella. — « Stella Maria maris hodie concepta refertur ». Brev. d'Am. impr. de 1528, In Concept. B. M. 6e rép. de matines. — On rencontre aussi parfois « Stella matutina ». Eccli., 1., 6.

(2) Un peu mutilé.

(3) Cant.. 11, 2. Brev. d'Am. impr. de 1528. In Concept.

B. M., 2e ant. de matines. On rencontre aussi quelquefois « Lilium convallium ». Cant., II, 1.

(4) « Quasi oliva speciosa in campis ». Eccli., xxiv, 19.

Missel d'Am. impr. de 1Ç06, In Concept. B. M., épître.

15) c Sicut turris David collum tuum, quae aedificata est cum propugnaculis ». Cant., IV, 4.

(6) Cant., iv, 15. Brév. d'Am. impr. de 1528, III

Concept., B. M., 8e ant. de matines. — On rencontre aussi parfois : « Fons signatus ». Cant., IV, 12.

(7) « Spéculum sine macula Dei majestatis ». Sap., vu, 26. Allusion à l'immaculée conception.

(8) «Gloriosa dictasunt de te, civitas Dei».s.Lxxxvi, 3.

Sixième psaume des matines de la Sainte-Vierge. — Ils sont innombrables les textes de la Bible se rapportant à la cité sainte, et que les Pères et la liturgie ont appliqués à Marie considérée comme l'habitation du Christ.

(9) Cant., iv. 7. Il faut remarquer dans ce texte, qui est comme letitre de tout le sujet, l'allusion à l'immaculée conception. Il a passé dans l'office actuel de l'Immaculée Conception ; il ne figure pourtant pas encore dans l'office de la Conception au missel et au bréviaire d'Amiens de 1506 et 1528.

quatrefeuilles de la porte de la Mère Dieu, considérés comme figures de la maternité virginale de Marie et sur le symbolisme desquels nous n'avons pas à revenir (i).

1. Le Buisson ardent. — Moïse vêtu d'une robe demi longue, à col rabattu, barbu et tête nue, est assis les jambes croisées au milieu d'une campagne dans laquelle paissent des moutons (2). Dans le fond, est un buisson au-dessus duquel le Père Éternel apparaît à mi-corps portant le globe du monde et bénissant. Il est aussi muni d'une forte barbe et tête nue (3).

2. La Verge d'Aaron. — Aaron, le visage orné d'une longue barbe, est en costume de grand prêtre, ou à peu près : robe traînante, par-dessus laquelle est une tunique plus courte, fendue des deux côtés, bordée d'un riche galon, avec pendeloques à la ceinture, manches à parements. Sur la tête il porte, non la tiare, mais un chapeau orné d'une enseigne. Une main sur la poitrine, il tient dans l'autre sa verge chargée de feuilles et de fleurs.

3. (Pl. LXXXVI). La vision de Gédéon. — Gédéon porte un costume de guerre complet et fort curieux, celui d'un riche chevalier du temps de Louis XII : solerets, grèves, genouillères et cuissots, haubergeon, cuirasse ornée de volutes dans le dos, et à la courte braconnière de laquelle pendent trois tassettes attachées par des courroies : deux longues sur les côtés, une plus courte par derrière. De dessous les spalières, sortent les manches du haubergeon qui retombent par-dessus les brassards, à peu près jusqu'au coude. Il a la tête découverte. Son armet orné d'une touffe de plumes, est posé à terre à côté de lui. Il est agenouillé les mains (nues) étendues, près d'une toison gisant à terre, sur laquelle le Père Éternel sortant d'un nuage, fait tomber une abondante rosée.

4. (Pl. LXXXVI). La pierre de la montagne. — Une pierre se détache de la cime d'une montagne, au bas de laquelle le prophète Daniel, jeune homme imberbe, aux cheveux bouclés, drapé dans un long manteau, fait un geste de recul bien naturel exprimant à la fois la surprise et la crainte de recevoir la pierre sur la tête (4).

Après ces figures préliminaires, commence l'histoire proprement dite de Marie.

Le Nouveau Testament est absolument muet sur l'histoire de la Vierge antérieurement à ses fiançailles avec Joseph (5), et postérieurement à la retraite des apôtres dans le Cénacle (6); mais de très bonne heure la légende lui a fait Une biographie complète de sa conception à sa mort et son assomption. Cette légende est fort connue et eut un très grand succès dans l'imagerie du moyen âge (7).

(1) Voy. ci-dessus, t. I, p. 388. — MM. Jourdain et Duval (Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. VII, P- 277, ont fait un judicieux rapprochement entre ces mêmes sujets traités par les artistes du XIIIe s. et par ceux du XVIe.

(2) « Moyses autem pascebat oves Jethro, soceri sui, sacerdotis Madian ». Exod., m, i.

(3) « Apparuitque ei Dominus in flamma ignis de medio rubi ». Exod., 111, 2. — MM. Jourdain et Duval font observer que, le Seigneur n'est pas figuré dans le quatrefeuilles du portail.

(4) La statue dont parle la Bible n'est pas plus figuréé que dans le quatrefeuilles du grand portail.

(5) « Cum esset desponsata mater ejus Maria Joseph ».

Matth., 1, 18.

(6) « Hi omnes erant perseverantes unanimiter in oratione, cum mulieribus et Maria matre Jesu ». Act., 1, 14.

(7) Elle est rapportée avec quelques variantes par plusieurs des évangiles apocryphes. (Hist. de Joseph le, charpentier, III, iv. — Protévangile dit de saint Jacques le Mineur, i-ix. - -Evangile de la Nativité de sainte Marie, I-VJII. — Hist. de la Nativ. de Marie et de VEnfance

C'est à elle que sont empruntés les premiers et les derniers sujets de la suite que nous allons décrire (i). Pour le reste, on a suivi l'Evangile et les Actes des Apôtres.

5. (Pl. LXXXVI). Joachim, Galiléen, de la cité de Nazareth, avait épousé Anne de Bethléhem. Tous deux étaient justes et accomplissaient la loi de Dieu, mais vingt ans s'étaient écoulés et Anne restait stérile. Ils avaient fait vœu de consacrer au Seigneur le premier enfant qui leur naîtrait. Un jour de Dédicace, Joachim se présentait à l'autel avec ceux de sa tribu, pour y déposer son offrande : il fut repoussé par le prêtre, pour avoir encouru les malédictions de la loi en n'augmentant pas le peuple de Dieu. Nous sommes dans le Temple figuré par un édifice gothique voûté à liernes et tiercerons, avec fenêtres flamboyantes. Derrière l'autel couvert de deux nappes frangées et abrité par un dais brodé, frangé et de forme polygonale, se tient le prêtre. Il est barbu, coiffé d'une mitre dont les cornes sont placées à droite et à. gauche et qui est posée sur un bonnet : il porte une longue tunique dont les manches ont des parements fourrés et une écharpe sur les épaules. Des deux mains il repousse un agneau que, fléchissant le genou, Joachim lui présente.

Celui-ci, muni d'une forte barbe, l'air vénérable et la tête découverte, porte le costume d'un personnage riche et haut placé, le chaperon pendant sur l'épaule.

Anne est derrière lui, personne d'âge et de condition, coiffée de la guimpe et d'un long voile bordé d'un galon perlé et d'une broderie formant comme une suite de fleurs de lis. De l'autre côté, c'est-à-dire à la gauche du spectateur, vient un homme d'apparence jeune et imberbe, tête nue, cheveux bouclés, petit manteau jeté sur les épaules; il porte sous son bras un agneau qu'il s'apprête à offrir et tient par la main un petit garçon qui a sous son bras quelque chose, peut-être son chapeau, et qui regarde son père avec un sourire. Par derrière, à droite et à gauche du prêtre, quatre personnages figurent le peuple : les uns sont barbus, les autres ont le visage rasé. Celui-ci, vêtu d'une houppelande fourrée, à revers, est coiffé d'un mouchoir attaché par un affiquet sur lequel est posé un chapeau.

Celui-là a le bord de son chapeau relevé sur le devant par une enseigne; pardessus ce chapeau est ramené un capuchon. Le troisième est en bonnet carré. Le dernier a une pèlerine de fourrures et un chapeau à longs poils aux bords relevés. Ce groupe et les suivants sont très intéressants pour le costume (2).

6. (Pl. LXXXVI et fig. 2o3). Profondément humilié, Joachim s'enfuit au milieu des bergers de ses troupeaux, pour échapper aux regards de ceux de sa tribu qui avaient été les témoins de sa honte. Mais là, un ange lui apparut, lui donnant des paroles de consolation. Après avoir rappelé l'exemple de Sara, de Rachel et de la mère de Samson, il l'exhorta à aller retrouver sa femme, lui promettant qu'il la rencontrerait à la Porte dorée, et qu'elle lui donnerait une fille qu'il appellera

du Sauveur, I-VIII). Un certain nombre de Pères, tant de l'église grecque que de l'église latine, les auteurs arabes et le Coran lui-même font allusion à plusieurs faits de cette légende. Elle est rapportée par des lettres prétendues de saint Jérôme aux évêques Chromatien et Héliodore. Au XIIIe s., elle a été reproduite dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, d'après Y Evangile de la Nativité de sainte Marie, et les prétendues lettres de saint Jérôme, sous le titre de De Nativitate Beatæ Mariæ

Virginis. — Voy. TrscHENDORF, De Evangeliorum apocryphorum origine et usu ; Evangelia apocrYPha. —

GUST. BRUNET, Les évangiles apocryphes. — GRAESSE, jacobi de Voragine Legendx aurea, - etc.

(1) Nous retrouverons cette légende dans un vitrail du XIIIe s. de la Petite Paroisse (chapelle XXVIII).

(2) Dans les vignettes des Heures de Simon Vostre, ce même sujet est accompagné de la légende : « Affligebat eos tanquam ut expro. ».

Marie. Elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance et, pleine du Saint-Esprit dès le sein de sa mère, elle enfantera elle-même le fils du Très-Haut, par qui viendra le salut à toutes les nations. — La scène se passe au milieu d'une prairie où paissent six moutons gardés par un chien. Au milieu d'eux, est la cabane à

Fig.zoJ__Annont'.t!- de La. Nativité- de* Maries

roues couverte de chaume, dans laquelle couchent les bergers. A l'arrière-plan s'élève une ville avec ses maisons à pignons et lucarnes, ses remparts crénelés, ses tours et surtout sa curieuse porte flanquée de deux tours cylindriques, en avant de laquelle la barrière est levée (1). Çà et là, des arbres. Dans le ciel apparaît un ange les ailes éployées et tenant une banderole muette. Joachim est agenouillé, la tête découverte, les bras étendus, les yeux au ciel, dans une attitude de religieuse extase.

(1) « Ont ordonné qu'ils feront restouper, clorre fermer et machonner toutes les ouvertures des vignes et jardins qui entrent entre lesd. barrières de lad. porte de Montrescu ». Échev. du 26 août 1466, Arch. de la ville d'Am., BB 10, fol. 109. — « Avant faire ouverture des barrières, poseront une sentinelle de deux

hommes armez et embastonnez à la première barrière, pour recongnoistre en premier lieu ceulx quy entreront, et pour fermer hastivement ladicte barrière s'il en est besoing ». Ordonn. pour la garde de la ville d'Amiens du 12 novembre 1575. Arch. de la ville d'Am., AA 16, fol. 162.

Deux bergers l'accompagnent (i), regardant la vision d'un air d'étonnement respectueux. Leur costume est des plus curieux : l'un, assis par terre, est chaussé de souliers assez bas et lacés, d'espèces de bas et de hauts chaussons s'affaissant sur eux-mêmes en faisant revers sous les jarrets et mis par-dessus les chausses à braguette. Son sayon est entièrement ouvert par devant, avec courroie à la ceinture, où pend une besace frangée ayant quelque rapport avec ce que nous appelons un carnier; un manteau est attaché par une aiguillette sur la poitrine. Son chapeau est d'un genre que nous n'avons pas encore rencontré : il paraît être en paille tressée, et sa forme rappelle un peu celle de nos chapeaux dits canotiers. Ce berger tenait dans la main droite un objet qui a disparu, mais dont on voit encore les arrachements. Son compagnon a pour chaussures des souliers déchiquetés par en haut et lacés, d'où sortent des espèces de gamaches ou de guêtres à deux rangs de boutons, montant jusqu'au haut des mollets par-dessus les chausses. Il a un sayon et une besace comme son compagnon; sur ses épaules est une sorte de pèlerine bordée d'un rang de petites bouffettes. Instinctivement il se découvre, tenant à la main son chapeau à longs poils.

7. (Pl. LXXXVI et fig. 2O3). Après avoir quitté Joachim, l'ange alla trouver Anne qui pleurait amèrement, ne sachant où son mari était allé, et lui annonça les mêmes choses. — A peu près vêtue comme précédemment, Anne est agenouillée, les mains jointes, tandis que l'ange, aussi à genoux, lui expose l'objet de son message. Nous sommes en dehors de la maison de sainte Anne, ou plutôt dans une cour intérieure : c'est une très somptueuse habitation bourgeoise, couverte en « tieulle » ou tuiles plates avec jolie crête tréflée sur la faitière, de curieuses cheminées et une lucarne en charpente. Anne est sous la porte du logis qui forme niche au-dessus de sa tête de la façon la plus heureuse. Cette porte est fort riche, en cintre surbaissé, avec superbe fronton sculpté, orné de deux singes qui jouent dans des enroulements de feuillages et surmonté d'un marmouset; la baie est flanquée de deux pilastres dont les fûts sont sculptés d'ornements Renaissance avec chapiteaux à feuilles d'acanthe, surmontés chacun d'un marmouset entièrement nu et tenant un écu. A l'intérieur de cette porte, qui. est ouverte, on aperçoit un escalier de bois en colimaçon, dont le bourdon est tors. A côté de cette porte, s'ouvre une fenêtre à croisée de pierre par laquelle deux indiscrets regardent ce qui se passe au dehors (2). Au-dessous de cétte fenêtre est un petit grillage qui ressemble à un judas. A l'autre extrémité de la maison, une porte plus petite fait pendant à la première : elle est à linteau horizontal et fermée; au-dessus de cette porte, un petit gable à crochets surmonté d'un lion qui tient un écu, et dans le tympan duquel est aussi un écu, monte devant une fenêtre redentée. Ce petit tableau est d'une composition charmante et d'un pittoresque achevé; mais il faudrait en dire autant de tous ceux qui précèdent et de tous ceux qui vont suivre.

PANNEAU DE LA RAMPE B 55 (pl. LXXVIII, en Y). — 1. S'étant donc rencontrés à la Porte dorée, joyeux de se revoir et certains de l'avenir, Anne et Joachim

fil Suivant la légende, l'ange ne serait apparu qu'à Joachim seul. « Ei soli i,, Leg. aur. — Evangile de la

Nativité de sainte Marie.

(2) Le visage de l'un d'eux est éclaté.

adorèrent le Seigneur et retournèrent chez eux, attendant avec joie l'accomplissement de la promesse divine. — Une belle porte de ville dont la baie est à linteau légèrement arrondi dans les angles et surmonté d'un écu parti. Sous ce linteau, on aperçoit le bas de la herse, qui est levée. Comme la plupart des portes principales des villes au moyen âge, elle est flanquée de deux tours cylindriques avec créneaux, meurtrières et mâchicoulis. La partie centrale est en pignon, couverte de « tieulles », avec jolie crête faitière; les deux tours ont leurs combles en forme de dômes couverts de la même façon. A côté de cette porte est une maison à pignon orné de crochets, par la fenêtre à croisée de pierres de laquelle un homme regarde ce qui se passe. On était bien curieux. Plus haut est une espèce de clocher polygonal à deux étages. Par derrière, Jérusalem s'étend avec ses remparts, ses tours, ses portes et ses maisons, et dans le lointain, sur une hauteur, un moulin à vent en bois, à pivot, tout comme il y en avait sur les plateaux qui entourent Amiens. Dans la campagne qui se trouve en avant de la ville, on a figuré des animaux et des arbres, dont un est entouré d'un plessis. A l'extérieur de la porte, Anne sortant de la ville, un fichu sur la tête, et Joachim, la tête découverte, s'embrassent affectueusement. Derrière sainte Anne et encore sous la porte, est une suivante tête nue. Joachim est suivi d'un petit caniche à moitié tondu (1).

2. Nativité de Marie. — Une somptueuse chambre à coucher, lambrissée à draperies plissées, dans un coin de laquelle est accrochée une étagère où sont rangés pots, hanaps, plats, écuelles, gobelets, assiettes, etc., et au-dessous, un curieux porte serviette comme on en rencontre parfois dans les peintures flamandes, et qui paraît être en fer forgé. Tout habillée, la tête voilée et coiffée d'un bonnet carré, Anne est couchée dans un lit de bout, abrité par un dais d'une grande richesse, aux pentes brodées et frangées avec courtines troussées, sous lequel est pendu un joli miroir. Elle est appuyée sur un oreiller à lacets avec bouffettes dans les angles. Une suivante ayant sur la tête une coiffure tuyautée, ornée par en haut d'un affiquet, et d'où s'échappent de longues mèches de cheveux — serait-ce une sage-femme (2)? — présente l'enfant soigneusement emmaillotté à sa mère, tandis qu'une autre femme lave des linges dans le baquet de bois où l'enfant vient sans doute d'être baigné. Ses belles manches ornées sous les aisselles d'un rang de bouts de rubans arrondis, sont retroussées jusqu'aux coudes : sa riche coiffure ornée de volutes aux oreilles et d'un affiquet sur le haut du front, annonce une femme de qualité.

3. Dans l'écoinçon entre les deux principaux cintres qui surmontent les deux bas-reliefs que nous venons de décrire, on a placé comme accessoire un sujet biblique qui ne se rapporte pas à l'histoire de la Vierge Marie, mais qui en est considéré par les Pères comme une figure.

(1) Dans les vignettes des Heures de Simon Vostre, ce même sujet porte pour légende : « Concepit Anna et peperit filiam et adduxit eam (I Reg., i, 20 et 24) ». —

C'est en effet ainsi qu'on représentait généralement la conception de la Vierge Marie. Il y a dans l'église Sainte-Savine, à Troyes, une belle peinture sur bois datée de 1533 et divisée en trois sujets représentant le ier, le sujet qui nous occupe, le 2e, la nativité de la Sainte-Vierge, et le 3e, sa présentation au Temple. Tout autour règne une inscription ainsi conçue :

LAN TRENTE TROYS CINQ CENS AVECQ MILLE DVM BON VOVLOIR ET AMOVR CHARITABLE PAR FEMMES FVT TOVTES DE CESTE VILLE ICY POSÉE CESTE PRESENTE TABLE OV PAR HISTOYRES DVNE DAME NOTABLE ROYNE DV CIEL SONT LA CONSEPTION NATIVITE IOYEVSE VIE LOVABLE ET PVIS AV TEMPLE SA PRESENTATION.

(2) Cf. misér. 91.

Lors de l'établissement d'Israël dans la Terre Promise, Balac, roi des Moabites, fit appeler le devin Balaam pour maudire ce peuple sorti de l'Égypte, qui venait camper près de lui. Balaam, malgré la défense d'en haut, étant monté sur son ânesse ét s'étant mis en route, un ange armé d'un glaive lui barra le chemin de sorte que l'ânesse effrayée refusait d'avancer, malgré les coups qu'elle recevait; alors Dieu ouvrit la bouche de l'ânesse qui se mit à parler et à se plaindre, et l'ange se découvrit à Balaam et lui dit : « Vas avec eux mais ne leur dis rien que je ne t'aie ordonné ». Balaam étant donc reparti et arrivé vers Balac, au lieu de maudire les Hébreux, fit une prophétie qui se terminait par ces mots : « Videbo eum, sed non modo; intuebor illum, sed non prope; orietur stella ex Jacob et consurget virga de Israël », etc. (i). — Comme ils le faisaient parfois, nos artistes ont réuni ces actes successifs en un seul sujet, qui est plutôt un symbole qu'une représentation historique proprement dite. Balaam est figuré par un homme barbu, richement vêtu. Il est monté sur l'ânesse qu'il tient d'une main par la bride, et paraît avoir eu dans l'autre un objet brisé aujourd'hui, qui peut avoir été le bâton dont il frappait l'animal. Devant lui, un ange brandit une épée nue.

Dans le ciel paraît Y étoile prédite par le devin.

Nous revenons à l'histoire de Marie.

PANNEAU DE LA RAMPE C 52 (pl. LXXIX, en Y). — i. Éducation de Marie par sainte Anne. — Une salle voûtée et carrelée; à gauche du spectateur, une vaste cheminée, dont le linteau est orné de figures d'anges tenant des écus, et la hotte, de deux très gracieux oiseaux affrontés et d'ornements Renaissance; dans l'intérieur pend une « crameillie à trois branchons » (2). Vis-à-vis, un délicieux dressoir, chef-d'œuvre de hucherie, formé d'une armoire à deux vantaux, surmontée d'un dais très délicatement découpé dans le goût flamboyant. Sur l'un des deux vantaux est représenté l'ange et sur l'autre la Vierge agenouillée devant un prie-Dieu, formant le groupe de l'Annonciation. Est-ce un anachronisme, ou au contraire une attention délicate (3)? La serrure est une merveille de finesse et de vérité. Un vase d'un joli galbe est placé sur la tablette inférieure, et, sur l'armoire, une écuelle et deux autres objets qui ont été brisés. Un chat est blotti sous le meuble. Au milieu de la pièce se dresse un banc monumental avec panneaux à draperies plissées et dais continu surmonté d'une frise flamboyante découpée à jour. Anne est assise sur un escabeau ou un petit banc tournant le dos à la cheminée. Un livre ouvert sur ses genoux elle apprend à lire à Marie enfant, qui est debout à côté d'elle, vêtue d'une simple robe traînante, serrée à la taille, les cheveux flottants.

20 Au bout de trois ans, le terme du sevrage étant arrivé, Joachim et Anne accomplirent leur vœu et amenèrent la jeune Vierge au Temple du Seigneur avec des oblations. Il y avait devant le Temple quinze degrés à monter, suivant les quinze psaumes des degr-és. Marie les monta sans le secours de personne, comme si elle était déjà à l'âge parfait. — Le temple est figuré par un édifice en bois formé de panneaux embrevés à draperies plissées et d'un triple portique porté par

(I) Niim., XXII-XXIV.

(2) Cf. le chef-d'œuvre de Gille Labouré, ferron à Amiens, en 1462. Arch. de la ville d'Am., AA 6, fol. 116.

(3) A la cathédrale de Reims, dans le groupe de

l'Annonciation qui décore le pignon du croisillon nord du transept, exécuté en 1481, la Vierge égrène son chapelet. Cf. CERF, Notre-Dame de Reims, t. II, p. 63.

des colonnettes polygonales, auquel on accède par un escalier de quinze marches, dont les rampes sont aussi à panneaux de bois. Marie enfant, joignant les mains, gravit cet escalier, en jetant un regard affectueux sur sa mère qui se tient au bas des degrés, étendant la main vers son enfant. Joachim est de l'autre côté et aussi debout, l'air grave, son chapeau à la main. Au haut de l'escalier, à l'entrée du temple, le grand prêtre, les mains étendues s'apprête à recevoir l'enfant d'un air bienveillant : il est barbu et vêtu d'une longue tunique par-dessus laquelle en est une autre plus courte, fendue sur les côtés, bordée de franges avec affiquets au haut des fentes, les reins ceints d'une espèce de cordon : la tête couverte d'un voile qui lui retombe sur les épaules, et, par-dessus, d'une mitre fort riche, dont les cornes sont sur les côtés. A sa gauche, trois jeunes filles aux cheveux flottants, l'une la tête couverte d'un voile, une autre coiffée d'un bonnet carré, et la troisième tête nue, représentent les vierges consacrées à Dieu attendant leur nouvelle compagne. A sa droite, un personnage imberbe, au visage très fin et expressif, contemple la scène : il porte un habit à revers fourrés et un chapeau de forme bizarre, mais mutilé.

* PANNEAU DE LA RAMPE C SI (pl. LXXIX, en Z). - 1. La Vierge croissait en sainteté. Tous les jours, elle était visitée par les anges et favorisée d'une vision divine. Elle s'était soumise à telle règle, que du matin à tierce, elle était en oraisons. — C'est dans le Saint des Saints lui-même, où le grand prêtre avait seul le droit de pénétrer, que nos artistes ont placé Marie (i). Un autel couvert de trois nappes frangées de hauteurs différentes, est placé sous un dais en forme d'édicule en arc surbaissé et redenté, avec accolade à crochets, couvert d'imbrications, et porté par des colonnes polygonales surmontées chacune d'un petit dôme et d'un fleuron.

Sur l'autel, deux chérubins couverts de plumes et munis de quatre ailes, deux tournées vers le haut et deux vers le bas, tiennent l'arche qui est en forme de châsse, dont la face principale est composée de trois panneaux à draperies plissées avec toiture imbriquée et crête découpée. A côté, est une porte en arc surbaissé, avec gable à crochets, par laquelle entre un ange en tunique et amict, levant la main droite comme pour faire faire silence. Il s'avance vers Marie, qui, une espèce de long fichu ou écharpe négligemment jeté sur la nuque et sur les épaules, par-dessous laquelle pendent ses cheveux en longues mèches, est agenouillée devant l'arche, les mains jointes et priant avec ferveur.

2. De tierce à none, Marie vaquait à quelque ouvrage textile. — C'est dans cette occupation que nos artistes ont placé la Vierge devant un charmant portique mi-Renaissance, mi-gothique, porté par des colonnettes polygonales. Deux des entrecolonnements, entièrement à jour, laissent apercevoir la campagne plantée d'arbres; le troisième est rempli en partie par un treillis et en partie par un panneau à draperies plissées, et le dernier, garni de quatre panneaux de même, dont un est entr'ouvert. Assise sur un escabeau à tenailles, Marie ayant près d'elle une corbeille remplie de bobines et un siège d'une forme difficile à comprendre, est occupée à tisser une bande d'étoffe sur un très curieux métier.

(i) Suivant une tradition rapportée par saint Evode, patriarche d'Antioche, et par saint Germain de Constan-

tinople. Cf. JOURDAIN ET DUVAL, Op. cit., dans Mcm. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8, t. VII, p. 288.

Très remarquables comme composition, les deux sujets qui forment ce panneau sont peut-être d'une exécution plus lourde que celle des autres : têtes trop grosses, visages sans expression ni caractère, absence de finesse et de fouillé. Ces défauts, se retrouvent, quoique à moindre degré, dans quelques autres panneaux des rampes.

PANNEAU DE LA RAMPE D 41 (pl. LXXX, en Y). — 1. Depuis none, elle ne cessait de prier que quand un ange lui apportait sa nourriture. — La Vierge s'est retirée pour prier seule dans sa chambre, pièce voûtée sur croisées d'ogives, où l'on accède par un tambour en bois avec panneaux à draperies plissées, élevé de neuf marches. Il est percé d'une porte en accolade à un vantail fermé, avec ses pentures en fer et sa très curieuse serrure à vertevelle, et de deux fenêtres en arc surbaissé.

Les volets de ces fenêtres dont les panneaux sont à draperies plissées, sont fort curieux. L'un est à moitié baissé, rentrant dans l'appui de la fenêtre comme les glaces de nos voitures, et laissant voir que la fenêtre n'est vitrée d'une mise en plomb à losanges que dans sa partie supérieure, de sorte que, si l'on veut entièrement intercepter l'air extérieur et cependant avoir encore du jour, il faut que le volet ne soit baissé qu'à demi; au-dessus règne un joli entablement de style Renaissance, avec corniche à denticules, frise ornée de trois « médailles » à têtes sculptées entourées de « chapeaux de triomphe » ou couronnes de feuillages, et architrave ornée d'une cordelière à nœuds; enfin, sur cet entablement, est une toiture imbriquée en pavillon. Cet édicule est des plus curieux et des plus coquets, tel qu'il devait en exister jadis dans beaucoup de chambres, pour garantir de l'air extérieur. La pièce est éclairée sur le dehors par une fenêtre carrée à croisée de pierre et encadrée de moulures; là encore les deux carreaux supérieurs sont seuls vitrés à losanges, et les deux autres fermés de volets de bois à draperies plissées : l'un est à demi rentré dans l'appui de la fenêtre, tandis que notre éternel indiscret regarde de l'extérieur par l'ouverture : c'est sans doute lui qui aura conté le fait. Une horloge avec son cadran à une seule touche, tout son mécanisme intérieur merveilleusement rendu, ses poids et sa sonnerie placée en évidence au haut du petit meuble en lui faisant un joli couronnement (1), est accrochée au mur; à côté, est une bibliothèque à une seule tablette, où sont rangés six volumes à fermoirs posés sur leur tranche inférieure, mais le plat en avant et non le dos (2). Dans ce délicieux intérieur qui respire la paix et la pureté, Marie se tient debout, tête nue, les cheveux flottants. Elle vient de prier ou de méditer et tient encore son livre ouvert. L'ange, s'approche discrètement, lui présentant d'une main un pain rond et tenant dans l'autre une cane à anse et à couvercle.

2. Marie et ses compagnes à l'étude. — Une salle voûtée dans laquelle est un banc à deux étages de sièges et haut dosier à draperies plissées, décoré par le haut d'une dentelle flamboyante et de pinacles : sur un des deux accoudoirs est un marmouset tenant un écu. La maîtresse d'école est assise à l'étage ou gradin

(1) C'est toujours la grande qualité des artistes du moyen âge de faire concourir les parties essentielles d'un objet à sa décoration. Cette horloge est aux yeux de tous un instrument à marquer les heures. Cela ne l'empêche pas d'être infiniment gracieuse.

(2) Les reliures anciennes chargées de fermoirs, de bourdons, parfois de pièces d'orfèvrerie et d'autres aspérités ne permettaient pas de placer les volumes plat contre plat, comme aujourd'hui.

supérieur : respectable matrone vêtue d'une robe, d'un manteau et de la guimpe sur laquelle est posé un court voile, elle tient d'une main un livre à fermoirs, et lève l'autre comme si elle faisait une explication. Marie est à côté d'elle.

La mise des deux compagnes qui sont assises au gradin inférieur, est beaucoup plus recherchée que la sienne : l'une porte une robe ouverte en carré avec déchiquetures et gorgerette plissée, manches bouillonnées et riche coiffure ornée d'une profusion d'affiquets, de perles, de réseaux, etc., et, aux oreilles, d'une paire de rosaces du milieu de chacune desquelles part une gourmette nouée sous le menton; l'autre a un rang de perles à l'ouverture de sa robe sur la poitrine; sur sa tête est posé un voile sous lequel flotte sa chevelure, et par-dessus lequel est posé un bourrelet; elle tient un objet qui paraît être une pomme. Toutes trois feuillettent des livres et paraissent écouter avec attention les enseignements de la maîtresse.

PANNEAU DE LA RAMPE D 40 (pl. LXXX, en Z). — 1. Lorsque Marie fut parvenue à sa quatorzième année, le pontife voulut, selon l'usage, la renvoyer dans sa famille, pour être légitimement mariée. Marie s'y refusa, parce qu'elle avait voué à Dieu sa virginité. Devant une pareille nouveauté si contraire aux idées du peuple Juif, les anciens convoqués furent unanimement d'avis de consulter le Seigneur. Ayant donc prié, le pontife entendit une voix qui répondit que tous les hommes à marier de la maison de David aient à porter chacun une verge sur l'autel, et que celui dont la verge germerait et sur laquelle le Saint-Esprit en forme de colombe viendrait se poser, devrait être fiancé à Marie. Tous vinrent donc, mais Joseph se trouvant trop âgé pour épouser une si jeune vierge, fut le seul à soustraire sa verge de l'épreuve. Aucune verge ne fleurit, et le Seigneur de nouveau consulté répondit que la verge de celui qui devait épouser Marie manquait. Joseph ainsi trahi dut s'exécuter, et aussitôt sa verge se mit à fleurir et une colombe vint se poser sur elle. — Dans le temple, figuré par une suite d'arcades surbaissées portées par des pilastres avec une porte amortie par une accolade à crochets, est un autel couvert de deux nappes frangées et d'un retable à trois ressauts, devant lequel se tient le grand prêtre qui paraît bénir, deux doigts levés. A côté de lui, est un assistant imberbe, peut-être un lévite, en robe demi-longue, fendue par devant et serrée à la taille, et coiffé d'un bonnet carré; il tient un livre fermé. Joseph s'avance vers le grand prêtre, tenant solennellement à deux mains sa verge fleurie. L'artiste a oublié de figurer la colombe. Le futur époux de Marie porte une longue robe et un manteau à collet et capuchon relevé, attaché sur le devant de la poitrine par un riche fermail; il est barbu et tête nue. Quatre autres prétendants suivent derrière lui, tenant comme des cierges leurs verges stériles.

2. Fiançailles de Marie et de Joseph. - Toujours le temple figuré par de grandes baies cintrées et vitrées en losanges : dans le fond, est une porte en arc surbaissé, surmontée d'une rose flamboyante très finement découpée, le tout sous un grand arc en plein cintre avec redents, orné de rosaces et de crochets, et retombant sur deux pilastres sculptés d'une suite de rosaces. Au milieu, se tient le grand prêtre ayant une sorte de chape sur les épaules : il prend Joseph par la main qu'il unit à celle de Marie. Celle-ci s'avance timidement, un chapeau de roses sur sa chevelure flottante. Du côté de Joseph se tiennent deux hommes

imberbes, l'un vêtu d'une houppelande à revers et coiffé d'un mouchoir par-dessus lequel est posé un somptueux chapeau entouré d'un rang de perles et surmonté d'un gland, l'autre costumé à peu près de même, avec un non moins somptueux chapeau fort élevé, tailladé, les bords retroussés et ornés d'une enseigne, et surmonté d'une espèce de rosette. Du côté de Marie deux jeunes femmes, l'une vêtue d'une longue robe par-dessus laquelle en est une autre raide, fendue sur les côtés, arrondie par devant et par derrière, et bordée d'un riche et large galon et de houpettes, ouverte à revers sur la poitrine que couvrent les fins plis de la gorgerette, manches tailladées et bouillonnées, et sur la tête une espèce de bonnet à la Charlotte Corday d'où la chevelure s'échappe en longues mèches. L'autre porte une riche coiffe à oreilles pointues et ornées de perles du centre de chacune desquelles s'échappe une gourmette qui retombe gracieusement sous le menton (i).

A partir d'ici, nous quittons la légende, pour suivre l'Evangile.

PANNEAU DE LA RAMPE E 32 (pl. XXXI, en Y). — i. L'Annonciation (2). — La chambre de la Vierge est meublée d'un lit à baldaquin avec courtines troussées et pentes richement brodées d'ornements dans le goût de la Renaissance, et bordées de franges; le chalit est formé d'une suite de panneaux à draperies plissées et couvert d'une courtepointe à losanges. Un joli miroir circulaire est pendu dans le fond du lit. Dans un coin de la pièce est une porte surmontée d'une frise et d'un fronton en style de la Renaissance. Au milieu, un vase de lis est posé sur un escabeau. A demi agenouillée sur un prie-Dieu, Marie paraît distraite de sa méditation, et fait le geste de fermer le livre qui était ouvert devant elle. Elle détourne la tête d'un air troublé, à l'arrivée de l'ange Gabriel qui vient de la saluer d'une façon si inattendue (3). Celui-ci se présente vêtu de l'amict, de l'aube et d'une chape attachée par un riche fermail. Il tient un grand sceptre fleuronné, autour duquel est enroulée une banderole muette. Dans le ciel, au milieu d'un chœur de chérubins à quatre ailes et sortant de nuages, apparaît le Père Éternel à mi-corps, à longue barbe, vêtu d'une chape à fermail, coiffé de la tiare à trois couronnes, tenant le globe d'une main et bénissant de l'autre, tandis que de lui descend le Saint-Esprit en forme de colombe, à travers un jet de rayons lumineux (4).

2. La Visitation (5). — Marie est toujours vêtue comme précédemment, ayant en plus un court voile jeté sur sa tête, mais par-dessous lequel on voit toujours sa chevelure flottant en longues mèches. Elisabeth, femme âgée, en guimpe, bourrelet et manteau jeté sur les épaules, est allée au-devant d'elle et la rencontre à la porte de sa maison. Pour exprimer les sentiments d'Élisabeth et traduire par un geste significatif les paroles que l'Evangile lui met dans la bouche (6), elle est figurée fléchissant le genou et portant respectueusement la main droite sur le ventre de Marie, tandis que la mère du Sauveur, dont l'attitude trahit l'émotion

(1) Dans les Heures de Simon Vostre, ce sujet est accompagné de la légende : « Cum tsset despollsata mater Jesu Maria Joseph. (Mattli., i, 18) ».

�2) Luc, 1, 26-38.

(3) « Turbata est in sermone ejus et cogitabat qualis esset ista salutatio ». Luc., r, 29.

(4) « Spiritus Sanctus superveniet in te et virtus

Altissimi obumbrabit tibi ». Luc., 1, 35.

(5) Luc., 1, 39-56.

(6) « Exultavit infans in utero ejus, et repleta est Spiritu Sancto Elisabeth, et exclamavit voce magna et dixit : Benedicta tu inter mulieres et benedictus fructus ventris tui. Et unde hoc mihi, ut veniat mater Domini mei ad me? > Luc, 1, 41-43.

et la joie, semble chanter « Magnificat anima mea Dominum », etc. (i). La demeure de Zacharie et d'Élisabeth est figurée par une riche maison forte, avec créneaux, mâchicoulis, chemins de ronde, poivrières, pignons à crochets, porte en plein cintre munie d'une forte serrure, etc., bâtie sur une montagne plantée d'arbres (2).

JOUÉE F 31. - La jouée des stalles hautes de ce côté est garnie de sept sujets sculptés qui continuent l'histoire de Marie. Ils sont disposés suivant le schéma ci-contre.

Les sujets des deux premiers bas-reliefs, qui forment comme le soubassement de la jouée (pl. LXXXII, en Y), sont rapportés par saint Mathieu : « Or la

naissance du Christ arriva ainsi. Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu'ils eussent habité ensemble, qu'elle avait conçu par la vertu du Saint-Esprit. Joseph, son mari, qui était un homme juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Comme il était dans cette pensée, voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie ton épouse, car ce qui est formé en elle est l'ouvrage du Saint-Esprit. Et elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés.

Réveillé de son sommeil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait commandé ; il prit avec lui Marie son épouse » (3).

1. L'ange tirant Joseph de son doute. — Joseph assis dans une massive chaire gothique à panneaux de draperies plissées, bonnet carré sur la tête, est endormi, accoudé, le front appuyé sur sa main. Un ange semble lui parler. A leurs pieds, est un objet difficile à distinguer, que MM. Jourdain et Duval ont pensé être une besace, pour indiquer l'intention de Joseph de partir. Nous verrons en effet la besace clairement indiquée dans le sujet suivant. La scène se passe à l'extérieur d'une ravissante habitation mi-gothique, mi-Renaissance. Le rez-de-chaussée du bâtiment principal est en maçonnerie nue, sans aucun percement et sans autre ornement que des contreforts. Au-dessus, règne une frise sculptée, légèrement en saillie. Le premier étage du

plus grand côté est percé de deux fenêtres carrées à croisées de pierre, dont les deux carreaux du haut sont seuls vitrés à losanges : deux curieux regardent par l'une d'elles. Entre ces fenêtres, est une niche en accolade à crochets, qui abrite une statue en pied paraissant représenter le Sauveur tenant le monde et bénissant. Est-ce encore un anachronisme ou une intention de l'artiste? Sur le petit côté, est sculpté un écu à trois hermines posées 2 et 1, tenu par deux lions.

(1) Luc., 1, 46.

(2) « Abiit in montana ». Luc., i, 39. — Ce panneau et le suivant, à la hauteur duquel il devait se trouver jadis avant la suppression de la première stalle basse de ce

côté, est assez endommagé par le frottement des personnes qui, pendant les offices, se pressent aujourd'hui encore, comme autrefois, entre les stalles et le sanctuaire.

(3) Matth., 1, 18-24.

Le pignon est orné de crochets et la toiture, en ardoises, est surmontée d'une crête découpée. Sur le grand côté de cette toiture s'ouvrent deux très riches lucarnes ou « fenêtres Beauvoisiennes » (i), amorties en accolades avec crochets.

A l'un des angles du bâtiment est accrochée une petite tourelle en encorbellement; à l'angle opposé, une autre tourelle polygonale et beaucoup plus considérable s'élève de fond : elle paraît contenir l'escalier; on y pénètre par une porte en arc surbaissé, surmontée d'un gable à crochets.

2. Joseph s'excusant à Marie de ses soupçons injurieux. — Nous sommes encore à la porte d'un somptueux édifice couvert en ardoises, dont le pignon est à crochets et la porte en arc surbaissé, avec ses pentures et sa serrure. A côté, est une autre porte beaucoup plus riche, amortie en accolade et flanquée de deux grosses colonnes dont les fûts sont sculptés à torsades, et qui servent de supports à un entablement dont l'architrave est sculptée de feuilles de refend, la frise, d'ornements de la Renaissance, avec une tête dans un médaillon, et la corniche, d'une cordelière à nœuds, le tout surmonté d'une espèce de dôme sculpté. A la droite du spectateur, Marie est assise dans une très riche chaire de style Renaissance, dont le dossier est surmonté d'une espèce de fronton cintré, à coquille, avec animaux fantastiques et deux marmousets nus, debout et tenant des écus; aux accoudoirs sont de petits animaux. Cette chaire est abritée par un dais d'étoffe drapée, bordée d'un riche galon et d'une frange, avec dorsal qui tombe par derrière. Il faut remarquer la richesse de cette chaire en comparaison de celle dans laquelle Joseph est assis au sujet précédent, et surtout la présence du dais qui la surmonte; l'artiste a certainement voulu marquer la plus grande dignité de Marie, et surtout la présence de Dieu qu'elle portait dans ses flancs. Marie, une écharpe jetée sur sa chevelure toujours flottante, méditait dans un livre encore ouvert sur ses genoux, lorsque Joseph est venu la trouver. Celui-ci, accompagné de deux anges, est humblement agenouillé, les mains jointes. Il a l'air confus et plein de regret. Ses mains sont actuellement brisées : Marie les lui prenait avec bonté pour l'engager à se relever. A ses pieds sont sa besace et son paquet de voyage soigneusement ficelé (2).

Les sujets suivants (pl. LXXXV), sur la partie de la jouée dont les deux côtés sont visibles, sont sculptés à double face et peuvent être vus indifféremment de l'intérieur et de l'extérieur, la face principale se trouvant vers l'extérieur.

3. La Nativité de Jésus (fig. 204, 1). — Au milieu d'une masure demi pierre et demi bois, couverte en chaume et tombant en ruines, au fond de laquelle est une mangeoire et un râtelier rempli de foin, où mangent un bœuf et un âne (3),

(1) Ce qu'on appelle aujourd'hui des belvoisines.

(2) Ni saint Mathieu, ni la plupart des évangiles apocryphes ne disent que Joseph s'est ainsi humilié devant Marie, ni même que la Vierge a eu connaissance de ses soupçons ; seule, l'Histoire de la nativité de Marie et de l'enfance du Sauveur, fait dire par Joseph à Marie : « J'ai péché, car j'avais entretenu quelque soupçon contre toi ». C'est d'ailleurs une tradition fort ancienne de le représenter ainsi, et c'est avec raison que MM. Jourdain et Duval, nous ont montré dès le XIIIe s., dans le portail Sainte-Anne de Notre-Dame

de Paris, Joseph dans cette posture d'humiliation et d'excuse. Dans les vignettes des heures de Simon Vostre, ce sujet a pour légende : Exurgens Joseph a somno accepit conjugem suam ». Matth., 1, 24. — Sur ces deux bas-reliefs, voy. RIGOLLOT, Essai historique sur les arts du dessin en Picardie, dans Mem. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. III, p. 451 et Hist. des arts du dessin, t. II, p. 240.

(3) Sur la présence du bœuf et de l'âne, voy. JOURDAIN ET DUVAL, op. cit., dans Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., t. VII, p. 302.

l'Enfant Jésus, entièrement nu et environné d'une auréole lumineuse, est couché par terre sur un peu de paille (1). Derrière lui, trois petits anges l'adorent à genoux, les mains jointes (2). Marie joignant aussi les mains et Joseph tenant un

'</■ 20b- Nativité r, f Jouée J<: 3/ J

bâton de voyageur et une chandelle allumée, sont agenouillés en adoration, aux côtés de l'Enfant. Un berger, la tête couverte d'un chaperon, dont la pèlerine est déchiquetée à lambeaux, s'approche chapeau bas en s'appuyant sur sa houlette (3).

En dehors de l'étable, au milieu de la campagne, un autre berger, chaussé de souliers et de bas qui retombent sur ses talons (4), besace frangée aux reins, et chapeau sur la tête, sa houlette à la main, entouré de ses moutons et de son chien, regarde vers le ciel, la main levée, comme s'il entendait et voyait quelque

(1) On n'a pas suivi à la lettre le texte de l'Évangile : « Pannis eum involvit et reclinavit eum in presepio, quia non erat eis locus in diversorio >. Luc, II, 7.

(2) « Et Marie mit au monde un fils que les anges entourèrent dès sa naissance, et qu'ils adorèrent disant : « Gloire à Dieu dans les cieux, et paix sur la terre aux

hommes de bonne volonté ». Hist. de la Nativité de Marie et de la Naissance du Sauveur, xiii.

(3) Elle est brisée.

(4) Voy. le bas-relief n° 6, dans le haut dossier de la maîtresse stalle 1.

chose d'extraordinaire. En effet, sur l'autre face du groupe, un ange descend du ciel tenant une longue banderole (i). Du même côté, et dans la prairie plantée d'arbres dont l'étable est entourée, deux autres bergers, vêtus à peu près comme le premier, font paître leurs moutons. L'un est debout, l'autre, assis par terre, joue de la musette. Un chien est couché près d'eux (2).

4. L'Adoration des Mages (fig. 204, 2). — Toujours le même édifice en ruines, à peu près comme dans le sujet précédent, mais tourné d'une façon un peu différente, de sorte que la mangeoire, devant laquelle étaient le bœuf et l'âne, ne se voit plus, et qu'une suite d'arcades à jour occupe le fond. Marie est assise, tenant l'Enfant Jésus entièrement nu debout sur ses genoux. D'un geste qui manque un peu de dignité, l'Enfant saisit à deux mains le superbe hanap découvert qu'un des rois-mages lui présente à genoux. Celui-ci porte une longue robe, dont le col droit et évasé, fait penser au col dit « Médicis », et dont les manches sont serrées sous les aisselles par un rang de bouts de rubans, larges aux coudes, puis de nouveau serrées et tailladées aux poignets. Il a une ceinture ornée de pendeloques. Son chapeau ceint d'une couronne royale et surmonté d'un motif de passementerie est posé à ses pieds. Remarquons en passant la finesse avec laquelle sont traitées les mains de ce personnage. Un autre roi-mage se tient debout derrière lui, chaussé de très curieux souliers découverts, avec bas tailladés à la cheville et retombant à revers ou à bourrelets sous les jarrets (3); son vêtement est une espèce de saie bizarrement drapée, munie d'un capuchon terminé par un gland et relevé. La tête enveloppée d'un mouchoir attaché sur le front par un affiquet, il tient d'une main son chapeau à couronne royale, et de l'autre son présent, malheureusement brisé.

Son visage rond, aux lèvres épaisses, au nez épaté, son type si différent de celui des autres personnages, et, de plus, son accoutrement un peu hétéroclite permettent de reconnaître en lui le roi noir. Nous le croyons d'autant plus volontiers que, dans une grande gravure de la Nativité dans les heures de Simon Vostre, le roi noir porte presque absolument le même costume. Le troisième mage se tient de l'autre côté : souliers tailladés à la cheville, houppelande à larges manches et revers fourrés, bordée par le bas d'un large galon, turban orné d'une couronne; il se dispose à offrir à son tour un riche hanap couvert. Joseph se tient par derrière, tête nue, un bâton potencé à la main. Le revers du sujet ne figure que l'extérieur de l'étable et le dos des personnages que nous venons de décrire; l'étoile est absente.

5. Présentation de Jésus au Temple et Purification de Marie (4). — Le Temple est figuré par un superbe édifice en style Renaissance avec pilastres sculptés, frises décorées, frontons à coquilles surmontés d'enfants nus jouant avec une patenôtre.

En avant, est un autel porté par quatre petits piliers carrés, couvert de deux

(1) « Et pastores erant in regione eadem vigilantes.

Et ecce Angelus Domini stetit juxta illos et claritas Dei circumfulsit illos, et timuerunt timore magno. Et dixit illis Angélus : Nolite timere, ecce enim evangelizo vobis gaudium magnum quia natus est vobis hodie Salvator ô, etc. Luc, 11, 8-11.

(2) A remarquer l'analogie entre cette Nativité et la manière dont le même sujet est représenté dans les estampes de la même époque, et notamment dans les

Heures de Simon Vostre, tant dans les vignettes des encadrements que dans les gravures principales. L'édifice en ruines, l'Enfant Jésus nu et couché par terre, Joseph tenant un bâton et une chandelle allumée, les bergers, les anges dans le ciel, semblent de rigueur dans toutes les Nativités de cette époque.

(3) Cf. les chaussures des bergers au sujet précédent.

(4) Luc, II, 22-39.

nappes frangées, sur lequel Marie dépose l'Enfant Jésus entièrement nu. Siméon le reçoit dans ses bras sur une écharpe. C'est un vieillard barbu, en costume sacerdotal : longue tunique, sur laquelle en est une autre plus courte, frangée et serrée à la taille par un cordon à glands; sur sa tête est un capuchon à pèlerine, par-dessus lequel est posé un bonnet pointu décoré comme une mitre. Joseph, dont la figure est fort belle, s'avance derrière Marie, tenant un objet que MM. Jourdain et Duval ont pris pour une épée nue, mais qui n'est autre chose que le cierge que, dans l'église catholique, on porte à la cérémonie des relevailles, appelée aussi « purification » (1), et que, par assimilation, les artistes de l'époque faisaient presque toujours figurer dans la scène de la Purification de Marie (2). De l'autre main, Joseph tient un petit panier à anse fort curieux, rempli de tourterelles ou de jeunes colombes. Au premier plan, une femme en longue robe, tête voilée, bourse à la ceinture, s'avance comme si elle voulait parler. Serait-ce la prophétesse Anne ? Par derrière, se tiennent trois autres personnages : un homme en bonnet carré, et deux femmes, l'une coiffée d'un bourrelet, l'autre vêtue d'une robe ouverte en pointe dans le dos, manteau drapé sur une épaule, livre fermé dans la main, la tête coquettement couverte d'un fichu qui fait penser à certaines coiffures du XVIIIe siècle. C'est un des plus jolis de tous les groupes des stalles.

6. Au droit : Siméon, vêtu comme ci-dessus, à demi agenouillé, levant les mains, les yeux au ciel, comme s'il recevait une inspiration d'en haut (3).

Au revers : David debout, barbu, tête nue, foulant aux pieds sa couronne et une espèce de draperie — est-ce un manteau? — souliers en bec de cane, bas retombant à revers, chausses collantes, saie bordée d'un riche galon, fendue par devant, avec manches évasées, bouillonnées aux épaules. Il joue de la harpe et déroule une banderole muette.

Suivant MM. Jourdain et Duval (4), le prophète Siméon représenterait « les heureux enfants de Dieu qui sont les témoins de l'accomplissement des promesses; le prophète David, tous ceux qui ont entendu la promesse d'un sauveur, mais qui sont morts, dit saint Paul, sans avoir reçu les biens promis de Dieu, les voyant seulement et les saluant de loin Siméon et David sont à la fois la voix de Dieu qui annonce et la voix de Dieu qui. confirme la réalisation des biens annoncés », etc. (5).

7. Le septième compartiment est veuf des deux statuettes qui faisaient pendant aux deux précédentes. MM. Jourdain et Duval (6) supposent qu'il devait être occupé par la prophétesse Anne d'un côté, et, de l'autre, par un personnage de l'Ancien Testament, Salomon peut-être ou Samuel.

Le long du montant de cette jouée, huit niches ont été dépouillées des groupes et des statuettes qu'elles renfermaient, par les vandales de 1839. Dans plusieurs on voit encore les chevilles qui les maintenaient (7).

(1) En 1395, le curé de Saint-Martin-au-Bourg à Amiens avait refusé de recevoir une femme « à purification. pour ce qu'elle n'avoit point de cape noire vestue, selon l'usage de ladite ville et diocèse d'Amiens ».

Arch. de la ville d'Am., AA 2, fol. 68.

(2) Cf. les Heures de Simon Vostre.

(3) f Responsum acceperat a Spiritu Sancto non visu-

rum se mortem nisi prius videret Christum Domini ».

Luc, 11, 26.

(4) Op. cit., dans Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. VII, p. 307.

(5) He.br., XI, 2.

(6) Op. cit., p. 308.

(7) « Il sera important, disent MM. Jourdain et Duva

Les sujets sculptés sur ce panneau sont extrêmement remarquables de composition et d'exécution, et peuvent compter parmi les meilleurs de toutes les stalles : il y a des expressions de figures des plus variées et des plus vraies; tout y est traité avec une grande perfection. On ne peut même pas faire un crime aux artistes de ne pas y avoir mis toute la gravité désirable, de les avoir compris comme on les comprenait de leur temps, d'une façon toute différente de celle dont on les traitait au XIIIe siècle, tant il y a de charme, d'abandon et de pittoresque dans ces scènes qu'ils ont su rendre familières et touchantes, sans sortir de la convenance exigée par la grandeur des sujets. Là encore ils ont montré leurs qualités toutes françaises.

JOUÉE DE LA MAITRESSE STALLE G 56. — Les sujets qui occupent la partie haute et à deux faces de la maîtresse stalle 56, se rapportent à l'histoire de Joseph, et ont été décrits précédemment. Seul le panneau inférieur appartient à la suite que nous décrivons et ne comprend qu'un seul sujet, développé avec beaucoup de détails : Le Massacre des Innocents (pl. LXXVII, en Z). — Bien que saint Mathieu ait suivi l'ordre contraire, nos artistes ont placé le Massacre des Innocents avant la Fuite en Égypte, sans doute parce qu'ils disposaient d'un plus grand espace pour un sujet qui comportait plus de développements. D'ailleurs les deux faits sont simultanés (9). La scène se passe dans une campagne plantée d'arbres, au fond de laquelle on aperçoit une maison à haute cheminée, un plessis et un château fort crénelé, avec sa porte et ses tours, au sommet duquel flotte une bannière. A la gauche du spectateur, Hérode, à longue barbe, richement costumé et coiffé d'un chapeau ceint d'une couronne royale, le sceptre à la main (1), est assis dans une chaire au haut et magnifique dossier de style Renaissance, surmonté de trois statuettes d'enfants nus, dont un joue du tambourin, l'autre de la flûte traversière et le troisième, qui est au milieu, accroupi et les ailes éployées, tient une tête de mort. A une fenêtre en arc surbaissé et accolade, dans le tympan de laquelle est un écu à un croissant, apparaît un homme imberbe, coiffé d'une espèce de chaperon en bourrelet, à la patte retombante, et vêtu d'une houppelande à revers et larges manches. A droite et à gauche d'Hérode, se tiennent deux personnages, sans doute

(loc. cit.), et non impossible, de reconnaître à l'aide des textes sacrés et de l'usage qu'on en faisait au XVIe siècle, les sujets enlevés et la manière de les rétablir. Nous pouvons désigner dès maintenant l'Adoration des bergers, les Mages découvrant l'étoile, se mettant en route, paraissant devant Hérode, avertis par un ange de retourner par un autre chemin. La Circoncision n'avait pas été omise non plus. Nous en avons pour preuve un dessin levé il y a quelques années et encore existant. Ces conjectures s'établissent d'ailleurs sur la connaissance et par l'étude des sculptures analogues pour l'époque et pour le choix et l'ordonnance des sujets ». Je ne sais ce qu'est devenu le dessin dont parle MM. Jourdain et Duval. Dans le tome III des Monuments anciens et

modernes de Gailhabaud, publié en 1870, il y a de mauvais dessins des stalles de la cathédrale d'Amiens, qui paraissent antérieurs à 1839. Parmi eux se trouve un dessin de la face extérieure de la jouée qui nous occupe avec son imagerie au complet mais trop mal dessinée pour que l'on puisse reconnaître ce qu'elle représente.

En 7, est un personnage symétrique à celui qui occupe le n° 6; en 8 et 9, deux personnages isolés, debout; enfin, sur le montant à droite du spectateur, un groupe représentant un prêtre entre deux personnages lui présentant un enfant nu. Ce pourrait bien être la Circoncision.

(9) Matth , 11, 16-18.

(1) Le sceptre est brisé.

des conseillers, dont l'un est barbu et vêtu d'une saie à larges manches, bordée par en bas d'un galon fort large, sur lequel sont des lettres qui ne paraissent composer aucun mot; une bourse et un couteau sont pendus à sa ceinture, les bords de son chapeau relevés en forme de casquette; l'autre a le visage rasé, un chaperon en bourrelet sur la tête, la cornette enroulée autour du cou.

Le reste de la composition peut se diviser en trois groupes principaux : 1 er groupe (au premier plan, aux pieds d'Hérode). — Une mère très élégamment vêtue : robe ouverte en carré, sur la gorgerette à fins plis, manches bouillonnées et tailladées, coiffe fort riche à oreilles ornées, est à genoux, disputant son enfant nu à un soldat qui le lui arrache violemment, s'apprêtant à le frapper de son épée. C'est une espèce de lansquenet (i), dont tout l'accoutrement : houseaux, chausses, pourpoint, est tailladé du haut en bas : le pourpoint est attaché aux chausses par des aiguillettes, qui se desserrent à l'effort qu'il fait pour brandir son épée, en laissant la chemise bouffer entre les deux; sa chevelure est emprisonnée dans un filet, son chapeau tombant derrière la tête est retenu par une gourmette attachée sous le menton.

2e groupe (au premier plan à droite du spectateur). — Debout et coiffée d'un bourrelet, une mère tient dans ses bras et les plis de son manteau un enfant qui tête encore sa mamelle, tandis qu'un soldat en saie, corselet, casque à visière relevée et orné d'espèces d'ailes aux oreilles, brandissant son épée (2), écarte le manteau de la mère auquel le pauvre enfant s'accroche tant qu'il peut de ses petites mains, regardant son agresseur avec effroi. Une autre mère désolée est affaissée par terre, pleurant sur le corps inanimé de son enfant nu. Elle est richement vêtue d'une robe et d'une double jupe plus courte, arrondie par devant et par derrière, avec affiquets, bordée d'un large galon sur lequel on voit des lettres qui ne présentent aucun sens.

3e groupe. (Au second plan, au-dessus du précédent, et du même côté). — Un soldat au visage rasé, souliers découverts en bec de cane, saie tailladée en biais sur la poitrine et fendue depuis le bas jusqu'à la ceinture, laissant voir discrètement la braguette, manche tailladée en biais au bras droit, le gauche couvert d'un brassart, chapeau crénelé sur la tête, accoutrement qui rappelle celui des lansquenets, tient en l'air en riant aux éclats, un enfant nu embroché dans son épée. La mère éplorée se tient à côté de lui, joignant les mains avec désespoir.

C'est encore une personne de condition, à en juger par sa mise : souliers en bec de cane, robe traînante, sur laquelle une autre est drapée, presque aussi longue, d'étoffe souple, fendue sur le côté avec affiquet, et décolletée. Son chaperon en bourrelet est attaché par une gourmette. Un autre soldat à longues moustaches, le reste du visage rasé, armé d'un corselet d'où sortent d'énormes manches bouillonnées et tailladées, ayant sur la tête une espèce de barbute avec ailes aux oreilles, se tient derrière une femme voilée qui s'est jetée à genoux, cherchant à cacher l'enfant emmaillotté qu'elle tient dans ses bras. Par derrière, on aperçoit une femme au capuchon relevé.

(1) En 1513, une bande de lansquenets du comte d'Aspremont passa par Amiens, ou tout au moins près de cette ville, et ils furent logés à Boves. Est-ce par un souvenir de leur passage que l'on en voit un certain nombre figurer dans nos stalles, notamment dans les

sujets de fantaisie des pendentifs? Échevin. des 20 et 28 avril 1513. Arch. de la ville d'Am. BB 21, fol. 170, 171 vo.

(2) Elle est brisée.

Très remarquable d'exécution, de mouvement et d'expression, ce bas-relief laisse un peu à désirer pour la composition qui n'est pas très claire. Il a aussi passablement souffert du frottement, de sorte que la plupart des figures ont perdu leur finesse.

DOSSIER DE LA MAITRESSE STALLE 56 (pl. LXXXIX). — i. L'ange apparaissant en songe à Joseph et lui ordonnant de fuir en Égypte (i). — Au milieu d'une campagne

plantée d'arbres, Joseph est assis, encapuchonné et endormi, s'appuyant sur son bâton à béquille : figure extrêmement remarquable de finesse. Dans le ciel, au-dessous d'un nuage, un ange apparaît, étendant les bras comme s'il lui parlait (2).

2. La Fuite en Egypte. — Au milieu d'un' paysage planté d'arbres, au fond duquel on aperçoit une ville avec ses remparts, ses tours, ses clochers et ses maisons, prodige de finesse, et, au premier plan, un arbre tortu, au pied duquel est une espèce de crocodile (3), Marie, un court voile sur la tête, est assise sur un âne, tenant l'Enfant Jésus emmaillotté ; à côté d'elle, Joseph en vêtements assez courts, la tête encapuchonnée, marche, son bâton à béquille sur l'épaule.

3. Chute des idoles à l'arrivée de Jésus en Egypte. — Une campagne plantée d'arbres, au fond de laquelle est une petite église à clocher cylindrique, tel est le décor. Au premier plan, deux idoles nues, juchées au haut de colonnes annelées, se

brisent et tombent à la renverse (4).

Les quatre compartiments qui sont immédiatement au-dessous des trois sujets qui précèdent renferment chacun un personnage debout, mais aucun attribut ne permet de les caractériser d'une façon précise. Voici l'explication qu'en ont donnée MM. Jourdain et Duval : « ABRAHAM figure l'entrée en Égypte que prophétise ISAIE.

Au père des croyants, aussi bien qu'au père de l'Enfant, Dieu a dit : Sorte{ de votre maison et veneî en la terre que je vous montrerai ; et Abraham descendit en Égypte, pressé par la famine, comme plus tard Joseph et sa famille, pressé par la

(1) Matth., 11, i*.

(2) MM. Jourdain et Duval n'ont pas voulu voir dans ce sujet l'avertissement donné à Joseph de fuir en Egypte, * mais en observant, disent-ils, que Joseph est en tenue de voyageur, que l'apparition a lieu après le Massacre des Innocents et dans la campagne, il nous a paru plus probable qu'il s'agissait de l'ordre donné en Égypte de retourner à Nazareth * (Mem. de la Soc. des Ani. de Pic., t. VII, p. 313). Ces raisons ne nous paraissent pas concluantes. Rien d'abord n'indique que Joseph soit en habit de voyageur; s'il a mis son capuchon sur sa tête, c'est pour se garantir du froid durant son sommeil. Son bâton, il l'a toujours entre les mains, même dans les scènes où il n'est pas question de voyage, par exemple dans l'Adoration des mages. La place occupée par le sujet n'est pas non plus une raison : nos artistes ne pouvaient guère séparer la vision de Joseph de la Fuite

en Égypte, et, étant donné qu'ils avaient choisi pour ce sujet le panneau principal du dossier de la stalle, ils devaient mettre à côté l'ange apparaissant à Joseph et lui ordonnant de fuir en Égypte, d'autant que ce sujet comportait peu de personnages et convenait très bien à l'espace restreint du n° i. D'ailleurs l'ordre des sujets va de la gauche à la droite du spectateur, et c'est bien dans ce sens que marche la sainte famille dans le bas-relief n° 2. Quant à l'argument tiré de ce que Joseph est dans la campagne, il n'a aucune valeur. Nous avons déjà constaté que nos artistes affectionnaient le plein air, même pour des scènes qui avaient dû plus vraisemblablement se passer dans l'intérieur d'une maison.

(3) Ce détail est sans doute pour symboliser l'Égypte, comme l'ont pensé MM. Jourdain et Duval.

(4) Voy. ci-dessus, t. I, p. 392, la description du grand portail.

persécution d'Hérode. Isaïe se tourne vers lui et semble lui dire : Le Seigneur montera sur un nuage léger et il entrera dans tÉgypte. De l'autre côté, MoïsE, annonce en sa personne la sortie d'Egypte qu'OsÉE prédit dans ses livres. -Moïse auquel échut la mission de délivrer et de tirer de l'Egypte le peuple d'Israël, figure de Jésus-Christ; Osée, dont saint Mathieu précise lui-même l'oracle, et qui voyait en même temps, dit saint Jérôme, le peuple de Dieu et le fils de Dieu, lorsqu'il chantait : J'ai rappelé mon fils d" Égypte! Le vêtement orné, frangé et étoffé des deux patriarches, contraste avec la robe unie que portent les deux prophètes sous un simple manteau relevé avec grâce sous le bras. (Gen., xn, 2 à 10; Isaïe, xix, 1; Exod., vu, 4; Osée, xi, 1) » (1). Il serait étrange que nos artistes aient omis de mettre à Moïse les cornes qu'ils n'ont pas manqué de lui donner dans les scènes de l'exode, avant même qu'il les ait eues effectivement. D'un autre côté, nous ne saisissons pas très bien la différence de costumes que signalent MM. Jourdain et Duval. Ne seraient-ce pas plutôt quatre prophètes qui ont paru faire allusion ,

au passage de Jésus en Égypte et surtout à la chute des idoles? ISAIE', à cause de ces paroles : « Voilà que le Seigneur montera sur un nuage léger et entrera en Egypte, et les idoles de l'Egypte seront ébranlées devant sa face » (2); ÉZÉCHIEL, qui a de si longues imprécations contre l'Egypte, où l'on relève ces mots : « Le Seigneur Dieu dit ces paroles : Je détruirai les simulacres et- je ferai cesser les idoles de Memphis » (3); OSÉE, qui a dit : « Il brisera leurs idoles, il ravagera leurs autels (4) J'ai appelé mon fils de l'Egypte » (5). Le dernier pourrait être soit AMOS, à cause de ces paroles : « Les hauts lieux de l'idole seront démolis » (6), soit plutôt MICHÉE, qui a dit : « Toutes ses statues tomberont., et je tournerai toutes ses idoles à perdition » (7).

Il ne faut pas oublier que le sens mystique donné à la fuite en Égypte au moyen âge était surtout la chute des idoles, et ne pas s'étonner que nos artistes aient mis près d'elle les prophètes qui l'ont prédite, quand même leurs prédictions ne s'appliquaient pas spécialement à l'Égypte. Mais encore une fois, à défaut d'attributs positifs, nous ne voulons rien affirmer, et nous ne donnons cette explication que pour ce qu'elle vaut.

Quoi qu'il en soit, voici en quelques mots, la description de nos quatre personnages : 4. Barbu, coiffé d'un turban et vêtu d'une longue robe fendue sur les côtés avec affiquets et bordée d'un très large et très riche galon; les mains levées, il tient une banderole muette et regarde le ciel, comme s'il était inspiré.

5. Barbu, coiffé d'un turban posé sur un bonnet à oreilles pointues terminées par des glands, robe demi longue, manteau drapé qu'il relève, et brodequins; il tient à la main un rotulus fermé.

6. Imberbe, coiffé d'une espèce de chapeau à cornette retombant sur le côté,

(1) JOURDAIN ET DUVAL, Op. cit., dans Mém. de la Soc. dee Ant. de Pic., in-8°, t. VII, p. 313.

(2) « Ecce Dominus ascendet super nubem levem et ingredietur Ægyptum, qt commovebuntur simulachra Ægypti a facie ejus ». Is., xix, 1.

(3) « Hsec dicit Dominus Deus : Et disperdam simulachra et cessare faciam idola de Memphis ». Eîech., xxx, 13.

(4) « Ipse confringet simulachra eorum, depopulabitur aras eorum ». Os., x, 2. — Ce sont les paroles qui servent de légende à la vignette représentant la Fuite en Égypte dans les Heures de Simon Vostre.

(5) « Ex Egypte vocavi filium meum ». Os., xi, 1.

(6) « Et demolientur excelsa idoli ». Amos, VII, Q.

(7) « Et omnia sculptilia ejus concidentur, et omnia idola ejus ponam in perditionem ». Midi., 1, 7.

comme celle du chaperon, robe demi longue et manteau drapé qu'il retrousse d'une main, tandis qu'il lève l'autre comme pour montrer le ciel.

7. Barbu, robe traînante, sur laquelle en est une autre d'étoffe raide, taillée en pointe devant et derrière, bordée d'un galon perlé et de houppettes, col cassé avec petits glands au bout des pointes, courroie à la ceinture, chapeau relevé d'une enseigne; il déroule une banderole.

Ces quatre figures sont extrêmement remarquables par le caractère, l'expression et la finesse d'exécution.

MONTANT DE LA MAITRESSE STALLE 56 (pl. LXXXIX). - Des nombreux sujets et statuettes qui décoraient le revers de la jouée, le montant en pendentif et le montant principal de la maîtresse stalle 56, dont on voit les emplacements vides, il ne subsiste qu'un seul, sur le montant principal. Il représente Marie conduisant par la main l'Enfant Jésus, pieds nus, vêtu seulement d'une tunique demi longue serrée à la taille, avec nimbe sans croix autour de la tête (1). MM. Jourdain et * Duval (2) ont supposé, non sans raison, que ce groupe figurait le voyage de la Sainte Famille à Jérusalem, et que Joseph devait occuper la niche voisine, aujourd'hui dépouillée.

PANNEAU DE LA RAMPE H 110 (pl. LXXVIII, en Z). — 1. Jésus parmi les docteurs. — Au milieu du temple, figuré par une arcature cintrée, avec accolades et crochets, portée sur des piliers carrés, s'élève une superbe chaire en style de la Renaissance, abritée par un dais richement brodé et frangé, dans laquelle l'Enfant Jésus est assis. Pieds nus, vêtu d'une simple tunique, la tête découverte et ornée d'un nimbe polylobé, sans croix, il semble discourir. Remarquons sa douce et intelligente figure. Autour de lui se pressent les docteurs symétriquement rangés, assis pour la plupart sur des escabeaux et paraissant l'écouter avec attention et étonnement. Ils ont les costumes les plus variés, les expressions de figures les plus vraies et les plus caractéristiques, mais où est marqué un air de bienveillance qui contraste avec les airs sceptiques et railleurs des pharisiens que nous verrons à la rampe F 106. Ils sont au nombre de huit : six sont assis en cercle autour de Jésus, trois à sa droite et trois à sa gauche.

Le premier, vêtu d'une longue robe à collet festonné, porte sur la tête une énorme coiffure à trois étages : bourrelet, rang de crevés, et motif de passementerie d'où sort un gland; un livre est ouvert sur ses genoux.

Le second est chaussé de galoches et encapuchonné dans un chaperon à longue pèlerine, sur lequel est enroulée la cornette dont l'extrémité retombe sur le côté.

Le troisième a endossé une espèce de houppelande; son chapeau à bords retroussés est surmonté d'un rang de crevés et d'une petite boule.

La robe du quatrième est munie d'un large col attaché par un fermail. Une espèce de casque à mèche posé sur un bonnet à longues oreilles pendantes, terminées chacune par un gland, encadre sa figure ornée d'une forte barbe.

(1) Il faut remarquer que, dans tous les sujets des stalles, Dieu seul est orné du nimbe. MM. Jourdain et Duval blâment les auteurs des stalles d'avoir omis la

croix au nimbe de l'Enfant Jésus dans ce sujet ainsi que dans le suivant.

(2) Afém. de la Soc. des Aitt. de Pic., in-8°,t. VII,p. 315.

Le suivant est un vieillard au visage glabre, osseux, décharné et étonnant de vérité, vêtu d'une houppelande à revers et coiffé d'un chapeau aux bords retroussés.

Il tient un rotulus.

Le dernier, qui est vu de dos, est très bizarrement costumé d'une longue robe au col découpé en longues pointes redéchiquetées; il a sur la tête un chaperon en bourrelet, dont la cornette fait le tour de son cou. Un chien dort sous son escabeau : la théologie transcendante ne l'intéresse pas.

Deux personnages enfin écoutent du haut des galeries du temple. L'un est en bonnet carré, et l'autre coiffé d'un chapeau crénelé.

A cette même galerie apparaissent Joseph encapuchonné et Marie, la tête voilée, manifestant leur joie et leur étonnement de retrouver Jésus.

Ce bas-relief est extrêmement remarquable et d'une conservation parfaite; on retrouve dans les docteurs les mêmes têtes énergiques et expressives que nous admirerons dans les pendentifs (i).

2. Retour à Nazareth. — Sur une hauteur plantée d'arbres, Nazareth apparaît.

Au milieu de maisons à hauts pignons, les uns lisses, d'autres à crochets, un autre en gradins, au sommet duquel flotte une bannière, s'élève une charmante église à fenêtres, balustrades et clocher octogonal terminé par une flèche, le tout dans le goût flamboyant; la ville est entourée d'une enceinte fortifiée à courtines, mâchicoulis, chemins de ronde, tours cylindriques crénelées, amorties en dômes; la porte est flanquée de deux tours de même, et surmontée d'un fronton demi-circulaire en style de la Renaissance, couronné lui-même d'un élégant campanile crénelé renfermant une clochette (2). La Sainte Famille se dirige vers la ville. Joseph, un bâton d'une main, l'autre levée, paraît montrer le chemin à Marie qui tient l'Enfant Jésus par la main. Celui-ci est vu de dos, levant légèrement la tête, comme pour écouter ce que sa mère lui dit, de sorte que son nimbe, orné cette fois d'une fort jolie croix, fait face au spectateur et masque presque complètement et d'une façon fort bizarre la tête de l'Enfant (3).

PANNEAU DE LA RAMPE 1 107 (pl. LXXXIII, en Y). — Un seul sujet : les Noces de Cana (4). — Une longue table est dressée, portée sur deux tréteaux et couverte d'une nappe; un pâté sur un plat, un couteau, un gobelet, une sorte de vase couvert qui paraît être une salière, quatre petits pains ronds, dont un est entamé, un tranchoir carré devant chaque convive, et, sur plusieurs de ces tranchoirs, des morceaux de viande, voilà le couvert. Sous la table, une corbeille remplie de pains (5) et un chien croquant les os qu'on lui a jetés (6). La mariée occupe le milieu de la table, on la reconnaît facilement à son air jeune et à sa toilette :

(1) L'ordonnance de cette scène est assez commune.

Elle a été sans doute vulgarisée par les estampes du temps. Cf. Chronique de Nuremberg, 1493, in-fol., fol. xcv. — Une estampe de la même époque, Bibl. Nat., Est., B a 18 c, rés., etc.

(2) Sur les clochettes des portes, voy. ci-dessus, t. II, p. 106.

(3) Ce nimbe vu par derrière eut le don d'horripiler Didron, à qui d'ailleurs les stalles de la cathédrale d'Amiens ne plaisaient guère. Il ne manquait jamais

de l'appeler avec dédain « nimbe en casquette ». Voy.

notamment, Ann. archéol., t. I, p. 378 (I*, 218).

(4) Joan., 11, 1-11.

(5) Nous avons déjà vu la corbeille de pains accompagner la table du pharaon dans la rampe C 51.

L'appuie-main 8-9 nous montrera le boulanger apportant ses pains également dans une corbeille.

(6) A la rampe C 51, c'est un chat qui lèche les assiettes du pharaon.

robe ouverte en carré avec galon perlé sur la poitrine et espèce de broche entre les deux seins, larges manches d'où sortent les manches plus étroites d'un vêtement de dessous, patenôtre pendue à la ceinture, magnifique collier autour du cou, les cheveux tombant en longues mèches sur les épaules, et chapeau de roses sur le front (i). A sa droite est une femme âgée, sa mère, sans doute, la tête voilée, portant une robe dont le corsage est ouvert en pointe sur la poitrine laissée nue, garni de fourrures aux parements des manches et à l'encolure et ceint par une large courroie que rattache une boucle fort élégante; d'un geste affectueux, elle pose la main sur l'épaule de sa fille. Marie, la tête voilée, est assise à la gauche de la mariée. Un jeune homme imberbe (2), un rang de crevés autour du cou, manches serrées aux poignets et soulevant poliment son chapeau aux bords entièrement relevés, crénelés et ornés d'une enseigne, s'approche d'elle discrètement et lui frappe doucement sur l'épaule, pour l'avertir sans doute qu'il n'y a plus de vin. Se tournant vers Jésus, qui est au bout de la table à côté d'elle, Marie semble lui dire : « Ils n'ont point de vin » (3). Jésus, vêtu d'une simple tunique, sans ceinture, courte barbe, tête nue, les cheveux tombant sur les épaules, s'adresse à quatre serviteurs qui lui présentent six urnes posées à terre : « Remplissez d'eau ces urnes, puisez maintenant, et portez-en au maître du festin » (4). Le premier a des souliers découverts en bec de cane, des chausses tailladées aux genoux et bizarrement garnies de galons le long des cuisses, une saie fendue sur les deux pans réunis par des aiguillettes lâches, avec manches fendues; le bras sort par la fente et est couvert seulement par la manche de la chemise serrée aux poignets. Ce serviteur se baisse comme pour montrer les urnes à Jésus. Les trois autres ont des figures extrêmement remarquables de finesse et d'expression et sont couverts de vêtements longs et drapés. A l'autre bout de la table, se tient Yarchitriclinus, qu'au moyen âge on appelait Yarchetreclin, homme respectable, à la barbe épaisse, vêtu d'une robe au capuchon relevé, avec manches à parements de fourrure découpés; son chapeau surmonté d'une boule est entouré d'un bourrelet orné d'une enseigne; il tient d'une main un couteau, et, de l'autre, il approche de sa bouche une écuelle pleine de vin, paraissant dire au jeune homme imberbe, l'époux, sans doute, qui s'approche de lui : « Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le mauvais, quand on est ivre, et toi, tu as gardé le bon jusqu'à présent » (5). Le costume de l'époux n'est pas moins remarquable que celui de sa femme : souliers en bec de cane, sans quartiers, saie bordée d'un galon, manteau demi-long à collet, jeté sur les épaules d'où il tombe en plis droits jusqu'à la cheville; son chaperon en forme de toque à longs poils est retenu sur l'épaule gauche par la cornette, la patte tombant derrière le dos. Le lieu du festin est une salle carrelée ou plutôt la cour intérieure d'une maison crénelée : à la droite du spectateur, est une porte en plein cintre, surmontée d'une accolade à crochets et accompagnée de deux petites baies en plein cintre, à côté s'ouvre une grande fenêtre carrée à croisée de pierre, entièrement vitrée d'une mise en plomb en losanges, ornée de deux écus dans des chapeaux de triomphe, l'un à la croix

(1) Voy. leg fiançailles de la Sainte-Vierge, au 2e panneau de la rampe D 40.

(2) « Dicit mater ejus ministris ». Joan., 11, 5.

(3) Joan., 11, 3.

(4) Joan., 11, 7, 8.

(5) Joan., 11, 10.

cantonnée de quatre besants ou tourteaux (1), l'autre à une fleur de lis; charmant modèle de vitrerie civile. Un superbe dais orné de franges et de broderies, dont les courtines sont gracieusement relevées à droite et à gauche, et dans le fond duquel pend un motif de passementerie de forme losangée, est étendu au-dessus de la mariée. De l'autre côté, est un dressoir gothique, composé d'une tablette inférieure sur laquelle est posée une cane à anse et couvercle, et d'une armoire à deux vantaux sculptés, avec serrure et pentures. Une nappe est jetée sur la tablette qui surmonte l'armoire, où sont posés une espèce de flacon à large goulot et trois gobelets mis les uns dans les autres au milieu d'un plat; un dossier avec panneaux à draperies plissées, couronné d'une dentelle flamboyante, complète ce meuble qui est d'une très élégante simplicité.

PANNEAU DE LA RAMPE 1 106 (pl. LXXXIII, en Z). — Le sujet suivant qui occupe aussi à lui seul le panneau tout entier, se rapporte à un fait de l'Évangile assez rarement reproduit dans l'iconographie du moyen âge. C'était un jour de sabbat; Jésus venait d'avoir avec les Pharisiens une longue controverse accompagnée de miracles, sur le point de savoir si l'on pouvait guérir le jour du sabbat. Il avait confondu leur étroit formalisme. « Comme il parlait encore au peuple, sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler. Quelqu'un lui dit : Ta mère et tes frères sont là dehors, qui te cherchent. Jésus répondit à celui qui lui parlait ainsi : Qui est ma mère et qui sont mes frères? Et étendant la main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères, car quiconque aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (2). On peut subdiviser ce -bas-relief en deux parties inégales; la première représente l'intérieur d'un édifice aux grandes fenêtres en accolades garnies de remplages flamboyants; la porte est mi-Renaissance, mi-gothique, en arc surbaissé, d'une grande richesse, et ornée d'un rang de perles, avec frise à feuilles de refend : elle est surmontée d'un fronton cintré à coquille, entouré d'imitations de gemmes, amorti en accolade, avec animaux fantastiques formant crochets et épi en fleur de lis. Cette porte est flanquée de deux colonnes gothiques aux fûts imbriqués, aux tailloirs polygonaux et surmontées chacune d'un marmouset (3). Cette porte donne sur la campagne qui forme la seconde partie de la composition. On y aperçoit une ville avec ses toits à pignons, ses clochers, sa porte en plein cintre flanquée de deux tours carrées, ses courtines et ses tours crénelées, les unes cylindriques, les autres polygonales. Marie, un voile sur la tête, s'approche de la maison, accompagnée de quatre personnages, les « frères » de Jésus : l'un, qui est barbu, tête nue, la chevelure tombant en longues boucles sur les épaules, tunique longue, serrée à la taille par une courroie, manteau attaché sur la poitrine par un bouton, les pieds nus, est certainement un apôtre, sans doute saint Jacques le Mineur, ou moins vraisemblablement saint Jude, son frère, tous deux fils d'Alphée; le second est aussi nu-tête, sa chevelure est plus courte, et sa figure rasée, sauf les moustaches qui sont fort longues; le troisième est imberbe et a les cheveux bouclés; le dernier est une femme coiffée d'un bourrelet par-dessus la

(1) Ce sont les armes de la famille Pièce, d'Amiens.

(2) Matth., XII, 46-50. — Voy. aussi Marc., ni, 31-35;

Luc., vin, 19-21.

(3) Il ne reste plus que les pieds de ces marmousets.

guimpe (i). Tous ont des visages souriants, comme s'ils se réjouissaient de revoir Jésus. Dans l'intérieur de la maison, celui-ci est monté sur une estrade, la tête et les pieds nus, vêtu seulement d'une longue tunique sans ceinture. Le peuple est figuré par cinq personnages aux attitudes, aux expressions les plus pittoresques, les plus variées et les plus vraies. Comme elle respire le doute et l'ironie cette tête de pharisien à la barbe effilée en deux pointes, coiffée d'une espèce de casque à mèche, qui se penche vers Jésus en ricanant. Comme ils ont l'air arrogants et convaincus de leur savoir ces deux scribes paraissant méditer quelque nouvelle question insidieuse. Ils sont assis près de la porte, l'un sur un escabeau, l'autre sur une sorte de chaise fort bizarre, dont le dossier est placé à l'un des angles. Celui-ci porte la barbe entière et des souliers à la poulaine; le col de sa robe fait deux pointes par derrière. Celui-là a la tête enveloppée dans un capuchon pointu, dont la pèlerine, qui s'en va en pointe le long du dos, est terminée par un gland; son visage est rasé, sauf les moustaches. Un autre homme imberbe, une verrue sur la mâchoire gauche, coiffé d'un bourrelet à enseigne par-dessus un bonnet, se tient dans la porte, regardant venir Marie et ses compagnons; un cinquième personnage vêtu d'une saie fendue sur le côté, à larges manches et à grands revers de fourrures ornés chacun d'un gland qui retombe sur la poitrine, ceint d'une courroie où pend une bourse, et coiffé d'un chapeau aux bords bizarrement enroulés, frappe sur l'épaule de Jésus et lui montre sa mère et ses frères qui s'apprêtent à entrer.

Jésus le regarde, et, étendant la main vers ses disciples qui se tiennent à sa gauche, semble lui dire : « Voici ma mère et mes frères ». Les disciples sont figurés par six personnages barbus, sauf un seul, qui doit être Jean; les cheveux crépus et la barbe frisée d'un autre pourraient peut-être désigner Pierre; les quatre derniers ne sauraient être identifiés. Tous sont presque uniformément couverts de vêtements drapés; seules les physionomies diffèrent; on ne voit pas leurs pieds.

Cinq sont debout; celui qui est au premier plan, est assis sur un escabeau, un livre fermé sur les genoux.

PANNEAU DE LA RAMPE J 96 (pl. LXXXIV, en Y). — 1. Jésus attaché à la croix.

- Jésus presque entièrement nu, les reins ceints d'une écharpe et couronné d'épines, les mains liées avec des cordes, est assis sur la croix faite de bois lisse et bien dressé et étendue par terre. Un aide y perce à l'avance au moyen d'une énorme tarière les trous pour les clous qui devront attacher les mains et les pieds du Sauveur (2). Cet aide est jeune et imberbe, aux cheveux crépus; il porte des souliers à la poulaine, des chausses collantes rattachées par des aiguillettes à un pourpoint fendu de deux grands crevés au milieu du dos, sans manches et décolleté, la chemise bouffant entre les chausses et le pourpoint, au col et aux bras, les manches retroussées. Derrière lui, un personnage d'importance, en longue robe, avec capuchon sur la tête, par-dessus lequel est posé un chaperon à bourrelet

(1) « Nonne hic est fabri filius? Nonne mater ejus dicitur Maria, et fratres ejus Jacobus et Joseph et Simon et Judas, et sorores ejus, nonne omnes apud nos sunt? » ftlatth., XIII, 55, 56. — Voy. aussi Marc., VI. 3.

(2) MM. Jourdain et Duval (ob. cit., dans Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., t. VII, p. 251) rappellent la légende d'après laquelle la croix aurait été percée à l'avance

aux endroits où devaient être attachés les mains et les pieds de Jésus; les trous destinés aux mains ayant été percés trop loin l'un de l'autre, lorsqu'une des deux mains eut été attachée, on fut obligé, pour atteindre l'autre trou, de lui tirer si violemment les bras que ses veines se rompirent.

qui retombe comme un bonnet phrygien, un papier roulé à la main, paraît parler à Jésus. C'est sans doute Ponce-Pilate apportant le texte du titulus. Deux autres personnages raccompagnent. De l'autre côté et au premier plan, un individu à la face vulgaire et grimaçante, traversée par une longue moustache, regarde Jésus en ricanant; son accoutrement est des plus bizarres : un pied chaussé d'un houseau à revers et l'autre nu, les jambes nues, un haut de chausses tailladé d'un côté, découpé en longues pointes de l'autre, une saie découpée en festons et ornée d'un galon perlé par en bas, ouverte en carré sur la poitrine, avec profusion de crevés aux manches et sur le devant, la chevelure enveloppée dans un mouchoir attaché sur le haut de la tête par un affiquet; son chapeau aux bords crénelés et entièrement relevés en forme de toque, orné d'un affiquet, pend derrière son dos, retenu par une gourmette; il a une corde passée en bandoulière et s'appuie sur une énorme épée dans son fourreau. C'est bien l'exécuteur de la haute justice avec tous ses insignes et dans l'exercice de ses fonctions. On peut le comparer avec celui qui pend le grand panetier sur la rampe C 5i. Trois soldats se tiennent derrière lui : imberbes, couverts d'armures de plates, et coiffés de casques de diverses formes; 1 un porte une lance à banderole, un autre, un petit écu. Un marteau, des tenailles et trois clous gisent à terre. Dans le fond, on aperçoit Jérusalem avec ses maisons, ses clochers, ses renlparts munis d'une tour cylindrique crénelée, et une porte ou poterne flanquée de deux poivrières.

2. Marie au pied de la croix. — Jésus en croix occupe le centre de la composition ; il est nu, une simple écharpe à la ceinture, et attaché par trois clous à une croix de bois, en forme de tau surmontée du titulus portant les lettres 1 N R I. A ses côtés, les deux larrons, également nus, avec écharpe à la ceinture, sont liés par des cordes à des croix aussi en forme de tau, mais en bois brut. A la droite du Christ, le bon larron tourne la tête vers lui d'un air plein de repentir et Jésus le regarde avec bonté. Au premier plan, Marie tombe en pâmoison, affaissée sur elle-même, les mains croisées sur la poitrine, tandis que Jean la soutient par les épaules; la Madeleine se précipite vers Jésus levant les mains et la tête, comme en proie au plus profond désespoir; Marie, femme de Cléophas, la tête voilée, se tient par derrière. A la gauche de Jésus, le mauvais larron détourne la tête, et trois soldats avec casques de diverses formes sont accompagnés d'un quatrième personnage, dont le costume plus riche que celui des autres, paraît désigner un chef : solerets en bec de cane et jambières, braconnière à écailles de poissons, corselet à tassettes avec motifs de décoration sur les pectoraux, pourpoint à larges manches tailladées, casque orné d'un panache; il s'appuie sur un grand écu à une tête de lion, bordé de têtes de clous, lève la tête et la main vers le Christ et paraît parler. N'est-ce pas le centurion disant ces mots : « Vere filius Dei erat iste » (i)? Dans le fond, on aperçoit toujours Jérusalem, avec ses maisons, ses clochers et ses remparts crénelés (2).

(1) Matth., XXVII, 54; Joan., xxvn, 54.

(2) Bien que Jésus en croix soit placé encore d'une façon un peu symétrique au centre de la composition, la tradition iconographique et hiératique du moyen âge n'est plus suivie, et le Crucifiement est représenté à la moderne, c'est-à-dire d'une façon pittoresque. Les

accessoires traditionnels n'y sont plus : le soleil, la lune, les anges recueillant le sang de Jésus dans des calices, la tête de mort, Adam ressuscitant, l'Église et la Synagogue, etc. MM. Jourdain et Duval observent avec raison tout ce qu'y perd la dignité d'un pareil sujet. Ce n'est pas ainsi que le haut moyen âge traduisait les

PANNEAU DE LA RAMPE J 95 (pl. LXXXIV, en Z). — I. Jésus descendu de la croix. — Même décor. Monté sur une échelle qui est appuyée à la croix, un personnage barbu, tête nue, saie serrée à la taille, fendue sur les côtés avec galon et affiquet, chaperon en forme de capuchon relevé, dont la pèlerine est bordée d'un galon perlé, descend doucement le corps inanimé du Sauveur. Un autre, coiffé d'un bonnet à oreilles tombantes terminées par des glands, sur lequel est posé un bourrelet (1), retient le corps de Jésus par les pieds, pour l'empêcher de tomber. Marie, mère de Jésus, n'est pas encore revenue de sa défaillance, et Jean la soutient toujours, aidé de Marie, femme de Cléophas, tandis que la Madeleine agenouillée baise avec effusion les mains pendantes du Sauveur.

2. Mise au tombeau. — Un sépulcre, ou plutôt un sarcophage ouvert, orné de petites roses tréflées, au-dessus duquel Joseph d'Arimathie et Nicodème tiennent le corps inanimé de Jésus étendu sur un linceul. Au premier plan, la Madeleine agenouillée découvre une boîte à parfums de forme cylindrique, tandis que, dans le fond, Marie éplorée, accompagnée de Jean et de deux saintes femmes, se penche les mains jointes vers le corps de son fils : la couronne d'épines gît à terre. A l'arrière-plan, on aperçoit Jérusalem comme précédemment (2).

PANNEAU DE LA RAMPE K 87 (pl. LXXXI, en Z). — I. Apparition de Jésus ressuscité à Marie (3). — L'Évangile ne dit pas que Jésus ressuscité soit apparu spécialement à Marie : c'est pourtant une tradition répandue depuis longtemps, qu'il n'a pas été sans se montrer à sa mère après sa résurrection, et que même sa première apparition dut être pour elle (4). Nos artistes ont supposé le fait dans la cour intérieure d'une fort jolie maison : d'un côté est une porte en arc surbaissé, surmontée d'un écu chargé d'une croix et couronnée d'un fronton semi-circulaire en coquille, orné de crochets et flanqué de deux statues d'hommes en pied, sous des dais d'architecture; une autre face de la maison s'ouvre par un grand arc trilobé, terminé en accolade surmontée d'une statue d'homme en pied feuilletant un livre; au-dessus, est un gable à rampes droites ornées de crochets, et, à l'extrémité, une statue d'homme en pied déroulant une banderole. A travers cette grande arcade, on aperçoit le vestibule intérieur de la maison, voûté sur croisées d'ogives, d'où part un escalier de bois à vis, avec panneaux à draperies plissées; à côté, est une fenêtre carrée à croisée de pierre, dont les deux carreaux supérieurs sont vitrés à losanges, et les deux autres fermés par des volets à

simples paroles de saint Jean : « Stabant juxta crucem Jesu mater ejus et soror matris ejus Maria Cleophae et Maria Magdalene. Cum vidisset ergo Jésus matrem et discipulum stantem quem diligebat », etc. (Joan., xix).

Ce n'est plus la mort d'un Dieu, mais la mort d'un homme. Mais c'était la mode du temps. A l'ancienne tradition, la Renaissance en a substitué une autre pour représenter le Crucifiement et la Descente de croix. Elle s'est perpétuée jusqu'à nos jours.

(1) MM. Jourdain et Duval ont nommé le premier de ces deux personnages Joseph d'Arimathie, et l'autre, Nicodème, mais l'importance de la coiffure du dernier devrait plutôt le faire prendre pour Joseph d'Arimathie : « Homo dives » (Matth., XXVII, 57); <r Nobilis decurio Ñ

(Marc., xv, 43).

(2) Personne n'ignore la vogue extraordinaire qu'eut ce sujet à partir du xv° siècle. Chaque église voulut avoir son sépulcre, et il nous en est resté un grand nombre dont plusieurs sont des chefs-d'œuvre. Dans ses dimensions minuscules, celui-ci ne serait pas déplacé parmi les plus remarquables.

(3) Bien que nos artistes n'aient pas hésité à l'occasion à figurer des scènes ou Marie n'était pas présente, telles que le Massacre des Innocents, par exemple ; ils n'ont pas placé ici la Résurrection.

(4) S. AMBR., Lib. II de Virg. — Leg. aur., De Resurrect. Domini, — etc.

draperies plissées. Trois bannières flo.ttent au faîte de la toiture. Par-dessus le mur qui ferme un des côtés de la cour, on aperçoit la campagne plantée d'arbres, et un château aux tours crénelées. Marie était en prières, agenouillée devant un prie-Dieu, sur lequel est posé un livre ouvert : elle fait un geste de surprise en apercevant Jésus qui s'approche d'elle presque nu, un linceul jeté sur les épaules, les mains et les pieds percés et montrant la plaie de son côté.

2. L'Ascension (1). — Marie, et les apôtres et les disciples au nombre de douze, agenouillés, les mains jointes ou levées, les yeux au ciel, regardent Jésus qui vient de quitter la terre du haut d'un monticule conservant encore, suivant la tradition, la trace de ses pieds. Le Sauveur s'élève dans les airs au milieu d'une auréole rayonnante, et disparaît dans un nuage qui ne laisse plus voir que ses pieds et le bord inférieur de sa robe. Dans la campagne, on aperçoit deux espèces d'églises ou de châteaux surmontés de flèches (2).

JOUÉE L 86. — Elle est garnie de six sujets disposés d'une façon à peu près semblable à ceux de la jouée F 31 qui lui fait vis-à-vis.

1. Descente du Saint-Esprit (pl. LXXXII, en Z). — Le Cénacle est figuré par une salle voûtée sur croisées d'ogives et éclairée par de grandes fenêtres en accolades, avec crochets et remplages flamboyants, et vitrées en losanges. Marie, voile sur la tête, et deux saintes femmes coiffées l'une d'un bourrelet, l'autre, d'une riche coiffe ornée d'un affiquet sur le front et de grosses rosaces aux oreilles (3), sont au milieu des apôtres et des disciples : il y en a douze, comme dans la scène de l'Ascension; ils sont vêtus à l'antique et pieds nus, les uns barbus, les autres imberbes, les uns à genoux, les autres debout. Tous joignent ou étendent les mains, les regards tournés vers le ciel, sauf Marie qui baisse modestement les yeux. Une pluie de langues de feu tombe sur eux d'une nuée qui apparaît en haut de l'appartement (4).

2. La Mort de Marie (fig. 2o5) (5). — Marie, un voile sur la tête et entièrement vêtue, est couchée sur un lit, un cierge allumé entre les mains. Autour d'elle se pressent les apôtres, dont les figures reflètent la tristesse et la désolation. Ils sont au nombre de onze. L'un d'eux, Pierre sans doute, bien que l'entailleur ne lui ait pas donné son type traditionnel, asperge la moribonde d'eau bénite au moyen d'un grand goupillon à longs poils; un autre, encore jeune et imberbe — saint Jean? — est penché sur le lit, affaissé dans sa douleur, la tête plongée dans un livre ouvert; un troisième s'appuie sur un bâton, un autre égrène son chapelet, deux tiennent des livres ouverts. Trois sont au premier plan, assis sur un banc, les huit autres derrière le lit. Au revers, on voit les dos de ces derniers, qui sont montés sur un banc, sous lequel trottent un rat et une souris.

(1) Marc., xvi, 19; Luc., xxiv, 51; Act., I, 9.

(2) Ce panneau a été un peu détérioré par l'usure.

(3) « Cum introissent in cœnaculum, ascenderunt ubi manebant Petrus et Joannes, Jacobus et Andréas, Philippus et Thomas, Bartholomœus et Matthaeus.

Jacobus Alphei et Simon Zelotes et Judas Jacobi; hi omnes erant perseverantes unanimiter in oratione, cum

mulieribus et Maria matre Jesu et fratribus e jus ».

Act., 1, 13, 14.

(4) Ce bas-relief a été passablement abîmé par le frottement.

(5) Sur la mort, l'assomption et le couronnement de Marie, voy. ci-dessus, t. I, p. 400.

3. L'Assomption (fig. 2o5). — Marie, radieuse et resplendissante de jeunesse,

« fouêe J' 8(>.

Ihiiardm

debout, les mains jointes, longue robe ouverte en cœur sur la poitrine, manteau drapé sur les épaules, sans voile, la chevelure tombant en longues mèches, comme avant la naissance de Jésus, est enlevée au ciel par cinq anges en aubes et amicts. Six apôtres sont à genoux, les mains jointes ou étendues, levant vers le ciel leurs visages ravis. Au revers, est la contre-partie de ce qui précède, plus quatre apôtres (dix en tout), deux debout, et deux à genoux, exprimant les mêmes sentiments.

4. Couronnement de Marie (fig. 2o5). — Sous un dais richement brodé et bordé de franges, dont deux anges en aubes et amicts soulèvent gracieusement les courtines, la Trinité est assise sur un banc, dont le dossier est couronné d'une jolie crête gothique.

Elle est représentée par trois personnages aux physionomies identiques, barbus, têtes et pieds nus, vêtements drapés, celui qui est à la droite du spectateur portant en plus une chape à fermail d'orfèvrerie. Les deux personnes qui sont aux extrémités du banc tiennent chacune un sceptre fleurdelisé et un globe; celle qui est assise au milieu, à une place plus élevée, pose une couronne (1) sur le front de Marie qui, les mains jointes, est agenouillée devant elle, face au public. Au revers, on voit le dossier du banc qui est composé de panneaux à draperies plissées,

et deux anges debout, vêtus comme les premiers, relevant les courtines du dais.

5 et 6. Concert d'anges assistant au couronnement de Marie (fig. 2o5). — Il y en a dix dans chaque groupe, cinq au droit et cinq au revers : tous sont vêtus de

(1) Elle est brisée.

l'aube et de ramict, sauf un, au droit du groupe n° 5, qui porte en plus une dalmatique frangée. Quatre anges, un sur chacune des faces de chaque groupe, jouent des instruments de musique : harpe, trompette recourbée ou cornet, luth, viole.

Sur le montant antérieur, onze niches ont été dépouillées des statuettes et des groupes qu'elles abritaient, et dont on voit encore plusieurs chevilles d'attache.

Ils devaient se rapporter aux circonstances accessoires de la mort de Marie, et pouvaient représenter les funérailles de la Vierge, le châtiment des Juifs qui avaient osé toucher à son cercueil, sujets si fréquents au moyen âge, etc.

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Appuie-mains.

La maîtresse-stalle étant sculptée du haut en bas de sujets historiés n'a pas d'appuie-mains (ï).

1-2 (2). Un homme imberbe, accroupi, les mains croisées sur le genou et encapuchonné.

Pl. LXI. — 2-3. Un homme imberbe, vêtu d'une longue robe, à col rabattu et revers, serrée à la taille. Sur la tête, il porte une espèce de barbute ornée de volutes sur les oreilles. Un chien à poil ras est assis à côté de lui; d'une main il le caresse, et, de l'autre, il paraît vouloir lui tirer quelque chose de la gueule.

3-4. Un homme à figure joufflue, imberbe, vêtu d'une longue robe et coiffé

(1) Voy. ci-dessus, t. II, p. 171.

(2) Faux appuie-mains en bas-relief contre la jouée de la maîtresse stalle.

d'une espèce d'écharpe enroulée autour de la tête à la façon d'un turban, dont l'extrémité découpée retombe sur le côté comme le guleron ou la patte du chaperon. A sa ceinture pend une bourse ornée par en bas de trois petites boules.

Il déroule une longue banderole.

4-5. Appuie-mains d'angle formé de deux personnages se rejoignant vers la tête. L'un part d'une parclose et l'autre de l'autre. Ce sont deux clercs, la bouche ouverte, chantant dans un énorme livre de chœur qu'ils tiennent sur leurs genoux. Ils ont le visage rasé, mais ne sont pas tonsurés; leurs surplis à larges manches, n'ont pour ouverture, pour passer la tête, qu'un trou circulaire orné d'un entre-deux. L'un porte l'aumusse sur le bras gauche, l'autre pose amicalement sa main gauche sur l'épaule de son voisin (i).

5-6. Une jeune fille, dont le visage a été, hélas! par trop usé par le frottement. Élégamment vêtue d'une double jupe, celle de dessus fendue sur les côtés et ornée d'affiquets dans les fentes, coiffée d'un couvre-chef assez simple, de dessous lequel s'échappent de longues mêches de cheveux qui retombent en désordre sur les épaules, elle s'enfonce des deux mains un poignard dans la poitrine.

6-7. Ce personnage est un des mieux conservés, et aussi un des plus jolis et des plus typiques de la collection. Le visage protégé par les larges bords du chapeau a gardé son modelé presque aussi net que lorsqu'il est sorti de la main des sculpteurs, et Dieu sait s'il est finement et spirituellement traité. On y reconnaîtra sans peine un apothicaire. Les traits accentués, les rides profondes qui sillonnent son visage et qui lui donne tant de caractère, en font un homme d'un certain âge : il porte une robe traînante, dont les manches sont d'une extrême complication : un rang de crevés aux épaules, deux torsades vers le coude et encore un s rang de crevés au poignet, le tout allant en diminuant de l'épaule au poignet. De sa ceinture partent quatre longues basques arrondies par le bas et qui paraissent être faites de cuir ou d'étoffe raide et ornées d'un semis de gros pois. Il pile dans un énorme mortier quelque « drogue laxatifve », mais ce travail il le fait machinalement, et son esprit est ailleurs : il écoute sans doute les misères de quelque cliente, et il cherche dans sa tête le meilleur remède à ses maux (2).

Pl. LXXII. — 7-8. Dans une chaire à prêcher carrée, sans dossier ni abat-voix, affublé d'une chape de Jacobin dans le capuce de laquelle il a déjà emmagasiné trois pièces de volaille (3), maître Renard prononce « ung bel et solempnel sermon » devant un auditoire de gallinacées, quatre coqs et deux poules. Le rusé mangeur de poulets singe le geste d'un prédicateur d'une façon vraiment comique : une patte sur l'appui de la chaire, il accompagne de l'autre, qui est levée, une

(1) Nous retrouverons le même sujet dans les pendentifs. — Cf. miséricordes de la cath. d'Auch.

(2) Nous retrouverons un semblable sujet dans l'appuiemains 69-70. — Cf. appuie-mains des stalles de la cath.

de Rouen.

(3) A l'époque où les religieux mendiants allaient encore de porte en porte quêter leur subsistance, comme ils ne portaient ni bourse, ni sac, ils mettaient partout où ils pouvaient les objets qu'on leur donnait, dans leurs

manches, dans leur capuce ou ailleurs. Les Franciscains ont conervé l'usage de se servir de leurs manches en guise de poches. Le même détail se retrouve dans le renard prêchant aux poules des stalles de Saint-Taurin d'Évreux (LANGLOIS, Stalles de la cath. de Rouen, pl. 87), dans celui de l'église de Cuiseau, Saône-et-Loire (MONNIER, Bullet. archéol. du comité, t. II, 1842, p. 686), et probablement ailleurs encore.

m pénétrante et persuasive démonstration. Son fin museau a été altéré par l'usure et présente aujourd'hui l'aspect d'un bec de corbeau (i).

8-9. Le boulanger. Il est à peu près entièrement nu : son seul vêtement est un tablier à bavette fortement échancré sur la poitrine et sur les épaules, avec un bizarre collet formé de quatre rangs d'imbrications. Il a sur la tête un mouchoir attaché par un affiquet, tandis que son chapeau, à bords crénelés, retenu au cou par une gourmette, tombe sur son dos. Pour donner plus de corps à la base et conserver le galbe général, l'artiste a très habilement fait retomber sur ses cuisses et sur ses jambes de gracieux enroulements de feuillage, qui n'appartiennent pas à son costume. Il est accroupi et tient devant lui une corbeille remplie de pains ronds. Malgré l'usure qui a fait presque entièrement disparaître le nez, la physionomie de notre personnage a conservé je ne sais quel charme dans l'expression (2).

9-10. Un homme au visage orné d'une forte barbe, chaussé de houseaux, vêtu d'une longue robe fendue d'un seul côté, serrée à la taille, et coiffé d'un chapeau.

Sur ses épaules, il porte une hotte en vannerie remplie de petites boules, qui peuvent être des fruits, des légumes ou d'autres choses, et il s'appuie sur un gros bâton (3). Protégé par le chapeau, le visage a gardé sa fraîcheur.

10-11. Un jeune garçon imberbe, presque un enfant, à la chevelure frisée comme un mouton, grelots pendus aux oreilles, très coquettement vêtu d'une saie aux manches tailladées aux épaules, ouverte en cœur sur le devant pour laisser voir le vêtement de dessous, et d'un manteau négligemment jeté sur l'épaule gauche et drapé autour du corps. La tête levée, le nez en l'air, comme s'il éprouvait une suprême jouissance — position fâcheuse pour lui, car le frottement des mains lui a complètement aplati le visage — la main gauche entre les cuisses, il donne « la chasse à de très menu gibier », pensent charitablement MM. Jourdain et Duval.

11-12. Un « ménestrel ». Un homme imberbe, le visage usé par le frottement, vêtu d'une longue robe entr'ouverte à la gorge, besace frangée à la ceinture, chapeau à plumes, jouant de la musette (4).

12-13. Femme vêtue d'une robe fort simple, ouverte, en pointe par derrière et attachée par des lacets d'une façon fort originale, et, par devant, découpée en carré avec une petite fente tout à fait coquette sur un vêtement de dessous posé à plat. A la taille est une courroie à laquelle pend une jolie bourse ornée de petites boules. Elle est coiffée d'un mouchoir qui ne laisse rien paraître de sa chevelure. Ce doit être un accoutrement de femme du peuple ou de mesquine, car nous verrons plus loin (5) une lavandière porter une robe à peu près de même coupe. Accroupie, les mains croisées sur son genou droit, elle semble écouter

(i) Ce n'est pas le lieu d'entreprendre une dissertation sur ce sujet si populaire au moyen âge. Rappelons seulement ce texte d'un auteur sacré du XIIIe siècle : « Ve prophetis insipientibus, qui sequuntur suum spiritum

Quasi vulpes in deserto prophete tui, Israël, erant. Vulpes insidiantur pullis galline, sic mali prelati subditis quos debent, gallina tanquam pullos, fovere ». Comment, sur les psaumes, par Jean Halegrin d'Abbeville. Bibl. Nat.

ms. lat. 447, fol. 2. — Sur Jean Halegrin, voy. ci-dessus,

t. I, p. 16.

(2) Cf. l'appuie-mains 44-0 des stalles de la cath. de Rouen.

(3) La partie supérieure du bâton et tout l'avant-bras gauche sont brisés.

(4) La pipe et les chalumeaux de l'instrument ont été brisés. — Cf. Stalles de la cath. de Rouen, misér. 51, berger jouant de la musette.

(5) Appuie-mains 70-71.

une voisine qui raconte une histoire, à moins qu'elle ne la raconte elle-même (1).

Pl. LXII et LXIII. — 13-14. Cet homme à longs cheveux et longue barbe, assis les jambes croisées, ne peut être qu'un mendiant. Il a pour tout vêtement un chapeau à larges bords retroussés par devant, et un simple morceau d'étoffe artistement drapé, de manière à compléter le galbe de l'appuie-mains. Ce doit être un spécimen de l'intéressante catégorie d'individus que, dans les registres de l'échevinage d'Amiens, nous voyons qualifiés de maraux, bélistres et mendians, la plaie des villes et des campagnes au moyen âge, hôtes dans cette ville de la rue des Miracles (2), et contre lesquels la municipalité fit tant d'ordonnances restées toujours inefficaces. L'échevinage les fit notamment expulser de la cathédrale en i5o6 (3).

Pl. LXIII. — 14-15. Un ange aux longues ailes, vêtu seulement d'une tunique sans manches, retroussée sur les genoux, tenant un écu parti, de forme contournée.

15-16. La mère sotte. Le nez en l'air et vous regardant avec un rire niais de sa grosse face aplatie par le frottement, sortant d'un capuchon à oreilles d'âne, orné par le milieu d'un rang de grelots qui vont en s'amincissant de la nuque au front, elle « touille » avec une grande cuiller une espèce de bouillie dans une marmite placée devant elle.

16-17. Je ne sais pourquoi MM. Jourdain et Duval ont traité de niais ce petit homme imberbe, à l'air pensif. Est-ce sa faute si le temps et les caresses des chanoines lui ont aplati le visage et brisé en même temps que sa main droite l'objet qu'il tenait sous son bras gauche et qui nous eût peut-être permis de le reconnaître? Toujours est-il que ce qui reste de l'extrémité inférieure de cet objet est une sorte de gros bâton ressemblant assez à la monture d'une arquebuse. Son costume est une longue robe à col droit, serrée par une ceinture, à manches larges aux coudes et étroites aux poignets, relevée sur le genou droit et laissant voir les chaussons qu'il a aux pieds et ses chausses distinguées en haut et bas de chausses, jarretés sous le genou. Il est coiffé d'un chapeau.

17-18. Le boucher. Il a une espèce de béret sur la tête; son pourpoint est à col droit, boutonné par devant, avec manches longues et étroites, tailladées aux coudes et aux épaules; la chemise s'échappe en flots entre ce pourpoint et le haut de chausses qui s'arrête à mi-cuisses; le haut et le bas de chausses sont extrêmement collants et moulent exactement les formes. Protégé par un ample tablier ingénieusement drapé, il enfonce un couteau dans la gorge d'un animal, bœuf ou veau, aux formes assez mal définies, étendu sous lui et sur la tête duquel il pose un pied; l'autre genou est sur les reins de la victime (4).

18-19. Cet appuie-mains a été intitulé par MM. Jourdain et Duval : La vieille et l'oiseau. Je leur en demande pardon, c'est bel et bien un homme, voire même un jeune homme, le faucon au poing, mais dont le frottement a complètement aplati le visage. Il est imberbe, à demi agenouillé et porte une longue houppelande à col droit, ouverte sur le devant, de la gorge à la ceinture, serrée à la taille et retombant en plis par-dessus la ceinture. La façon des manches est tout à fait

(1) Il ne lui reste plus rien du visage.

(2) 1533 : « Et pour ce que lesdits belistres et telle manière de gens se porroient logier et cachier ès maisons de plusieurs cabarestiers, hostelliers, tant en la rue des Miracles, comme ailleurs :;', etc. Arch. de la ville d'Am.,

AA 12 (reg. M), fol. 171 vo.

(3) Echevin. du 18 juin 1506. Arch. de la ville d'Am., BB 20, fol. 127 vo,

(4) Le visage a été défiguré par l'usure.

remarquable : elles sont à peu près faites comme celles du personnage de l'appuie-mains 16-17, c'est-à-dire larges aux coudes et étroites aux poignets, mais, un peu plus bas qtie le coude, elles sont coupées et munies de manchettes mobiles qui peuvent s'y rattacher au moyen de gros boutons; pour le moment, celles-ci sont défaites, pendant au dernier bouton, et le bras nu sort directement de la partie dormante de la manche. Cette façon très commode et très gracieuse en même temps, était sans doute imaginée pour pouvoir servir l'hiver et l'été. Un mouchoir est noué sur la tête, avec un chapeau par-dessus.

Pl. LXIII et LXIV. - 19-20. Encore un homme que MM. Jourdain et Duval ont pris pour une femme : ils l'ont intitulé la maîtresse d'école. C'est plus excusable, à cause du voisinage du maître d'école que nous allons voir et de l'arrangement qui est à peu près identique; mais, en y regardant de près, on ne peut se refuser d'y voir un religieux (1) vêtu de la chape des Jacobins, sous laquelle on peut presque distinguer le scapulaire, le chaperon sur la tête. Un genou à terre sur lequel il s'appuie d'une main, il est accoudé sur l'autre genou. Devant lui est agenouillée une très petite femme vêtue d'une robe à larges manches avec parements, ouverte en carré sur la poitrine, laissant voir les fins plis de la chemise, et bizarrement coiffée d'une espèce de voile posé en carré sur la tête, et divisé en trois longues bandes : celles des côtés se terminent en pointes et tombent droit, tandis que celle du milieu s'élargit légèrement par le bas et, prise dans la ceinture, descend jusqu'à terre (2). Par-dessous ce voile, on aperçoit les cheveux qui tombent droits.

Elle joint les mains (3). Nous y verrions volontiers une dame à confesse, et ses proportions restreintes (4) s'expliqueraient par l'impossibilité de faire tenir deux personnages de même taille sur un même appuie-mains (5).

Pl. LXIV. — 20-21. Le maître d'école. C'est un homme âgé, vêtu d'une longue robe à larges manches et coiffé d'un chaperon dont la patte retombe sur le côté. Il apprend à lire, en suivant du doigt sur un gros livre, à un jeune garçon qui se tient debout à côté de lui.

21-22. Une femme (6) vêtue d'une robe serrée à la taille, ouverte en carré sur la poitrine, à amples manches munies de larges parements, sous lesquelles on aperçoit les extrémités godronnées des manches d'un vêtement de dessous, peut-être de la chemise. Elle porte la coiffe dite d'Anne de Bretagne et tient dans ses bras un petit lapin.

22-23. C'est encore une femme (fig. 207, en X). Les manches de sa cotte sont très larges aux entournures jusqu'au coude, et serrées au poignet. Un mouchoir est arrangé en rond autour de sa tête; un tablier à bavette protège ses habits. D'une main, elle s'appuie à sur une des anses d'un baquet de bois placé devant elle, dans lequel sont des herbes, tandis que, de l'autre, elle prend une

(1) Le visage est fruste.

(2) Nous verrons encore dans nos stalles d'autres femmes porter une coiffure analogue; plusieurs ont le pan intermédiaire du voile replié sur la tête (Cf. les appuie-mains 23-24, 30-31).

(3) Son visage est brisé.

(4) Ce n'est pas un enfant, mais bien une petite femme.

(5) Voy. plus loin, dans l'appuie-mains 108-109, un

autre sujet de confession. — Cf. miséricorde des stalles de Saint-Gervais à Paris, représ, un prêtre en surplis, bonnet carré sur la tête, assis dans une grande auge carrée et levant la main sur une femme dont la coiffure n'est pas sans analogie avec celle de la pénitente qui nous occupe (XVIc s.). Peut-être peut-on voir là un des plus anciens exemples de confessionnaux.

(6) Le visage est fruste.

poignée d'herbes dans un panier pour les laver dans le baquet. On se plaît généralement à voir dans ce petit personnage un représentant de l'antique corporation des hortillons d'Amiens, qui, aujourd'hui encore, cultivent les jardins maraîchers dits hortillonnages situés dans des îlots formé par les innombrables bras de la Somme et de l'Avre à l'est de la ville, et qui, plusieurs fois par semaine, apportent leurs légumes, dans des bateaux, au marché d'Amiens.

23-24. Femme vêtue d'une robe sans ceinture et à larges manches, ouverte en carré sur la poitrine qui est laissée à nu. Sa coiffe rappelle celle dite d'Anne de Bretagne, mais elle est munie par derrière d'une bande d'étoffe longue et assez étroite repliée en trois et ramenée sur le haut de la tête. Elle porte sur l'épaule gauche un tinet à chacune des extrémités duquel pend un seau (1).

24-25. Une mendiante. Elle n'est couverte que d'un manteau noué sur l'épaule gauche et drapé autour du corps, les bras, les jambes et les pieds laissés à nu, mais elle a des grelots pendus aux oreilles, et, sur la tête, un riche et élégant bourrelet, la défroque de quelque grande dame : luxe et misère. Sur son bras droit elle porte, enveloppé dans un pli de son manteau, un petit enfant actuellement brisé, mais qui devait être nu; de l'autre main, elle tire violemment par le bras un autre enfant plus âgé, vêtu seulement d'une espèce de longue jaquette rattachée par un seul gros bouton, tenant son chapeau à la main, le reste du corps, bras, jambes et pieds entièrement nus (2).

Pl. LXIV et LXV. — 25-26. Vieillard imberbe, dont l'usure n'a pas défiguré les traits. Il est vêtu d'une longue robe à col droit, attachée sur le haut de la poitrine par un seul bouton, sans ceinture, et avec manches longues et étroites; sur sa tête est une espèce de bicorne à plumes. Appuyé sur un bâton, il tient un écu chargé d'un mascaron à figure humaine, à la bordure engrelée.

Pl. LXV. — 26-27. Le sot et ses enfants (fig. 207, en Y). Visage grimaçant et lippu, yeux caves, bouche entr'ouverte, il porte une longue robe avec une rangée de grelots sur la couture des manches (3). Coiffé d'un chaperon à oreilles d'âne, il s'appuie sur une marotte à longue hampe (4). Sur son dos est une hotte en vannerie d'où émergent deux petits monstres d'enfants vêtus et encapuchonnés comme lui, aussi laids que lui, et dont un le tire espièglement par le bord de son chaperon et le force à se détourner en riant bêtement.

27-28. Autre sot. Beaucoup moins vêtu que le précédent, il n'a qu'un haut de chausses fort court, ne tombant qu'à mi-cuisses et laissant le reste des jambes et les pieds nus, avec une rangée de grelots aux jarrets. Par-dessus est une robe assez courte, ouverte par devant, attachée par deux boutons sur la poitrine, fuyant en pointe par derrière, avec un grelot à l'extrémité; les manches sont très larges à hauteur du coude : elles tombent aussi en pointe terminée par un grelot, et se rétrécissent ensuite brusquement vers le poignet. Un chaperon à oreilles d'âne lui enveloppe la tête. Il pose un genou en terre, et, sur l'autre, il tient une grande écuelle remplie d'un ragoût qu'il mange avidement avec une cuiller, levant le menton en l'air, comme s'il disait : « Que c'est bon! » Le visage est un peu usé, mais les traits étaient tellement accentués, tellement énergiques, qu'on en retrouve

(1) Le visage est entièrement défiguré par l'usure.

(2) Les deux visages sont frustes.

(3\ Cf. la sotte à l'appuie-mains 1 5-16.

(4) La partie supérieure est fruste.

encore parfaitement l'expression : mâchoire large, bouche très grande, nez petit et en trompette, yeux creux et vifs, pomme d'Adam très saillante.

28-29. Un personnage imberbe, bouche entr'ouverte, visage joufflu mais assez abîmé par l'usure, cheveux très courts, autour desquels est enroulée une espèce d'écharpe nouée sur le côté. Il porte une robe assez longue, à col droit, avec manches larges jusqu'aux coudes et étroites aux poignets, serrée à la taille, fendue sur les côtés et laissant voir les chausses collantes. A sa ceinture, du côté droit, est pendue une grande bourse. Il caresse sur la tête un grand chien à poil ras, assis à côté de lui.

29-30. Homme vêtu d'une longue robe avec col à crevés dont les manches ornées de torsades aux épaules et aux coudes, sont tailladées aux poignets. Sur sa tête est une sorte de bonnet carré bizarrement découpé sur les bords. Il est agenouillé devant un établi, sur lequel est posé une espèce de plat rond fixé par un valet et un crochet, et qu'il travaillait de la main gauche avec un outil (1).

Il s'apprête à frapper dessus au moyen d'un maillet qu'il tient de la main droite.

A cause de l'objet qu'il fabrique, et qui est bien un plat, ce ne peut être un hucher, comme l'ont cru MM. Jourdain et Duval, mais plutôt un futaillier faisant un plat de bois, dont l'usage était très fréquent au XVIe siècle (2).

30-3 I. Une femme paraissant âgée, une patenôtre pendue à la ceinture. Elle est coiffée d'un voile semblable à celui que nous avons vu précédemment porté par la petite femme du groupe 19-20. A demi agenouillée, elle tient devant elle un grand livre ouvert. MM. Jourdain et Duval lui ont vu des lunettes sur le nez, mais l'état d'usure du visage ne permet plus de s'en assurer.

3i F. (3). Un singe assis et appuyé sur un bâton (fig. 208, en Z). Il est vêtu d'une espèce de saie à manches largement ouvertes et à capuchon relevé, serrée à la taille et découpée en trois sortes de basques raides et arrondies par le bas (4).

E-32 (5). Une vieille femme voilée, à demi agenouillée et tenant devant elle un livre ouvert.

Pl. LXVI. — 32-33. Un ange vêtu d'une tunique et tenant devant lui un écu parti (6).

33-34. Une jeune femme vêtue d'une robe ouverte en carré par devant, laissant voir les fins plis de la chemise, manches serrées par une cordelière au-dessous des aisselles, très larges aux coudes et étroites aux poignets. Sa coiffure, altérée par le frottement, devait être fort élégante. L'état d'usure où se trouve son visage n'empêche cependant pas de voir qu'elle souriait à un petit garçon dont elle caresse la chevelure d'une main, lui prenant la main de l'autre. L'enfant la regarde avec un gentil sourire. MM. Jourdain et Duval ont eu raison d'intituler La jeune mère ce charmant petit groupe (fig. 207, en Z).

34-35. Un homme d'église accroupi, en surplis, l'aumusse sur le bras, à peu près semblable à ceux que nous avons vus à l'appuie-mains 4-5. Il tient devant lui un grand livre ouvert, dans lequel il chante. Il paraît avoir été tonsuré, bien que l'état d'usure de la tête ne permette pas de bien s'en rendre compte.

(1) Cet outil et la main qui le tenait sont brisés.

(2) Voy. ci-dessus, t. I,p. 515.

(3) Faux appuie-mains.

(4) Il y avait à Amiens, Haute rue, une maison à

l'enseigne du Singe. 1484. Arch. de la ville d'Am., BB 14, fol. 126.

(5) Faux appuie-mains.

(6) Le visage est fruste.

35-36. Le vieux buveur. On ne peut mieux appeler cet étrange bonhomme qui, un genou en terre, tient de la main droite une cane couverte, et, de la gauche, un gobelet dans lequel il s'apprête à boire. Son accoutrement est extrêmement bizarre : houseaux aux pieds, habit à col droit, ouvert en cœur, grandes manches larges d'où sortent celles du vêtement de dessous qui sont longues et étroites. A partir de la ceinture, l'habit se divise en une infinité de petites basques ou de lanières raides, arrondies par le bas, bordées d'un galon engrelé et de petites houppes. Un énorme cimeterre dans son fourreau damasquiné ou brodé lui pend au côté gauche. Sur sa tête à longs cheveux est posé un chapeau à larges bords retroussés et surmonté d'un motif de passementerie : le menton entièrement rasé, il ne porte que de longues moustaches et des favoris.

-Fiff- 207. —Stalles, appuie -maints

Hélioq Ilujardin

36-37. Le tailleur d'images. Imberbe, vêtu d'une longue robe serrée à la taille, à col droit, fermée par devant en forme de plastron rattaché avec une aiguillette sur l'épaule gauche, chapeau à petits bords sur la tête (i), il est accroupi devant un établi sur lequel est couchée une statue qu'il est en train d' « élabourer » : c'est un saint qui tient un livre fermé. Sur l'établi sont posés deux ciseaux ou deux gouges, pour les avoir sous la main, exactement comme font encore les sculpteurs sur bois; par-dessous, il y a encore d'autres outils (2).

37-38. Au lieu de l'architecte ou dresseur de plans proposé par MM. Jourdain et Duval, nous aimerions mieux l'appeler, mais sous toutes réserves, le maître maçon à l'étude. Il est vêtu à peu près comme le précédent, sauf qu'il est coiffé

(1) Les mains et les outils qu'elles tenaient sont brisés.

Le visage est très abîmé par l'usure.

(2) Cf. les tailleurs d'images sculptés sur deux miséricordes de la cath. de Rouen (22 et 29).

d'un bonnet carré. Sur la table devant laquelle il est assis, est posé quelque chose de fort mince, planchette ou papier, sur lequel il travaille, une équerre à la main (i).

38-3g. Est-ce bien un écrivain, comme l'ont pensé MM. Jourdain et Duval?

Son costume nous le fait considérer comme un personnage d'une condition plus relevée : il a le visage entièrement rasé; sa longue robe, fort simple, serrée à la taille, munie de manches à parements, avec le chaperon qui lui pend derrière le dos et son bonnet carré, constituent la mise d'un homme grave, homme d'église, professeur, magistrat ou savant. Il est assis et écrit dans un livre ouvert devant lui et posé sur un guéridon carré à un seul pied; l'encrier est à côté. Son nez n'a pas résisté au frottement.

39-40. L'usurier ou le changeur (2). Imberbe, vêtu d'une longue robe serrée à la taille, dont les manches sont à larges parements, la tête enveloppée dans un chaperon à collet boutonné par devant, bourse pendue à la ceinture, il est assis : sur une planche posée sur ses genoux, il compte d'une main de grosses pièces de monnaie, les unes à l'écu de France à trois fleurs de lis, d'autres à la croix, tandis que, de l'autre, il tient un sac d'écus (3).

40 D (4). Monstre accroupi, à figure humaine, barbue, très énergique, griffes en guise de mains et de pieds; il est entièrement couvert de feuillage et tient un sarment dans une de ses griffes. D'une conservation parfaite.

Les trois ou quatre sujets qui suivent sont, avec ceux qui leur font vis-à-vis du côté nord (96 à 99), les plus abîmés de tous les appuie-mains : c'étaient les places des chantres et des musiciens (5). C'est aussi sur les dossiers de ces mêmes stalles que l'on trouve le plus de noms gravés.

D. 41 (6). Un ménestrel. Jeune homme imberbe aux cheveux taillés en couronne autour de la tête et bouclés. Il est à demi agenouillé, vêtu d'une longue et ample robe artistement drapée, et pince du luth (7).

Pl. LXVII. — 41-42. Un centaure ou sagittaire. Monstre à buste humain, visage imberbe, tête nue, cheveux courts; il bandait un arc dont l'extrémité inférieure seule subsiste, adhérant à l'un de ses pieds de devant (8). Le buste humain sort d'un corps à quatre pieds de cheval (9).

42-43. Samson. Son abondante chevelure frisée est retenue par un bandeau noué autour de la tête (10). Sa longue robe, attachée sur le devant par un bouton, est munie de manches fendues qui tombent jusqu'à terre, en laissant passer les manches longues et étroites d'un vêtement de dessous; elle est serrée par une ceinture ornée de pendeloques. Pieds nus, il est à cheval sur un lion, dans la

(1) L'autre main et l'objet qu'elle tenait sont brisés.

Il ne reste plus rien du visage.

12) Dans la poésie intitulée les Souhaits des hommes, il y a les deux. A. DE MONTAIGLON, Rec. de poésiesfranç.

des xv et XVIe s., t. III, p. 138. Dans la Danse macabre des heures de Simon Vostre, il y a l'usurier seulement.

(3) Le visage est fruste.

(4) r aux appuie-mains.

(5) Il faut dire que les chantres assistaient à tous les offices, tandis que les stalles des chanoines et des

chapelains n'étaient pas toujours toutes remplies.

(6) Faux appuie-mains.

(7) Un peu usé par le frottement.

(8) Le reste, ainsi que tout l'avant-bras gauche, a disparu. — Il y a des centaures dans les vignettes des heures de Simon Vostre.

(9) Très défiguré par l'usure.

(10) Dans l'histoire de Samson figurée sur les rampes 1 106 et 1 107, Samson est coiffé de même. Voy. ci-dessus, t. II, p. 206.

gueule duquel il introduit sa main. Sa tête est entièrement abîmée par le frottement (i).

43-44. Un homme (2) imberbe, coiffé d'un ample bonnet à deux pointes basses terminées par des glands, sur lequel est posé un chapeau, dont l'usure ne permet plus de reconnaître la forme, et vêtu d'une longue robe aux manches d'une extrême complication : elles sont bouillonnées aux épaules, puis serrées par une torsade d'où part un rang d'espèces de rubans arrondis par le bas et retombant jusqu'au coude sur la manche qui est large en cet endroit, puis étroite et tailladée au poignet. Il tient devant lui un médaillon circulaire ou plutôt un miroir reflétant un buste d'homme.

44-45. Est-ce le trompette de la ville d'Amiens ? Ce serait un très intéressant personnage. C'est lui qui faisait par la ville les publications « à son de trompe et cri public », et il est maintes fois cité dans les archives municipales. Il se présente un genou en terre, les jambes dégagées et couvertes de chausses collantes.

Son habit est très singulier : corsage bouffant, à col droit orné d'un rang de perles, manches bouillonnées vers les épaules et serrées sous les aisselles, d'où elles tombent très longues jusqu'à terre, par un rang de perles ; le bras sort par une fente, couvert de la manche étroite d'un vêtement de dessous. Du corsage s'échappe une garniture de longues basques, raides et arrondies par le bas. Un chapeau à plumes est coquettement posé sur la tête. Il tient dans sa main gauche une grande trompe (3). Sa tête et son visage sont horriblement défigurés : il semble pourtant qu'il ait eu les joues gonflées, comme s'il soufflait dans sa trompe (4).

1 45-46. Le « harpeur ». Vieillard à forte barbe, vêtu d'une ample robe à col rabattu, aux manches fendues et ouverte par devant, laissant voir un vêtement de dessous à petits plis tenus par des bandes horizontales. Sur sa tête est un chapeau à larges bords, qui devait être orné par en haut d'un motif de passementerie. Il est assis et joue de la harpe (5).

46-47. Un homme imberbe agenouillé, coiffé d'une écharpe enroulée autour de la tête, avec son extrémité inférieure retombant sur le côté comme la patte du.

chaperon. Il est vêtu d'une longue robe à col droit, serrée à la taille, boutonnée par devant, à larges manches tombant très bas. Ce n'est pas l'accoutrement d'un homme d'église, comme MM. Jourdain et Duval l'ont pensé. Il tient devant lui un livre ouvert qu'il semble présenter au spectateur. Bien que le visage soit un peu fruste, il lui reste encore cependant une certaine expression de mélancolie tout à fait remarquable.

47-48. Celui-ci est barbu et, comme son voisin, complètement agenouillé. Le corsage de sa robe est assez bizarre : quadrillage sur le dos, manches longues et étroites, col droit tailladé; autour de la ceinture, une garniture de basques ou

(1) C'est un sujet très fréquent, et que l'on voit notamment dans les anciennes estampes et dans de nombreuses stalles de la même époque. Cf. stalles des cathédrales de Rouen, d'Auch, de Constance, etc. Il est d'ailleurs fort ancien : on peut le voir déjà à un chapiteau du portail de l'église de Moissac (fin XIe s., comm. XIIe), et à un autre chapiteau du cloître de la même église (IIOOI, avec cette inscription SASON.

(2) Sa tête a été fort défigurée par l'usure, mais elle n'a rien de fantastique, quoi qu'en aient dit MM. Jourdain et Duval.

(3) L'embouchure de la trompe et la main droite du personnage sont brisées.

(4) Il y a un sujet analogue à un appuie-mains des stalles d'Auch.

(5) La partie antérieure de l'instrument est brisée. —

plutôt de bandes longues, étroites et bordées de houppettes, par-dessus lesquelles est posé un ceinturon lâche. Sur sa tête est un bonnet carré. De sa main gauche il tient par la courroie un écu à trois écus posés 2 et 1, et que MM. Jourdain et Duval pensent être celui des Boubers-Abbeville (1).

Pl. LXVII et LXVIII..- 48-49. Un monstre accroupi, à tête humaine, dont la barbe n'est rasée qu'au menton, laissant les moustaches et le collier; il est coiffé d'une espèce de capuchon qui retombe sur les épaules, et sur lequel est placé un chapeau crénelé (2). Cette tête est sur un corps de quadrupède aux pieds munis de griffes et à longue queue de vache, une paire d'ailes sur le dos. Autour du cou, pour marquer la transition entre la tête d'homme et le corps d'animal, est une sorte de collet déchiqueté en feuillage.

Pl. LXVIII. — 49-50. Une élégante jeune personne. Son corset ouvert en carré sur une chemise à fins plis a des manches étroites et tailladées aux épaules et aux coudes, serrées et boutonnées aux poignets, d'où s'échappent des bouffants d'étoffe. Elle est tête nue, sans doute pour faire voir avec quel art elle est coiffée : les cheveux sont disposés en plusieurs nattes qui s'entrelacent sur la tête de la façon la plus compliquée, et viennent retomber toutes droites des deux côtés du visage et par derrière. Elle est à genoux et caresse un petit chien à poil ras, qu'elle tient dans un pli de sa robe (3).

50-51. Un genou en terre, notre homme tient devant lui un grand livre ouvert et s'interrompt dans sa lecture pour nous regarder passer. Sa longue robe à col droit n'est attachée sur le devant que par un seul bouton; elle a des manches bouillonnées en côtes de melon aux épaules, serrées ensuite par un rang de petites découpures, puis devenant très amples aux coudes, resserrées à l'avant-bras, et retombant enfin en entonnoir sur le poignet. Une écharpe entortillée autour de sa tête lui sert de coiffure.

51-C (4). Un tout jeune homme imberbe, tête nue, aux cheveux bouclés en couronne, au visage angélique, jouant de la harpe (5). Son costume a aussi quelque chose de céleste et d'éthéré : une simple tunique sans manches, très décolletée, fendue sur les côtés jusque sous les aisselles, et laissant les bras, les jambes et les pieds nus. C'est pourquoi nous ne voulons pas l'appeler un ménestrel.

Il est à demi agenouillé.

C-52 (6). Celui-ci n'a rien d'angélique. C'est un monstre à quatre pattes munies de griffes, la tête chevelue à longues oreilles pointues, la gueule béante. Accroupi, il détourne la tête et regarde un petit singe qui joue derrière lui avec un écu.

52-53. Un homme à très longue barbe terminée en pointe et coiffé d'un bonnet carré. Il porte une houppelande à manches d'une façon très compliquée : serrées sous les aisselles par un rang de découpures d'où s'échappe une garniture d'espèces de ru bans raides, arrondis par le bas, très longs par derrière et courts

Il y avait à Amiens une maison à l'enseigne de la Harpe, Haute rue Notre-Dame.

(1) Il semble que ce soient plutôt des armes de fantaisie, comme d'ailleurs la plupart des autres armoiries répandues dans les stalles. — Le bras droit est brisé et le visage est fruste, mais ils ne le sont pas assez pour que l'on ne puisse pas s'apercevoir que les traits de ce per-

sonnage étaient extrêmement accentués.

(2) Le visage est un peu fruste.

(3) Le visage est fruste.

(4) Faux appuie-mains.

(5) Voy. ci-dessus, appuie-mains 45-46.

(6) Faux appuie-mains.

par devant pour faciliter le jeu du coude, poignets étroits et tailladés. Il a un genou en terre et pose sur l'autre ses deux mains, en regardant de côté, comme s'il voulait écouter ou expliquer quelque chose (i).

53-54. Appuie-mains d'angle à deux personnages réunis par la tête. Deux

Y_. ôti-bl.A

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J'ujf. 208.-SUtiles l<'auz> appuie -mains ïïèliog.Bujardin.

hommes au visage rasé, vêtus de longues robes qui ne diffèrent que par la forme des manches : chez celui-ci, de simples manches à parements; chez celui-là, de très amples ouvertures traînant presque à terre, et d'où sort le bras couvert de la manche de chemise à poignets serrés. Ils se tiennent amicalement par l'épaule, les bras enlacés, et leurs deux têtes collées l'une contre l'autre sortent en riant de la visagière d'un seul et même chaperon (2). L'un d'eux tient un livre ouvert qu'il présente au public. Comme l'ont fait MM. Jourdain et Duval, nous intitulerons volontiers ce joli groupe : Deux têtes dans un même bonnet (3).

54-55. Un homme portant la barbe en collier et vêtu d'une longue robe à pèlerine. Tout autour de la taille, le long de la ceinture, règne une rangée d'espèces de basques ou plutôt de lanières, arrondies par le bas, allant en diminuant de hauteur vers les côtés, avec un affiquet carré, posé en losange sur chacune, des hanches. De sa main droite brisée, il tenait un objet qui a disparu avec elle et dont on voit encore les traces le long de l'épaule gauche (4).

55-B (5). C'est un joueur de harpe, un « harpeur », comme on disait, à peu près semblable à celui du n° 5i-C, mais un peu plus vêtu.

G-56 (6). Un monstre à quatre pattes, à tête de caniche, la queue enroulée, et affublé d'un chaperon à capuchon pointu et pèlerine.

56-57, a (7). D'un côté de la jouée (fig. 208, en Y). Le donneur d'eau bénite, ou plutôt le clerc de paroisse, car c'était lui qui, le dimanche, portait l'eau bénite dans les maisons. D'une conservation parfaite, il est facilement reconnaissable, ce clerc, vêtu d'un long surplis à amples manches largement fendues et coiffé de l'aumusse de fourrures (8). Il présente son goupillon à longues barbes qu'il tient

(1) Toute la tête est défigurée par l'usure.

(2) Les visages sont un peu frustes.

(3) Cf. une miséricorde des stalles de Mortain. DE LA SICOTIÈRE, dans Bull, monum., t. V, p. 376. — Dans une de celles des stalles de la collégiale de Champeaux (Seine-et-Marne) on voit ainsi trois têtes joyeuses émergeant d'un même capuchon. CHAMPFLEURY, Hist. de la caricature au moyen âge, p. 242.

(4) Le visage est entièrement fruste.

(5) Faux appuie-mains.

(6) Faux appuie-mains.

(7) Faux appuie-mains.

(8) L'aumusse n'était pas un insigne réservé aux chanoines : les clercs du degré le plus infime, même les clercs-lais, en étaient pourvus. 1439, 28 mai : « A le élection des paroissiens de l'église Saint-Germain en Amiens, Jehennin Le Corbeillier, filz de Jehan Le Corbeillier cordouanier, fu dénommé et esleu clerc d'icelle église et paroisse de Saint-Germain, pour en goïr tantost aprez ce que Me Jehan Leclerc, ad présent clerc d'icelle paroisse, ara canté et célébré sa première messe, et non anchois. Item a esté baillié

de la main droite et qu'il vient de tremper dans le joli petit bénitier placé à côté de lui.

56-57, b (i). De l'autre côté de la même jouée. Un petit vieux à longs cheveux, à la physionomie extrêmement fine, faisant un geste d'étonnement. Il est à demi agenouillé. Sur sa tête est un chapeau crénelé orné d'un panache de plumes. Il est d'une conservation parfaite.

Pl. LXIX. — 57-58. La nourrice. Elle est drapée dans un ample manteau noué sur son épaule droite. Le bourrelet dont elle est coiffée fait presque penser au bonnet à couronne de rubans que portent les nourrices de nos jours. Un de ses seins est découvert; elle va le présenter à son poupon qui est soigneusement emmaillotté bras et jambes liés dans des langes et des bandelettes.

58-59. Encore un petit vieux au visage osseux et ridé. Il est à demi agenouillé.

Sur sa tête est un bonnet par-dessus lequel est une écharpe enroulée, dont l'extrémité retombe sur le côté à 'la manière de la patte du chaperon (2).

5g-6o. Museau d'angle à deux personnages. Un vieux couple : l'homme à la figure longue, maigre, osseuse, parcheminée, est coiffé d'un haut bonnet pointu, mais dont l'usure ne permet plus de distinguer la forme exacte. Un genou en terre, il s'appuie sur une canne à béquille (3). Le visage de la femme porte aussi l'empreinte des années : traits accentués, rides profondes. Elle a une coiffe dont le pan inférieur, formant une bande longue et étroite, est ramené sur le haut de la tête. Le bras gauche posé amicalement sur l'épaule de son mari, elle lui caresse le menton de la main droite (4). Rien de plus comiquement touchant que ces deux bons vieux. Ils ont travaillé et vécu ensemble de longues années, jamais la discorde ne s'est assise à leur foyer, et ils se rappellent avec joie leurs anciennes amours : « Souvenez-vous en, souvenez-vous en ! »

60-61. Le cheval de bois. Est-ce avec intention? A côté de notre vieux ménage, l'entailleur a placé un tout jeune enfant. La grosse face joufflue du marmot contraste étrangement avec les visages décharnés de tout à l'heure. Il est nu-tête, ses cheveux sont courts et frisottants. L'usure a donné à sa tête l'apparence d'une grosse boule. Sa petite robe est habilement retroussée pour laisser voir à nu ses petits bras, ses petites jambes et ses petits pieds bien potelés. Il est à califourchon sur un de ces jouets bien connus, consistant en un buste de cheval terminé par un bâton qui traîne à terre. La tête de cheval est brisée, mais les enfants ne s'inquiètent guère si leurs jouets sont cassés ou non, et notre heureux bambin continue toujours à joyeusement caracoler sur son cheval qu'il tient par les rênes comme un vrai cavalier. Dans sa main gauche est un minuscule moulin à vent aussi brisé. Il est fâcheux que ce petit sujet ait subi de pareilles mutilations : ce devait être l'un des plus jolis et des plus curieux de la série (5). MM. Jourdain et

audit Le Corbeillier, et qui appartient à l'église, I seelet de tierchain à quoy on porte l'eaue benoite par chacun diemenche, une aumusche d'aigneaux noirs et 1 souplis ».

Arch. de la fabr. de Saint-Germain d'Am., cote Ire, liasse 2. — « L'aumusche et le souplis de feu sire Nicolas Dagencourt, en son vivant curé de Saint-Ladre H.

Échevin. du 20 févr. 1553, v. s. Arch. de la ville d'Am., BB 7, fol. 164 vo.

(1) Faux appuie-mains.

(2) Le bras gauche est brisé.

(3) Elle est brisée par le milieu.

(4) Par suite d'un mouvement qui s'est produit dans la pièce de bois, le bras gauche de la femme s'est séparé du corps et sa main droite a disparu, mais les extrémités des doigts sont restés adhérents au menton de son époux.

(5) Il y a un sujet à peu près pareil dans un appuiemains des stalles d'Auch. — On voit aussi des enfants

Duval ne l'avaient certainement pas bien regardé lorsqu'ils ont pris cet enfant pour un bourrelier.

61-62. Une jeune fille ou une jeune femme agenouillée, simplement vêtue, une écharpe drapée autour de la tête et sur les épaules, et paraissant prier (1).

Pl. LXIX et LXX. — 62-63. MM. Jourdain et Duval ont présenté, nous ne savons pourquoi, ce personnage comme un damoiseau, un petit maître. Nous y voyons un homme d'un certain âge, tête nue, à longs cheveux, et à longue barbe, ce qui n'indique guère une prétention à la jeunesse. Son manteau rejeté sur l'épaule gauche, il fait un geste difficile à comprendre : la main gauche ouverte et portée fortement en arrière, et la droite levée près de l'oreille. Serait-ce un geste qui correspondrait avec le sujet suivant, qu'il semble regarder (2)?

63-64. Un homme à figure vulgaire, dont la large bouche dessine un rire affreux; petit nez, grands yeux, barbe taillée en collier, vrai visage de singe. Ses cheveux crépus sont retenus par une écharpe nouée sur le côté. Il est misérablement vêtu d'une espèce de robe fendue sur les côtés, laissant voir ses bras, ses jambes et ses pieds nus. Il montre en ricanant un écu, à une orle et une tête de mort, dont il tient en l'air la courroie avec une joie féroce.

64-65. Un homme assis, imberbe, assez maigre, aux vêtements courts. Ses deux mains ont disparu ainsi que l'objet qu'il tenait, dont il ne reste plus qu'un fragment contre son genou gauche.

65-66. Un vigoureux gaillard à longs cheveux, longue barbe, ayant pour tout vêtement une simple tunique relevée par devant, bras, jambes et pieds nus (3), brandit une massue au-dessus d'une hydre à deux têtes, deux pattes munies de griffes, deux ailes et longue queue. Il la tient par le cou au moyen d'un cordon.

D'une de ses deux gueules, le monstre cherche à mordre l'habit de son vainqueur.

C'est évidemment Hercule tuant l'hydre de Lerne.

66-67. Nous avons vu précédemment Samson terrassant le lion (4) : il faut sans doute voir ici Hercule étouffant le lion de Némée. L'homme est presque entièrement brisé : il n'en reste que les deux jambes. Il était vêtu d'une longue robe et placé à cheval sur un lion. Sa main gauche est restée dans la gueule de l'animal, dont il écartait les mâchoires, comme nous l'avons vu faire par Samson.

67-68. La « revenderesse de fruit ». Sa robe sans ceinture est munie de manches larges à revers, d'où sortent celles de la chemise. Un capuchon ou chaperon à collet enveloppe sa tête. Assise devant un sac rempli de poires, elle en a pris quelques-unes pour les offrir de son air le plus avenant.

Pl. LXX et LXXI. - 68-69. Le plus laid, le plus contrefait, le plus grotesque de tous les sots. Qu'on se figure un horrible magot, bossu par devant et par derrière, aux traits bizarrement accentués, ouvrant comme la gueule d'un four une bouche démesurément grande — on y mettrait une petite noix. — Sa laideur est

montés sur des chevaux de bois semblables et jouant avec des moulins à vent dans les vignettes des heures de Simon Vostre et d'Antoine Vérard.

(1) Les deux mains sont brisées, le visage un peu fruste.

(2) Le visage est fruste.

(3) Le visage un peu fruste.

(4) Appuie-mains 42-43. — Hercule terrassant le lion

est presque aussi souvent représenté que Samson dans les monuments du moyen âge, surtout à partir du xve siècle.

On aimait à les rapprocher l'un de l'autre, et il est souvent difficile de les distinguer. — Rappelons qu'au xve siècle, les travaux d'Hercule étaient peints sur l'hôtel dit l'hôtel d'Hercule, que le président des Comptes La Driesche avait fait élever au coin de la rue des Augustins à Paris.

encore augmentée par l'usure qui a réduit son nez à rien. Il porte les bas de chausses ajustés jusqu'au-dessus des genoux, et le haut de chausses à fond quadrillé et orné de bandes verticales, s'arrêtant à mi-cuisses. Par-dessus, est une saie attachée sous le menton par un seul bouton, et découpée à partir de la ceinture en une suite de longues pointes, au bout de chacune desquelles est une houppette.

Les manches de l'habit sont larges aux coudes, ornées de houppettes, étroites et tailladées aux poignets. Un capuchon à oreilles d'âne lui enveloppe toute la tête. Ce capuchon était surmonté d'un ornement qui a disparu. A sa ceinture, et tout-à-fait derrière le dos, est pendue une bourse dite « à cul de vilain » ou bourse gémelle.

Dans sa main droite il tient un petit sac qui paraît assez bien rempli, on ne sait trop de quoi.

Pl. LXXI. — 69-70. Encore un apothicaire (1). C'est un homme imberbe, à la bouche largement fendue et souriante. Coiffé d'un chapeau dont les larges bords sont coquettement retroussés par derrière, il porte une saie assez longue, munie de manches bouillonnées aux épaules et tailladées aux poignets, fendue des deux côtés, laissant voir ses jambes aux chausses collantes et aux houseaux tailladés à la cheville. Une espèce de sacoche, ou peut-être une petite trousse, de forme bizarre pend à sa ceinture derrière son dos. A demi agenouillé, il est en train de piler dans un petit mortier posé sur un escabeau, ce qui ne l'empêche pas de lever les yeux pour vous regarder et pour vous faire voir sa figure (2).

70-71. A genoux devant un baquet posé sur un escabeau et dans lequel elle lave du linge, cette gentille lavandière a retroussé les manches de sa robe lacée en pointe le long du dos Elle est coquettement coiffée d'un mouchoir attaché sur le haut du front soit par un affiquet, soit par un nœud, mais dont l'usure ne permet plus de déterminer la forme. La même cause lui a défiguré le visage, qui, malgré tout, paraît ne pas avoir été indifférent.

71-72. Un ermite plutôt qu'un religieux. Forte barbe, bonnet carré, il porte une chape qui rappelle celle des Frères Prêcheurs. Il égrène une patenôtre composée de dix grains enfilés dans un cordon arrêté à chaque bout par une petite houppe (3).

72-73. Est-ce une religieuse? La tête enveloppée de la guimpe et couverte d'un long voile, elle est agenouillée devant un prie-Dieu couvert d'une courte housse, sur lequel est posé un livre ouvert qu'elle maintient de la main droite, tandis que, de la gauche, elle écarte son voile, comme si elle était distraite de sa méditation par quelque événement extérieur (4).

73-74. Un homme à longue chevelure, coiffé d'un haut chapeau en tronc de cone aux bords fortement retroussés. Sa longue robe est attachée par un seul.

bouton, sur la poitrine. De la main droite il tient une hallebarde, la pique en bas, et de la gauche il s'appuie sur un écu décoré d'un quadrillage à quatrefeuilles, avec umbo et orle perlé. Il a le nez en l'air, la bouche entr'ouverte, et semble guetter quelqu'un ou quelque chose d'un air menaçant.

Pl. LXXI et LXXII. — 74-75. Celui-ci a un genou en terre. Il est coiffé d'un

(1) Voy. appuie-mains 6-7.

(2) Sa main droite et le pilon ont disparu.

(3) Sa main droite est brisée. — Plusieurs personnages des stalles de la cathédrale de Rouen portent des patenôtres analogues. — Il y avait à Amiens une maison à

l'enseigne de l'Ermite. — En 1497 l'ermite de il l'ermitage Ringuet * (Notre-Dame de Grâce) compte parmi les religieux mendiants de la ville d'Amiens. Échevin. du 25 août 1497. Arch. de la ville d'Am., BB 17, fol. 176 vO.

(4) Le visage est fruste.

bonnet qui ressemble assez au bonnet phrygien, ou, plus vulgairement, à un bonnet de coton. Sa robe à col droit est attachée sous le cou par un bouton à longue queue; les manches, serréés par un cordon sous les aisselles, sont larges aux coudes et étroites aux poignets. Il déroule devant lui une banderole.

Pl. LXXII. — 75-76. La « fillette ». Une jolie personne, mais que la main des chanoines a, fort innocemment d'ailleurs, trop souvent caressée. Sa robe, d'une élégante simplicité, est extrêmement collante par devant, dégagée du cou, prenant exactement les formes, et munie de manches à amples et larges revers. Un manteau est jeté sur son épaule droite. Sa coiffure devait être fort singulière, mais l'usure l'a dénaturée au point qu'il est impossible de s'en rendre un compte exact : c'est une espèce de couronne, qui paraît avoir été faite de feuillage et dont les deux côtés viennent se réunir en s'amincissant sur le haut de la tête, pour former une espèce de longue corne terminée par une aigrette ou un bouquet, avec an affiquet sur le front. De la main droite, elle soulève le couvercle d'un joli coffret cylindrique orné de cannelures torses, assez semblable aux boîtes à parfums que l'on voit entre les mains des saintes femmes dans les représentations du Sépulcre de la même époque. Elle regarde en souriant vers le personnage qui suit (1).

76-77. C'est le jouvenceau qui lui « fait de lceil », comme on dirait de nos jours. Vêtu d'une longue robe à pèlerine et coiffé d'une espèce de bonnet, la main droite à la hauteur de la joue et ouverte en dehors il regarde sa belle voisine d'un air et d'un geste qui marquent une ironique admiration (2).

77-78. Encore un buveur, et ce n'est pas le dernier. Il n'a ni l'air abruti de celui que nous avons vu à l'appuie-mains 35-36, ni la passion de celui que nous rencontrerons dans le pendentif 13-14; il boit tout simplement parce qu'il a soif.

Son visage imberbe, ses cheveux courts, indiquent un tout jeune homme : les manches de sa robe à col rabattu sont très courtes et bizarrement plissées : cette robe retroussée par devant laisse voir ses bras, ses jambes et ses pieds nus. Son chapeau à longs poils et à enseigne, est rejeté sur le dos, retenu par une gourmette.

Il verse dans une écuelle le contenu d'un pot et vous regarde d'un air de satisfaction qui fait plaisir.

78-79. « Le bon pâté ! » N'est-ce pas ce que semble dire ce bonhomme à la face sensuelle qui, la main gauche levée en signe d'admiration (3), nous montre de l'autre un superbe pâté posé devant lui sur une table proprement couverte d'une nappe frangée? Aussi bien pouvait-on oublier le pâté dans Amiens (4)?

L'habillement de notre gourmet est assez simple : il aime mieux un bon dîner qu'un bel habit. Il n'a pas de ceinture, pour ne point gêner la digestion.

79-80. Aux étuves. C'est une dame qui, apparemment, sort du bain (5), coiffée

(1) Au moyen âge, les « fillettes N ou filles de joie étaient élevées à la hauteur d'une institution. Elles tiennent une très grande place dans les ordonnances de police de la ville d'Amiens.

(2) Le nez et la lèvre supérieure ont été brisés. Le reste du visage est intact.

(3) Elle est brisée.

(4) Les archives de la ville d'Amiens renferment une foule de détails sur l'importante corporation des pâtissiers et sur ses célèbres pâtés. Il semble qu'au moyen

âge les habitants d'Amiens faisaient peu de cuisine chez eux et qu'ils préféraient aller consommer chez les pâtissiers les viandes toutes préparées ou les faire venir à domicile, surtout lorsqu'ils voulaient faire bonne chère.

(5) Une très intéressante miséricorde des stalles d'Auch représente plusieurs femmes dans un bain. — Une de celles des stalles de l'église Saint-Gervais à Paris (comm. XVIc s.) représente aussi toute une famille, père, mère et enfants, entièrement nus dans une baignoire de bois en forme de grand baquet oblong. On pourrait en

mais non vêtue d'un mouchoir enroulé autour de la tête, pour empêcher sa chevelure d'être mouillée. (1). Elle est assise, les jambes enveloppées dans le drap dont elle s'essuie d'une main, tandis qu'elle paraît éprouver beaucoup de plaisir à palper sa poitrine de l'autre (2).

Pl. LXXII et LXXIII. — 80-81. Reposons-nous de ce dévergondage devant cet honnête travailleur. Il nous intéressera d'autant plus que c'est un hucher (3), peut-être le portrait ou plutôt la caricature d'un des ouvriers qui ont travaillé à nos stalles.

Son costume, fort original, consiste en une saie assez longue, bordée d'un galon, serrée à la taille, ouverte carrément, ayant sur la poitrine une espèce de plastron attaché aux épaules par des aiguillettes; les manches descendent seulement jusqu'au coude : il en sort d'autres longues et étroites que dépassent celles encore plus longues et plus étroites de la chemise. Cette saie, fendue par devant, laisse voir les chausses jarretées sous les genoux. Au moyen d'un rabot il dresse une planche placée de champ sur une espèce de chevalet et reposant sur des chevilles qui peuvent se monter ou se descendre à volonté. Son vaste chapeau aux bords retroussés, posé sur un bonnet, a préservé son visage qui respire bien la franchise, la gaîté et l'intelligence.

Pl. LXXII. — 81-82. Une dame confortablement vêtue d'une robe fourrée avec un petit tablier devant elle, coiffe dite d'Anne de Bretagne, chaussons et galoches aux pieds. Agenouillée, elle rit aux passants (4).

82-83. Le pèlerin. Le bourdon dans une main, et dans l'autre, une grosse patenôtre à sept grains, faite comme celle que nous avons vue au n° 71-72, il porte une longue robe à manches bouffantes, serrées aux poignets, et à pèlerine assez courte, échancrée sur les côtés et arrondie par devant et par derrière. Sur sa longue chevelure est posé un chapeau à larges bords; sa barbe est entière.

Une vaste gibecière ornée de trois bouffettes, avec la pattelette attachée par un lacet, lui pend en bandoulière.

83-84. Une gentille jeune fille vêtue d'une robe fort simple et coiffée d'une espèce de capeline. Elle pose sa main sur son œil droit, tient l'autre fermé, et semble sourire malicieusement, à moins qu'elle ne pleure. Ce joli appuie-mains n'est qu'ébauché, en partie. Le visage seul est fini; il est d'ailleurs admirablement conservé et c'est un fin et joli minois.

84-85. MM. Jourdain et Duval l'ont appelé l'obséquieux, nous le nommerions plus volontiers lenfant bien élevé, ce bambin aux cheveux bouclés, de bonne figure, l'air souriant et aimable. Il a une longue robe à col de fourrures, et salue gentiment en soulevant son petit chapeau aux bords retroussés. C'est dommage que le frottement l'ait privé de son nez et lui ait émoussé les traits du visage.

citer encore d'autres exemples. — L'usage des bains était très répandu au moyen âge, et les étuves étaient -des établissements très nombreux, très fréquentés, mais aussi assez mal famés. Ce que nous considérons comme les règles les plus élémentaires de la décence y était complètement inconnu. Il y en avait plusieurs à Amiens, auxquelles les registres de la ville font souvent allusion.

Dès 1351, il y a une très curieuse ordonnance de l'échevinage d'Amiens « touchant les estuveurs et les estuveresses » (Arch. de la ville d'Am., AA 12, fol. 35).

(1) Dans une suite des vignettes des Heures de Simon Vostre, Suzanne dans son bain est coiffée à peu près de même.

(2) La tête a été réduite par l'usure à l'état de masse informe et luisante.

(3) Il y a également deux huchers dans les stalles de la cathédrale de Rouen, miséricordes 18 et 26.

(4) Il ne reste presque plus rien du visage; la main droite a disparu.

85-86. Sur une petite banderole qui se déroule sous le museau de l'accoudoir, on lit le nom TRVPIN, et, par le fait, l'appuie-mains qui nous occupe représente un tailleur d'images, le ciseau d'une main, le maillet de l'autre, sculptant une statue d'enfant entièrement nu, couchée sur un établi à quatre pieds. On y a

Y-.86-Z

X.V~7

Fig. 209— Stalles J' 'au.r appuie -mains

tout naturellement vu le portrait, sinon la caricature, d'un des artistes de nos stalles, dont on connaît d'ailleurs le nom, Jean Trupin (i). Cette figure en lame de couteau, ce petit air fin et moqueur, ce museau allongé, qui n'est, fort heureusement, pas trop usé, sont pleins de caractère. Son frèle minois est encadré d'une abondante chevelure qui retombe en longues mèches sur ses épaules, et par-dessus laquelle est posé un vaste et somptueux chapeau plat, orné d'une couronne de plumes.

Il porte une saie galonnée à manches bouffantes serrées au poignet, et à plastron attaché par des aiguillettes sur la poitrine. Si c'est bien le portrait de Jean Trupin par lui-même, il ne s'est pas flatté; il n'a même pas caché ses défauts, si défaut il y a, et n'a pas oublié de placer sous son établi l'écuelle et le pot ou cane à « manouelle et couvrechel », c'est-à-dire à anse et à couvercle, auxquels il devait fréquemment recourir durant son travail.

86-L (2). Ronde face imberbe, grosses lèvres, nez épaté, cheveux crépus, si ce n'est pas un nègre, je ne sais où nos entailleurs auraient pu trouver ce type ailleurs (fig. 209, en Y) (3). Il a une longue robe, très coquettement ouverte sur le devant, et un chapeau aux bords entièrement retroussés, orné d'une enseigne, tombant derrière le dos et retenu au cou par une gourmette.

Que montre-t-il du doigt sur la banderole qu'il déroule sur ses genoux et qui le fait rire de si bon cœur?

K-87 (4). Un animal à pattes grèles munies de griffes,

qui ressemble à un lion. Derrière lui est accroupi un petit singe jouant de la trompe.

Pl. LXXIV. — 87-88. Un homme âgé, à longue et forte barbe, l'air farouche, coiffé d'un mouchoir attaché sur le haut du front par un affiquet, ample et longue robe, manches bouffantes serrées sous les aisselles et aux poignets, bourse à la ceinture. Il est à demi agenouillé et porte en bandoulière un écu chargé d'une orle perlée et d'une grosse tête grimaçante avec un anneau passé dans la bouche (5).

88-89. Les jambes, une main, le bas de la robe et la petite gibecière pendue au côté d'un personnage dont tout le haut du corps a disparu. Il était à genoux.

(1) Voy. ci-dessus, t. II, p. 150. — Jean Trupin a encore écrit son nom sur le museau de l'accoudoir 91-92 : '( Jan Trupin, Dieu te pourvoie ».

(2) Faux appuie-mains.

(3) Au xve s., une maison de la rue des Fèvres à Amiens portait pour enseigne la Tête Noire.

(4) Faux appuie-mains.

(5) Cf. stalles de la cathédrale d'Auch.

A en juger par le peu d'étendue de la brisure, il avait la taille extrêmement fine; c'est ce qui aura été cause de l'accident.

89-90. La poitrine un peu proéminente de celui-ci, sa robe sans ceinture ouverte en carré sur une espèce de fichu, l'ont fait prendre pour une femme à MM. Jourdain et Duval, qui l'ont intitulé : la brodeuse en bosse. Cependant sa coiffure composée d'un vaste capuchon par-dessus lequel est posé une espèce de toque ou de chapeau sans bords, paraît plutôt être celle d'un homme, et nous aimerions mieux y voir un peintre. Il a devant lui une table carrée, sur laquelle il appuie de la main gauche un tableau en forme de diptyque, cintré par le haut; sur sa principale partie sont représentés sept médaillons circulaires, dans chacun desquels est une petite tête, et qu'il paraît montrer de la main droite en souriant. Sur la table sont posés deux paquets d'objets longs et minces, l'un lié par des cordons, l'autre défait. MM. Jourdain et Duval les ont pris pour des paquets de bobines, mais nous croirions plutôt que ce sont des pinceaux. On y voit aussi de petites touches de forme ronde, sans saillie, qui pourraient bien figurer des couleurs (1).

90-91. Il est tout à fait effrayant, cet homme imberbe et d'une maigreur extrême, dont la robe est relevée par une écharpe, les manches retroussées, et qui porte un bissac peu rempli sur les épaules. D'un étroit capuchon qui tient à un vêtement de dessous et sur lequel est posé un chapeau haut de forme, tronconique, sort son visage aux traits durs, le menton en l'air, les yeux largement ouverts et enflammés, l'air menaçant. Il retire vivement en arrière sa main droite armée d'une serpe, comme s'il s'apprêtait à frapper quelqu'un. Ce doit être quelque brigand à l'affût d'un mauvais coup.

91-92. Une gracieuse petite personne, coquettement agenouillée, et minaudant.

Sa tête est couverte d'un court voile par-dessus lequel est posé un chapeau très plat, aux bords droits, qui ressemble assez à ce que nous appelons un « canotier » ; ce chapeau est attaché par une gourmette passée dans ses bords et retenue par de gros nœuds (2).

92-93. Un homme imberbe, tête nue aux cheveux bouclés, et à demi agenouillé.

Sa robe à col droit, sans ceinture, bizarrement boutonnée sur l'épaule gauche, avec manches à parements, est fendue sur les côtés. Sur son dos pend un chapeau à longs poils, aux bords entièrement retroussés et ornés d'une enseigne. Ses mains sont brisées : elles devaient être jointes. Il paraît prier (3).

93-94. La femme qui bat son mari. Une femme encapuchonnée dans une coiffe formant la guimpe par en bas et munie par derrière d'un long appendice replié sur le haut de la tête, piétine d'un air comiquement vainqueur un fort petit homme à plat ventre, horriblement laid : grande bouche, nez en trompette, cheveux crépus. Il la regarde d'un air niais, tandis qu'elle cherche à l'atteindre au visage avec le manche de sa quenouille qu'elle tient à deux mains (4).

(1) Le visage est fruste.

(2) Les deux mains sont brisées.

(3) Le visage est fruste.

(4) Un sujet analogue est sculpté à un des piliers de l'église de Saint-Riquier. — De tout temps, et surtout au moyen-âge, les hommes qui se laissaient battre par les femmes, et surtout par leurs femmes, ont été ridicules.

Dans certains pays on leur donnait le charivari. On peut aussi rapprocher la coutume rapportée dans le Rational de Jean Beleth, docteur en théol. chan.

d'Amiens, d'après laquelle, dans certaines contrées, les

femmes auraient eu le droit de fouetter leurs maris une fois par an, le mardi de Pâques. (Rationale divinor.

officior., dans Pair, lat., t. CCII, col. 123. Voy. DARSY,.

94-95. MM. Jourdain et Duval l'ont ainsi qualifié : « Le vieux moine. Un peu de recherche dans son costume, qui admet la fourrure aux parements de la robe et aux bouffettes du chapeau ». Pour sûr, ce n'est pas un moine, précisément à cause de la recherche de son habillement. Ce doit être un vieux bourgeois riche. Visage rasé, fort maigre (1), il est agenouillé et porte une houppelande à large col rabattu, attaché sous le cou par un bouton, avec capuchon pointu que termine un gros gland. Sa tête est couverte d'un bonnet formant pointes sur les oreilles avec glands aux extrémités, tel que nous en avons déjà vu à plusieurs personnages d'âge et d'importance (2). Par-dessus ce bonnet est un chapeau qui ressemble assez à un bonnet phrygien et qu'il prend de la main droite comme pour saluer, d'un air affable.

Y- 95-J.

Z-J.96.

Fig, 210.— faux- appuie-mains

IIeliog,Du]ai>àm,

95-J (3). Un homme imberbe, à figure énergique, coiffé d'un chapeau crénelé orné d'une enseigne, arrache la langue à un monstre à deux pattes, longue queue et ailes de chauve-souris. Joli petit groupe, fort bien conservé (fig. 210, en Y) (4).

J-96 (5). Quelle onction et quelle dévotion dans la figure de ce charmant enfant à la chevelure bouclée, pieusement agenouillé et joignant les mains! Comme il est gracieusement drapé dans les plis de sa longue robe (fig. 210, en Z)!

Pl. LXXV. — 96-97. Nous voici revenus aux places des chantres et nous retrouvons les sculptures plus défigurées que jamais. Quoi qu'il en soit nous ne

De quelques usages et traits de mœurs en Picardie, dans Mèm. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. XXVIII, p. 576. — Les hommes battus par leurs femmes ont souvent défrayé la verve des poëtes satiriques du moyen âge.

(1) Ce que MM. Jourdain et Duval ont pris pour des

moustaches à la chinoise ne sont que des rides dénaturées par le frottement.

(2) Notamment à certains patriarches.

(3) Faux appuie-mains.

(4) Cf. la misér. 43 des stalles de la cath. de Rouen.

(5) Faux appuie-mains.

saurions méconnaître la « méraleresse » ou sage-femme, dans cette femme accroupie, les manches de sa robe retroussées, pour être moins gênée dans l'accomplissement de son office, coiffée d'une espèce de bandeau, et tenant dans ses bras un nouveau-né, soigneusement emmaillotté de langes et de bandelettes (i).

97-98. Un enfant presque nu (2), drapé seulement dans un manteau, agenouillé et s'appuyant à un écu chargé de trois écus 2 et 1 (3).

98-99. Le « monnoyer » ou monnayeur. Garanti par un tablier de peau, chapeau sur la tête, il frappe d'un maillet et d'un coin une pièce de monnaie sur une base de pilier carré. Quelques monnaies marquées d'une croix sont déjà frappées à côté de lui. Son bras droit, de Faisselle au poignet, a été brisé; mais la main qui tient le maillet est restée attachée au pan de son habit (4).

99-100. Est-ce une dame faisant des préparatifs de voyage ou occupée à sa toilette, comme l'ont pensé MM. Jourdain et Duval? J'y verrais plutôt une mesquine ou chambrière (5). Fort simplement vêtue, elle s'apprête à ouvrir une curieuse malle pour y serrer une robe doublée de fourrures qu'elle tient sur son bras droit, ou bien elle vient de l'en retirer pour en revêtir sa maîtresse (6).

100-101. Le couturier, parmentier, chaussetier (cauchetier), pourpointier, tout ce que l'on voudra, car toutes ces professions faisaient, à Amiens du moins, autant de corps d'états distincts, entre lesquels les limites étaient assez mal définies, et qui étaient, de ce chef, en perpétuelles contestations. Il est imberbe, à longs cheveux frisés en tire-bouchons, et vêtu d'une espèce de houppelande à col rabattu ; la gourmette de son chapeau est ramenée par-dessus celui-ci, et deux rubans arrondis par le bas lui flottent sur le dos. Il est agenouillé devant une table sur laquelle est étendue une pièce d'étoffe qu'il coupe avec un instrument qui est brisé 101-102. Un personnage à demi agenouillé et à double visage imberbe, une espèce de court voile sur la tête (7) Il tient d'une main l'anse d'une seille pleine de liquide; l'autre main, qui devait aussi tenir quelque chose, est brisée.

102-103. Un sot ou un fou. Chaussé de poulaines, vêtu d'une longue robe, la tête enveloppée dans un capuchon à oreilles d'âne, un grelot au coude droit, assis les jambes croisées, tenant sa jambe droite dans sa main gauche, et portant sa main droite à son oreille gauche. L'usure a défiguré ses traits, mais la ligne de sa bouche dessine encore un sourire grotesque et railleur.

103-104. A demi agenouillé, ce personnage est vêtu d'une saie festonnée par le bas, à manches bouillonnées et tailladées aux poignets; de dessous cette saie s'échappe une jupe flottant par derrière, et laissant les jambes complètement dégagées. Il a la tête enveloppée d'une espèce de béguin à peu près semblable à la petite coiffe que les hommes portaient au XIIIe siècle, par-dessus lequel est posé un haut chapeau à côtes de melon, et à bords retroussés. D'une main, il brandit

(1) Il ne reste plus rien du visage de la femme.

(2) Le visage entièrement défiguré par l'usure.

V3) Dans la 44e miniature de l'album des tableaux du Puy offert en 1518 à Louise de Savoie par la ville d'Amiens (Bibl. Nat., ms. fr. 145) on voit également un écu à trois écus; de même dans une curieuse peinture sur verre de 1525 à Saint-Vulfran d'Abbeville. La communauté des imagiers, peintres et sculpteurs de Paris avait pour armoiries d'azur à trois ècussons d'argent 2 et 1 et une fleur de lys d'or en abîme. Celle des peintres,

entailleurs, brodeurs, verriers et enlumineurs d'Amiens, qui eut ses statuts en 1491, eut-elle des armes analogues?

Voy. ci-dessus, t. II, p. 25g.

(4) La tête a été très abîmée par le frottement.

(5) Dans les vignettes des heures de Simon Vostre, suite de l'histoire de Suzanne, lorsque celle-ci se déshabille pour se mettre au bain, une de ses servantes tient un coffre semblable à celui que nous Voyons ici.

(6) La tête entièrement usée.

(7) Défiguré par l'usure.

une longue épée, et de l'autre, il s'appuie sur un écu chargé d'une tête de lion et bordé de têtes de clous. Il est fâcheux que l'usure ait défiguré son visage, qui devait être d'une singulière énergie.

Pl. LXXV et LXXVI. — 104-105. Malgré quelques détails de son costume et ses formes un peu accentuées, ce n'est pas plus une femme que le personnage que nous avons vu à l'appuie-mains 8g-go, et avec lequel il présente plus d'une ressemblance: c'est parfaitement un homme. Sa robe est fourrée; un manteau à col rabattu est jeté sur ses épaules, et sur sa tête est une sorte de voile sur lequel est posé un bonnet carré. Il tient par une courroie un animal à tête de bouc, à qui il coupe une cuisse au moyen d'une scie à main.

Pl. LXXVI. — IO5-IO6. Un personnage qui semble un enfant, enveloppé dans un long manteau à collet, à demi agenouillé et levant la main droite (1).

106-I (2). Un homme imberbe, dont la coiffure, assez difficile à distinguer, paraît nouée avec une espèce de ruban. Il tire avec effort un grand sabre de sa gaîne damasquinée ou brodée. Nous ne lui trouvons pas l'air si pacifique que MM. Jourdain et Duval ont bien voulu le dire.

1-107 (3). Un centaure, ou monstre à mi-corps humain, au visage imberbe et fort laid. Il est couronné de feuillage et vêtu d'une espèce de justaucorps attaché par un seul bouton; les manches retroussées, il tient un sarment. Le reste du corps est d'un quadrupède aux pieds fourchus et à longue queue de vache (4).

107-108. Est-ce une chienne, une louve ou une femelle de renard? Sa tête est trop usée pour qu'on puisse le dire exactement. Elle est assise, le museau en l'air, montrant à la fois une rangée de dents aiguës et menaçantes et son ventre garni d'un étagement de quatre mamelles bien remplies; elle porte sur son dos un manteau à collet rabattu attaché sur le devant par une cordelière, une courroie au milieu du ventre, et, sur la tête, un petit chapeau aux bords rabattus.

108-109. Sujet d'angle à deux personnages. Une nonne à confesse. Dans le confesseur on ne peut méconnaître un Cordelier, dont le costume est reproduit avec une fidélité scrupuleuse : large tonsure dont on voit une partie sous son capuce; robe fort ample et serrée par une corde à nœuds (5). Il est à genoux, incliné, les mains croisées sur la poitrine (6). A côté de lui est aussi agenouillée, les mains jointes (7), une humble nonnain qui lui dévoile quelque gros péché, car elle a l'air bien contrit et lui bien scandalisé. Les manches de la religieuse sont relevées à parements; un long voile lui couvre la tête et tombe jusqu'à terre. Son nez est cassé; c'est dommage, car elle devait être fort jolie.

109-110. Le fabricant de galoches. Tout le haut du corps est brisé, et il ne reste plus que les jambes et la main gauche, qui tient sur un bloc une ébauche de semelle de galoche en bois. Sous ce bloc, qui lui sert d'établi, sont encore deux semelles de galoches déjà fabriquées (8).

(1) Extrêmement fruste.

(2) Faux appuie-mains.

(3) Faux appuie-mains.

(4) Voy. ci-dessus, appuie-mains 41-42.

(5) Ses pieds sont cachés; on ne peut voir s'ils sont nus ou chaussés.

(6) Le visage est fruste.

(7) Toutes deux sont brisées.

(8) Dans les villes boueuses du moyen âge ce genre de chaussures devait être indispensable à tout le monde.

Plusieurs miséricordes des stalles de la cathédrale de Rouen sont consacrées à cette industrie (12, 13, 33).

Dans une d'elles, un monsieur très bien mis s'en achète une paire. Nous en avons vu plusieurs exemples dans la clôture du chœur, notamment aux pieds d'Adrien de Hénencourt. (Voy. ci-dessus, t. II, p. 99).

Ilo-H (i). Un homme imberbe, très simplement vêtu, coiffé d'un chapeau à larges bords retroussés, assis les mains sur ses genoux et paraissant se reposer.

Pendentifs et culs-de-lalnpe.

Rappelons que la magnifique dentelle de bois qui couronne les dais des stalles retombe vis-à-vis de chaque parclose sur un pendentif alternativement formé d'un bouquet de feuillage et d'un groupe de personnages. Derrière ces pendentifs, les petites voûtes, qui forment le dais de chaque stalle, retombent aussi sur de jolis culs-de-lampe qui, alternativement aussi, sont formés de feuillages lorsque le pendentif correspondant est à personnages, et, dans les autres, d'un petit personnage accroupi : travail et talent dépensés en pure perte, puisqu'on ne peut voir ces derniers qu'en montant sur une échelle, en se renversant péniblement et en s'éclairant d'une bougie, mais nos artistes n'étaient pas avares de leurs peines.

C'est à notre avis la partie la plus intéressante de nos stalles. Ici les entailleurs se sont donnés libre carrière dans des scènes d'un entrain et d'un naturel achevés.

Les pendentifs et les culs-de-lampe ont sur les appuie-mains, l'avantage d'avoir été préservés de tout contact et de nous être parvenus à peu près tous dans leur première fraîcheur, sans avoir perdu un coup de gouge ni un coup de ciseau.

MM. Jourdain et Du val ont jugé à propos de faire des pendentifs et des culs-de-lampe deux séries, mais nous croyons qu'il sera plus commode pour suivre notre description sur le monument, de n'en faire qu'une seule; nous distinguerons seulement les culs-de-lampe par un astérisque. Nous ne décrirons, bien entendu, que les culs-de-lampe et pendentifs à personnages.

Pl. LXXXVI. — i. Concert d'anges. Trois anges ou génies : le premier, vêtu d'une longue robe ouverte à revers sur la poitrine qu'elle laisse à nu, tête d'enfant joufflue et souriante, aux cheveux bouclés, joue de la harpe; le second, l'air vieillot et laid, entièrement nu, et n'ayant pour tout vêtement, si on peut appeler cela un vêtement, qu'une garniture de grelots aux jarrets, pince du luth; le dernier, également vieux et laid, porte une longue robe à col droit et joue de la vielle à manivelle, appelée jadis chifonie.

1-2*. Un homme à barbe pointue, encapuchonné, accroupi, et soutenant la retombée avec effort.

1-2* bis. Au bas du grand pendentif de la maîtresse stalle, deux hommes imberbes, l'un, vêtu de chausses dont la ceinture retombe à droite et à gauche, et d'un pourpoint au bas duquel on aperçoit les œillets destinés à faire passer les aiguillettes qui doivent le rattacher aux chausses; sur sa tête est une écharpe roulée en turban avec l'extrémité retombant sur le côté. Le second est tête nue et porte une longue saie. Tous deux paraissent soutenir le pendentif à grands efforts.

2-3*. Un homme imberbe, à longue chevelure bouclée, vêtu d'une robe traînante, paraissant soutenir péniblement le pendentif.

3-4. C'est un des plus curieux et un des plus vivants de tous les pendentifs.

On pourrait l'intituler : Une bataille, ou plutôt : Le guet-apens. Un individu

(1) Faux appuie-mains.

imberbe, aux vêtements tailladés, coiffé d'un bonnet, et, par-dessus, d'un chapeau à plumes aux bords retroussés. D'une main, il tient un poignard qu'il retire vivement en arrière pour en frapper son ad versaire qu'il saisit de l'autre par le collet. Celui-ci porte des chausses rattachées à son pourpoint par des aiguillettes, dont le mouvement qu'il fait en arrière pour échapper à l'étreinte de son agresseur a fait rompre une partie, de sorte que la chemise flotte entre le pourpoint et les chausses; par-dessus ce pourpoint est une cuirasse avec brassières articulées aux coudes; il a sur la tête un bonnet ou coiffe, et, par-dessus, un casque à visière, dont on ne saisit pas bien exactement la forme. Une main à la garde de son épée (i), il saisit de l'autre la ceinture de son adversaire pour tâcher de le repousser. Par derrière, un troisième personnage à longues moustaches, le reste de la figure rasé, est caché et en train de dégainer, comme s'il avait l'intention d'aller à la rescousse de l'un ou de l'autre des combattants. Bas et haut de chausses, jarretières sous les genoux, pourpoint à col droit tailladé, avec manches dont les trois rangs de crevés vont en s'élargissant du poignet à l'épaule, comme trois melons de tailles inégales superposés, chapeau à larges bords retroussés, tel est son costume qui rappelle celui des lansquenets.

Suivant MM. Jourdain et Duval (2), ce sujet serait, ainsi que plusieurs autres analogues, une représentation de la colère ou de l'envie. Nous ne pensons pas qu'il y ait rien de symbolique dans ces pendentifs, pas plus que dans les appuie-mains, et nous croyons que nos artistes ont simplement voulu reproduire ici une de ces scènes qu'on voyait fréquemment dans les villes au moyen âge, et telles qu'à Amiens même ils en avaient constamment sous les yeux : « Envayes, excez et oultraiges fais par aucuns seigneurs qui voloient batre et injurier les habitans de ladite ville, et de fait en avoient bat 11 aucuns (3) batures et navrures, noises, débatz et homicides (4), destroussemens, volleries, homicides, invasions, pilleries et maléfices » (5), guet-apens, agressions nocturnes, rixes sanglantes dans les cabarets, à la suite de jeux ou de fêtes, ou à propos de fillettes, querelles contre les sergents, querelles contre les gens de guerre, querelles de femmes, etc., sur lesquels les registres de la ville d'Amiens fourmillent de détails, dont nous ne retiendrons que celui-ci qui semble le commentaire de ce curieux groupe : « De jour en jour et aussi de nuit, y a plusieurs malfaiteurs de dehors -en icelle ville, qui bâtent, navrent et injurient les habitans et povres gens d'icelle ville, et se viennent couvertement embusquier et muchier ès maisons et hostels où ils sont logiez, et, quant ilz voient leur coup, saillent enmy la rue et batent et navrent ceus qu'ils héent ou ceuls qui veulent dire qui leur ont fait desplaisir » (6).

4-5* (7). Un ange, à belle figure, aux cheveux bouclés, vêtu d'une longue robe

(1) La garde de cette épée est extrêmement curieuse, un vrai chef-d'œuvre de délicatesse.

(2) (Jp. cit., p. 411.

(3) Échevin. du 6 mars 1457 v. s., Arch. de la ville d'Ara., BB 8, fol. 104 v°.

(4) 1535. Arch. de la ville d'Am., AA 12 (reg. M), fol. 179 vO,

(5) 1544. Ibid., fol. 216.

(6) Échevin. du 29 mars 1462. Arch. de la ville d'Am.,

BB 9, fol. 62. — Les artistes n'étaient pas parmi les moins batailleurs. Nous avons rappelé un fait de ce genre à propos d'Alexandre Huet, un des auteurs de nos stalles. (Voy. ci-dessus, t. II, p. 149, note 3). — Rasset Samin, entailleur d'images à Amiens, fut aussi condamné à une amende «pour batures et navrures par luy faictes à l'encontre de Michaut le Normant ». Échevin.

du 12 mai 1497. Arch. de la ville d'Am., BB 17, fol. 164 V0.

(7) Correspondant au pendentif placé dans l'angle.

à capuchon relevé, la tête découverte, les ailes éployées et accroupi. Il semble lire ou chanter dans un grand livre qu'il tient ouvert devant lui.

Pl. LXXXVI et LXXXVII. - 5-6. Trois hommes imberbes. Celui du milieu, entièrement nu, se tire violemment avec les deux index les deux coins de la bouche, déjà démesurément grande, en faisant une horrible grimace (1); il est accroupi, les jambes croisées. Les deux autres, qui paraissent plus jeunes et qui n'ont pour tout vêtement qu'un linge à la ceinture, sont à genoux à ses côtes, lui pressant le dos d'une main et, de l'autre, son ventre rebondi, le tout arrangé d'une façon comiquement symétrique. Par derrière, est une femme ailée, aussi entièrement nue, tenant dans une main une mèche de ses cheveux qui tombent sur ses épaules.

- On ne saurait expliquer ce sujet plus grotesque pourtant que réellement inconvenant, du moins en comparaison de certains autres.

6-7* Un bon gros réjoui à large figure bouffie, camarde et imberbe, vêtu d'une robe dont le capuchon lui enveloppe toute la tête. Il est accroupi et paraît soutenir avec effort la retombée de la voûte.

Pl. LXXXVII. - 7-8. Nous ne croyons pas que les deux hommes qui composent ce pendentif soient des moines, ainsi que l'ont pensé MM, Jourdain et Duval : ils sont barbus, et leur longue chevelure ne porte pas trace de tonsure.

Leurs robes serrées à la taille et retombant sur la ceinture, sont munies de manches évasées; une bourse leur pend au côté. Un chaperon relevé complète leur accoutrement qui, on le voit, est assez simple. Tous deux sont agenouillés et tiennent symétriquement un grand livre ouvert qu'ils présentent au public (2).

8-9*. MM. Jourdain et Duval l'ont calomnié en le traitant de manant, ce gentil petit vieux assis sur ses jambes croisées et qui semble soutenir sur son dos avec tant d'efforts le poids de la retombée. Sa mise est, au contraire, des plus soignées : il porte les souliers à la poulaine, souvenir de son jeune temps, et une saie boutonnée par devant, dont les manches fort compliquées sont d'abord bouillonnées à l'épaule, puis serrées sous l'aisselle, après quoi elles deviennent très amples et tailladées aux coudes, serrées puis enfin évasées aux poignets. Un bonnet lui enveloppe complètement la tête. En un mot, charmante petite figure, d'une grâce et d'un naturel exquis.

9-10. Le chef de saint Jean. Deux angelots aux figures suaves, aux longues tuniques flottantes, l'amict au col, les ailes éployées, sont à demi agenouillés et présentent au public la tête tranchée de saint Jean-Baptiste posée sur un plat orné de pierres précieuses. Cette tête morte, les yeux éteints, les traits contractés et pourtant encore beaux après la mort, est une véritable merveille (3).

10-11*. Un homme fort laid, affaissé sur lui-même et endormi. Deux pointes de barbe lui pendent au menton, le reste de son visage est rasé. Il est vêtu d'une longue et ample robe et encapuchonné dans un chaperon dont le camail, qui tombe très bas, est échancré sur les côtés et arrondi devant et derrière.

(1) Cf. une miséricorde des stalles de Mortain. DE LA SICOTIÈRE, dans Bull. monum., t. V, p. 376.

(2) Il y a un sujet analogue à un des appuie-mains des stalles d'Auch.

(3) Il est à supposer, comme l'ont pensé MM. Jourdain et Duval, qu'il y a ici une allusion à la relique du Pré-

curseur que possède la cathédrale. Une maison pour le moins de cette ville avait le Chef saint Jean pour enseigne. Ce n'est pourtant pas absolument une raison.

On retrouve le même sujet à d'autres endroits, notamment sur une miséricorde des stalles de la cathédrale d'Auch.

11-12. Deux anges ou plutôt deux génies presque entièrement nus, serrés seulement à la taille par une écharpe qui ne les couvre que très imparfaitement, ailes éployées et visages souriants. Ils tiennent un écu en forme de cartouche sur lequel est sculptée une énorme tête grimaçante, aux cheveux hérissés, aux oreilles pointues, avec un anneau passé 'dans la bouche en manière de heurtoir de porte (i). Par derrière, un troisième génie, entièrement nu, tient d'une main le pied d'un de ses camarades et pose l'autre sur l'épaule du second.

"Y Pendentif 65-66

1—Pendentif. 13-J(t.

.Fig- 211— S ta/les. JJenderilif\r

12-13* Un homme barbu, coiffé d'une espèce de casque, vêtu d'une longue robe, accroupi, cramponnant ses mains à ses jambes, comme s'il succombait sous le faix qui l'accable.

Fig. 211, en Z. — 13-14. Un gros homme ventru, vêtu de chausses demi-collantes, attachées à un pourpoint muni d'un chaperon relevé, est assis les jambes croisées buvant avidement à même d'un pot. Ses yeux largement ouverts, de profondes fossettes creusées dans ses joues, expriment merveilleusement l'effort voluptueux